COMPOSITEUR | Georg Friedrich HAENDEL |
LIBRETTISTE | Nicola Giuvo |
DVD
ENREGISTREMENT | ÉDITION | DIRECTION | ÉDITEUR | FICHE DÉTAILLÉE |
2009 | 2010 | Antonio Florio | Dynamic |
Serenata a tre, composée pour le mariage du duc d’Alvito, prince de Colubrano, et de Beatrice Sanseverino, fille du prince de Monte Miletto, ainsi que pour l’accession du cardinal vénitien Vincenzo Grimani au trône de Vice-roi de Naples.
Terminée le 16 juin 1708, elle fut exécutée à Naples en juillet 1708, au palais du duc d’Alvito, à Chiaja.
Le rôle de Polifemo était tenu par la basse Giuseppe Maria Boschi.
Haendel séjourna dix semaines à Naples, de mai à juillet.
Le livret s’inspire du livre XIII des Métamorphoses d’Ovide.
Synopsis
Le jour se lève. Acis, fils de Pan, et Galatée, la nymphe des mers, fille de Neptune, sont épris l’un de l’autre. Mais Galatée verse des larmes. Interrogée par Acis, elle lui révèle qu’elle est poursuivie par la jalousie du cyclope Polyphème. On entend soudain un fracas : le cyclope a ouvert son antre et approche. Galatée demande à Acis de la laisser seule avec lui. Polyphème renouvelle ses reproches et menace de s’en prendre à son rival. Galatée fait front avec courage. Polyphème s’en irrite. Acis survient pour défendre Galatée. Celle-ci dit préférer la mort plutôt que de céder au cyclope. Polyphème renouvelle ses menaces. Galatée, pressée par Polyphème, appelle son père au secours, et court se jeter dans la mer. Polyphème finit par s’en aller. Acis reste seul, puis est rejoint par Galatée. De son côté, Polyphème attend le passage d’Acis. Pendant qu’Acis et Galatée échangent des paroles d’amour, il fait rouler un énorme rocher qui va écraser Acis. Galatée est désespérée. Elle en appelle à son père pour qu’il transforme son amant en fleuve. Polyphème essaye de la retenir, mais elle a déjà rejoint Neptune. Il ne peut que contempler Acis, transformé en fleuve, qui embrasse Galatée dans le flots.
Représentations :
Opéra de Lille – 14 octobre 2013 – Paris – Théâtre des Champs-Elysées – 19 octobre 2013 – Concert d’Astrée – dir. Emmanuelle Haïm – avec Lydia Teuscher (Aci), Delphine Galou (Galatea), Laurent Naouri (Polifemo)
Forum Opera
« … En smoking bleu-nuit, jabot blanc, bottines rouges à hauts talons, la soprano allemande Lydia Teuscher possède la science des vocalises d’une mozartienne accomplie. Incarnation d’un torrent de montagne, son Aci possède la finesse, la fraîcheur de timbre et l’agilité voulues. Son premier air « Che non può la gelosia » permet d’apprécier ses aigus faciles tandis que le troisième « Verso già l’alma col sangue » révèle pleinement la pureté sonore de son chant délicat et sensible.
Le personnage de Galatea, sorte de passionaria acharnée, convient au tempérament dramatique et à la voix émouvante de Delphine Galou dont l’élégante silhouette est mise en valeur par une robe en taffetas marron, fort seyante. On retient la beauté des variations de « Benché tuoni e l’etra avvampi » ainsi que le vibrant « Se m’ami o caro », magnifiquement soutenu par le violoncelle et le violon.
Contrastant avec ces deux voix féminines, le baryton-basse Laurent Naouri interprète un Polifemo volcanique comme il se doit — le personnage étant une personnification de l’Etna. Constamment présent au drame, Naouri lui confère beaucoup d’humanité en sachant se montrer tour à tour, furieusement jaloux, vengeur, voire pathétique. Si le chanteur peine un peu à assurer pleinement cette partie vocale oscillant entre le caverneux de la basse profonde et des aigus montant jusqu’au La, il s’en tire néanmoins très honorablement.
L’œuvre se terminant dans la joie sur un hymne à la fidélité, Emmanuelle Haïm offre un bis repetita de « Chi ben ama ha per oggetti fido amor, pura costanza » à un public apparemment comblé. »
Il tenero momento
« Aci, Galatea e Polifemo est une serenata composée par Haendel, alors âgé de tout juste vingt ans, au cours de son séjour en Italie. La première représentation eu lieu à Naples le 19 juillet 1708, probablement à l’occasion des festivités d’un mariage. La partition, comme toutes celles écrites par Haendel à cette époque (La Resurrezione, Agrippina, Il Trionfo …), se caractérise par une extrême richesse dans l’orchestration et une immense variété dans l’écriture vocale. Il est vrai qu’Haendel, à l’aube de sa carrière, avait encore tout à prouver. Les trois personnages furent probablement créés par trois hommes : deux castrats dans le rôle des deux amoureux et Antonia Manna (un prêtre napolitain!) dans celui du cyclope Polifemo. Emmanuelle Haïm avait déjà donné cet Aci en 2002 au TCE puis l’avait enregistré dans la foulée chez Virgin Classics (avec Piau, Mingaro et déjà Naouri). Cette nouvelle production, bien supérieure aux premiers essais d’Haïm, est mémorable en tout point.
En Galatea, Delphine Galou, que l’on découvrait ce soir, est renversante. Avec une voix de contralto homogène sur toute la tessiture, sans aucune vulgarité dans le grave, elle présente un portrait du personnage absolument parfait, tour à tour virtuose et bouleversante. La soprano allemande Lydia Teuscher n’est pas en reste dans le rôle d’Aci. La voix est plus ronde et plus pulpeuse que celle de Piau, capable de magnifiques pianissimo dans l’aigu. Les voix des deux jeunes femmes se marient en outre parfaitement, donnant lieu par exemple à un ensorcelant duo d’ouverture. Le rôle du méchant cyclope Polifemo est l’un des plus terrifiants jamais écrits pour une voix de basse : tessiture meurtrière (du ré-1 au la-3), virtuosité inhabituelle pour ce type de voix. Laurent Naouri y est époustouflant : la performance vocale est déjà impressionnante, mais Naouri réussit en outre à parfaitement incarner le personnage. Il faut admirer l’artiste qui se lance dans un tel défi après plusieurs années de carrière.
En très grande forme ce soir, le Concert d’Astrée répond pleinement à l’exigeante écriture instrumentale de Haendel : son brillant, pâte sonore superbe et prestations éblouissantes des instrumentistes, sollicités dans de nombreux soli (en particulier Matthews Truscott au violon, Jean-Marc Philippe au hautbois, Héloïse Gaillard à la flûte à bec). Il faut dire qu’Emmanuelle Haïm, est dans cet Aci comme un poisson dans l’eau, imaginative et alerte.
Au final, un triomphe du public qui rappelle plusieurs fois les artistes (et donne lieu à un bis du trio final). Triomphe réjouissant et étonnant pour une partition somme toute peu connue. Natalie Dessay, présente dans la salle et maintenant simple spectatrice depuis son retrait la semaine dernière des scènes lyriques, a certainement du apprécier cette mémorable soirée, toute à la gloire de Haendel. »
La Voix du Nord
« À main gauche, Lydia Teuscher (soprano), Delphine Galou (mezzo), belles comme le jour, solistes impeccables à faire se damner un escadron de baptistes presbytériens. À main droite, Laurent Naouri (baryton), solide comme roc, plus impressionnant et tempétueux encore que le cyclope Polifemo qu’il incarne dans cette cantate de Haendel, Aci, Galatea e Polifemo, donnée ce lundi soir à l’opéra de Lille par Emmanuelle Haïm et le Concert d’Astrée. Une de ces partitions toute en virtuosités extrêmes que « l’Italien » Haendel compose lors son séjour à Rome au tout début du XVIIIe siècle avant de la reprendre à Londres quelques années plus tard. Un conte tiré de l’incontournable Ovide (les Métamorphoses) qui est, en vérité, un opéra miniature : ouverture à la française (deux mouvements lents encadrant un mouvement rapide), récitatifs, airs, duos, trios, il en faut pour les amours contrariées, les jalousies, les roucoulades et les cris de désespoir qui jalonnent cette intrigue tempétueuse entre une nymphe et un berger sous l’œil courroucé (le seul, évidemment) du cyclope.
Le compositeur a mis dans cette courte mais redoutable partition une bonne partie des ingrédients dont il truffera ses grandes œuvres ultérieures. Emmanuelle Haïm mène l’ensemble du clavecin, sans perdre une seconde : tempi engagés, couleurs instrumentales éclatantes, voix somptueuses. Magnétisme d’un plateau musical parfaitement équilibré. Ovation. »
Salzbourg – Haus für Mozart – 11 juin 2011 – version de concert – Akademie für Alte Musik Berlin – dir. René Jacobs – avec Sunhae Im (Aci), Vivica Genaux (Galatea), Marcos Fink (Polifemo)
Halle – Dom – 8 juin 2011 – Festival Haendel de Halle – The English Concert – dir. Harry Bicket – avec Sophie Bevan (soprano), Marina de Liso (mezzo), João Fernandes (basse)
Cité de la Musique – 19 novembre 2010 – Théâtre de Caen – 21 novembre 2010 – version de concert – Les Arts Florissants – dir. Jonathan Cohen – avec Christiane Karg (Aci), Delphine Galou (Galatea), Christopher Purves (Polifemo)
ResMusica
« Délicieuse Galatea de Delphine Galou (entendue à Beaune cet été dans Alessandro) ; délicat et empreint de douleur son personnage s’insurge avec véhémence face aux assauts du cyclope. Il aura pourtant fallut que le la voix se chauffe avant que l’on puisse pleinement jouir de son timbre de velours et il est vrai que face à ses 2 collègues la projection de sa voix lui a fait défaut (à sa décharge, il faut dire que ses airs sont dans l’ensemble moins brillants que ceux des deux autres solistes et qu’elle joue principalement le rôle d’une jeune fille fragile). Heureusement la chanteuse a su compenser en réalisant des da capo inventifs et des cadences audacieuses. Son dialogue avec les flûtes dans l’air « S’agita in mezzo all’onde » est remarquable. Virtuose, elle a pourtant éprouvé quelque peine à terminer l’air « Benché tuoni » pris, il est vrai, à une vitesse vertigineuse.
Celui qui est à l’origine de tous ses tourments, c’est le redoutable cyclope Polifemo, rendu monstrueux par une écriture impossible : le rôle requiert au moins 3 octaves et de périlleux sauts de notes extrêmes ! C’est avec maestria que le baryton basse Christopher Purves, habitué du rôle, s’est joué de tous les pièges de la partition, se permettant même un jeu de scène impayable (déclamant le texte, riant à tout rompre, frappant du pied… sans parler de ses irrésistibles mimiques). Son air du papillon, véritable tour de force technique, procure paradoxalement une ineffable poésie, ce qui a suscité de longs applaudissements mérités.
Mais la grande surprise est venue de la soprano allemande Christiane Karg qui a conquis le public parisien de sa voix ronde, claire et sonore couplée à une technique sans faille au service de l’émotion. Elle a immédiatement éclipsé la très regrettée Rosemary Joshua puis Jaël Azzaretti initialement annoncées dans le rôle. Subtile interprétation aigre douce de l’air avec hautbois obligé « Qui l’augel » où la voix imite le vol et le chant de l’oiseau et dans lequel la chanteuse n’a pas hésité à accroître considérablement les difficultés techniques jusqu’à une étourdissante virtuosité maîtrisée avec aplomb ! Chacune de ses interventions n’a été que pur ravissement donnant une sacrée allure à son Aci ! Talent à suivre !
Alors à partir de cette distribution quasi parfaite couplée à un chef inspiré, à des interventions d’instruments solistes de qualité, et à des airs et des récitatifs vivants et expressifs, une rare alchimie a pu se créer, élevant cette naïve « serenata » au rang de tragi-comédie, sans céder pour autant cette fraîcheur toute juvénile qu’avait certainement souhaitée le fougueux Haendel lors de son séjour italien. «
Italians do it better
« Le drame, dont la durée a la longueur d’un opéra, est resserré autour de trois personnages qui s’affrontent en permanence : le berger Aci, la nymphe Galatea et le cyclope Polifemo, interprétés respectivement par une soprano, une contralto et une basse. Normalement, c’est Rosemary Joshua qui aurait dû interpréter le rôle d’Aci, mais souffrante, elle a été remplacée au dernier moment par la toute jeune soprano Christiane Karg qui nous aura réservé la plus heureuse surprise de toute la soirée. La voix est magnifique et le timbre solaire. Comme une clématite qui peut s’entortiller à n’importe quoi, cette chanteuse, avec sa grande souplesse vocale, est capable de faire fi des plus redoutables vocalises que Haendel a écrites dans de nombreuses pages. Moment de grâce avec l’air Qui l’augel da pianta in pianta, lorsque la voix dialoguait pendant près de dix minutes avec le violon de Florence Malgoire et le hautbois de Hans-Peter Westermann (ou son sosie car son nom ne figurait pas dans le programme).
C’est ensuite Delphine Galou qui interprétait le rôle de Galatea. J’attendais énormément de cette chanteuse parce qu’un ami m’en avait fait l’article. Il est en effet assez rare de trouver de vrais contralto pour les opéras de Handel, et en dehors de Sara Mingardo, il n’y a pas grand monde qui soit capable de tenir la route : je n’ai jamais été très fan Marijana Mijanovic, je trouve Marie-Nicole Lemieux assez inégale, quant à Sonia Prina… j’en ai déjà dit assez de mal qu’il n’est pas nécessaire de charger la barque ! Il est vrai que la voix de Delphine Galou est extrêmement séduisante et prometteuse (elle a déjà chanté le rôle-titre de Giulio Cesare à Caen où elle a fait sensation). Et quand sa voix concerte avec la flûte de Sébastien Marcq et de Michelle Tellier, on est transporté, mais quand l’orchestre joue au complet, on découvre que la voix est encore trop petite. Le principal défaut de Delphine Galou est de manquer de projection, mais heureusement c’est un défaut qui disparaît à l’enregistrement, voilà pourquoi on recommandera aux spectateurs mal placés ou absents d’écouter la retransmission du concert qui aura lieu le 4 décembre sur France-Musique.
Dernier personnage à entrer en scène, le géant Polifemo, interprété ce soir par Christopher Purves, un chanteur qui combine les qualités d’un grand acteur et qui a provoqué l’hilarité de Florence Malgoire quand, enragé contre cette pauvre Galatea qui lui résistait, il s’est mis à chanter en plantant son talon dans le sol. Des trois, c’est d’ailleurs le premier qui a recueilli les applaudissements du public, dans son grand air, Fra l’ombre e gl’orrori, qui est probablement le plus beau de tout l’opéra : un air très lent, très poignant aussi, qui prend à la gorge, exactement comme Ombra mai fù. Mais c’est un chanteur très à l’aise dans tous les registres, mélancolique ou guerrier, comme dans Sibilar l’angui d’Aletto où, accompagné par deux cors qui n’ont pas canardé, il a vraiment donné le meilleur de lui-même ce soir. »
Turin – Teatro Carignano – 12, 14, 16, 18, 19 juin 2009 – dir. Antonio Florio – mise en scène Davide Livermore – avec Ruth Rosique (Aci), Sara Mingardo (Galatea), Antonio Abete (Polifemo) – coproduction Teatro Regio Torino; Teatro di San Carlo di Napoli
Hanovre – Ballhof – 23, 28, 31 janvier, 2, 4 février 2009 – dir. Andreas Wolf – mise en scène Christian Carsten – décors et costumes Alexandre Corazzola – dramaturgie Dorothea Hartmann – avec Carmen Fuggiss (Aci), Mareike Morr (Galatea), Tobias Schabel (Polifemo)
Milano – Teatro dell’Arte – 23, 24 septembre 2008 – Cappella della Pietà de’ Turchini – dir. Antonio Florio – avec Maria Ercolano (Aci), Romina Basso (Galatea), Raffaele Costantini (Polifemo)
Londres – St. John’s, Smith Square – 7 mai 2005 – Bristol – St George’s – 11 mai 2005 – The English Concert – dir. et violon Andrew Manze – avec Carolyn Sampson, soprano, Hilary Summers, contralto, Charbel Mattar, basse
Wigmore Hall – 4 juillet 2003 – Early Opera Company – dir. Christian Curnyn – avec Mhari Lawson (Aci), Hilary Summers (Galatea)
Théâtre de Caen – 12 juin 2003 – Festival de l’Abbaye de St-Michel-en-Thiérache – 22 juin 2003 – Le Concert d’Astrée – dir. Emmanuelle Haïm – avec Sandrine Piau (Aci), Delphine Haidan (Galatea), Laurent Naouri (Polifemo)
« Après de brillants concerts en mars 2002 et après un enregistrement en décembre dernier, le Concert d’Astrée et Emmanuelle Haïm remontent la cantate peu connue, Aci, Galatea e Polifemo. Haendel s’est particulièrement intéressé à cet épisode de la mythologie antique non seulement dans le masque, Acis and Galatea de 1718, mais aussi dans cette cantate, démesurément longue pour ce genre musical, composée dix ans avant. Contrairement au masque qui compte plusieurs personnages, la cantate n’est chantée que par trois solistes (soprano, contralto, basse) et ramasse l’action, la rendant ainsi plus spectaculaire et plus intense. Musicalement, cette oeuvre n’a rien à envier à Acis and Galatea, et possède un certain nombre d’airs virtuoses et dramatiques de toute beauté.
A l’exception de Delphine Haidan, Emmanuelle Haïm a repris la même équipe que précédemment mais a nettement développé les idées qui étaient en germe dans les premiers concerts. Les instrumentistes sont en petit nombre et la cantate retrouve son caractère intime initial. Le disque, paru récemment, témoigne également de ce nouveau travail et il est bien supérieur à ce que l’on avait pu entendre l’année dernière.
Sandrine Piau, qui, après la défection de Natalie Dessay l’année dernière, a assuré non seulement l’enregistrement mais aussi une grande partie des concerts, est égale à elle-même. Elle se joue avec grande maîtrise de toutes les difficultés vocales mais n’apporte pas une étoffe suffisante au personnage pour marquer ce rôle. Usant et abusant des couleurs agréables de sa voix, elle chante tous les airs avec la même monotonie et ne souligne pas l’évolution du personnage. Sa voix, si agile soit-elle, laisse entrevoir des “a” graves fort laids et des notes piquées qui s’apparentent davantage à des cris, quand elles ne sont pas fausses, comme dans l’air “Che non può la gelosia”. Seule la page “Qui l’augel da pianta in pianta”, difficile par sa longueur et par sa tension vocale, donne à Sandrine Piau la possibilité de mêler un sentiment de douleur, notamment avec la retenue qu’elle marque sur “Ma si fa cagion”, à une virtuosité vocale. En revanche, pour la magie, il est préférable d’écouter l’enregistrement. Sa prestation est très bien mais loin d’être exceptionnelle.
Delphine Haidan, nouvelle venue, possède d’immenses qualités qu’elle ne met en avant que dans la seconde partie du concert. Il faut attendre l’air “Se m’ami, o caro” pour l’entendre déployer sa voix de contralto. Attentive au texte, elle souligne la douleur de Galatea en accentuant la répétition de la sifflante dans “lasciami sola a sospirar” et en découpant nettement les syllabes Enfin elle parvient à créer une véritable intensité dramatique! Delphine Haidan se montre très (trop) appliquée dans le reste du concert ce qui restreint quelque peu son jeu. Mais dans une véritable salle, elle donnerait beaucoup de consistance à cette partition car les nuances qu’elle apporte à certains moments laissent supposer une grande musicalité de sa part. Son timbre, de plus, est assez fascinant et il devient assez rare de trouver de vraies contralto. La comparaison avec Sara Mingardo ne tourne pas à son désavantage mais Delphine Haidan sera parfaite quand elle saura dominer son inquiétude.
Mais le grand triomphateur, paradoxalement, du concert est sans nul doute Laurent Naouri. Dès son entrée dans un air vif “Sibilar l’angui d’Aletto”, il crée une atmosphère et le drame commence à se mettre en place. Contrairement aux deux chanteuses qui tentent d’estomper la frontière entre la version scénique et la version concertante, Laurent Naouri la brise irrémédiablement et utilise sa voix à des fins dramatiques : le théâtre est là. Il ne joue pas Polyphème, il est Polyphème. Très attentif aux récitatifs et à leur contenu, il mène l’action et ses partenaire d’une main de maître. Haendel favorise particulièrement sa partie avec l’air “Fra l’ombre e gl’orrori”, dans lequel le chanteur trouve ses plus effrayantes expressions, ses plus menaçantes. La partition propose des tonalités différentes et un jeu d’écho se crée entre des notes basses et des notes hautes. Laurent Naouri se souvient aussi qu’il a fait ses premières armes haendeliennes avec Marc Minkowski car les reprises sont chantées à mezza voce et à un tempo plus lent. L’air “Non sempre, no, crudele” est un petit bijou de douceur et le chanteur apporte une touche de lumière dans la reprise.
Emmanuelle Haïm, qui fait figure de nouvelle spécialiste de Haendel, dirige avec beaucoup de fermeté et d’énergie un petit ensemble réunissant d’excellents solistes. Le violoncelliste Atsushi Sakaï (fidèle des Talens Lyriques et de Christophe Rousset) en est un très bon exemple notamment dans l’air “Non sempre, no, crudele” de Polyphème: il apporte une note de douceur contrastant en cela avec la voix menaçante et inquiétante de Laurent Naouri. Le chef du Concert d’Astrée affine son jeu au fur et à mesure des concerts mais n’accorde pas encore à la musique la liberté de s’épanouir totalement. Dans l’ouverture, par exemple, elle la retient trop. Espérons que cette tendance à la sécheresse s’estompera au cours des années. » (ConcertoNet)
Salzbourg – Kleines Festspielhaus – 6 juin 2003 – Il Giardino Armonico – dir. Giovanni Antonini – avec Roberta Invernizzi (Aci), Sonia Prina (Galatea)
Ludwigsburg – Alice Busch Theatre – juin 2002 – Batzdorfer Musiker – dir. Graeme Jenkins – mise en scène Ingrid Fischer – avec Ulrike Bartsch (Galatea), Christine Wolff (Aci), Gregor Finke (Polifemo)
Toulouse – Halle aux Grains – 21 mars 2002 – Théâtre des Champs Elysées – 23 mars 2002 – version de concert – Le Concert d’Astrée – dir. Emmanuelle Haïm – avec Natalie Dessay (Aci), Sara Mingardo (Galatea), Laurent Naouri (Polifemo).
« La serenata pastorale Aci, Galatea e Polifemo est tirée d’un épisode des Métamorphoses d’Ovide. Elle appartient également à la période de la jeunesse de Haendel et de ses années d’apprentissage en Italie. Composée pour le mariage du duc d’Alvito et de Béatrice Sanseverino, cette sérénade fut achevée le 16 juin 1708 et exécutée un mois plus tard. Il s’agit en réalité d’un petit opéra en un acte, un exemple presque parfait de l’art napolitain où se retrouvent toutes les marques d’un genre bien codifié: enchaînement d’arias da capo, abscence de chœur, rôle principal masculin confié à une voix plus élevée que le premier rôle féminin. Le livret est d’une bonne qualité dramatique et l’orchestration riche, faisant intervenir harpe et trompettes à côtés des instruments habituels. Dix ans plus tard, le compositeur reprendra la triste histoire d’Acis et de Galatée comme sujet d’un « masque » en anglais, sous le titre Acis and Galatea. »
Festival de Beaune – 14 juillet 2000 – version de concert – Les Folies Françoises – dir. Emmanuelle Haïm – avec Juanita Lascarro (Aci), Delphine Haidan (Galatea), Jérôme Correas (Polifemo)
« Plus grave, plus sensuelle et d’une expression plus violente que le masque anglais Acis and Galatea qu’elle précède de dix ans (et avec lequel elle n’entretient quasiment aucune parenté musicale), cette « sérénade à trois » composée pour Naples démontre à nouveau la richesse de la période italienne du jeune Haendel. Dirigeant une dizaine de musiciens depuis l’orgue et le clavecin, Emmanuelle Haïm, qui a offert à Christie et Rousset de si admirables continuos, semble encore pouvoir gagner en mordant dans les tutti et en expressivité dans les contrastes rythmiques – l’acoustique très réverbérée de la « Salle des Pôvres » où le froid et la pluie avaient contraint artistes et public à se replier, ne l’aide pas, il est vrai – mais révèle d’emblée une clarté de la facture, une sensibilité dans les nuances et le dialogue entre les instrumentistes avec lesquelles on sera ravi de compter désormais. Ayant opté pour une orchestration à un musicien par pupitre, au risque de rendre parfois grinçants les échanges entre les deux violons, elle souligne ainsi l’extrême subtilité d’écriture de chaque partie et la pertinence dramatique de leur appariement – dont l’opposition entre le second air d’Acis, accompagné du clavecin seul, et ceux à l’habillage foisonnant dévolus à Polyphème constitue l’exemple le plus frappant ; le procédé sera d’ailleurs repris dans Rinaldo. Dans ce combat de David contre Goliath, Haendel a su, comme toujours, tracer du méchant un portrait complexe. Il manque hélas à Jérôme Correas les moyens physiques du rôle (certes démesurés : pas moins de trois octaves) ; l’aigu est décoloré, le grave disparaît dans sa sublime sarabande, et la bonne volonté du musicien ne saurait suffire. Manquant de sûreté dans les vocalises, Delphine Haidan s’impose par l’opulence d’un timbre nostalgique et la sincérité de l’expression. Mais c’est Juanita Lascarro qui laisse en Acis le souvenir le plus marquant, timbre intense et corsé soutenant un phrasé aussi délié que percutant. » (ConcertoNet)
Château de Méry-sur-Oise – 13 juin 2000 – Festival d’Auvers-sur-Oise – Les Folies Françoises – dir. Emmanuelle Haïm – avec Natalie Dessay (soprano), Delphine Haidan (mezzo), Jérôme Corréas (baryton)
Potsdam – Musikfestspiele Potsdam Sanssouci – 1999 – dir. Andreas Spering – mise en scène Jakob Peters-Messer – décors et costumes Sven Bindseil – avec Joerg Waschinski (Aci)
Festival de Salzbourg – 16 août 1994 – dir. Charles Medlam – avec Emma Kirkby, Carolyn Watkinson, David Thomas
Halle – Festival Haendel – 1990 – Goethe Theater – Virtuosi Saxoniae – dir. Ludwig Güttler – mise en scène Peter Konwitschny – décors Helmut Brode – costumes Friederike Grumbach
Halle – Festival Haendel – 1988 – Goethe Theater – Virtuosi Saxoniae – dir. Ludwig Güttler – mise en scène Peter Konwitschny – décors Helmut Brode – costumes Friederike Grumbach
Beaune – VIIes Rencontres Internationales de Musique Baroque et Classique – 15 juillet 1989 – version originale de 1708 – London Baroque Orchestra – dir. Charles Medlam – avec Carolyn Watkinson (Galatea), Lorna Anderson Aci), David Thomas (Polifemo)