Les Indes Galantes

COMPOSITEUR Jean-Philippe RAMEAU
LIBRETTISTE Louis Fuzelier
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
1974 Jean-Claude Malgoire CBS 3 (LP) français
1974 2013 Jean-François Paillard Erato 3 français
1974 1999 Jean-François Paillard Erato 1 (extraits) français
1991 1991 William Christie Harmonia Mundi 3 français
1994 1995 Jean-Christophe Frisch Musisoft 2 français
2013 2014 Hugo Reyne Musiques à la Chabotterie 3 français

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
2003 2005 William Christie Opus Arte

Appelé à l’origine Les Victoires galantes, puis Les Indes galantes, opéra-ballet (O.C. VII), sur un livret de Jean-Louis Fuzelier (1672-1752), dramaturge et librettiste, créé à l’Académie Royale de Musique (première Salle du Palais Royal), le 23 août 1735, dans une version comprenant un prologue et les deux premières entrées, Le Turc généreux, inspiré du grand vizir Topal Osman, et Les Incas du Pérou.
La distribution réunissait Mlle Eremans (Hébé), Cuignier (Bellone) et Mlle Petitpas (L’Amour) dans le prologue, Dun (Osman, Pacha), Mlle Pélissier (Emilie), et Jélyotte (Valère) dans le Turc généreux, Chassé (Huascar, Inca), Mlle Antier (Phani), et Jélyotte (Don Carlos) dans les Incas du Pérou.
La chorégraphie avait été réalisée par Michel Blondy. Marie Sallé, qui était revenue d’Angleterre en juin 1735, y fit sa rentrée parisienne dans l’acte des Fleurs, qui se termine par un des rares ballets à intrigue de l’époque. Dès le 11 août, la nouvelle de sa rentrée courut : L’on va donner la semaine prochaine un ballet de Rameau que Mlle Sallé honorera de sa présence. Vous savez qu’elle s’est enfin rendue : on a traité cette réconciliation avec autant de peine et d’intrigue que la paix d’Utrecht. Les articles ont été enfin signés, et on lui a passétoutes ses prétentionsen faveur de la disette de bons sujets et de la retraite absolue de Camargo (*).
(*) en mars 1735, Mlle Camargo avait quitté l’Opéra sur la demande formelle de son amant, le comte de Clermont

Costume d'Indienne par Jean-Baptiste Martin
Pierre Jélyotte, alors âgé de vingt-deux ans, obtint un succès éclatant dans les deux rôles de Valère et Don Carlos.
L’accueil fut mitigé. Mathieu Marais, avocat, écrit au président Bouhier : J’ai trouvé la danse charmante, mais Paris a trouvé l’opéra fort laid, composé par Rameau dans un goût italien qui ne plaît pas, et par Fuselier, plus propre au comique de la Foire.
Marie Sallé, en revanche, reçut des louanges. Le commissaire Dubuisson écrit au marquis de Caumont : Mlle Sallé, qui est rentrée à l’Opéra, a débuté dans les Indes galantes, et il m’a semblé qu’elle avait acquis de la légèreté sans rien perdre de ses grâces. Mathieu Marais écrit de son côté : La Sallé danse comme un opiseau en évitant le széphire qui la court : elle a appris en Angleterre à ne mettre point tant de volupté dans sa danse, et cela n’en est que mieux.
Les Indes galantes suscitèrent l’admiration de Montéclair qui, pourtant jaloux de Rameau, vint le complimenter.
La troisième, Les Fleurs, fête persane, fut ajoutée à la troisième représentation, avec Tribou (Tacmas), Person (Ali), Mlle Eremans (Zaïre) et Mlle Petitpas (Fatime), et dans un décor préparé par le Florentin Servandoni, qui était premier-peintre-décorateur de l’Opéra depuis 1728. Toutefois, le public fut choqué par « l’inconvenance » que représentait le personnage de Tacmas, prince turc, travesti en femme. L’acte fut modifié le 11 septembre.
L’édition chez Boivin s’effectua sur la base de ballet réduit à quatre grands concerts, avec une nouvelle entrée complète. Rameau s’en expliqua dans la Préface : Le public ayant paru moins satisfait des scènes des Indes galantes que du reste de l’ouvrage, je n’ai pas cru devoir appeler de son jugement ; et c’est pour cette raison que je ne lui présente ici que les symphonies entremêlées des airs chantants, ariettes, récitatifs mesurés, duos, trios, quatuors et choeurs, tant du prologue que des trois premières entrées, qui font en tout plus de quatre-vingts morceaux détachés, dont j’ai formé quatre grands concerts en différents tons : les symphonies y sont même ordonnées en pièces de clavecin, sans que cela puisse empêcher de les jouer sur d’autres instruments, puisqu’il n’y a qu’à y prendre toujours les plus hautes notes pour le dessus et les plus basses pour la basse.
Le 25 octobre 1735, la recette ne fut que 281 livres, la plus faible jamais obtenue paar les Indes galantes.
A partir du 10 mars 1736, après vingt-huit représentations, Les Fleurs furent modifiées, et une quatrième entrée, Les Sauvages, fut ajoutée (sous la direction de Chéron), permettant à Rameau de réutiliser le fameux air des Sauvages qu’il avait écrit en 1725 pour des indigènes Caraïbes de la Comédie Italienne, et inclus dans les Nouvelles Suites de pièces de clavecin (1728). La distribution réunissait Tribou (Tacmas), Mlle Petitpas (Fatime), Mlle Eremans (Atalide) et Mlle Bourbonnais (Roxane) dans Les Fleurs, Jélyotte (Damon), Dun (Don Alvar), Mlle Pélissier (Zima) et Cuvillier (Adario).
Une reprise eut lieu à partir du 27 décembre 1736, en alternance avec Médée et Jason. Le Mercure de France de décembre relève que Jélyotte fut partculièrement apprécié dans l’acte des Sauvages : Le sieur Jéliot, qui avait été absent pendant quelques temps, joue dans l’acte des Sauvages et chante le même rôle qqu’il avait déjà joué au mois de mars dernier avec beaucoup d’applaudissement ; car on avait une très grande adeur de le voir, ce qui contribue encore au concours que ce ballet attire.
Une nouvelle reprise eut lieu du 28 mai 1743, avec une distribution réunissant Mlle Fel (Hébé) et Albert (Bellone) dans le prologue, Le Page (Osman), Mlle Le Maure (Emilie), Jélyotte (Valère) et Mlle Fel (Une Matelote) dans le Turc généreux, Chassé (Huascar), Mlle Chevalier (Phani) et Jélyotte (Don Carlos) dans les Incas du Pérou, Bérard (Tacmas), Mlle Bourbonnois (Fatime), Mlle Julie (Atalide) et Mlle Coupée (Roxane) dans les Fleurs, Jélyotte (Damon), Le Page (Don Alvar), Mlle Le Maure (Zima) et Cuvillier (Adario) dans les Sauvages. La décoration avait été confiée au peintre François Boucher qui avait succédé à Servandoni à l’Opéra.
Cette même année, Rameau fit paraître chez Boivin les Indes réduites à quatre grands concerts.
Gravure de 1743
De nouvelles reprises eurent lieu à partir du 14 novembre 1743, avec une distribution réunissant : Mlle Fel (Hébé), et Albert (Bellone) dans le Prologue, Le Page (Osman), Mlle Le Maure (Emilie), Jelyotte (Valère) et Mlle Fel (Une matelote) dans le Tuc généreux, Chassé (Huascar), Mlle Chevalier (Phani), Jelyotte (Don Carlos), Houbault (un Inca) dans Les Incas du Pérou, Bérard (Tacmas), Mlle Bourbonnais (Fatime), Mlle Julie (Atalide), Mlle Coupée (Roxane) dans Les Fleurs, Jeleyotte (Damon), Le Page (Don Alvar), Mlle Le Maure (Zima), Cuvillier (Adario) dans Les Sauvages. Dumoulin et la Camargo comptaient parmi les danseurs.
Nouvelle reprise à partir du 8 juin 1751, sans l’entrée des Sauvages, avec une distribution réunissant Mlle Coupée (Hébé) et Cuvillier (Bellone) dans le prologue, Person (Osman), Mlle Chevalier (Emilie) et Jélyotte (Valère) dans le Turc généreux, Chassé (Huascar), Mlle Romainville (Phani) et La Tour (Don Carlos) dans les Incas du Pérou, Poirier (Tacmas), Mlle Coupée (Fatime), Mlle Romainville (Atalide) et Mlle Dupéray (Roxane) dans les Fleurs, Jélyotte (Damon), Le Page (Don Alvar), Mlle Le Maure (Zima) et Cuvillier (Adaro).
Le 3 août 1751, l’entrée du Turc généreux céda la place à celle des Sauvages, avec Jélyotte (Damon), Person (Don Alvar), Mlle Chevalier (Zima) et Selle (Adario).
Une reprise eut lieu le 14 juillet 1761, avec Mlle Lemière (Hébé), Jaubert (Bellone) dans le prologue, Larrivée (Osman), Mlle Chevalier (Emilie) dans le Turc généreux, Pillot (Don Carlos), Gélin (Huascar), Mlle Dubois (Phani) dans les Incas du Pérou, Joly (Tacmas), Mlle Lemière (Fatime), Mlle Rozet (Atalide), Mlle Hilaire(Roxane) dans Les Fleurs, Pillot (Damon), Larrivée (Don Alvar), Desentis (Adario), Mlle Lemière (Zima) dans les Sauvages.
Bellonne en 1761Costume de Phani par Louis-René Boquet

Les Indes Galantes furent représentées à Lyon, le 23 novembre 1741, dans la salle du Jeu de Paume de la Raquette Royale, puis en 1749/50, à l’initiative de Mangot, beau-frère de Jean-Philippe Rameau.

L’acte des Sauvages fut repris dans le cadre des Fragments héroïques, le 19 juillet 1762, avec le Prologue des Indes Galantes, et l’Acte de la Guirlande.
Le 9 juillet 1770, Rosalie Levasseur, âgée de vingt-et-un ans, parut dans le rôle d’Hébé du prologue des Indes Galantes, s’attirant le commentaire de Bachaumont : Mademoiselle Rosalie a payé de sa personne pour ses camarades : le public ne peut que lui savoir gré de son zèle ; elle a très bien rendu les divers rôles dont elle était chargée ; elle acquiert de jour en jour plus de droit sur notre reconnaissance. Cette actrice précieuse plaît d’autant plus qu’elle n’est ni insolente, ni capricieuse comme les autres, et qu’elle joint à la meilleure volonté des talents décidés.
C’est en juillet 1770 que fut acquise la plus forte recette jamais obtenue par les Indes Galantes : 4 456 livres.
L’acte des Sauvages fut repris à nouveau dans le cadre de Fragments héroïques, le 16 juillet 1773, avec l’acte Ovide et Julie, de Cardonne, et celui du Feu, tiré des Éléments, de Destouches. La distribution était la suivante : Tirot (Damon, Officier français dans une colonie d’Amérique), Gélin (Dom Alvar, Officier espagnol dans une colonie d’Amérique), Mlle Rosalie (Zim, fille d’un chef d’une nation sauvage), Durand (Adario, amant de Zima, commandant les guerriers de la nation sauvage).
La dernière représentation eut lieu le 6 septembre 1773, avec une recette de seulement 887 livres.

Les Indes Galantes inspira de nombreuses parodies : Les Indes chantantes, par Romagnesi & Riccoboni, donnée au Théâtre Italien, le 17 septembre 1735 ; et Les Indes dansantes (*), de Favart, représentée au Théâtre Italien, le 26 juillet 1751, la Grenouillère galante (**), de Carolet, représentée par les Marionnettes, à la Foire S. Laurent de 1735 ; les Amours des Indes, opéra-comique en un acte de Carolet, donné le 17 septembre 1735, le Déguisement postiche, de Carolet, donné le 24 septembre 1735 ; l’Ambigu de la Folie ou le Ballet des Dindons, de Favart, donné à l’Opéra-Comique, le 2 septembre 1743 ; les Amours champêtres, (***) de Favart, parodie de l’acte des Sauvages, représentée par les Comédiens italiens, le 2 septembre 1751, qui eut beaucoup de succès.
(*) partition : http://jp.rameau.free.fr/indes-dansantes-scores.htm

(**) « Le Batelier généreux » parodie le « Turc généreux », « l’Été tardif » l’acte des « Incas »,dans lequel Huascar est travesti en Maraîcher sous le nom de Maître Gaspar, Phani en Mlle Marie, blanchisseuse, et Dom Carlos en Charlot, grenadier, la « Fête des Bouquetières » l’acte des « Fleurs », dans lequel Tachmas est remplacé par Thomas, Jardinier-fleuriste

(***) livret : http://jp.rameau.free.fr/amours_champ.htm


Synopsis

Prologue
Le palais d’Hébé dans le fond, et ses jardins dans les ailes
Hébé (soprano), déesse de la jeunesse, convie les amants à chanter leur bonheur. La jeunesse de France, d’Italie, d’Espagne et de Pologne (en l’honneur de Marie Leszczynska) se rend à son appel. Leurs danses sont interrompues par Bellone (basse), déesse des combats, qui les convainc de s’armer et de combattre pour la gloire. Abandonnée par les amants d’Europe, Hébé invoque l’Amour, qui disperse alors ses messagers  » dans les différents climats des Indes  » (à cette époque, les pays non européens).
Première entrée : Le Turc généreux
Les jardins d’Osman Pacha, terminés par la mer
Osman, le pacha d’une île turque de la mer des Indes (basse), est amoureux de son esclave chrétienne provençale, Emilie (soprano), mais la jeune femme est fidèle à son amant, Valère, officier de marine (ténor), auquel elle a été enlevée par des corsaires le jour de leurs noces. Une tempête se déchaîne. Un naufragé échoue sur la grève. Il s’agit justement de Valère, parti à la recherche d’Emilie. Celle-ci est la première à l’apercevoir. Leurs retrouvailles sont interrompues par Osman. Mais celui-ci reconnaît en Valère l’homme qui autrefois l’a libéré lui-même de l’esclavage. Sa générosité l’emporte sur sa colère et son amour déçu, et il rend leur liberté aux deux amants.
Deuxième entrée : Les Incas du Pérou
Un désert du Pérou, terminé par une montagne aride. Le sommet en est couronné par la bouche d’un volcan formée de rochers calcinés et cocuverts de cendres
Don Carlos (ténor), officier espagnol, et Phani (soprano), princesse péruvienne, s’aiment. Le grand prêtre du Soleil, Huascar (basse), qui aime lui aussi Phani, a surpris leur secret. Dissimulant sa jalousie, il reproche à la princesse d’aimer un ennemi. Une grande fête célèbre le culte du Soleil. Mais la cérémonie est interrompue par une éruption volcanique. Huascar tente de persuader Phani qu’elle est responsable de la colère des dieux et qu’elle doit l’épouser pour calmer les éléments déchaînés. Carlos surgit et révèle que c’est Huascar lui-même qui a réveillé le volcan en jetant des rochers dans le cratère. L’éruption volcanique redouble de violence et engloutit le grand prêtre.
Troisième entrée : Les Fleurs, fête persane
Les jardins du palais d’Ali
Le prince persan, roi dans les Indes, Tacmas (ténor), est amoureux de Zaïre (soprano), esclave de son favori, Ali (baryton). Afin de sonder le coeur de la jeune femme, il pénètre dans le jardin d’Ali, déguisé en femme, le jour de la fête des fleurs. La propre esclave de Tacmas, Fatime (soprano), qui est amoureuse d’Ali, entre à son tour dans le jardin, déguisée en Polonais dans la même intention. Tacmas la prend pour un rival venu courtiser Zaïre et veut la frapper de son poignard. Heureusement, il reconnaît Fatime à temps. Le quiproquo est dénoué et les deux maîtres échangent leurs esclaves. Pour célébrer la victoire de l’amour, on présente la Fête des Fleurs.
Quatrième entrée : Les Sauvages
Un bosquet d’une forêt d’Amérique, voisine des colonies françaises et espagnoles, où doit se tenir la cérémonie du Grand Calumet de laPpaix
Dans une forêt d’Amérique, alors que le chef des guerriers indiens vaincus, Adario, s’apprête à conclure la paix, deux officiers, l’officier français Damon (ténor) et l’officier espagnol Don Alvar (basse), courtisent une jeune indienne, Zima (soprano), fille d’un chef d’une nation sauvage et aimée d’Adario. Damon professe l’inconstance, Don Alvar l’amour sérieux et exclusif. Mais Zima ne veut ni d’un époux volage, ni d’un époux jaloux. Elle leur préfère Adario (ténor), chef des armées de la nation sauvage. La Danse du Grand Calumet de la Paix scelle l’union de Zima et d’Adario, en même temps que la réconciliation entre les Sauvages et les Européens.

« Deuxième opéra de Rameau, après Hippolyte et Aricie, Les Indes galantes appartiennent à un genre hybride, l’opéra-ballet, qui a longtemps été le concurrent de la tragédie lyrique. A la différence de celle-ci, l’opéra-ballet n’accorde qu’une importance relative à l’action dramatique, il n’est que prétexte au divertissement où triomphent la danse et la musique pure. Selon la définition de Cahusac (1754), il est considéré comme  » un spectacle de chant et de danse formé de plusieurs actions différentes toutes complètes et sans autre liaison entre elles qu’un rapport vague et indéterminé « . C’est la raison pour laquelle les différentes parties ne sont pas appelées  » actes « , ce qui supposerait le développement d’une histoire, mais  » entrées « . De cette manière, on pouvait aussi, selon le goût du public ou des disponibilités financières des directeurs de théâtre, couper ou ajouter de nouvelles entrées, comme ce fut le cas pour Les Indes galantes, auxquelles Rameau rajouta une entrée, un an après la création. Sur le plan du sujet, l’opéra-ballet préfère le voyage et l’exotisme à la mythologie, les sujets contemporains à l’éloignement dans le passé, les personnages humains aux dieux. Faisant suite à la rigueur du Grand Siècle, il relève d’une société du loisir, de l’absence d’implication. Dans Les Indes galantes, le thème retenu est celui de  » l’amour dans les contrées lointaines « . Les quatre pays évoqués sont la Turquie, le Pérou, la Perse et l’Amérique. Chaque entrée s’efforce d’en tirer le merveilleux exotique et se termine par le divertissement où explosent le choeur et l’orchestre. Mais le sujet des entrées n’est pas forcément léger et riant, ainsi qu’en témoigne l’entrée des Incas, drame bref et intense aux tonalités souvent sombres, qui est incontestablement le point culminant de la partition.
L’oeuvre à l’Opéra de Paris
Les Indes galantes ont été créées à l’Académie Royale de Musique (1ére Salle du Palais Royal), le 23 août 1735, dans une version comprenant trois  » entrées « . L’année suivante, une quatrième  » entrée  » fut rajoutée et l’oeuvre fut jouée sous cette forme jusqu’en 1761. Elle a fait son entrée au Palais Garnier le 18 juin 1952, dans une révision musicale de Paul Dukas et Henri Busser (direction Louis Fourestier), une mise en scène de Maurice Lehmann, des décors de Arbus, Jacques Dupont, Wakhévitch, Carzou, Fost, Moulène et Chapelain-Midy. Cette production fastueuse a été donnée 286 fois jusqu’en 1965, ce qui porte à 471 le nombre de représentations à l’Opéra de Paris depuis la création. Parmi les nombreux artistes qui y ont été affichés, on trouve les noms, entre autres, de : Jacqueline Brumaire, Janine Micheau, Denise Scharley, Suzanne Sarroca, Mady Mesplé, Guy Chauvet, José Luccioni, Raoul Jobin… En 1999, une nouvelle production mise en scène par Andrei Serban, dans des décors et des costumes de Marina Draghici, réunit, entre autres, Natalie Dessay, Nathan Berg, Heidi Grant-Murphy, Laurent Naouri, Paul Agnew, Nicolas Rivenq, accompagnés par l’Orchestre des Arts Florissants dirigé par William Christie. Cette production a fait l’ouverture de la saison 2000-2001. »

(Présentation de l’Opéra de Paris – 2003)

Livret disponible sur livretsbaroques.fr
Représentations :

Opéra de Bordeaux – 23 février 2014 – Chœur de l’Opéra national de Bordeaux – chef de chœur Alexander Martin – Les Talens Lyriques – dir. Christophe Rousset – mise en scène et chorégraphie Laura Scozzi – décors Natacha Leguen de Kerneizon – costumes Jean-Jacques Delmotte – lumières Ludovic Bouaud – vidéo Stéphane Broc – avec Amel Brahim-Djelloul (Hébé / Phani / Fatime), Benoît Arnould (Bellone / Alvar), Olivera Topalovic (Amour / Zima), Judith Van Wanroij (Emilie / Atalide), Vittorio Prato (Osman), Anders J. Dahlin (Valère / Carlos / Tacmas / Damon), Nathan Berg (Huascar), Eugénie Warnier (Roxane), Thomas Dolié (Adario)

 

Forum Opéra

« L’année Rameau … se poursuit on ne peut mieux, avec cette indispensable reprise de la production des Indes galantes créée en 2012 au Capitole de Toulouse. En effet, ce spectacle montre qu’il n’est pas nécessaire de s’inscrire dans une mauvaise tradition remontant à 1952, l’année où Maurice Lehmann avait décidé de remonter l’œuvre à l’Opéra de Paris. Pendant plus d’un demi-siècle, le ballet héroïque de Rameau fut considéré comme un pur divertissement à grand spectacle : Pizzi au Châtelet en 1983, Arias à Aix en 1990, Serban à Garnier en 1999, tous s’étaient contenté d’éblouir ou d’amuser, sans jamais se poser de question sur le sens possible de l’œuvre. Heureusement, la chorégraphe Laura Scozzi a eu la bonne idée de lire de près le livret pour en tirer la substantifique moelle, en l’occurrence le message rousseauiste. Le prologue se déroule dans un « état de nature » où les humains vivent dans une innocence heureuse, symbolisée par leur nudité totale. Bellone y introduit soudain tout ce que la société a pu produire de laideur et d’abomination : le désir de gloire, d’honneurs, prend ici les formes les plus variées, et jamais l’on aura autant ressenti l’horreur de la séparation, les hommes se laissant séduire par l’appel de la divinité guerrière. Pour lutter, Cupidon délègue ses émissaires, trois épatantes danseuses formant un irrésistible trio comique, dans tous les pays où l’amour est menacé. Et là, le coup de génie de Laura Scozzi est de n’avoir eu qu’à prendre pour point de départ les pays choisis par Fuzelier pour aborder des thèmes que le XVIIIe siècle n’envisageait pas forcément, mais qui s’appuient toujours sur la lettre du livret. En Turquie, on assiste au naufrage d’immigrés clandestins ; au Pérou, le « brillant soleil » fait pousser la drogue que les narcotrafiquants fournissent à l’Occident (« c’est l’or qu’avec empressement, sans jamais s’assouvir, ces barbares dévorent ») ; l’acte persan est l’occasion de dénoncer la tyrannie dont sont victimes les femmes en Iran ; les Sauvages, dont les « forêts paisibles » sont troublées par des puissances coloniales, abordent la déforestation et se livrent à une satire impitoyable de notre société de consommation, avant un retour final à l’Eden du prologue. Tout cela est tour à tour terrible et hilarant, et forme un spectacle très fort, dont on espère que la diffusion en direct sur divers supports le jeudi 27 février débouchera sur un DVD.
Par rapport à la création toulousaine, la distribution a été modifiée, mais en partie seulement. On retrouve en Emilie et en Atalide (personnage ajouté lors de la réécriture complète de l’acte persan en 1736) Judith Van Wanroij, peut-être la plus belle voix féminine de ce spectacle, à laquelle on reprochera seulement quelques voyelles qui ne sonnent pas toujours comme elles le devraient en français. Vittorio Prato était déjà Osman au Capitole, mais l’on aurait aimé qu’il soit remplacé : la diction est mauvaise, le timbre sans grand intérêt, et la seule raison de sa présence semble être sa capacité à se montrer en scène en maillot de bain. On retrouve avec bonheur le Huascar de Nathan Berg, acteur extraordinaire, qui transfigure son personnage, pliant sa voix sonore à la relecture de Laura Scozzi, les hymnes au soleil devenant des compliments à Phani. Le Bordelais Thomas Dolié revient lui aussi, pour un Adario qui ouvre curieusement l’acte des Sauvages avec son « Bannissons les tristes alarmes ». Parmi les nouveaux venus, on salue la quadruple incarnation d’Anders Dahlin, au français irréprochable et à la ligne vocale raffinée. Un peu en retrait en Amour, Olivera Topalovic est une séduisante Zima. S’il ne marque guère en Bellone (le dernier titulaire du rôle à l’opéra de Bordeaux était Robert Massard en 1978 !), Benoît Arnould réussit à la perfection un Alvar bien moins ridicule que d’ordinaire. On est charmé par la voix d’Eugénie Warnier dans l’air de Roxane, et l’on a hâte de réentendre cette jeune chanteuse dans des rôles plus étoffés. Amel Brahim-Djelloul, enfin, peu audible en Hébé et en Phani, se révèle littéralement dans l’acte des Fleurs, où elle livre un admirable « Fra le pupille di vaghe belle », l’air italien que Richard Strauss cite dans Capriccio, et un très beau « Papillon inconstant ». Le chœur de l’Opéra de Bordeaux s’adapte sans peine à un style qu’il pratique peu, et l’on regrette que sa relégation en coulisse en rende le son très étouffé, dans « Vous nous abandonnez » au Prologue, par exemple. Pour diriger ces Indes galantes, Christophe Rousset était l’homme de la situation, tant les qualités de chef lyrique qu’on lui reconnaît sont ici employées à merveille, la fluidité de son geste répondant à l’enchaînement des tableaux. Et un grand merci à l’opéra de Bordeaux d’avoir programmé cette œuvre, et dans cette production, c’est une contribution majeure à l’année Rameau ! »

Iasi, Teatrul National, Sala Mare – 12, 23 octobre 2013, 23 février 2014 – dir. Gabriel Bebeselea / Cristian Orosanu – mise en scène Andrei Serban – décors Marina Draghici, Carmencita Brojboiu – lumières Andrei Serban – chorégraphie Blanca Li – avec Cristina Grigoras (Hébé/ Zaïre/ Fatime), Iulian Sandu (Bellone), Andreea Chinez (L’Amour), Valentin Marele (Huascar), Diana Bucur (Phani), Adrian Ionescu (Don Carlos), Octavian Dumitru (Osman), Mihaela Grajdeanu (Émilie), Andrei Fermesanu (Valére), Alexandru Savin (Tacmas/ Damon), Jean-Kristof Bouton (Adario), Victor Zaharia (Don Alvar), Lacramioara Maria Hrubaru-Roata (Zima)

 

Vienne – Konzerthausz – 26, 27 janvier 2013 – La Simphonie et le Choeur du Marais – dir. Hugo Reyne – avec Valérie Gabail (Amour, Phani, Fatiime, Zima), Stéphanie Révidat (Hébé, Émilie, Zaïre), Reinoud van Mechelen (Carlos, Damon), François-Nicolas Geslot (Valère, Tacmas), Aimery Lefèvre (Bellone, Osman, Huascar, Ali, Adario), Sydney Fierro (Alvar)

 

La Chabotterie – 25 juillet 2013 – Saint-Georges de Montaigu – 26 juillet 2013 – Festival Musiques à la Chabotterie – La Simphonie du Marais – dir. Hugo Reyne – avec Valérie Gabail, Stéphanie Révidat, Reinoud Van Mechelen, François-Nicolas Geslot, Marc Labonette, Sydney Fierot

 

Iasi, Teatrul National, Sala Mare – Roumanie – 15, 16, 18, 25 novembre, 16 décembre 2012, 24 janvier, 24 février, 22 mai 2013 – dir. Gabriel Bebeselea – mise en scène Andrei Serban – décors Marina Draghici (original), Carmencita Brojboiu (révision) – chorégraphie Blanca Li – lumières Andrei Serban – avec Rodica Vica, Radmilo Petrovic, Cristina Grigoras (Hébé), Lucian Dolhascu (Bellone), Andreea Chinez (L’Amour), Jean-Kristof Bouton (Huascar), Alice Todica (Phani), Adrian Ionescu (Don Carlos), Daniel Mateianu (Osman)(, Mihaela Grajdeanu (Émilie), Andrei Fermesanu (Valére), Alexandru Savin (Tacmas), Cristina Grigoras (Zaïre, Fatime), Jean-Kristof Bouton (Adario), Alexandru Savin (Damon), Victor Zaharia (Don Alvar), Lacramioara Maria Hrubaru-Roata (Zima)



Toulouse – Théâtre du Capitole – 4, 6, 8, 11, 13, 15 mai 2012 – dir. Christophe Rousset – mise en scène et chorégraphie Laura Scozzi – décors Natacha Le Guen de Kerneizon – costumes Jean-Jacques Delmotte – lumières Ludovic Bouaud – vidéo Stéphane Broc – avec Hélène Guilmette (Hébé), Aimery Lefèvre (Bellone), Julia Novikova (Amour), Judith van Wanroij (Émilie), Vittorio Prato (Osman), Kenneth Tarver (Valère), Hélène Guilmette (Phani), Cyril Auvity (Carlos), Nathan Berg (Huascar), Kenneth Tarver (Tacmas), Judith van Wanroij (Atalide), Hélène Guilmette (Fatime), Julia Novikova (Roxane), Aimery Lefèvre (Alvar), Julia Novikova (Zima), Thomas Dolié (Adario), Cyril Auvity (Damon) – version dite de Toulouse



Concertclassic – Rameau s’envole avec Eden voyages

« Sous une apparente facilité, Les Indes Galantes peuvent aisément être un piège pour le metteur en scène. A Garnier, en 1999, Andrei Serban avait déplié un livre d’images coloré, drôle et poétique, d’une moderne atemporalité. La chorégraphe attitrée de Laurent Pelly a, elle, choisi d’actualiser le propos de l’opéra-ballet de Rameau, usant d’un matériel scénographique qu’elle a compilé au fil des productions, dont l’humour décalé est comme l’empreinte. L’exotisme devient alors le prétexte à une enfilade d’indignations convenues entretenant avec le livret de Louis Fuzelier un lien aussi ténu que l’intrigue.
Le rideau se lève donc sur un Eden de feuillages verdoyants dans laquelle s’ébaudit une humanité en tenue adamique. L’audace se résume dans le travail chorégraphique réalisé avec ces corps nus – et qui fait grincer quelques dents dans le public. Sous la férule d’Amour, trois d’entre eux vont partir avec Eden voyages, aux mêmes couleurs orangées d’une certaine compagnie à bas coûts, explorer l’expression de ce sentiment universel aux quatre coins du globe, embarquant à bord d’un A 380 défilant en projection vidéo – réalisation de Stéphane Broc –, clin d’œil promotionnel à l’industrie locale.
Reconfigurée en intervention militaire contre le narcotrafic, la chute d’Huascar témoigne d’un sens consommé de l’efficacité dramaturgique. La troisième entrée, Les Fleurs, qui dans la version du manuscrit du Conservatoire de Toulouse présentée ici propose un air italien et supprime un quatuor, réussit remarquablement à impulser une dynamique dans un acte très peu théâtral. La dénonciation de la soumission des femmes dans la Perse d’aujourd’hui – l’Iran – démonte en même temps les contradictions de la mécanique fantasmatique des hommes, recouvrant leurs épouses d’une burqa, mais affublant l’objet du désir de la pulpeuse blondeur véhiculée par l’Occident. Les sauvages d’Amérique sont des militants écologistes qui cèdent sous la pression de promoteurs, et cèdent au consumérisme qui transsubstantie dans le four de la cuisine le maïs transgénique en rôti de bœuf et l’huile de palme en dessert – et quand il ne reste plus rien dans le placard, un sac commandé chez McDo.
La duplication des procédés comiques reste cependant souvent attendue : on rit certes, mais non en proportion de la profusion de moyens sollicitée. Surtout, un tel hétéroclisme des images fait complètement l’impasse sur la dimension poétique de l’opéra. Cette absence de poïétique et de réflexion esthétique se révèle de manière symptomatique dans la Chaconne finale, simple retour au bercail édénique inaugural. Là où Serban procédait à une récapitulation émouvante des personnages, en phase avec la structure à variation du morceau, Laura Scozzi se contente de la meubler de soubresauts chorégraphiques parfois parasites.
A rebours des maniérismes préconisés par un William Christie, Christophe Rousset séduit par une approche beaucoup plus franche des tempi, se gardant cependant des excès de robustesse que d’aucuns impriment à cette musique raffinée. Les attaques, parfois presque rudes, pourraient toutefois gagner en élégance. Les Talents Lyriques développent d’ailleurs une sapidité bienvenue dans les couleurs, qu’on ne leur connaissait pas assez jusqu’alors. Quant au continuo, sa subtilité confirme les qualités rythmiques et expressives du chef français, et se distingue par une appréciable proximité imitative avec la ligne vocale, mesurée et délicate dans l’ornementation.
Dans un souci pertinent de condensation, la distribution vocale fait appel à un effectif restreint. Hélène Guilmette (Hébé, Phani et Zima) exhibe un soprano clair, à l’excellente diction et un remarquable sens du style. Quelques légers décrochages dans les aigus, à l’émission souvent corsetée, écaillent cependant le début de la soirée. Judith van Wanroij ne démérite pas en Emilie puis Atalide, tandis que Julia Novikova, avec une intonation longtemps un peu basse, convainc davantage en Zima qu’en Roxane et Amour, même si le chant manque de la fluidité aérienne que requiert le rôle. Du côté masculin, seul se détache réellement l’Adario de Thomas Dolié, vigoureux et galbé. Aimery Lefèvre, Bellone et Alvar, accuse trop les graves. La légèreté de la voix de Kenneth Tarver, Valère et Tacmas, confine au stéréotype. Cyril Auvity déploie un timbre un peu plus nourri en Carlos et Damon. Vittorio Prato compose un Osman bellâtre, quand Nathan Berg, Huascar, s’enfonce dans les charbons d’un instrument caverneux dont on ne peut sauver que la présence indiscutable. Préparé par Alfonso Caiani, le Chœur du Capitole rivalise honorablement avec les formations spécialisées. »

Classique.news

« Cela fera le buzz, c’est certain. Elle est incroyable cette coproducion du Capitole de Toulouse, de l’Opéra de Bordeaux et de Nuremberg ! Elle va faire des heureux ! Disons le d’emblée, c’est l’intelligence et la finesse de l’adaptation scénique de Laura Scozzi qui rendent fulgurante une œuvre qui théâtralement ne vaut pas la peine d’être jouée. On le dira franchement c’est le plus mauvais livret, carrément « bâclé », de tout ce que l’on peut donner sur une scène d’opéra. Aucune dramaturgie dans ce galimatias, véritable méfait, enchaînement insensé d’un prologue et de quatre entrées. Ce ballet est indigent, on le savait. Qu’il ne valait que par la riche partition des musiques de danse de Rameau aussi et que des suites en concert en donnaient le meilleur tout autant. Nous rendons donc grâce à l’intelligence, la culture, l’esprit de synthèse et la pertinence de Laura Scozzi qui signe la meilleure mise en scène « moderne » d’un opéra baroque qui se puisse espérer. Les décors sont somptueux celui de la forêt le plus émouvant, les costumes sont subtils et les lumières toujours complices. Les projections vidéo sont pleines d’humour et de sens : quelles courses faisons nous en avion autour du globe dans tous les sens !
La danse est moderne, limitée à l’essentiel et le mime est un sommet d’expression. Dès le lever de rideau le ton est donné et la surprise de découvrir des danseurs entièrement nus, fait suite au ravissement de regarder des corps humains sans que le ridicule ne vienne gâcher le regard ni une sexualisation de mauvais aloi. Ces corps ne sont pas bodybuildés ou anorexiques. Ces danseurs ont un corps « normal». Si j’osai je dirai un corps « au naturel » avec des geste d’une candeur, d’une simplicité et d’une pureté des origines. Même le couple âgé final est magnifique en sa nudité assumée. Le décor représente une forêt primaire tropicale de toute beauté, ils en sont les habitants primitifs heureux. L’arrivée de Bellone qui vient gâcher cette harmonie est représentée par une horde de touristes rappelant les méfaits de l’église en Amérique du sud, de l’armée de Conquistadors, puis des touristes en dollar et euro, braconniers et « ingénieurs déforestateurs », promoteurs sans scrupules… en quelques minutes le Paradis est souillé, les habitants affublés des signes de civilisation. L’argent c’est la Mort ! En un instant, tout en finesse, c’est le déroulement des siècles de gâchis occidental qui est sous nos yeux d’une évidence troublante. Chaque entrée sera ensuite une véritable recréation gardant l’esprit du livret mais non la lettre. Le Turc Généreux est presque sage, l’adaptation simple et belle nous fait voir la Turquie des plages, des oléoducs et des naufrages dans le Bosphore. Le Turc est occidental et sa clémence est probablement intéressée face à un Valère probable fils de milliardaire. Les Incas du Pérou, est le tableau de la violence la plus flamboyante. Le repère de narcotraficants est sinistre et le feu est bien réel sur scène produisant une sorte de terreur non feinte… la violence de l’homme pour la nature et son semblable devient lourde, l’ avilissement de la femme par l’homme tient en haleine. Il faut dire que théâtralement Nathan Berg en Huascar est d’une brutalité qui terrorise, et sa voix paraît immense. Les Fleurs, voit la dénonciation de l’esclavagisme, de la misogynie et de l’appétit sexuel bestial des puissants… Les Roses sont des femmes achetées comme des animaux dans un désert. Là aussi tout est suggéré et dénoncé avec finesse sans vulgarité mais sans concessions. Quant aux sauvages et bien que dire…. les sauvages, les plus terriblement fous ce sont les homo-faber du XXI° siècle…. C’est tout simplement nous dans un miroir…. La chaconne, dirigée de manière roborative sera l’occasion de vivre en accéléré une vie d’aujourd’hui, de la naissance du couple, en passant par le mariage, la naissance d’un enfant, l’adolescence, la maturité puis la vieillesse toujours dans un esprit de consommation qui tourne à vide. L’habitation stérile dans le magnifique immeuble, cage à poule de luxe, construit dans la superbe forêt… Tout se tient nous avons voyagé dans le temps et l’espace, course poursuite de l’amour mais aussi de la destruction de la vie et la perte du sens de la vie même. Rarement une mise en scène aura tant fait réfléchir le public sous prétexte de le divertir. Mentionnons comme fil rouge entre les entrées, le trio d’amours, mimes absolument géniaux, capable de faire naître des émotions puissantes, oscillant entre tendresse et moquerie mais arrivant toujours in extremis à sauver l’humanité. Le retour au Paradis perdu est jouissif !!!
L’intelligence et les yeux sont si constamment stimulés que les oreilles sont en quelque sorte secondaires. C’est mieux car l’orchestre de Christophe Rousset est haut dans la fosse mais faible en nuances et avare de couleurs. Les voix sont généralement de petites tailles et seul un quatuor de chanteurs-acteurs se hisse au sommet. Tout en haut le Huascar du baryton Nathan Berg est digne d’admiration pour son incarnation qui est quasi cinématographique. La voix est grande et les vocalises bien en place. Cyril Auvity est un ténor à la voix de soleil levant, au timbre de miel et à la projection confortable dans une élégance de chaque phrasé. Carlos et Damon sont des poètes égarés dans tant de violence. Julia Noikova brûle les planches en amour adolescent mutin et plus encore en Roxane icône sixties ravageuse, sorte de Marilyn matinée de Jackie Kennedy. Mais c’est en Zima que la tendresse se mêle au charme avec le plus de délicatesse. La projection vocale est chaque fois confortable et le fruité du timbre toujours sensuel. Hélène Guillemette est exposée dans trois rôles qui la mettent en difficulté dans les sur-aigus. Mais les notes centrales sont belles et l’actrice se renouvelle dans chacun des rôles. Les autres chanteurs sont agréables sans personnalité vocale saillante. L’ensemble est marqué par un jeux théâtral de grande qualité, exceptionnel à l’opéra, qui va certainement encore se développer après cette première. Les chœurs se taillent un beau succès public tant chaque intervention sur scène ou hors de vue est efficace, vocalement très homogène, toujours fluide et admirablement dite.
Une très belle production que chaque public de maison d’opéra devrait voir de par le monde tant l’éthique sous tendue par Laura Scozzi est généreuse et incontournable en cette période de Veau d’Or érigé et mondialement destructeur. »

ResMusica

« En 1952, l’opéra-ballet Les Indes galantes revivait, à l’Opéra Garnier grâce à la mise en scène de Maurice Lehmann, où triomphait une joyeuse futilité décorative. Depuis lors, toutes les productions de cette œuvre ont emprunté cette même voie et ont postulé que le livret de Louis Fuzelier était fade et avait pour seul mérite de permettre à Rameau d’épanouir sa théorie, post-cartésienne, du plaisir.
Le premier mérite de cette nouvelle production, ruisselante d’intelligence, est que Laura Scozzi et Christophe Rousset ont lu, profondément, les vers de Fuzelier. Et de Rameau, doit-on ajouter, tant le compositeur, perpétuel insatisfait de ses poètes, les harcelait mot-à-mot, quand il ne prenait pas la plume lui-même. Outre des répliques qui, comme chez son contemporain Marivaux, semblent avoir été inventées à l’instant, Fuzelier a bâti une finaude dialectique entre paix et guerre, joie et haine, plaisir et violence, état de Nature et état de société. Les Indes galantes selon Laura Scozzi ne sont pas un gigantesque éclat de joie. Au contraire, elles révèlent un perpétuel et inquiet balancement entre ombre et lumière et sont un regard, moins consensuel mais vrai et humain, sur le Siècle des Lumières. Voici un saisissant renversement idéologique, sans aucun forçage : Laura Scozzi a, simplement révèle l’implicite d’un livret, jusque-là lu superficiellement.
Le deuxième mérite tient au lien, évident, qui est tissé entre les cinq formants (le prologue et les quatre entrées) de cet ouvrage, comme si, au théâtre, cinq courtes pièces (des « levers de rideau ») sur le même thème étaient rassemblées en une soirée. Plus précisément, Laura Scozzi a donné, à chacune d’elles, le galbe dramaturgique (exposition, intrigue, et fin ouverte et abstraite, c’est-à-dire une morale) du conte dont le XVIIIe siècle regorgea. Et comment ne pas songer à Voltaire, à ses contes, à ses protestations contre la superstition religieuse (« écr… l’inf… » pour masquer « écrasons l’infâme ») et à son militantisme pour les libertés publiques et personnelles !
Dans sa précédente mise-en-scène lyrique présentée en France, (en 2009, Die Zauberflöte, à Bordeaux), Laura Scozzi avait déployé une facétieuse fantaisie. Dans Les Indes galantes, elle réalise un travail plus accompli : chaque innovation est gorgée de concret. Dans le prologue, Hébé vit en pleine nature « originelle » (herbe, paroi rocheuse et moussue de laquelle coule une cascade, une mare et un bosquet végétal haut à s’y cacher) et est entourée de six couples de danseurs nus ; entre trémulations gondolantes et bonheur limpide, c’est tout un Éden philosophique qui vit. Dans Le Turc généreux, Osman est un passeur de clandestins (dont Émilie et Valère) fuyant, sur des barques de fortune, des dictatures (libyennes ou tunisiennes). Dans Les Incas du Pérou, sur les hauts plateaux, Huascar, mi-chef de guérilla mi-narco-trafiquant, terrorise ses troupes ; l’irruption finale d’une armée légale le pousse au suicide. C’est peut-être dans ce tableau que l’intelligence ironique de Laura Scozzi est la plus évidente : la Fête du soleil (avec le fameux air « Soleil, on a détruit tes superbes asiles »), usuellement généreuse (elle exprimerait la fraternité maçonnique à laquelle Rameau appartenait) se mue en un hymne cynique et terrifiant. Dans Les Fleurs, en plein désert persan, Tacmas instrumentalise sa religion pour opprimer ses sujets et justifier la polygamie ; loin d’être un culte rendu à la Beauté, la Fête des fleurs, est un minable et obscène défilé féminin et marché aux épouses. Enfin, dans Les Sauvages, la civilisation industrielle pollue et détruit toute nature, y compris un parc naturel légalement installé, y compris l’amour humain. Pour coudre ces cinq formants, le lien voltairien se matérialise en trois personnages : les Amours sont trois naïfs, voyageurs aériens et mondialisés qui observent mal et photographient tout le temps. Une direction d’acteurs virtuose et intelligente, mais aussi costumes, décors et lumières, tous contribuent à rendre cette production marquante et décisive dans la réception des Indes galantes.
L’autre grand artisan de cette production est Christophe Rousset. Tout d’abord grâce à ses Talens lyriques qui ne sont pas un ensemble mais un orchestre, au sens plein du terme. Sans crainte d’être contredit, clamons que Les Talens lyriques est, actuellement, sans égal en France et que rares sont les phalanges européennes de cet acabit. L’écriture orchestrale ramiste a ici été rendue avec un éclat, une cohésion, une intonation chatoyante, des couleurs profondes et une chair dense qui sont un éblouissement de chaque instant. Quant à Christophe Rousset, il a manifesté une complicité et une émulation permanente avec les propositions de Laura Scozzi : dépassant sa mission première (soutenir, guider et rassurer les chanteurs ; conduire la représentation ; rendre vivante une œuvre), il a répondu à chaque intention de la mise-en-scène, en ses miroitements d’énergies, de couleurs, d’affects, de rhétorique et … d’humour. Du très grand art ! Signalons qu’une version, conservée à la Bibliothèque municipale de Toulouse a été ici utilisée. Outre qu’elle rappelle qu’une œuvre possède rarement un état fixe et « officiel », elle offre, dans la troisième entrée, une soudaine hétérogénéité : une aria da capo, à l’italienne, en lieu et place d’un magnifique quatuor vocal.
Le plateau de chanteurs a été de premier ordre. Dans trois rôles fort différents (Hébé & Phani & Fatime) Hélène Guilmette a été captivante de maitrise vocale (elle a sollicité son registre grave comme le suraigu), déclamatoire et expressive ; seule une chanteuse pleinement maître de son outil vocal et de sa poétique personnelle pouvait, à ce point, illuminer une représentation. Tous les autres chanteurs ont également séduit et touché par leur droiture vocale et leur aptitude au jeu théâtral, notamment Judith van Wanroi, Thomas Dolié et Aimery Lefèvre. On exceptera seulement Nathan Berg que son instrument vocal, bien usé, conduit à la limite de la vocifération, à une émission large et presque hors de contrôle, et à une difficulté à trouver le zest d’ironie que Laura Scozzi a placé derrière chaque affect, même le plus violent.
Cette production associe trois institutions lyriques : le Théâtre du Capitole (en ce printemps de 2012) puis, en 2014, l’Opéra de Bordeaux et le Staatstheater Nürnberg. À qui n’aura pu être Toulousain, voici deux autres et nécessaires opportunités de voir des Indes galantes pas si futiles qu’on le croyait jusqu’alors. »

La Croix

« Laura Scozzi ne fait pas dans la dentelle. La chorégraphe et metteur en scène fonce tête la première dans les clichés avec une évidente délectation. « Ses » Indes galantes, avec leur prologue et leurs quatre « entrées », sont revues et corrigées comme un tour du monde des catastrophes politiques et sociales du siècle. Le nôtre, pas celui de Rameau !
Ainsi « Le Turc généreux » se mue en passeur de clandestins, « Les Incas du Pérou » deviennent de patibulaires narcotrafiquants et la troisième entrée, celle des « Fleurs », invite sur la scène des fondamentalistes iraniens opprimant leurs épouses tout en « se distrayant » avec des prostituées occidentales. Enfin, « Les Sauvages » de Laura Scozzi résident dans une province américaine tranquille et boisée, atteinte hélas par la folie consumériste…
Tout cela est un tantinet racoleur, mais « fonctionne » plutôt bien. Précise, énergique, très rythmée, la mise en scène joue l’humour plus que la poésie (il en faudrait aussi pourtant) et parvient à emporter l’adhésion par sa cohérence.
Tout commence dans le jardin du Palais d’Hébé, déesse de la jeunesse, Éden verdoyant où s’ébattent en dansant garçons et filles dans leur innocente nudité. Mais voici que Bellone, divinité de la guerre, s’en mêle et arrache les hommes à leurs tendres jeux pour les précipiter sur terre. Telle est dans ces Indes galantes, la faute originelle. Seul l’Amour saura, au prix d’un tour du monde édifiant, ranimer la flamme de la concorde.
Réussite indéniable de la mise en scène, les trois messagers du fils de Vénus, ludions gracieux, accompagnent de leur pantomime déjantée chaque escale de ce voyage en humanité. Ils ne manquent jamais de passer au magasin « H & M » local faire provision de souvenirs mondialisés…
Sans jamais ridiculiser le livret ni les personnages, cette joyeuse kermesse laisse toutefois trop peu respirer la musique. Elle donne tant à voir – et à rire – que l’oreille n’en peut mais La fosse, Les Talens lyriques dirigés par Christophe Rousset, et surtout le plateau manquent de panache et d’aisance pour traduire la noblesse à la française, grandiose ou élégiaque, de cette partition somptueuse.
L’entrée des Fleurs pâtit le plus de ce décalage entre image et son. Très appuyée, la charge anti-islamisme occulte le parfum raffiné de cet acte intimiste. On regrette en outre que Christophe Rousset ait choisi une version de l’œuvre où ne figure pas l’inouï quatuor « Tendre Amour », véritable trésor de l’histoire de la musique…
La prestation vocale honorable, comme les interventions sérieuses mais en mal de transparence du chœur (celui du Capitole), auquel Rameau a confié des pages enthousiasmantes, semblent trop souvent l’illustration d’une dramaturgie farceuse. Celle-ci renvoie dos à dos les partisans d’un état de nature un peu niais où l’on s’ennuie vite et ceux d’une civilisation plus distrayante mais passablement corrompue et régie par une impitoyable guerre des sexes. »

Classica – juin 2012 – Rameau chez les narcos

« Laura Scozzi, chorégraphe italienne travaillant aux côtés de Laurent Pelly, signe des Indes très politiques qui dénoncent l’avidité de l’homme. Dès le prologue, danseuses et danseurs nus opposent l’état de nature et la civilisation. Embarqués à bord d’un avion projeté en vidéo, trois amours délurés parcourent la Turquie balnéaire, l’Amérique écolo militante, l’Iran des ayatollahs et le Pérou des narco-trafiquants. Le propos enthousiasme le public du Capitole. Mais le système Pelly, fait de gags et de distanciation, réclame de la légèreté. Efficace chez Offenbach et Donizetti, il alourdit le livret de Fuzelier dont les intrigues fluettes suppportent mal l’engagement miilitant. La mise en scène est souvent bancale : l’acte turc ne sait comment s’achever et Huascar en producteur de cocaïne ne convainc pas. L’accumulation des gags tue l’atttention musicale.
Les Talens lyriques en sont les premières victimes ; la faute, aussi, à leur palette décevante. Côté voix, Cyril Auvity et Héélène Guilmette chantent brilllamment, mais ils sont bien les seuls … La particularité annoncée de ces Indes est une version retrouvée à Toulouse qui propose des modifications dans l’acte des Fleurs. Il est amputé de son magnifique quatuor mais agrémenté d’un air italien. Une perte regrettable pour une découverte très anecdotique. »

Diapason – juin 2012 – Rameau altermondialiste

« Des hommes et des femmes batiifolent nus dans une végétation luxuriante. Les Indes galantes revisitées par Laura Scozzi débutent sur cette image moins provocatrice que rafraîchissante d’un paradis perdu. Et enfin retrouvé au terme d’un voyage lucide aux quatre coins du monde. Car la chorégraphe dépasse l’exotisme ornemental de l’opéra-ballet de Rameau et Fuzelier en dénonçant les dérives de l’individualisme contemporain: trafics de drogue et d’êtres humains, asservissement des femmes et de la nature. Cette dramaturgie altermondialiste donne une cohérence à une trame narrative que la juxtaposition d’intrigues ténues rend inexistante, sans pour autant sombrer dans une démonstration forcée et bien-pensante, grâce à un sens intarissable du décalage loufoque. Et si les clichés ne sont jamais loin, c’est pour mieux en jouer, en livrant la scénographie pleine de trappes et astuces de Natacha Le Guen de Kerneizon à l’exploration facétieuse d’un trio d’Amours drolatiques. Mieux qu’un contraste, la direction de Christoophe Rousset crée un parfait équilibre. Etranger aux effets de l’extrémisme dynamique, le chef claveciniste conduit ses Talens Lyriques avec une prestesse limpide et raffinée, ciselant les contours et le rebond de l’écriture ramiste. D’autant que le trait parfois épais du Chœur du Capitole n’entame en rien une discipline stylistique inespérée, que ne relaie qu’imparfaitement un plateau soliste disparate. En dépit de son agilité fruitée, Julia Novikova fait figure d’erreur de casting, au même titre que Vittorio Prato, Osman inconsistant, et Nathan Berg, Huascar vociférant. Kenneth Tarver gravit les tessitures haut perchées de Valère et Tacmas avec une indifférence policée, à laquelle Cyril Auvity oppose en Carlos et Daman une éloquence non sans raideur. Livrant une trop brève leçon de diction, l’Adario de Thomas Dolié fait un rival de choix, tandis que Judith Van Wanroij, plus floue de mots, mais exquisément peste, croque Emilie et Atalide avec gourmandise.
Quant à Hélène Guilmette, elle ravit dans chacun de ses emplois par la sensibilité d’une ligne au charme pudique et un timbre ductile, qui trouve son plein épanouissement dans l’air italien que le manuscrit des Indes galantes conservé à la Bibliothèque de Toulouse ajoute à l’entrée des Fleurs. »

Opéra Magazine – juin 2012

« On ne sait jamais à quoi s’attendre lorsqu’on assiste à une nouvelle production des Indes galantes. Dans quel piège le metteur en scène va-t-il tomber? La reconstitution historique pure et dure ? La revue de music-hall emplumée et luxueuse? L’actualisation? La forme de l’opéra-ballet se prête à tout, permet les excès, les interprétations, les divagations. Chorégraphe et metteuse en scène, Laura Scozzi a opté pour une vision politique et philosophique. Avec un culot qui s’est révélé payant, puisqu’elle a réussi a tenir son propos au long du Prologne et des quatre «entrées», assurant ainsi une unité à ce qui n’est, au départ, qu’une succession de tableaux.
Le rideau s’ouvre sur un paysage de forêt vierge et profonde, arbres feuillus, source rafraichissante. Danseurs et danseuses font leur apparition : à la stupéfaction du public, ils sont entièrement nus. La vision idyllique de ce jardin d’Éden d’avant le péché originel, dans lequel Hébé, déesse de la Jeunesse, s’ébat en joyeuse commpagnie, est troublée par l’arrivée de Bellone la guerrrière, escortée de touristes, promoteurs, footballeurs, religieux, qui, après leur départ, laissent sur place les déchets de ce qu’ils ont consommé – la civilisation détruirait-elle tout ce qu’elle touche? L’Amour décide d’envoyer de par le monde un trio de gais lurons (des mimes épatants), témoins des quatre épisodes amouureux qui formeront la trame de l’ouvrage.
Piétinant l’anecdote, Laura Scozzi, à travers chaque histoire, dénonce fermement, mais sans lourdeur les dérives de la société contemporaine. Trafic d’humains, et naufragés réfugiés dans «Le Turc généreux» – générosité intéressée, puisque l’argent règne partout en maître. Narcotrafiquants dans «Les Incas du Pérou». Exploitation de la femme au Proche-Orient dans «Les Fleurs». Destruction de la nature pour le profit, et désir d’un bonheur domesstique des plus mesquins dans «Les Sauvages».
À chaque fois, le trait fait mouche, porté avec esprit et intelligence, soulignant ce que le livret de Louis Fuzelier porte en lui de sombre et de violent. Un divertissement, en même temps qu’une réflexion sur l’homme et son temps : le paradoxe est réussi, même si l’on peut imaginer Les Indes galantes autrement, et si, parfois, ce que l’on entend ne va pas avec ce que l’on voit.
Les ballets sont réglés avec minutie, et dansés avec entrain – comment ne pas se laisser emporter par la fameuse chaconne des «Sauvages» ? Même chez les chanteurs, Laura Scozzi joue sur la souplesse des corps, la grâce et le dynamisme des gestes.
La distribution est jeune et plaisante. Aucun problème de style dans une équipe composée, pour la plupart, de familiers du langage baroque, aucun souci d’élocution non plus. On regrette quelques problèmes d’intonation chez Kenneth Tarver, une tendance à faire passer le jeu avant le chant chez Nathan Berg, dont le Huascar souffre d’un timbre râpeux et d’un phrasé heurté. Mais Cyril Auvity, voix claire et franche, est toujours subtil, tandis qu’Aimery Lefèvre et Thomas Dolié font preuve d’une belle autorité. Julia Novikova et Judith van Wanroij font assaut de fraîcheur, mais Hélène Guilmette leur dame le pion, radieuse, exquise, à l’aise dans la fantaisie comme dans l’émotion. Cette version dite «de Toulouse», car établie d’après un manuscrit conservé à la Bibliothèque de la ville, offre la surprise d’un air italien dans «Les Fleurs» qui lui donne l’occasion d’un délicieux gazouillis.
Christophe Rousset est au pupitre de ses Talens Lyriques, et l’on est séduit par une trame sonore soyeuse et brillante, un récit alertement mené, une direction vivante et chaleureuse. Son Rameau est noble et frémissant, enthousiaste et élégant. Coproduit avec Bordeaux et Nuremberg, le spectacle va faire son chemin; on peut ne pas l’aimer, il ne laisssera pas indifférent. »

Boston – NEC’s Jordan Hall – 6, 7 mai 2011 – Boston Baroque – dir. Martin Pearlman – mise en scène Sam Helfrich – chorégraphe et danseur (Marjorie Folkman) – avec Amanda Forsythe & Nathalie Paulin (sopranos), Daniel Auchincloss & Aaron Sheehan (ténors), Sumner Thompson & Nathaniel Watson (barytons)


Opéra de Hambourg – 19, 21, 23, 27, 28 juin, 5 juillet 2010 – dir. Alexander Soddy – mise en scène Anja Krietsch – décors, costumes Aida Guardia – avec Vida Mikneviciute (Hébé / Phani), Katerina Tretyakova (L’Amour / Fatime), Ryszard Kalus (Bellone / Huascar), Maria Markina (Emilie / Zaire), Dovlet Nurgeldiyev (Valère / Tacmas), Dong-Hwan Lee (Osman / Ali), Ziad Nehme (Don Carlos) – nouvelle production




Cité Internationale des Arts de Paris – 1er mai 2010 – en version de concert Diletto Musicale, Cappella Genevensis, Concentus Paris – dir. Cl.-Xavier Hollenstein – avec Mayuko Karasawa, Elsa Tirel (dessus), Marcio Soares Holanda (haute-contre), Fernand Fédronic (taille), Pierre Bessière (basse)

 

Marcq en Baroeul – Théâtre Charcot – 6 décembre 2009 – Festival Liaisons musicales – version de concert de 1735 – Concert de l’Hostel-Dieu – dir. Franck-Emmanuel Comte

 

Prague – Théâtre National – 1er novembre 2008 – Londres – Barbican Centre – 4 novembre 2008 – Bruxelles – Palais des Beaux-Arts – 9 novembre 2008 – Milan – Teatro alla Scala – 13 novembre 2008 – version de concert – Les Arts Florissants – dir. William Christie – avec Juliette Galstian, Sonya Yoncheva, dessus (Phani, Zima), Ed Lyon, haute-contre (Valère, Damon), Juan Sancho, ténor (Don Carlos), Stéphane Degout, basse taille (Adario), Joao Fernandes, basse (Osman, Huscar, Don Alvar)

 

Atelier Lyrique de Tourcoing – 5, 7 mai 2006 – Théâtre des Champs Elysées – 10 mai 2006 – en version de concert – La Grande Écurie et la Chambre du Roy – Ensemble Vocal Jean Sourisse de Paris – dir. Jean-Claude Malgoire – avec Liliana Faraon (Amour et Fatime), Salomé Haller (Hébé, Emilie et Zima), Cyrille Gerstenhaber (Phani et Zaïre), Cyril Auvity (Valère, Tacmas et Damon), James Oxley (Carlos et Adario), Nigel Smith (Bellone et Huascar), Alain Buet (Osman, Ali et Alvar)

 

ResMusica – 5 mai 2006 – Les Indes ronronnantes

« Pour des raisons budgétaires, l’Atelier Lyrique de Tourcoing a proposé l’essentiel de ses productions de l’année en version de concert. Cela n’a pas nui à l’intérêt et à la qualité des soirées, les distributions ayant été globalement très soignées, et tant Rinaldo qu’Alceste ont procuré de grandes joies musicales. Nous serons un peu moins enthousiasmé par le dernier concert, Les Indes galantes, pas pour la réalisation musicale, mais plutôt pour le choix de l’œuvre, une comédie-ballet ne se prêtant pas à la version de concert. Privées de mise en scène et de chorégraphies, Les Indes galantes ont du mal à soutenir l’attention. Le Prologue et les deux premières entrées sont digestes, mais les deux entrées suivantes passent mal, la troisième surtout, malgré des coupures drastiques, paraît interminable, et il aurait été à notre avis préférable de choisir une tragédie lyrique, genre qui a plus de substance et qui peut mieux se passer de mise en scène. Ces réserves posées, il faut cependant reconnaître que le concert, sans être inoubliable, fut d’un bon niveau musical.
En haut de la distribution, le baryton Nigel Smith, un chanteur qui ne cesse de nous impressionner à chacune de ses apparitions à Tourcoing. Le timbre est brillant, la projection parfaite, la tessiture très étendue, malgré des graves qui manquent un peu d’assise et de couleurs, la diction française est irréprochable, la vocalisation souple et harmonieuse. Il est dommage qu’on l’entende relativement peu, mais il a le temps de ne faire qu’une bouchée du martial « la gloire vous appelle… » du Prologue, et son Huascar est tout à fait convaincant. L’autre baryton de la soirée, très sollicité, est Alain Buet, comme toujours stylé, à la diction mordante et à la présence théâtrale indéniable, ce qui compense un timbre assez grisâtre et monotone. Cyril Auvity semble de trop petit format pour chacun de ses rôles. Le chanteur est toujours élégant, le timbre est doux et fragile, mais il produit des sons parfois très étranges dans l’aigu, et est régulièrement en problème de justesse. La prestation de James Oxley est plus égale, mais assez atone, et la diction est, inhabituellement, assez pâteuse.
Trois sopranos complètent la distribution. Salomé Haller est la plus marquante : mise en difficulté par le rôle d’Hébé dans le prologue, trop léger pour elle, elle réussit par la suite une incarnation très intéressante de l’esclave Emilie, auquel elle apporte toutes les ressources de son tempérament dramatique et de sa voix corsée et puissante, et elle fait de « La nuit couvre les cieux ! » un moment mémorable. Liliana Faraon est la plus discrète, sa petite voix manque un peu de puissance, mais est très jolie. Elle a cependant encore beaucoup à faire pour maîtriser les aigus et la justesse. Cyrille Gerstenhaber séduit par la fragilité de son chant et la finesse pointilliste de ses phrasés, mais son étrange tenue aux imprimés psychédéliques, mi-carnaval mi-antiquité, qui va au-delà des frontières habituelles du goût, ne contribue pas à concentrer l’attention des spectateurs sur sa prestation vocale.
Nous avions été très favorablement impressionné par la tenue de la Grande Ecurie lors du dernier concert. Quelques semaines plus tard, c’est la débandade parmi les cordes, acides, maladroites et pas en place. Les vents se comportent très bien, le timbalier Guillaume Blaise montre son allant habituel, et les trompettes sont en bonne forme, sauf un moment de grosse distraction. Jean Claude Malgoire dirige son monde avec sa bonhomie et sa souplesse coutumières. Tout y est, l’esprit et le style, pourtant le chef, élégant mais peu engagé, n’évite pas une certaine monotonie. »

Altamusica – 10 mai 2006

« Y a-t-il œuvre plus jubilatoire que les Indes Galantes ? Jean-Claude Malgoire ne s’y est pas trompé, qui clôt son jubilé en beauté avec l’Opéra-ballet le plus exotique de Rameau, relevant haut la main le défi de la version de concert grâce à une Grande Écurie fringante et une distribution dominée par une Salomé Haller aux mille facettes. Pionnier en Rameau comme en tout, Jean-Claude Malgoire gravait avec les Indes galantes son premier opéra, encore tout ébloui de la production légendaire de Maurice Lehmann, qui signa le retour de Rameau à l’Opéra de Paris. Depuis ce premier essai sur instruments d’époque, William Christie a fait sien cet Opéra-ballet, imposant sa vision élégante mais souvent trop lisse d’Aix-en-Provence à Zurich.
Après une Alceste de Lully transformée en interminable scène de sommeil, Malgoire revient à Rameau avec la même énergie renouvelée que pour son enthousiasmant Orfeo de Monteverdi. Précise, variée, et surtout bien plus contrastée, de tempête en tremblement en de terre, que ne peut l’être celle de Christie, sa direction anime chacune des entrées avec le même sens du théâtre et du divertissement, palliant la frustration de la version de concert par le spectacle d’un orchestre régénéré. Car malgré quelques défauts de mise en place, la Grande Écurie, secondée par l’impeccable Chœur de chambre de Namur, se révèle à son plus homogène, et surtout son plus brillant, avec des vents superlatifs – traverso de rêve – et des cordes le plus souvent exultantes.
Sans star, mais formée d’une équipe jeune et concernée, au français superlatif, la distribution est dominée par Salomé Haller, dont la maîtrise stylistique kaléidoscopique et la présence réjouissante donnent à chacune des entrées auxquelles elle est conviée un surcroît de vie grâce à une déclamation tour à tour blessée – le Turc généreux – et spirituelle – une Zima débordante de fantaisie à la vocalise virevoltante, bien que privée de Régnez, plaisirs et jeux, dans les très fameux Sauvages. Que l’aigu ne soit pas des plus aisés, parfois même agressif, n’est que vétille, comparé à une palette de couleurs scintillantes et spontanées.
Délicate et expressive, la voix d’une ampleur trop limitée de Cyrille Gerstenhaber se trouve assez injustement éclipsée par le soprano lumineux et virtuose, mais un rien scolaire de Liliana Faraon, rossignol idéal pour les Papillons inconstants, auquel Malgoire permet de briller davantage encore en intégrant à la Fête persane l’air italien Fra le pupille, où Rameau fait valoir des dons incontestables pour le pasticcio.
S’ils manquent respectivement d’éclat et de creux pour en imposer par leurs seules voix, Alain Buet et Nigel Smith n’en savent pas moins croquer leurs personnages dans le temps limité de chaque entrée, tandis que le défi de la haute-contre à la française est remporté par James Oxley, de son timbre peu amène mais fièrement projeté, quand Cyril Auvity, certainement plus raffiné malgré son incapacité à exécuter le moindre tremblement, se bat avec la vocalité ramiste, que son émission éprouvée par un appui laryngé constant, contraint à la plus anodine raideur.
En attendant le retour inespéré de Gardiner dans Castor et Pollux la saison prochaine, Jean-Claude Malgoire prouve que, malgré les offensives violentes, et parfois outrées, d’un Minkowski, les anciens ont encore bien des choses à nous apprendre sur Rameau, qui n’est en aucun cas affaire de mode, achevant son jubilé sur le plus pimpant des points d’orgue. »

Opéra de Zürich 29, 31 décembre 2005, 1er, 3 janvier 2006 – Orchestre La Scintilla – choeur des Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène, chorégraphie Heinz Spörli – décors Hans Schavernoch – costumes Jordi Roig – lumières Jürgen Hoffmann – avec Malin Hartelius (Hébé), Malin Hartelius (Zima), Eva Liebau (L’Amour), Patricia Petibon (Phani), Patricia Petibon (Fatime), Liliana Nikiteanu (Zaïre), Juliette Galstian (Emilie), NN. (Adario), Joao Fernandez (Huascar), Christoph Strehl (Valère), Christoph Strehl (Tacmas), Gabriel Bermudez (Osman), Gabriel Bermudez (Ali), Gabriel Bermudez (Don Alvar), Reinaldo Macias (Don Carlos), Reinaldo Macias (Damon), Reinhard Mayr (Bellone)


Utrecht – Festival de Musique Ancienne – 29 avril 2004 – Cappella Amsterdam – dir. Daniel Reuss – Orchestra of the 18th Century – dir. Frans Brüggen – chorégraphie Andrea Leine, Harijono Roebana – mise en scène Jeroen Lopes Cardozo – avec Mathilde Etienne (L’Amour), Cyrille Gerstenhaber (Phani, Zaïre), Anne Grimm (Fatime), Claron McFadden (Emilie, Zima), Nicola Wemyss (Hébé), Marcel Beekman (Damon, Valère), Anders Dahlin (Don Carlos, Tacmas), Jasper Schweppe (Ali), Mattijs van de Woerd (Adario), Hubert Claessens (Bellone, Don Alvar, Huascar), David Wilson-Johnson (Osman)

 

Opéra Garnier – 13, 15, 17, 18, 20, 21, 22, 24, 25, 27 septembre 2003 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Andrei Serban, Niky Wolcz – décors, costumes Marina Draghici – lumières Robert Wierzel – chorégraphie Blanca Li – avec Prologue Danielle de Niese (Hébé), João Fernandes (Bellone), Valérie Gabail (L’Amour), 1e entrée – Le Turc généreux – Nicolas Cavallier (Osman), Anna Maria Panzarella (Emilie), Paul Agnew (Valère) – 2e entrée – Les Incas du Pérou – Nathan Berg (Huascar), Jaël Azzaretti (Phani), François Piolino (Don Carlos), 3e entrée – Les Fleurs, Fête persane – Richard Croft (Tacmas), Nathan Berg (Ali), Gaëlle Le Roi (Zaïre), Malin Hartelius (Fatime), 4e entrée – Les Sauvages – Nicolas Rivenq (Adario), Christoph Strehl (Damon), Christophe Fel (Don Alvar), Patricia Petibon (Zima)

François Piolino en Don Carlos

ConcertoNet – 13 septembre 2003

« Pour cette seconde reprise, la production des Indes Galantes dans la mise en scène d’Andréi Serban et sous la direction de William Christie requiert toujours le même enthousiasme de la part du public. Les trois heures et demie de spectacle passent très vite tant la mise en scène est inventive, lumineuse et remplie de petits détails difficiles à apprécier en une seule représentation. Parallèlement, les Arts Florissants et les chanteurs soutiennent ce projet ambitieux sans démériter et avec grande classe. Cette mise en scène, comme la plupart de celles d’Andréi Serban que ce soit au théâtre ou à l’opéra, est très colorée. Pour l’épisode du Turc Généreux, il place évidemment l’action sur une sorte de plage et Emilie apparaît allongée sur une coquille bleue. Au fond de la scène des tubes bleus plus clairs tournent de manière à évoquer une mer et des vagues agitées, vagues dans lesquelles des sirènes et autres poissons batifolent. L’illusion serait complète si Andréi Serban n’avait pas décidé, à la fin de l’épisode, de dévoiler toute la machinerie utilisée, brisant quelque peu le rêve. Pour les Incas du Pérou, les couleurs rouge et oranger sont privilégiées pour les décors et les lumières, conférant ainsi une atmosphère assez irréelle et sacrée. Des sortes d’éponges sont employées pour représenter la fausse explosion du volcan. La troisième entrée est sûrement la plus réussie scéniquement. La deuxième partie est composée essentiellement de ballets et Blanca Li n’hésite pas à habiller ses danseurs avec des feuilles, des fleurs et à les placer dans des pots dont ils sortent pour exécuter des figures chorégraphiques. Enfin pour les Sauvages, chanteurs et choristes sont habillés avec des plumes et de longs vêtements, tandis que les deux amoureux occidentaux de Zima redoublent d’excentricité dans leur toilette (rubans, …). De nombreuses idées intéressantes jalonnent cette production: pour annoncer le titre des entrées, le metteur en scène crée une nouvelle forme de surtitrage en confiant à certains personnages un carton en forme de nuage sur lequel est inscrit le titre. Une certaine cohérence s’installe dans la mesure où les accessoires du prologue sont presque tous des coussins en forme de nuage. Andréi Serban tente de faire des Indes Galantes une vaste illustration des différentes formes que revêt l’amour et met particulièrement en relief le rôle d’Hébé, sorte de guide préposée au bon déroulement des histoires amoureuses. Pendant l’ouverture, au milieu de la scène, un panneau, sorte de uolumen, se déplie et plusieurs éléments du décor utilisés au cours de la représentation traversent la scène (bateaux du Turc, le feu des Sauvages…). A la fin de l’opéra ce même panneau se plie alors et donne une unité à tout l’opéra. Une très large place est laissée, dans cette oeuvre, aux ballets et Blanca Li exploite au maximum les ressources de la danse. Même si les figures chorégraphiques ou du moins les idées illustrées font penser de manière très précise aux ballets de Platée dans la production de Laurent Pelly, elle utilise à merveille les intermèdes musicaux pour créer une petite histoire: pour cela elle utilise cinq couples de danseurs qui vont tour à tour simuler l’amour, la bonne entente puis la dispute, l’adultère, la jalousie…
La distribution, composée de spécialistes de longue date du baroque et d’une nouvelle génération, s’avère assez hétérogène. Si la production scénique n’a rien à envier à celle quasi-légendaire d’Alfredo Arias montée à Aix-en-Provence il y a dix ans, les chanteurs ne possèdent pas tous la même fraîcheur, le même engagement et la même perfection que des gens comme Jérôme Corréas, Sandrine Piau, Bernard Delétré, pour ne citer qu’eux…
Parmi la distribution féminine, c’est Anna-Maria Panzarella qui semble la plus à sa place. Elle campe une Emilie à la fois tendre dans les duos avec Valère mais également déterminée dans son air “Vaste Empire des mers”, qui est peut-être le plus beau passage de toute la représentation: la voix est ronde, pleine, stable et, de plus, son timbre particuliers donne du piquant au caractère de la jeune fille. Se pliant à toutes les exigences du metteur en scène, elle arrive à ne pas tourner en ridicule le ballet dans lequel elle et Paul Agnew sont dans de petites barques et font semblant de naviguer sur la mer.
Parmi les nouvelles chanteuses baroques, on retrouve avec plaisir Jaël Azzaretti qui, après avoir assuré les petits rôles dans de nombreuses productions de l’Opéra de Paris, a trouvé en William Christie, et en la musique baroque, un terrain favorable pour développer les qualités évidentes de sa voix. Même si elle manque encore un peu de puissance, la musicienne sait donner des accents particulièrement expressifs à son personnage et la salle reste suspendue à son air “Viens Hymen”. Malheureusement, sa diction reste assez approximative et on perd à ne pas distinguer les mots. Quant aux multiples vocalises qui composent son rôle, elles sont époustouflantes de virtuosité. Daniele de Niese, dont la carrière évolue également vers le répertoire baroque, tient le rôle d’Hébé avec beaucoup de conviction et s’engage sans réserve scéniquement. Vocalement la voix est belle, légère, souple mais pas très puissante: elle privilégie également le son à la diction et son texte est parfois incompréhensible. La chanteuse confirme la justesse et la beauté de sa voix dans une tessiture qui lui correspond mieux que celle de Cléopâtre dans Jules César donné dans ce même théâtre l’année dernière. Malin Hartelius, déjà présente lors des précédentes représentations, se tourne de plus en plus vers le répertoire baroque avec un certain succès. Son interprétation de Fatime est douce, légère. Le fameux air “papillon inconstant” est bien mené, même si elle a tendance à mettre trop de pression dans les aigus. Valérie Gabail se montre très drôle dans le rôle de Cupidon, habillée de rouge et lançant sur Bellone des flèches dorées. Ancienne choriste de multiples ensembles baroques, elle se plie aux exigences stylistiques mais ses vocalises restent assez inexactes. Gaële Le Roi se montre charmante en Zaïre et elle semble avoir une voix qui se prête admirablement au répertoire baroque. Espérons que cette expérience lui donnera envie de continuer sur cette voie. Enfin, Patricia Petibon, comme toujours, en fait trop et beaucoup trop au détriment et de sa voix et de son jeu. La mise en scène, certes, favorise ses déhanchements, mais peut-être pas à ce point-là! Son air “régnez, plaisirs et jeux” est bien chanté mais il serait peut-être préférable qu’elle ne donne pas la dernière note qui ressemble davantage à un cri qu’à une note tenue. En revanche elle emmène tous les choristes dans la fameuse danse des sauvages et, étant très sensible au rythme, elle donne un élan et un souffle impressionnants à cette scène.
Chez les chanteurs, la distribution est bien plus homogène. En fidèle de William Christie, Paul Agnew est égal à lui-même et présente un Valère assez niais, assez naïf. Il est sûr que la mise en scène ne l’avantage pas mais il donne des accents à sa voix, confirmant ainsi cette lecture. Le chanteur se montre particulièrement à l’aise dans les passages vifs “Hâtez-vous de vous embarquer” qu’il donne en pleine voix. Il dévoile alors une puissance vocale qui lui permettra d’aborder des rôles plus lourds en dehors du cercle baroque. En revanche François Piolino, qui fait figure de nouveau ténor baroque, est assez décevant. Son interprétation de Don Carlos est assez terne et on l’a déjà entendu plus inspiré. Le ténor Richard Croft se sert de l’élégance de sa voix pour Tacmas, mais elle manque peut-être de légèreté que seul un haute-contre, comme Jean-Paul Fouchécourt à Aix, peut apporter. En revanche il est impayable lorsqu’il se travestie en bohémienne et ajoute quelques “couacs” pour simuler sa difficulté à transformer sa voix. Nicolas Cavallier, familier de ce rôle, se taille un franc succès et se montre un Osman imposant et en même temps sensible. Le changement d’attitude du personnage n’en est alors que plus logique. Le chanteur s’appuie également sur une diction parfaite pour transmettre des émotions. Nathan Berg est le seul chanteur de cette production à interpréter deux rôles: celui de Huascar dans les Incas et celui d’Ali dans les fleurs. C’est dans ce dernier qu’il parvient à son maximum et qu’il est le plus convaincant: il est drôle et il trouve de doux accents pour prouver son amour. Nicolas Rivenq est, comme toujours, excellent. Après avoir chanté dans la production d’Alfredo Arias (à la fois Osman et Adario) et dans les diverses reprises de celle d’Andréi Serban, le rôle du sauvage n’a plus de secret pour lui. D’une grande prestance scénique, il remplit également la salle de sa voix forte et modulée. Il est peut-être le seul à être aussi à l’aise et à communiquer son enthousiasme à interpréter cette partition. Au moment où il apparaît, la musique semble enfin s’épanouir. Du grand art !! Enfin, Joao Fernandes, remarqué dans le Jardin des Voix, impressionne par sa voix stable, bien placée et souple mais aussi par son engagement scénique. Il pousse au plus loin les demandes du metteur en scène et campe une Bellone infernale à souhait. Ce jeune chanteur est un nom à retenir! A noter également la participation excellente de Christoph Strehl dans le rôle de Damon et celle toute aussi exemplaire de Christophe Fel dans celui de Don Alvar. Il confère à ce personnage assez ridicule un certain humour et rend l’attitude Zima encore plus détestable.
Comme toujours le choeur des Arts Florissants préparé par François Bazola fait merveille et une attention particulière est portée à la diction. Les choristes arrivent parfaitement à se mouler dans la mise en scène et ils s’en donnent à coeur joie dans la danse des Sauvages. La direction de William Christie se veut ferme, énergique mais manque peut-être de douceur ça et là. On préférera se souvenir de l’excellente intégrale enregistrée à l’issue des représentations d’Aix-en-Provence.
Au moment des applaudissements, les artistes reprennent en choeur la fameuse danse des sauvages, emmenés par un William Christie déchaîné qui n’hésite pas à jouer lui-même aux indiens et à se plier aux exigences de la mise en scène. Ce petit jeu achève de déclencher le délire du public, à juste titre.

Altamusica – 13 septembre 2003

« Epices des Indes – L’opéra-ballet est par excellence l’art du grand spectacle dix-huitiémiste : de la parfaite coopération entre le metteur en scène Andrei Serban, la chorégraphe Blanca Li, la créatrice de décors et costumes Marina Draghici est née une féerie jubilatoire, largement plébiscitée par un public enthousiaste. La danse s’intègre ici idéalement à l’œuvre, en évitant les écueils de la laborieuse reconstitution à l’authentique, mais aussi de la modernité hors sujet, comme cela avait pu être le cas pour la chorégraphie étrange des Boréades : raffinement, humour et à-propos en sont les maîtres mots – le ballet des pots de fleurs de la « Fête persane » restera ainsi un morceau d’anthologie.
De même, la distribution ne joue pas la carte du « star-system », et les acclamations qui accueillent Patricia Petibon au terme du tableau des Sauvages paraissent quelque peu injustes si l’on considère l’extrême homogénéité d’ensemble. Ici, il s’agit avant tout d’un travail d’équipe. Dès le Prologue, l’hilarante apparition de Joao Fernandes en Bellone drag-queen donne le ton de la soirée. Sans compter que la jeune basse issue du « Jardin des voix » des Arts Florissants a une voix superbe de justesse et de profondeur, sa prestation scénique augure d’une suite passablement hystérique. En face de lui, les sopranos Danielle de Niese (Hébé) et Valérie Gabail (l’Amour), à la plastique fort avantageuse, ont fort à faire, mais s’en tirent avec les honneurs. Si l’entrée du Turc généreux paraît théâtralement un peu moins heureuse (quelle idée d’habiller la pauvre Anna Maria Panzarella d’une robe de rallye provincial !), les chanteurs rivalisent d’excellence, avec en particulier le chant superbement stylé tant de Panzarella que de Paul Agnew.
Sans tout énumérer, on dira ensuite que Jaël Azzaretti (Phani des Incas du Pérou ) est une belle révélation, que Malin Hartelius dans les Fleurs se révèle aussi fine musicienne qu’à son habitude, et surtout que le quatuor des Sauvages (Christophe Fel, Christoph Strehl, Patricia Petibon et Nicolas Rivenq) se montre, avec un abattage impeccable, à la hauteur des attentes. C’est du reste à la chaconne de la 4e entrée que l’on attend les Indes, et la tradition fut respectée puisque l’air, repris après les saluts, fut une fois encore l’occasion, pour le public du Palais Garnier, d’assister à la célébrissime « danse du chef ». Non, pas le chef indien, le chef d’orchestre…
À l’orchestre – et aux chœurs – justement, il convient de rendre l’hommage le plus vif : entraînés à la perfection, idéalement dirigés, ces musiciens livrent une interprétation impeccablement huilée, cohérente de bout en bout, en un mot inspirée. Tout au plus peut-on souhaiter une meilleure mise en relief des pupitres (Rameau n’est-il pas un magicien de l’orchestre ?), ainsi qu’une articulation plus tranchante dans les passages où la bizarrerie de Rameau se donne libre cours. »

Opéra de Zürich – 11, 15, 17, 18, 21, 23, 25, 28, 29 mai 2003 – nouvelle production – Orchestre La Scintilla – choeur des Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Heinz Spörli – décors Hans Schavernoch – costumes Jordi Roig – avec Malin Hartelius (Hébé, Zima), Reinhard Mayr (Bellone), Isabel Rey (L’Amour, Phani, Fatime), Rodney Gilfry (Osman, Huascar, Adario), Juliette Galstian (Émilie), Christoph Strehl (Valère, Tacmas), Reinaldo Macias (Don Carlos, Damon), Gabriel Perez-Bermudez (Ali, Don Alvar), Liliana Nikiteanu (Zaïre)

Opéra International – juillet/août 2003

« Les Indes galantes, dont c’était la création scénique en Suisse, ont suscité l’enthousiasme du public. Musicalement, le pari était quasiment gagné d’avance, car William Ch ristie s’est mué, au fil des ans, en avocat ardent et convaincant de la cause ramiste. Sa direction enjouée sait faire admirablement sonner l’orchestration si variée dc cette partition miraculeuse, alors que le trait se veut tour à tour cinglant ou charme ironique ou sensuel. Chaque morceau, abordé comme un univers musical en soi, se fond pourtant dans l’architecture d’ensemble des diverses Entrées et constitue, dans l’éclat de ses couleurs et de son climat propres, la touche nécessaire à souligner la profusion d’idées mises en oeuvre. En entendant une interprétation aussi roborative, on s’étonne que d’aucuns aient pu un jour estimer ce langage lyrique ennuyeux ou répétitif…Les chanteurs, constitués d’habitués de la scène zurichoise, ont su assimiler ce style si particulier, où 1’ornementation légère le dispute constamment à une prosodie alambiquée dont l’accentuation s’écoute comme l’indispensable pulsion rythmique du profil mélodique de chaque air ou récitatif. Des trois sopranos, c’est Malin Hartelius (Hébé et Zima) qui emporte la palme, de sa voix virtuose. Isabel Rey se veut plus sentimentale : sa courbe de chant s’attarde volontiers sur les notes filées néanmoins, à l’intérieur de chacun de ses trois rôles, la cantatrice espagnole sait faire preuve d’un art supérieur de la précision dans l’intonation et de retenue dans la recherche de l’effet. Moins exubérante et extravertie, Juliette Calstian aborde les airs d’Emilie en esthète sensible. Enfin, la mezzo Liliana Nikiteanu séduit en Zaïre, avec son timbre grave qui virevolte avec aisance. Du côté masculin, Rodney Gilfry (trois rôles lui aussi) est tout simplement impérial. Son chant lui permet de faire un sort à chaque consonne de la langue française ; il est ainsi l’un des rares interprètes de la soirée dont le texte reste parfaitement compréhensible. Le ténor ardent de Christoph Strehl (Valère et Tacmas), à la fois précis et aérien, convainc plus facilement que la ligne de chant déjà un brin empâtée de Reinaldo Macias (Don Carlos et Damon). Bonne contribution des emplois plus épisodiques, et remarquable engagement scénique du choeur des Arts Florissants, qui sait, comme nul autre, rendre justice à l’écriture riche en traquenards rythmiques des nombreux épisodes choraux de l’ouvrage.
Heinz Spoerli, spécialiste des chorégraphies romantiques et modernes, ne s’est pas soucié de reconstituer les pas de danse français d’avant la Révolution. Son approche est ouvertement ironique, et l’on ne compte plus les citations des grands ballets, de l’entrée des Ombres au troisième acte de La Bayadère aux déhanchements hybrides typiques des chorégraphies de comédies musicales actuelles, à la façon Notre-Dame de Paris. Décevant au premier abord, le parti pris s’avère finalement payant, d’autant plus que le chorégraphe, qui est également metteur en scène, a décidé de transposer l’action dans le milieu interlope de l’Exposition Universelle de Paris en 1889, avec ses démonstrations folkloriques plutôt discutables sur le plan ethnographique. Le tout prend alors très vite des allures de spectacle bon enfant, où le brio de la réalisation visuelle vise à satisfaire l’oeil avant de nourrir l’esprit. Et lorsque l’ultime Entrée des Sauvages nous présente une cohorte de danseurs qui se trémoussent en jeans et T-shirts sur une musique bizarrement rythmée comme dans toute société américanophile en Europe ou en Asie, l’intention finale du metteur en scène pointe derrière le sourire de circonstance. Le XXIe siècle a aussi ses Indes exotiques, mais sont-elles tou jours aussi galantes ? La question reste bien sûr sans réponse, tandis que les décors de Hans Schavernoch et les costumes somptueux de Jordi Roig ajoutent encore au plaisir de l’oeil, en transformant cet opéra-ballet si particulier en revue déjantée typique dune époque en mal de repères esthétiques. »

Forum Opéra – 25 mai 2003

« De fréquentes allusions à l’architecture métallique de la fin du XIXe et du début du XXe (Tour Eiffel, Grand Palais…) semblent placer l’action lors d’une exposition universelle parisienne où les nations se succèdent dans un tourbillon de couleurs et de mouvements. Le Prologue se déroule sous la verrière du Grand Palais et le tableau des Incas dans une salle d’exposition où prône un immense tableau académique représentant Machu Pichu (et où Huascar se trouve être un savant fou, concepteur d’une énorme machine à vapeur qui finira par se détraquer), tandis que le tableau des Sauvages se déroule lui en plein far-west avec grand canyon, totems, cactus, scorpion… et calumet de la paix bien entendu ! Au milieu de cela, le tableau du Turc généreux est celui qui se rapproche le plus de l’univers XVIIIe avec sa perspective de toiles peintes (mais qui se retrouvent complètement emportées par la tempête qui anime le tableau !).
Cette mosaïque bigarrée ne choque aucunement et se rapproche certainement des productions de l’époque de Rameau où le public venait pour être émerveillé par ces civilisations éloignées et étranges qu’on ne savait alors caractériser que par les décors et les costumes et non encore par la musique. On sourit donc beaucoup dans cette production grâce aussi à la chorégraphie extrêmement inventive et souvent drôle, qui fait par exemple passer le long ballet des fleurs sans sentiment de longueur. La qualité des danseurs joue aussi beaucoup dans la réussite des séquences chorégraphiques.
Musicalement, nous sommes moins à la fête, surtout du fait d’une distribution très moyenne, pour ne pas dire plus, dont aucun chanteur ne sauve véritablement l’autre. Certes, on sent que le style a été travaillé, la prononciation aussi (pour certains), mais ce sont les voix qui font souffrir, soit qu’elles sont inadéquates pour ce répertoire (Rheinhard Mayr, Rodney Gilfry !) ou bien franchement insuffisantes (intonation, justesse). Seul le choeur des Arts Florissants apporte de la satisfaction sur le plan vocal, bien que nous ayons entendu ce superbe choeur plus rond et plus homogène par le passé. L’orchestre  » La Scintilla  » est un ensemble d’instruments anciens constitué par des musiciens de l’orchestre  » moderne  » de l’Opéra de Zürich, et cela se sent bien dans plusieurs pupitres, les flûtes et les violes par exemple ne pouvant s’empêcher d’émettre un léger vibrato. Malgré tout, l’orchestre, fourni, fait montre d’une belle assurance et d’une séduisante palette de couleurs. William Christie dirige avec amour un répertoire dans lequel il semble être de plus en plus à l’aise et convaincant, notamment sur le plan dramatique. Sa direction est vivante et contrastée, mais on lui reprochera un soupçon de maniérisme parfois (certains phrasés, certaines nuances pianissimo renforcées par un allégement soudain de l’orchestration, comme la fin de la danse des sauvages jouée en pizzicato…). »

Buenos Aires – Teatro Colon – 29 septembre, 1er, 2, 3, 4 octobre 2002 – Orquesta Cisplatina – dir. Gabriel Garrido – mise en scène Arias – première audition en Argentine – avec Marie-Louise Duthoit (Fatime)


Heidelberg – juillet 2002 – dir. Volker Christ – mise en scène Wolf Widder – avec Sabine Goetz (Hébé/Zima/Pappillon/Zaire/Phani), Kirsten Obelgönner (L’Amour/Adario/Fatime), Uwe Stickert (Damon/Tacmas/Don Carlos), Peter Paul (Bellone/Don Alvar/Ali/Huascar)

 

Opéra Garnier 15, 16, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 26, 27 septembre 2000 – Orchestre et Chœurs des Arts Florissants – dir. William Christie, mise en scène Andrei Serban, décors et costumes Marina Draghici, lumières Robert Wierzel, chorégraphie Blanca Li – avec : Prologue – Annick Massis (Hébé), Christophe Fel (Bellone), Gaëlle Méchaly (L’Amour) – 1ère entrée – Nicolas Cavallier (Osman), Anna-Maria Panzarella (Emilie), Paul Agnew (Valère) – 2e entrée – Nathan Berg (Huascar), Patricia Petibon (Phani), Iain Paton (Don Carlos) – 3e entrée – Paul Agnew (Tacmas), Nathan Berg (Ali), Anna-Maria Panzarella (Zaïre), Annick Massis (Fatime) – 4e entrée – Nicolas Rivenq (Adario), Iain Paton (Damon), Nicolas Cavallier (Don Alvar), Patricia Petibon (Zima)




Altamusica : « Les Indes sans épices » – 18 septembre 2000

« Créées la saison dernière à l’Opéra Garnier, les Indes Galantes de Rameau dans la production d’Andrei Serban jouissent d’une invention presque constante sur la scène, laquelle contraste violemment avec le manque d’engagement de William Christie dans la fosse. Une défaillance que la jolie distribution vocale ne compense pas tout à fait.
L’Opéra – Ballet fut à une époque un genre très en vogue en France où il a vu le jour à la fin du XVIIe siècle à l’instigation de Lully. Sa particularité est de reposer sur un thème et non sur une intrigue, ce qui donne libre cours à l’imagination et à la créativité du compositeur et du librettiste. L’opéra-ballet est donc un type d’œuvre à géométrie variable, un spectacle complet où tout est permis pour divertir le public : c’est le cas des Indes Galantes – dont le thème est les « Mœurs Amoureuses chez les Sauvages ». Aujourd’hui, la difficulté est de compenser l’absence d’un solide argument dramatique par un spectacle capable de tenir le spectateur de bout en bout. Malgré la mise en scène plutôt réussie et souvent drôle d’Andrei Serban – coloré, dynamique, qui mêle arts du cirque et danse contemporaine, avec l’intervention de la musette sur scène – les Indes Galantes n’atteignent pas leur objectif initial : divertir. La platitude léthargique de l’Orchestre des Arts Florissants de William Christie empêche toute fusion entre l’action scénique et la musique. L’orchestre est le principal fautif dans les carences de l’interprétation et cela, on a pu l’entendre dès le Prologue. La sécheresse de la direction de William Christie est à l’origine d’un manque de dynamisme et de couleur pourtant essentiels dans l’œuvre de Rameau. Les tempi paraissent trop lisses et les tempêtes, pourtant nombreuses, font l’effet de petites averses à peine humides. Quand Rameau a une idée toutes les deux mesures, Christie lui s’économise. Ses Indes ont l’exotisme du Darjeeling tiède qui se boit avec un nuage de lait et le petit doigt en l’air.
Heureusement, Paul Agnew, Nicolas Rivenq et surtout Patricia Petibon se sont surpassés pour tirer le spectacle de sa torpeur. Pas flamboyantes, ces Indes donc. Sauf sur la fin : l’orchestre se réveille subitement livre une danse des Sauvages débridée. Bouquet final : en guise de bis Christie monte sur scène et esquisse quelques pas de danse avec la troupe au grand complet. On aurait aimé qu’il se déboutonne quelques heures plus tôt. « 

Opéra International – novembre 2000

Lors de sa création, l’an dernier, l’aspect scénique de cette production nous avait laissés sur notre faim. Malgré notre peu de goût pour l’esthétique d’Andrei Serhan, cette reprise offre un visage nettement plus plaisant. La précédente accumulation systématique de lieux communs, empruntés à l’imagerie baroque, et de pléonasmes visuels, issus des mots du livret de Fuzelier, fatiguait, voire irritait. Aujourd’hui, ce qui était reçu comme un amas lassant et gratuit d’événements évoque une fête rythmée, dont on aperçoit les différents niveaux de sens. Les modifications apportées par Serban et, semble-t-il, par Blanca Li, consistent en une prise de distance, en un surplomb par rapport a ces systèmes trop rigidement appliqués. En découlent une plus grande fluidité, une calme énergie, une sorte d’esprit loufoque. Un certain nombre de décors et de costumes ont également été refaits ; cette fois pourtant, le spectateur ne pense pas une seule seconde aux imposants moyens, à tous points de vue, que nécessite une telle production. En outre, Blanca Li semble avoir joui d’une bien plus grande latitude d’action dans sa chorégraphie son aptitude à passer de danses imitatives (et traditionnellement attachées à la chorégraphie baroque) à des mouvements et formes totalement contemporains, est digne d’éloges. Un léger regret demeure : la direction d’acteurs relâchée d’Andrei Serban n’empêche certes pas les bons comédiens de s’épanouir (Paul Agnew, Patricia Petibon, Nicolas Rivenq ou Nicolas Cavallier), mais en abandonne d’autres, notamment Iain Paton, à eux-mêmes.
Le plateau vocal n’est en rien affecté par le fait que Natalie Dessay et Laurent Naouri n’y figurent plus. Les plus remarquables prestations sont à porter au crédit de Paul Agnew (extrèmement à l’aise dans la difficile tessiture de haute-contre, son expression, tant vocale que physique, est maintenant totalement exempte de mièvrerie), de Patricia Petibon (moins maniérée qu’auparavant, elle maîtrise autant la virtuosité dans l’aigu que l’art théâtral), de Nathan Berg (fort émouvant Huascar), de Nicolas Cavalier (fort intelligente basse chantante) et de Nicolas Rivenq (dont les dons vocaux, et surtout scéniques, ont quelque chose d’insolent). Une très légère déception touche Annick Massis, trop tendue physiquement pour chanter avec la souplesse que lui permettent ses moyens vocaux, et pour être une actrice au coeur de son jeu. Gaëlle Méchaly, Anna-Maria Panzarella, Iain Paton et Christophe Fel complètent efficacement cette excellente équipe.
A son tour, William Christie s’est montré bien moins rigide qu’en 1999. Au sens le plus plein et le plus laudatif du terme, il « joue » avec la partition et avec les différents protagonistes de cette production. Choeur toujours sonnant, continuo efficace, jolies couleurs instrumentales, joyeuses participations de certains instrumentistes (galoubet, percussions, trompettes) au jeu scénique contribuent pleinement au plaisir du spectateur. »

 

Tourcoing – Théâtre Municipal – 19 octobre 1999 – version de concert – La Grande Ecurie et la Chambre du Roy – dir. Jean Claude Malgoire – avec Gaële Le Roi (Hébé/Zima/Fatime), Salomé Haller (Emilie/Phani/Zaïre), Howard Crook (Don Carlos/Tacmas), Jean François Lombard (Valère/Damon), Nicolas Rivenq (Pacha Osman/Adario/Ali), Bernard Deletré (Huascar/Don Alvar)

« Le très bon niveau de l’interprétation musicale ne compense pas tout à fait la frustration générée par la présentation en version concert d’une oeuvre faisant autant appel au visuel. Il s’agit après tout d’un opéra-ballet (d’un « ballet héroïque » plus précisément) et cette alchimie si subtile entre musique, danse et gestique n’est guère mis en évidence par ce spectacle. Autre déception: la réduction du choeur aux seuls six solistes réduit singulièrement l’impact des scènes chorales relativement nombreuses pourtant dans cet ouvrage. Mais heureusement, de réelles satisfactions sont apportées par cette représentation qui ouvre la saison de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, institution hautement estimable dans une région peu riche en événements lyriques. En premier lieu, Jean Claude Malgoire dirige de manière précise et efficace un orchestre dans sa meilleure forme, stylistiquement à son aise dans ce répertoire, même si à certains moments, on pourrait souhaiter plus de fougue, voire de folie. La distribution est dominée par la superbe et souple voix de Salomé Heller. A 24 ans, cette soprano possède de grands moyens, une diction impeccable (qualité rare, partagée par l’ensemble des solistes), une bonne connaissance du style ramélien et de l’ornementation; il lui reste à corriger certains problèmes de justesse et de concentration. Gaële Le Roi compense une palette de couleurs vocales assez réduite par une virtuosité à toute épreuve. Nicolas Rivenq sera omniprésent à Tourcoing cette saison (il signera même les décors des opéras de Monteverdi et collaborera à la mise en scène); habitué de ce répertoire, Adario déjà à l’Opéra Garnier en septembre dernier, il n’a pas de mal à convaincre. Restent Howard Crook, parfait styliste mais aux moyens désormais ternis, Jean François Lombard, prometteur mais à la voix encore fragile et peu assurée et Bernard Deletré, seul chanteur véritablement contestable avec sa voix rocailleuse et son peu d’implication dramatique. «  (ConcertoNet)

Opéra Garnier – 17, 18, 19, 20, 23, 24, 25, 27, 28, 29 septembre, 1er, 2, 4, 5 octobre 1999 – Choeur et Orchestre des Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Andrei Serban – décors, costumes Marina Draghici – lumières Robert Wierzel – chorégraphie Blanca Li – avec

(1) Natalie Dessay (Hébé, Fatime, Zima), Heidy Grant Murphy (Emilie, Zaïre), Malin Hartelius (Phani), Gaëlle Méchaly (Amour), Nathan Berg (Osman, Ali), Yann Beuron (Valère, Damon), Laurent Naouri (Huascar, Alvar), Nicolas Cavallier (Bellone), Iain Paton (Carlo), Paul Agnew (Tacmas), Nicolas Rivenq (Adario),
(2) Malin Hartelius (Hébé, Phani, Fatime), Heidy Grant Murphy (Emilie, Zaïre), Natalie Dessay (Zima), Gaëlle Méchaly (Amour), Nathan Berg (Osman, Ali), Yann Beuron (Valère, Damon), Laurent Naouri (Huascar, Alvar), Nicolas Cavallier (Bellone), Iain Paton (Carlo), Paul Agnew (Tacmas), Nicolas Rivenq (Adario)

Opéra International – novembre 1999

« Avec Les Indes galantes, Rameau a créé un objet délicat àc erner : une oeuvre à grand spectacle (un opéra-ballet en un prologue et quatre « entrées », et non « actes », avec force personnages, choeur nourri, moyens scéniques amples, danse omniprésente), purement décorative (pas la moindre trace d’intrigue) et qui exprime la pensée esthétique d’un compositeur cartésien (mêlant le Cogito à la Théorie des Passions). Andrei Serban a pris acte et joué avec le premier terme : sa production est un grand spectacle et requiert la présence d’environ cent « acteurs » – chanteurs solistes, choristes, danseurs et mimes – sur la scène il a interprété à son sens le deuxième terme et a totalement ignoré le troisième. Si Serban fait aisément bouger les foules qui peuplent le plateau, il ne parvient pas à maintenir l’attention visuelle. Il a choisi d’asseoir son travail sur les lieux communs – réels ou supposés vrais – du vocabulaire esthétique que propose le livret, ou qui appartiennent à ce qui est souvent qualifié d’univers « baroque ». Hélas, il ne les traite que sur le registre du jeu et de l’ironie, par-delà les affects sincères et exprimés au premier degré par certains personnages. Et si Serban possède une facétie imaginative généreuse, mais soucieuse d’amener sur la scène les univers visuels et symboliques les plus bigarrés, son système s’épuise vite faute de sentiments profonds, faute d’idée – même paradoxale – sur le Beau, et aussi parce que sa direction d’acteurs brille par sa totale absence, laissant souvent les chanteurs solistes naufragés sur le plateau, comme dans la troisième entrée. Puisque, surtout à partir de cette troisième entrée, du comique ne demeurent plus que quelques gags lourds et tombant à plat – jusqu’à la caricaturalement imbécile danse des Indiens dans « Les Sauvages » -, Rameau finirait presque par mériter les critiques de ceux qui le rudoient et trouvent que cet ouvrage est juste bon pour les Folies-Bergère. Les amoureux de Rameau continueront d’affirmer que Les Indes galantes est un manifeste radical énonçant et accomplissant une théorie du Plaisir et du Beau.
Heureusement, la réalisation musicale offre bien des satisfactions. A commencer par William Christie, attentif comme rarement à une direction souple et jamais forcée, à des tempi variés et à de multiples couleurs instrumentales les danses – si belles et si essentielles à l’esthétique ramiste – trouvent ici une évidence et une nécessité imparables. La distribution est excellente. Natalie Dessay y est parfaitement à son aise son énergie communicative, sa diction sans défaut et son aisance vocale sont remarquables. Laurent Naouri campe, notamment, un convaincant Huascar : il y réussit, malgré Serban, à exprimer les sentiments quelque peu complexes du rôle. Si Nathan Berg est une basse toujours aussi solide, remarquons les prestations de Paul Agnew (maintenant que son émission vocale est ferme, il laisse percer un possible beau ténor mozartien), de Nicolas Cavallier (son chant est très intelligemment conduit) et de Nicolas Rivenq qui, par son enthousiasme scénique et sa nature théâtrale, capte d’emblée l’attention. »

Concerto.net – 17 septembre 1999

« Certes, les plus exigeants jugeront qu’après le Rameau juvénile, impertinent, réfléchi et subtil prôné par Minkowski et Pelly voici quelques mois sur cette même scène, celui de Christie et Serban paraît plus convenu. Signe révélateur : la portée du geste chorégraphique. Celui de Laura Scozzi dans Platée brillait par l’originalité, l’érotisme et l’audace ; Blanca Li dans Les Indes s’en tient à l’extrême élégance rarement habitée d’une nécessité intérieure, mis à part le tremblement de terre des Incas et certains instants des Fleurs. Accuser le côté patchwork de l’ouvrage reviendrait à le calomnier : la structure des Indes Galantes est l’une des plus cohérentes qui soient, synthétisant d’une entrée à l’autre avec un étonnant mélange de sincérité et d’ironie quatre langages cardinaux du dix-huitième siècle français : mélodrame sentimental, tragédie, comédie féérique et idylle pastorale. C’est à juste titre que Serban insiste sur les effets de symétrie dramatique qui assurent la continuité entre chaque tableau. Il n’en échoue pas moins à dégager la spécificité stylistique des deux premiers, après un Prologue plus soucieux d’actualiser le livre d’images hérité de Maurice Lehmann (clin d’oeil par ailleurs fort savoureux) que de mettre en perspective les codes de l’opéra-ballet à l’usage du spectateur contemporain. Mais la production de Marina Draghici est ravissante, et l’humour bon chic bon genre du spectacle soutient d’un bout à l’autre l’attention. Idem pour l’orchestre, quelques décalages entre fosse et plateau ou incertitudes parmi les cuivres constituant le lot des soirs de première. Les conceptions globales de Christie ne semblent pas avoir profondément changées depuis le spectacle aixois, où la folie communicative d’Arias lui inspirait peut-être davantage d’accents et de couleurs. Ici le phrasé des grandes plages instrumentales évolue vers un legato de plus en plus généralisé et un peu trop discrètement rythmé, avec de franches carences de souffle et d’élan pour la chaconne finale. Cependant, quels délicats jeux de timbre et de dynamique au sein des cordes, quelle aérienne finesse des ornements, quelle tendre malice du continuo (la sève dont Emmanuelle Haïm irrigue ses longs récitatifs dans les Fleurs laisse béat d’admiration) ! Le drame est décidément corseté (les Incas, encore), mais le sourire irrésistible (Les Sauvages, toujours).
Le plateau est légèrement supérieur en termes strictement vocaux à celui d’Aix, immortalisé par le disque (Harmonia Mundi 901 367.69), et retrouve souvent une égale bonne humeur. On peut préférer Fouchécourt à Agnew, et on ne saurait lui comparer le malheureux Paton ; Yann Beuron, avec ses merveilleux moyens, expose ce soir un phrasé un peu plus haché que dans Platée et ne fait pas tout à fait oublier Howard Crook. Rivenq retrouve son irrésistible Adario, Naouri est un truculent Alvar et un Huascar inoubliable, compensant la faiblesse naturelle du grave par son exceptionnelle dignité scénique et musicale et un profond investissement dramatique. Côté filles, et sans doute par opposition à Aix, on a joué la carte du luxe. Stars annoncées de la soirée, Natalie Dessay et Heidi Grant Murphy tardent un peu à trouver leur régime – pour l’une comme pour l’autre, la peinture ramiste est encore fraîche, ou seulement à sa deuxième couche. Grant Murphy aborde Emilie d’une voix un peu serrée, avant de délivrer une exquise Zaïre. Dessay peine dans une tessiture trop grave et paraît ce soir moins sûre de son suraigu qu’à l’accoutumée ; confrontée à des chausse-trappes rythmiques nouveaux pour elle, elle se prend un petit peu les pieds dans le tapis du récitatif d’Hébé. Mais sa Fatime est d’une exquise musicalité (l’air  » Papillon inconstant  » est un pur moment de grâce), et sa Zima possède le mélange d’impertinence, de chic et de chien qui nous la rendent si précieuse. C’est néanmoins Malin Hartelius, formidable Blonde dans L’Enlèvement à Salzbourg qui restera comme la révélation de la soirée. Sûreté de l’assise vocale, timbre charnu, phrasé épanoui et diction irréprochable : tout est dans sa Phani, et il faut guetter ses apparitions dans les autres tableaux au fil des soirées à venir. Soirées auxquelles on ne manquera de toute façon pas de prêter attention, puisque si l’entier génie de Rameau ne s’y concentre point, il en demeure assez, accompagné d’assez de plaisir, pour faire son miel trois semaines durant. »
« Quel bonheur de voir ainsi se réaliser ce que laissait pressentir la Première ! Malin Hartelius, ajoutant à Phani Hébé et Fatime, nous offre d’extraordinaires moments de chant ramélien, synthèse idéale d’une voix riche et d’un style irréprochable. Dès le Prologue, on est saisi par la variété des nuances et du timbre, parfaitement épanoui dans cette tessiture, la fluidité d’une phrase où les ornements s’intègrent avec un remarquable naturel et une confondante sûreté rythmique, l’éloquence de la diction, à peine teintée d’un léger accent. Face au Huascar toujours noble et émouvant de Naouri – et malgré le chef et la mise en scène particulièrement peu inspirés – elle combine dans Les Incas instinct dramatique et sensualité. Et si Les Fleurs exposent les limites de l’aigu, on goûte la saveur sombrée de son travesti, et les irrésistibles contrastes dynamiques de « Papillon inconstant ». On espère vivement des Mozart sur cette même scène – et pourquoi pas des Haendel ?
Sans transcender ses limites initiales – la grâce extrême n’échappant pas toujours à la fadeur -, la production paraît évidemment mieux rôdée au terme de cette série de représentations. Le jeu de scène est plus vivant, plus investi (Serban aurait-il fait retravailler ses troupes ?) ; Gaëlle Méchaly a gagné en aisance, Beuron phrase avec davantage de souplesse (bien que quelques accidents suggèrent une forme vocale un peu inférieure à ses formidables standards), Agnew s’affirme désormais comme un Tacmas parfait, voix mixte soignée et fausset irrésistiblement drôle, Dessay reste merveilleuse de charme, de musicalité et d’intelligence même si la tessiture et le style lui demeurent assez étrangers. Leurs décalages maintenant rangés au placard, les Arts Flos nous régalent d’un festival de couleurs émaillé de performances solistes mémorables (Marie-Ange Petit se lâche complètement dans son numéro « Tambours du Potomac » plébiscité par le public). Christie soigne toujours les courbes, trouve mille détails de phrasé admirables, et ose une dynamique plus contrastée, une rythmique plus nette ; l’élan véritable, l’âpreté de l’articulation dès que le tempo accélère lui font toujours défaut, surtout dans Les Incas et le final. Au rideau, « Bill » au bras de Natalie Dessay entraîne toute sa troupe dans une Danse des Sauvages endiablée. Cela n’excuse pas le manque de passion et de folie, mais achève de rendre ce spectacle terriblement sympathique. »

Dijon – XVIe Festival de Musique – Salle des Etats de Bourgogne – 24 et 25 juin 1994 – Musique des Lumières – dir. Jean-Christophe Frisch – version de chambre en concert – mise en scène et scénographie BéatriceCramoix – chorégraphie Marie-Geneviève Massé – avec Sophie Boulin, Jérôme Corréas, Serge Goubioud

 

Versailles – Journées Rameau – 8 juin 1994 – version de concert – dir. Jean-Claude Malgoire – avec Michael, Annick Massis, Simon Edwards, Imboden

 

Paris – Opéra Comique – 19, 20, 22, 23, 24, 26, 27, 19 janvier 1993 – Théâtre de Caen – 19 et 20 février 1993 – Opéra de Lyon – 10, 11, 13 et 14 février 1993 – dir. William Christie – reprise de la production de 1990 – mise en scène Alfredo Arias – décorsRoberto Plate – costumes Françoise Tournafond – chorégraphie Ana Yepes – éclairages Patrice Trottier – avec Claron McFadden (Hébé, Zima), Isabelle Poulenard (l’Amour, Phani), Miriam Ruggeri (Émilie), Sandrine Piau (Zaïre), Noémi Rime Fatime), Howard Crook (Valère, Damon), Jérôme Corréas (Bellone, Ali), Nicolas Rivenq (Osman, Adario), Jacques Bona/Bernard Deletré (Huascar, Don Alvar), Jean-Paul Fouchécourt (Don Carlos, Tacmas)

« La conception d’Alfredo Arias s’avère extrêmement proche de ce qu’était l’esprit du divertissement au siècle de Rameau, les Indes Galantes, sorte de revue musicale à la mode du XVIIIe siècle, se prêtant particulièrement bien à ce type de transposition. Du même coup, l’élément chorégraphique, si déterminant dans l’opéra-ballet, loin des compoctions de la gestique baroque revue et corrigée par le XXe siècle, retrouvait sa fonction première et son naturel. Ceci n’empêchait d’ailleurs pas le plaisir purement musical d’être au rendez-vous, avec des tempi et des couleurs instrumentales souvent plus audacieux que d’habitude chez les Arts Florissants, et une distribution fort convaincante, particulièrement du côté des mes-sieurs, la partie féminine restant dominée par Claron McFadden. Distribution où l’on retrouve d’ailleurs les mêmes solistes qu à Aix, exceptés Laurence Dale et François Le Roux, remplacés par Howard Crook et Jacques Bona. Claron McFadden, Nicolas Rivenq, Howard Crook et Jacques Bona s’offrent la part du lion pour leur prestation inénarrable dans l’acte final des Sauvages, mis en scène avec une drôlerie déchaînée. Signalons aussi quelques moments musicaux exceptionnels dans les ensembles et des choeurs au-dessus de tout éloge. » (Opéra International – mars 1993)

Festival d’Aix-en-Provence – 12, 16, 19, 22 et 26 juillet 1990 – Opéra de Montpellier – 5, 6 et 7 février 1991 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Alfredo Arias – décors Roberto Plate – costumes Françoise Tournafond – chorégraphie Ana Yepes – éclairages Patrice Trottier – avec Claron McFadden (Hébé, Zima), Sandrine Piau (Zaïre), Isabelle Poulenard (l’Amour, Phani), Noémi Rime (Fatime), Miriam Ruggeri / Catherine Dubosc (Émilie), Laurence Dale / Howard Crook (Valère, Damon), Nicolas Rivenq (Osman, Adario), Jean-Paul Fouchécourt (Don Carlos, Tacmas), Jérôme Corréas (Bellone), Ali), François Leroux / Jacques Bona / Bernard Deletré (Huascar, Don Alvar)

Dessin de costumes par David Wasserman
L’humour et l’inventivité de cette réalisation, à grand renfort de machines, costumes et danses, dans l’esprit de la féerie exigé par l’esthétique même de l’ouvrage… »

Le retour des Indes Galantes Opéra International – juillet/août 1990

 

Paris – 1987 – Garino, Gallamini, Raffalli, S. Garisson S

 

Théâtre Musical du Châtelet – 28 mai, 1er, 2, 3, 4 juin 1983 – Dijon – 6, 13, 14 juin 1983 – Venise – Teatro La Fenice – 24, 26 juin 1983 – dir. Philippe Herreweghe – mise en scène et scénographie Pier Luigi Pizzi – chorégraphie René Goliard et François Raffinot – avec Grégory Reinhardt, Véronique Dietschy, Gallamini, Dean, Anne Marie Rodde, Vandersteene, Browne, Garino, Garrison, Destembert, Raffalli, John Rath.



« Comment résister à la magie que déploie sous nos yeux Pier Luigi Pizzi, le grand vainqueur de cette soirée ? Dès le lever du grand rideau vaporeux bleu-roi parsemé de fleurs d’or et se levant avec grâce vers les cintres dans un mouvement d’aérienne apesanteur, les regards sont fascinés par tout ce qu’ils voient les musiciens en habit XVIIIe, que hausse vers nous peu à peu le praticable de l’orchestre ; les choristes également vêtus de riches habits pastels et qui prolongent leur mélodies de gestes simples et souples, évoluant tout au long de la soirée, de la fosse à la scène, en discrètes théories, navigateurs des flots ou des nuages. Comment ne pas admirer aussi et surtout ces admirables costumes, variés à l’infini, d’or et pourpre profonds dans l’Entrée des Incas, sortis droit d’une miniature persane dans l’Entrée des Fleurs, et toujours baignés d’une lumière tendre, changeante, vive comme la musique de Rameau? En fait, c’est elle qui nous semblait curieusement le moins à l’honneur. A cause des somptueuses trouvailles de Pizzi ? Peut-être. A cause sans doute aussi d’un orchestre encore un peu frêle et d’un chef moins dramatique qu’on ne l’eût souhaité…Finalement, que pouvait-on souhaiter de plus pour ce principal hommage rendu par Paris au grand musicien ? D’abord, une distribution plus homogène. A côté de jolies voix, bien assises et chantant avec grâce dans le style de l’époque – citons brièvement, au risque d’être injuste pour d’autres Anne-Marie Rodde (Emilie), Véronique Dietschy (Hébé puis Zima), John Rath (Don Alvar) – d’autres acteurs offraient une composition de bon niveau mais ni toujours  » en situation « , ni toujours exceptionnelle. Et cela était en partie dû à la direction un peu molle de Philippe Herreweghe. On eût aimé une battue des bras moins symétrique, un sens dramatique plus poussé qui eût du mordant, de la vivacité mais surtout de l’ampleur et une intériorité plus marquée. Rameau nous est apparu en effet un peu terne, trop resserré sur lui-même et enfermé à l’étroit dans une bonbonnière – alors qu’il lui faut être porté l’incandescence pour que nous soient révélées ses beautés trop discrètement cachées. Finalement, il aura manqué peu de chose à ce « spectacle » enchanteur pour qu’il devienne une grande « soirée musicale »: un rien de vie supplémentaire et le sens de la grandeur, comme on l’avait au Siècle des Lumières. » (Opéra International – juillet/août 1983)

Opéra International – mai 1983 – « Pier Luigi Pizzi met en scène Rameau » – interview à l’occasion de la représentation au Châtelet en mai 1983 – « Tricentenaire Rameau – Pourquoi les Indes Galantes ? – « La Pélissier (1707 – 1749) – Scandaleuse et divine interprète de Rameau ».

 

Opéra de Rouen – 4, 5, 6 février 1983 – dir. Ethuin – avec Bruneau, Cognet, Draan Gardeil, Leonard, Scappaticici, Vidal Hippert

 

Théâtre de Bordeaux – février 1978 – dir. Roger Rossel – mise en scène Raymond Rossius – scénographie Serge Creuz – chorégraphie Juan Giulano et Georges Skibine – avec Isabel Garcisanz/A. Mory (Hébé), R. Massard (Bellone, Don Alvar), M. Pouradier-Duteil (L’Amour), L. Lainé (Osman), Ch. Issartel (Emilie), G. Garino (Valère), Guy Fontagnère (Huascar), A. Mory (Phani), G. Sirera (Carlos), G. Garino (Tacmas), G. Gauthier (Ali), Ch. Issartel) (Zaïre), M. Péna (Fatime), G. Gauthier (Adario), G. Sirera (Damon), Isabel Garcisanz/M. Herbé (Zima)

 

Opéra de Liège – septembre 1976 – dir. Roger Rossel – mise en scène Raymond Rossius – scénographie Serge Creuz – chorégraphie Juan Giulano et Georges Skibine – avec M. Le Bris (Hébé), M. Vanaud (Bellone), A.M. Miranda (L’Amour), L. Graus (Osman), A. François (Emilie, Zaïre), Guy Fontagnère/M. Trempont (Huascar), M. Le Bris/Maday Urbain (Phani), J. Razador (Carlos, Damon), A. Voli (Tacmas), A. Battele (Ali), A. Frantz (Fatime), W. Pirie/M. Maïewsky (Adario), M. Vanaud (Don Alvar), N. Pacheco (Zima)


Versailles – Théâtre Gabriel – 1974 – avec Jennifer Smith (Emilie), Luis Masson (Osman)

 

Los Angeles – University of California – 23 mai 1969 – trois entrées – mise en scène et décors John Jones ete Archie Sharp – avec Kathryn Hunt, William Farell, Natalie Limonick, Hayden Blanchard

 

New York – Town Hall – 1er mars 1961 – Clarion Music Foundation – dir. Thomas Dunn – avec Judith Raskin, Maria Ferriero, Charles Bressler, George Shirley, Robert Trehy

 

Opéra Garnier – 3 janvier 1965 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Dumas (Hébé), Lussas (Bellone), Chalanda (L’Amour), Gérard Serkoyan (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Rémy Corazza (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Gouttebroze (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Gottlieb (Ali), Broudeur (Zaïre), Mady Mesplé (Fatime), Chauvet (Adario), Roger Gardes (Damon), Fagianelli (Don Alvar), Jaumillot (Zima)

 

Opéra Garnier – 2 janvier 1965 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Nadine Sautereau (Hébé), Francine Arrauzau (Bellone), Chalanda (L’Amour), Gérard Serkoyan (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Rémy Corazza (Valère), René Bianco (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Finel (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Calès (Ali), Monteil (Zaïre), Mady Mesplé (Fatime), Rialland (Adario), Roger Gardes (Damon), Fagianelli (Don Alvar), Spanellys (Zima)

 

Opéra Garnier – 11 novembre 1963 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Nadine Sautereau (Hébé), Francine Arrauzau (Bellone), Harbell (L’Amour), Gérard Serkoyan (Osman), Berthe Monmart (Emilie), Henri Legay (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Serres (Phani), Albert Lance (Don Carlos), Rémy Corazza (Tacmas), Calès (Ali), Monteil (Zaïre), Christiane Eda-Pierre (Fatime), Rialland (Adario), Roger Gardes (Damon), Fagianelli (Don Alvar), Spanellys (Zima)

 

Opéra Garnier – 6 mai 1962 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Nadine Sautereau (Hébé), Serres (Bellone), Chalanda (L’Amour), Gérard Serkoyan (Osman), Le Bris (Emilie), Michel Sénéchal (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Albert Lance (Don Carlos), Rémy Corazza (Tacmas), José Luccioni (Ali), Denise Duval (Zaïre), Martha Angelici (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Roger Gardes (Damon), Forel (Don Alvar), Jaumillot (Zima)

 

Opéra Garnier – 3 février 1962 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Nadine Sautereau (Hébé), Serres (Bellone), Chalanda (L’Amour), Gérard Serkoyan (Osman), Berthe Monmart (Emilie), Michel Sénéchal (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Chauvet (Don Carlos), Amade (Tacmas), Germain (Ali), Monteil (Zaïre), Christiane Eda-Pierre (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Roger Gardes (Damon), Geay (Don Alvar), Jaumillot (Zima)

 

Opéra Garnier – 28 juin 1959 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Leger (Hébé), Scharley (Bellone), Pastor (L’Amour), Georges Vaillant (Osman), Segala (Emilie), Rialland (Valère), Massard (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Chauvet (Don Carlos), Cadiou (Tacmas), Noguéra (Ali), Denise Duval (Zaïre), Mady Mesplé (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Roger Gardes (Damon), Jean-Pierre Laffage (Don Alvar), Spanellys (Zima)

 

Opéra Garnier – 21 juin 1959 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Blot – avec Christiane Castelli (Hébé), Scharley (Bellone), Pastor (L’Amour), Georges Vaillant (Osman), Segala (Emilie), Rialland (Valère), Massard (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Cadiou (Tacmas), Noguéra (Ali), Denise Duval (Zaïre), Martha Angelici (Fatime), Guy Chauvet (Adario), Roger Gardes (Damon), Jean-Pierre Laffage (Don Alvar), Irène Jamillot (Zima)

Guy Chauvet et Irène JamillotD. Sharley

Opéra Garnier – 19 juin 1959 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Christiane Castelli (Hébé), Scharley (Bellone), Liliane Berton (L’Amour), Georges Vaillant (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), René Bianco (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Paul Finel (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Germain (Ali), Denise Duval (Zaïre), Janine Micheau (Fatime), José Luccioni (Adario), Roger Gardes (Damon), Gabriel Bacquier (Don Alvar), Lamart (Zima)

René Bianco
Suzanne Sarocca

Opéra Garnier – 11 avril 1959 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Leger (Hébé), Scharley (Bellone), Chalanda (L’Amour), Georges Vaillant (Osman), Lyne Cumia (Emilie), Riallant (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Paul Finel (Don Carlos), Amade (Tacmas), Germain (Ali), Broudeur (Zaïre), Van Herck (Fatime), Guy Chauvet (Adario), Roger Gardes (Damon), Jean-Pierre Laffage (Don Alvar), Lamart (Zima)

Lyne Cumia et Georges Vaillant

Opéra Garnier – 13 mars 1959 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Christiane Castelli (Hébé), Scharley (Bellone), Chalanda (L’Amour), Pierre Froumenty (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), René Bianco (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Paul Finel (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Noguera (Ali), Broudeur (Zaïre), Angelici (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Roger Gardes (Damon), Jean-Pierre Laffage (Don Alvar), Spanellys (Zima)

 

Opéra Garnier – 7 avril 1958 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Blot – avec Leger (Hébé), Pennafort (Bellone), Pastor (L’Amour), Savignol (Osman), Lyne Cumia (Emilie), Henri Legay (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Amade (Tacmas), Germain (Ali), Gisèle Desmoutiers (Zaïre), Van Hereck (Fatime), Fronval (Adario), Roger Gardes (Damon), Jean-Pierre Laffage (Don Alvar), Camart (Zima)

 

Versailles – Opéra Louis XV – 1957 – un acte représenté à l’occasion de la réouverture de l’Opéra Royal, en présence du Président René Coty et de la reine d’Angleterre Élisabeth II.

Les Indes Galantes

Opéra Garnier – 19 mars 1956 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Leger (Hébé), Bouvier (Bellone), Harbell (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Lyne Cumia (Emilie), Henri Legay (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Juyol (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Germain (Ali), Guilhard (Zaïre), Mathot (Fatime), Verdière (Adario), Roger Gardes (Damon), R. Bourdin (Don Alvar), Gisèle Desmoutiers (Zima)

 

Opéra Garnier – 3 mars 1956 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Boursin (Hébé), Couderc (Bellone), Chalanda (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Segala (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), René Bianco (Huascar), Suzanne Juyol (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Noguera (Ali), Guilhard (Zaïre), Jacqueline Micheau (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Nicolaï Gedda (Damon), Clavère (Don Alvar), Gisèle Desmoutiers (Zima)

 

Opéra Garnier – 10 décembre 1955 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Renée Doria (Hébé), Couderc (Bellone), Chalanda (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Lyne Cumia (Emilie), Henri Legay (Valère), Ernest Blanc (Huascar), Melvat (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Noguera (Ali), Guilhard (Zaïre), Angelici (Fatime), Verdière (Adario), Roger Gardes (Damon), Clavère (Don Alvar), Gisèle Desmoutiers (Zima)

 

Opéra Garnier – 29 octobre 1955 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Christiane Castelli (Hébé), Bouvier (Bellone), Chalanda (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Lyne Cumia (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), Ernest Blanc (Huascar), Suzanne Juyol (Phani), Georges Doré (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Noguera (Ali), Denise Duval (Zaïre), Angelici (Fatime), Verdière (Adario), Nicolaï Gedda (Damon), Clavère (Don Alvar), Gisèle Desmoutiers (Zima)

 

Opéra Garnier – 22 janvier 1955 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Van Herck (Hébé), Couderc (Bellone), Chalanda (L’Amour), Georges Vaillant (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), Ernest Blanc (Huascar), Suzanne Juyol (Phani), Huylbrock (Don Carlos), Alain Vanzo (Tacmas), Noguera (Ali), Guilhard (Zaïre), Angelici (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Roger Gardes (Damon), Clavère (Don Alvar), Berthe Monmart (Zima)


Opéra Garnier – 15 octobre 1954 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Christiane Castelli (Hébé), Bouvier (Bellone), Chalanda (L’Amour), Pierre Froumenty (Osman), Segala (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), Roux (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Amade (Tacmas), Germain (Ali), Guilhard (Zaïre), Liliane Berton (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Henri Legay (Damon), Clavère (Don Alvar), Berthe Monmart (Zima)

 

Opéra Garnier – 29 janvier 1954 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Van Herck (Hébé), Rita Gorr (Bellone), Chalanda (L’Amour), Georges Vaillant (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), De Luca (Valère), Roux (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Jean Giraudeau (Tacmas), Germain (Ali), Guilhard (Zaïre), Liliane Berton (Fatime), Verdière (Adario), Nicolaï Gedda (Damon), Roger Bourdin (Don Alvar), Geori Boué (Zima)

 

Opéra Garnier – 28 novembre 1953 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Van Herck (Hébé), Ricquier (Bellone), Chalanda (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Berthe Monmart (Emilie), Arnoult (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Jean Giraudeau (Tacmas), Germain (Ali), Guilhard (Zaïre), Liliane Berton (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Henri Legay (Damon), Roger Bourdin (Don Alvar), Geori Boué (Zima)

 

Florence – 26 juin 1953 – dir. Louis Fourestier – mise en scène Maurice Lehmann – avec Christiane Castelli (Hébé), Hélène Bouvier (Bellone), Liliane Berton (L’Amour), Huc-Santana (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), L. de Luca (Valère), René Bianco (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Jean Giraudeau (Tacmas), P. Germain (Ali), Denise Duval (Zaïre), Janine Micheau (Fatime), José Luccioni (Adario), Raoul Jobin (Damon), Roger Bourdin (Don Alvar), Geori Boué (Zima)

 

Opéra Garnier – 2 mars 1953 – reprise de la production de juin 1952 – dir. Louis Fourestier – avec Christiane Castelli (Hébé), Hélène Bouvier (Bellone), Lucienne Jourfier (L’Amour), Huc-Santana (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), René Bianco (Huascar), Ferrer (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Amade (Tacmas), Germain (Ali), Denise Duval (Zaïre), Janine Micheau (Fatime), José Luccioni (Adario), Raoul Jobin (Damon), Roger Bourdin (Don Alvar), Geori Boué (Zima)

 

Opéra Garnier – 15 décembre 1952 – reprise de la production de juin – dir. Louis Fourestier – avec Van Herck (Hébé), Chabal (Bellone), Liliane Berton (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Segala (Emilie), Rialland (Valère), R. René Bianco (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Amade (Tacmas), Germain (Ali), Denise Duval (Zaïre), Morales (Fatime), Verdière (Adario), Henri Legay (Damon), Clavère (Don Alvar), Camart (Zima)

 

Opéra Garnier – 17 novembre 1952 – reprise de la production de juin – dir. Blot – avec Grandval (Hébé), Ricquier (Bellone), Chalanda (L’Amour), Huc-Santana (Osman), Segala (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Amade (Tacmas), Jacques Jansen (Ali), Moizan (Zaïre), Van Herck (Fatime), Verdière (Adario), Henri Legay (Damon), Charles-Paul (Don Alvar), Camart (Zima)

 

Opéra Garnier – 5 novembre 1952 – reprise de la production de juin – dir. Blot – avec Christiane Castelli (Hébé), Denise Scharley (Bellone), Chalanda (L’Amour), Huc-Santana (Osman), Segala (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Amade (Tacmas), Jacques Jansen (Ali), Guihard (Zaïre), Van Herck (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Henri Legay (Damon), Clavère (Don Alvar), Camart (Zima)


Opéra Garnier – 19 octobre 1952 – reprise de la production de juin – dir. Blot – avec Christiane Castelli (Hébé), Hélène Bouvier (Bellone), Chalanda (L’Amour), Roux (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Jean Giraudeau (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Berthe Monmart (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Amade (Tacmas), Jacques Jansen (Ali), Denise Duval (Zaïre), Janine Micheau (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Henri Legay (Damon), Roger Bourdin (Don Alvar), Camart (Zima)


Opéra Garnier – 17 octobre 1952 – reprise de la production de juin – avec Christiane Castelli (Hébé), Chauvelot (Bellone), Chalanda (L’Amour), Roux (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), De Luca (Valère), René Bianco (Huascar), Marisa Ferrer (Phani), Romagnoni (Don Carlos), Jean Giraudeau (Tacmas), Jacques Jansen (Ali), Berthe Monmart (Zaïre), Van Herck (Fatime), Camille Rouquetty (Adario), Raoul Jobin (Damon), Clavère (Don Alvar), Géori Boué (Zima)



Lucienne Jourfier en AmourJacqueline Brumaire en Emilie
Denise Duval en ZaïreJanine Micheau en Fatime
Suzanne Sarroca en PhaniGeori Boué en Zima

Opéra Garnier – 17 septembre 1952 – reprise de la production de juin – avec Christiane Castelli (Hébé), Hélène Bouvier (Bellone), Liliane Berton (L’Amour), Hugo Santana dit Huc-Santana (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), De Luca (Valère), René Bianco (Huascar), Ferrer (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Jean Giraudeau (Tacmas), Jacques Jansen (Ali), Denise Duval (Zaïre), Janine Micheau (Fatime), José Luccioni (Adario), Henri Legay (Damon), Roger Bourdin (Don Alvar), Geori Boué (Zima)


Opéra Garnier – 18 juin 1952 – cent-quatre-vingt-sixième représentation – livret remanié par René Fauchois (préludes parlés) – révision musicale de Paul Dukas (entrée Les Fleurs) et Henri Busser – dir. Louis Fourestier – mise en scène Maurice Lehmann – décors Arbus et Jacques Dupont (prologue, finale), Georges Wakhevitch (1e entrée), Carzou (2e entrée), Fost et Moulène (3e entrée), Chapelain-Midy (4e entrée) – chorégraphie de André Aveline (1e entrée, avec Mlle Bourgeois et Legrand ), Serge Lifar (2e entrée, avec Serge Lifar, Vyroubova and Bozzoni), Harald Lander (3e entrée, avec Mlle Bardin en Rose, Mlle Dayde en Papillon, Ritz en Zéphir et Renault en Persan), Serge Lifar (4e entrée, avec Mlles Darsonval, Lafon et Guillot et MM. Kalioujny et Efimoff – avec Christiane Castelli (Hébé), Chabal (Bellone), Chalanda (L’Amour), Xavier Depraz (Osman), Jacqueline Brumaire (Emilie), Rialland (Valère), Jean Borthayre (Huascar), Suzanne Sarroca (Phani), Georges Noré (Don Carlos), Jean Giraudeau (Tacmas), Noguera (Ali), Guihard (Zaïre), Alarie (Fatime), José Luccioni (Adario), Henri Legay (Damon), Charles-Paul (Don Alvar), Berthe Monmart (Zima). Ballets réglés par Serge Lifar. Production représentée 286 fois jusqu’en 1965.

Les Indes Galantes

Opéra Comique – 30 mai 1925 – Entrée Les Fleurs – version remaniée par Paul Dukas – décos Lucien Jousseaume – mise en scène Albert Carré – dir. Maurice Frigara – avec Yvonne Brothier (Zaïre), Antoinette Réville (Fatima), Miguel Villabella (Tacmas), Emile Rousseau (Ali)

 

Paris – Société des Concerts du Conservatoire – 4 novembre 1923 – Invocation et Hymne au Soleil – dir. Philippe Gaubert – avec M. Panzera

 

Concerts Colonne – 18 décembre 1904 – exécution d’extraits.