COMPOSITEUR | Antonio VIVALDI |
LIBRETTISTE | Pietro Metastasio |
ENREGISTREMENT | ÉDITION | DIRECTION | ÉDITEUR | NOMBRE | LANGUE | FICHE DÉTAILLÉE |
1984 | 2003 | Claudio Scimone | Erato | 2 | italien | |
2001 | 2002 | Jean-Claude Malgoire | Dynamic | 2 | italien | |
2012 | 2013 | Alan Curtis | Naïve | 3 | italien |
Opéra en trois actes (RV 705), représenté au Théâtre philarmonique de Vérone, le 26 mars 1737, avec une distribution réunissant Cesare Grandi (Catone), le castrat soprano Lorenzo Girardi (Cesare), la castrat soprano Giacomo Zaghini (Arbace), la contralto vénitienne Elisabetta Moro, spécialisée dans les rôles travestis (Fulvio), Giovanna Gasparini (Emilia), Anna Giro (Marzia).
Charles Albert (*), électeur de Bavière, son épouse Marie Amélie, et son frère Ferdinand assistèrent à la première représentation. Vivaldi était sans doute présent également.
(*) Charles Albert de Bavièree, né en 1697, se fit couronner empereur germanique en 1742 sous le nom de Charles VII, et mourut en 1745.
Il fut interdit à Venise, deux mois avant les représentations de Vérone par le Conseil des Dix, en raison du sujet trop politique. Toutefois, la fin fut amputée de la mort de Caton. L’opéra fut repris l’année suivante à Amsterdam.
Seuls les actes II et III sont parvenus : la partition de l’acte I est perdue, dont Vivaldi disait qu’il avait été composé par « d’autres personnes ».
Reprise à Graz à l’automne 1740, avec Anna Giro, et – sans doute – en présence de Vivaldi.
Synopsis
« C’est dans l’histoire romaine que le quatrième opéra véronais de Vivaldi nous transporte. Giulio Cesare règne en maître absolu sur l’Empire après sa victoire sur Pompeo. L’un des derniers républicains à lui résister est le sénateur Catone d’Utica (ville africaine), associé au prince de Numidie, Arbace. Suivant le goût baroque bien connu chez Corneille, que l’on retrouvera par exemple chez Haendel, et peut-être héritier de Sénèque via Shakespeare, de mêler la trame politique à l’histoire amoureuse, l’intrigue fera d’Arbace le soupirant de la fille de son ami Catone, Marzia qui, elle, est éprise du tyran. Cesare se présente à Utica devant Catone pour tenter une paix, mais Emilia, veuve de Pompeo, laisse éclater son indignation et sa peine. Le légat romain Fulvius vit parallèlement un lourd dilemme : il soutient sincèrement la politique de l’Empereur tout en brûlant d’amour pour Emilia. Marzia propose à Cesare une union qui amènerait forcément la paix voulue. A l’acte II, Catone refuse fièrement l’exigence du Sénat lui ordonnant de se soumettre à la volonté populaire, en faveur de Cesare. Il consent, finalement à rencontrer le tyran. Cette entrevue ne porte guère, l’intégrité républicaine de Catone restant sans faille, et le rebelle s’emporte à la proposition de mariage entre Marzia et l’Empereur. La jeune fille, disculpant ainsi Cesare, avoue publiquement un amour authentique. Le dernier acte cristallise la tragédie : Cesare s’apprête à entamer une guerre contre Utica. Emilia, toujours soucieuse de venger la mort de Pompeo, lui tend une embuscade. Mais Catone arrive, et déjoue ses plans. Il s’indigne du procédé honteux de la veuve, et propose un duel à l’Empereur. Cependant, la bataille a commencé. Bientôt, Utica est vaincue. Catone, fidèle à la République, veut mettre fin à ses jours. Surviennent Arbace et Marzia qui parviendront à l’en dissuader. Emilia quitte les lieux en affirmant son espoir de vengeance, tandis que Marzia et Cesare seront unis. La première version du livret, en 1728, prévoyait, fidèlement à l’histoire, la mort de Catone sur scène, dans les bras de sa fille. Metastasio conçut une seconde version cinq ans plus tard qui répondit mieux au goût du public : c’est celle-ci que choisit Vivaldi pour son opéra. (Anaclase.com)
Synopsis détaillé
Dans la ville africaine d’Utique se sont regroupées les ultimes résistances républicaines antagonistes de Jules César qui, après sa victoire sur Pompée, est désormais le maître absolu de la scène politique et militaire romaine. L’une des dernières poches de résistance est tenue par le sénateur romain Caton d’Utique et par Arbace, prince royal de Numidie, ami de Caton Arbace est épris de Marzia, la fille de Caton, mais celle-ci aime César, bien que son père l’ait promise à Arbace.
Acte I
Salle d’armes
(1) Caton s’apprête à recevoir César à sa demande. Arbace lui confirme sa fidélité et demande en contrepartie la main de Marzia. Celle-ci se récrie, mais Caton accepte, et décerne à Arbace la citoyenneté romaine. (2) Marzia ne peut cacher à Arbace son amour pour César, mais lui fait promettre de ne pas parler de noces. (3) Resté seul, Arbace se lamente. (4) César, accompagné de Fulvius, légat romain rallié à sa cause, se présente devant Caton, et lui marque du respect. (5) Emilie, la veuve de Pompée, venue chercher refuge auprès de Caton, ne parvient pas à retenir son indignation devant le responsable de la mort de son époux. Fulvius calme le jeu, et la rencontre entre Caton et César est repoussée. (6) Emilie reste très remontée contre César. (7) Elle reproche à Fulvius d’avoir pris le parti de César et lui demande de choisir entre être « l’ami de César » et « l’amant d’Emilie ». Fulvius promet à Emilie de lui être fidèle. (8) Emilie, restée seule, renouvelle son désir de vengeance.
Un jardin proche de la résidence de Caton
(9) Fulvius raconte à César, qui l’en remercie, comment il a feint d’être du côté d’Emilie. (10) Marzia survient et reproche à César son attitude vis à vis de Caton. En échange de son amour, César lui promet de faire la paix avec son père.
Acte II
Une cour magnifique
(1) Caton confirme à Arbace et Marzia leurs noces prochaines. Fulvius arrive qui l’informe de l’arrivée de César. Caton refuse de le rencontrer, mais Fulvius lui remet un message par lequel le Sénat romain menace Caton de le déclarer ennemi s’il ne se retire pas devant César. Caton reste inflexible et se retire. (2) Fulvius fulmine contre Caton. Marzia repousse Arbace. (3) César survient devant Emilie et Marzia. César est outré de l’attitude de Caton. (4) fulvius annonce à César que ce dernier, sous la pression populaire, accepte de le recevoir. César confirme à Marzia qu’il ne cherche qu’à faire la paix. (5) Marzia reprend espoir devant Emilie qui a compris ses sentiments pour César. (6) Emilie est consciente de la trahison de Fulvius, qui lui confirme son aide, mais n’en laisse rien paraître. (7) Fulvius a des remords de trahir Emilie.
Un lieu à l’écart, chez Caton
(8) Caton indique à César qu’il le reçoit sous la contrainte. César, quqi cherche un accord à tout prix, accepte de passer pour vaincu, mais Caton exige qu’il abandonne le commandement des armées, qu’il renonce au titre de César et qu’il soit emprisonné. César veut discuter, mais Caton refuse. L’indignation de Caton est à son comble lorsque César lui parle d’épouser Marzia. (9) Celle-ci est désespérée, et toutes ses tentatives de ramener la paix entre les deux Romains sont vaines, et la guerre apparaît inévitable. (10) Marzia reproche à son père de mettre sa vie et celle d’Emilie en danger. Caton lui fait part d’un passage qui leur permettra de s’échapper vers la source d’Isis. (11) Arbace demande à Caton la main de Marzia, mais celle-ci ne parvient plus à se retenir et avoue à son père son amour pour César. Caton est furieux, et Arbace le maîtrise alors qu’il allait la frapper. (12) Marzia reproche à Arbace et Emilie, qui s’en défendent, d’oeuvrer contre elle. (13) Arbace exhale sa douleur. (14) Restée seule, Emilie craint pour elle en cas de victoire de César.
Acte III
Un bois entouré de grands arbres menant à la source d’Isis
(1) César est désormais décidé à abandonner toute tentative de réconciliation avec Caton et veut lui déclarer la guerre. Fulvius le met en garde contre un complot ourdi par Emilie en vue de l’assassiner. Il lui conseille de se faire conduire en secret hors d’Utique par Floro, un soldat de Caton, pendant qu’il attaquera le camp de Caton. (2) César rencontre Marzia qui tente d’échapper à la colère de son père et le quitte en lui demandant d’épargner son père. (3) César reste seul et soupire. (4) Emilie prépare une embuscade avec des hommes armés qui se dissimulent. (5) César arrive avec Floro à la source d’Isis, à la recherche du passage Il se heurte à Emilie. César croit avoir été trahi par Fulvius mais Emilie le détrompe. Les hommes en aarmes sortent, et attaquent César qui se défend. (6) César est sauvé par l’arrivée de Caton à la recherche de sa fille. Emilie avoue devant lui son projet de vengeance. Caton la chasse. (7) Caton propose à César de résoudre leur opposition par un duel. Au moment où ils vont se battre, (8) Emilie arrive qui annonce l’assaut romain aux murailles d’Utique. César et Caton rejoignent chacun leur propre camp. (9) Emilie, restée seule, se lamente. (10) Caton, l’épée à la main, annonce la victoire de César, et décide de mettre fin à ses jours. (11) Marzia et Arbace l’en empêchent. Marzia essaie de fléchir son père mais Caton reste inflexible. (12) Victorieux, César veut que Caton soit épargné. Fulvius le rassure. (13) César confirme à Marzia que Caton est libre. Arbace fait son deuil de Marzia, Emilie renouvelle son désir de vengeance, César et Marzia se donnent leur coeur.
Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr
Livret (en italien) : http://www.liberliber.it/biblioteca/m/metastasio/index.htm
Représentations :
Paris – Théâtre des Champs Élysées – 10 janvier 2014 – version de concert – Il Complesso Barocco – dir. Alan Curtis – avec , Colin Balzer (Catone), Caitlin Hulcup (Cesare), Sonia Prina (Marzia), Ann Hallenberg (Emilia), Nerea Berraondo (Fulvio), Ana Quintans (Arbace)
Tourcoing – Atelier lyrique – 23 et 25 novembre 2001 – La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire – dir. Jean-Claude Malgoire – mise en scène Gildas Bourdet – décors Gildas Bourdet et Edouard Laug – costumes Christine Rabot-Pinson – lumières Jacky Lautem – avec Simon Edwards (Catone), Jacek Laszczkowski (Cesare), Liliana Faraon (Marzia), Veronica Cangemi (Emilia), Diana Bertini (Fulvio), Philippe Jaroussky (Arbace), Yohan Cattant, Antoine Champène, Vincent Gominet, Mathieu Guez, Rabah Henneguier, Clément Mémery (Soldats et hommes de garde),
« Il faut tout d’abord louer la grande rigueur et patience sur le plan musicologique dont a fait preuve Jean-Claude Malgoire et son équipe pour exhumer une œuvre d’un grand intérêt, dont une partie (l’essentiel du premier acte) avait été perdue. Le travail de reconstitution minutieux a permis de retrouver deux des sept airs manquants, les cinq autres étant empruntés à d’autres opéras de Vivaldi, le plus en rapport avec la situation dramatique du livret, les récitatifs étant composés par Malgoire. Le résultat est plus que probant, la différence entre les deux parties ne se faisant absolument pas sentir. La production de Gildas Bourdet est efficace dans sa simplicité et son respect des conventions du genre. Le point noir reste le rôle de Fluvio, confié à la création de 1737 à la virtuose Elisabetta Moro et difficilement distribué aujourd’hui : ni Annie Vavrille en 1998, ni Sylvie Althaparro à l’Opéra-Comique n’avaient convaincu mais Diana Berti les surpasse dans la médiocrité, insuffisante de projection, molle de diction et surtout impossible dans les vocalises, surtout dans son premier air « Anch’il mare par che sommerga », issu de Semiramide puis Bajazet, d’autant qu’il a été enregistré récemment dans le récital Vivaldi par Cecilia Bartoli. Heureusement, les autres chanteurs rendent tous justice à leur rôle et sortent vainqueurs des difficultés de la partition. Tout d’abord, la grande musicienne qu’est Veronica Cangemi, annoncée souffrante pourtant, se joue des écarts de ses deux airs de fureur avec une aisance déconcertante, le timbre corsé ayant pris de la consistance au fil des années. Le contraste avec le soprano plus léger, moins coloré mais d’une grande finesse de Liliana Faraon est des plus heureux. Simon Edwards mûrit toujours un peu plus depuis ses premières apparitions hésitantes à Tourcoing, la voix s’élargissant positivement et le comédien sensible brosse un portrait touchant du rôle titre. Restent les deux sopranistes : Philippe Jaroussky, dans un rôle trop secondaire, réussit pourtant à faire remarquer une technique déjà remarquable, un timbre d’une homogénéité rarement rencontrée, une capacité de maîtrise du legato et une facilité dans la vocalisation. Jacek Laszczkowski, bien connu désormais du public de l’Atelier Lyrique de Tourcoing est un comédien extraordinaire incarnant subtilement Cesare, sa magnanimité et ses contradictions ; sa voix a quelque chose de surhumain, gagnant en consistance plus la tessiture rejoint le suraigu, alors que le grave a du mal à se projeter ; sa musicalité est particulièrement évidente dans l’air plein de noblesse qu’est « Vincerà l’aspro moi fatto », en fait air de remplacement issu de Semiramide et qui fut le plus beau moment de la représentation. Jean-Claude Malgoire dirige avec un évident plaisir cette partition passionnante et prend soin de ses chanteurs tout en faisant preuve d’une réelle rigueur dans sa direction. » (ConcertoNet – 25 novembre 2001)
Opéra Comique – 25, 26, 27, 29, 30 mai, 1er, 2, 3 juin 2001 – La Grande Ecurie et la Chambre du Roy – dir. Jean-Claude Malgoire – mise en scène Gildas Bourdet – conseiller musical et dramaturgique Frédéric Delaméa – décor Gildas Bourdet, Edouard Laug – lumière Jacky Lautem – costumes Christine Rabot-Pinson – chef de chant Elisabeth Geiger – avec Simon Edwards (Catone), Jacek Laszczkowski (Cesare), Manuela Kriscak (Marzia), Veronica Cangemi (Emilia), Sylvie Althaparro (Fulvio), Philippe Jaroussky (Arbace) – Production de l’Atelier Lyrique de Tourcoing
Opéra International – juillet 2001
« Apparemment, Jean-Claude Malgoire dirige de manière assez peu contraignante…il veille admirablement à ne pas couvrir les voix »… »La distribution est d’excellente tenue, à commencer par les deux contre-ténors…Le sopraniste Jacek Laszczkowski a une projection bien mince…mais la grâce du timbre, la maîtrise de l’aigu et la musicalité emportent une adhésion sans réserve »… »L’allto Philippe Jaroussky possède une densité assez rare ches les contre-ténors »… »La distribution féminine a été dominée par Veronica Cangemi, laquelle allie densité timbrique et ardeur dramatique »… »Les qualités vocales de Manuela Kriscak ont été renforcées par une évidente aisance scénique »… »Dans un rôle masculin, la contralto Sylvie Althaparro a montré bien des qualités ; pourtant ses deux airs requéraient des qualités opposées, extrême virtusosité et ligne de chant tendue. »
Altamusica – Honni soit qui Gloire y pense – 25 mai 2001
« S’appuyant sur une orchestration à la richesse respectable, la musique de Vivaldi ne réserve pas beaucoup de surprises, mais dispense néanmoins de beaux instants, principalement dans les airs de César. Par ailleurs, Jean-Claude Malgoire a opéré une habile sélection dans le corpus vivaldien pour remplacer la musique du premier acte, entièrement perdue. Opera seria jusqu’à la dernière note, Catone donne la priorité à la pyrotechnie vocale, la plupart des airs exigeant une vélocité impressionnante et surtout une tessiture terrifiante. C’est à cette primauté de la vocalité sur une réelle réflexion dramatique que se heurte tout metteur en scène : comment, par exemple, traiter les da capo, occasion pour un chanteur de dévoiler son art (encore faut-il qu’il en ait les capacités), mais immanquable casse-tête pour la scénographie ? Gildas Bourdet n’aura pas apporté de réponse définitive, mais du moins a-t-il le mérite de ne pas laisser ses artistes à l’abandon et d’éviter tout statisme, avec un jeu d’acteur certes conventionnel. Même remarque pour les décors minimalistes et résolument abstraits, faits de panneaux de couleurs vives que reflète un sol très miroitant, des chaises servant seules d’accessoires ; passé l’interrogation première suscitée par leur sens, le spectateur se laisse prendre à un jeu de lumières assez esthétiques. Le gros point noir reste des costumes assez « camelote »(celui d’Arbace !), dont l’exubérance à mi-chemin entre histoire et féérie jure de manière flagrante avec l’environnement abstrait.
Le manque de préparation de la Grande Ecurie a été pour sa part bien réel. Justesse approximative, attaques désordonnées, sonorité d’ensemble malingre, l’orchestre a fortement déçu, dans une musique qui pourtant n’exige pas de prouesses. Jean-Claude Malgoire n’a pas réussi à surmonter les faiblesses de sa phalange pour imprimer un véritable dramatisme à la partition. En revanche, on ne pouvait trouver meilleur choix s’il agissait d’écarter le répertoire baroque de cette scène (l’Opéra Comique) qui lui convient pourtant idéalement. Reste la distribution. Dans le rôle-titre, le ténor Simon Edwards n’a pas le plus beau timbre du monde, mais il assure courageusement les notes, sans parvenir toutefois à animer un personnage unidimensionnel. Sa fille Marzia, ici la soprano Manuela Kriscak, est un peu à son image, professionnelle, mais sans grande séduction ni virtuosité. Sa prestation demeure cependant un plaisir si on la compare au Fulvio catastrophique de Sylvie Althaparro. On connaissait le beau timbre de cette chanteuse, ainsi que ses limites dans les exercices de virtuosité, mais comment ne pas être atterré par les inégalités de registre, le manque de souplesse ou la justesse inexistante, brutalement révélés dans un rôle écrit pour Elisabetta Moro, l’une des plus grandes virtuoses de l’ère baroque ? Philippe Jarroussky en Arbace a fait valoir une musicalité parfaite, servie par un beau sens du phrasé, mais il doit encore travailler le placement de la voix et sa projection. Veronica Cangemi a aisément triomphé en Emilia vengeresse : beau timbre, vocalises sidérantes, la soprano a compensé un certain manque de franchise dans l’émission par un engagement théâtral admirable. Reste le cas Jacek Laczckowski. Le polonais est un vrai sopraniste ; si le grave est quasi-inaudible, si l’endurance dans une oeuvre aussi longue fait défaut, le musicien a surpris par son raffinement et surtout, le virtuose a sidéré le public par son aisance dans les aigus, jusque dans des cadences distillant des contre-notes à faire pâlir bien des sopranos. Un cas unique assurément. Plus qu’un simple objet de curiosité, Laczckowski a été l’astre bizarre d’une soirée qui a alterné le meilleur et plus souvent le pire. »
et aussi :
« L’entreprise, confiée à Jean-Claude Malgoire, souffre d’un mal qui tend à devenir trop fréquent chez le pionnier du concert à l’ancienne en France. En d’autres termes, son orchestre de la Grande Ecurie joue « petits bras » dès l’ouverture, compromise par des cors en mal de justesse et des cordes terriblement à la peine. Dommage, hélas, trois fois dommage, car l’harmonieuse mise en scène de Gildas Bourdet et le plateau de voix stimulant – sinon entièrement satisfaisant – méritaient mieux que cet accompagnement très insuffisant. Avec un bonheur absolu : la révélation du soprano conquérant et vengeur de Veronica Cangemi, à l’aise dans les prouesses pyrotechniques du rôle d’Emilia, la veuve de Pompée qui poursuit César de sa haine. Précisément, César est le sopraniste Jacek Laszczkowski : timbre disons fabriqué, mais technique assurée qui fait rêver à ce que la réalité historique des castrats a peut-être été. Et si la mezzo Sylvie Althaparro (Fulvio) ne sort pas indemne d’un aria certes à très haut risque (popularisé au disque par Cecilia Bartoli), on n’oubliera pas de sitôt le Caton au profil de médaille du ténor Simon Edwards, non plus que l’Arbace de Philippe Jaroussky, décidément le contre-ténor qui monte. »
Diapason – juillet 2001
« C’est le manque de technique et de dramatisme qui condamne le Catone de Malgoire à un honnête spectacle de fin d’année. Seule la souveraine Veronica Cangemi, la flamme dans le regard et le sourire au coin des lèvres jusque dans une fureur gourmande, et le prometteur Philippe Jaroussky possèdent à la fois les notes, l’ampleur et le caractère des personnages. L’absence de pulsation dans la direction réduit tous les mouvements à un andante plus ou moins rapide, jamis incisif ni suspendu, qui ne peut tendre le drame ».
Concerto.net – 25 mai 2001
« La représentation de cette reconstitution, travail de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, sous la direction de Gildas Bourdet, est en tout point digne d’éloges. Le chef Jean-Claude Malgoire et le metteur en scène ont su insuffler vie et rythme à une histoire au fond assez statique, reposant essentiellement, selon le modèle encore en vigueur à l’époque, sur une alternance de récitatifs, qui exposent le déroulement de l’action et d’airs chargés d’exprimer la joie, l’attente, la colère, le désespoir des différents protagonistes. Le décor repose sur un jeu de praticables aux formes géométriques, traités dans les trois couleurs primaires, que les lumières viennent nuancer ici et là, faisant par exemple passer le jaune du citron le plus vif et dur à l’orangé pâle. Ce très beau jeu des lumières et le plancher brillant comme un miroir permettent de susciter à plusieurs reprises des effets magnifiques d’ombres portées et de reflets, certains personnages se présentant par moments comme les figures à deux têtes des jeux de cartes. Les costumes sont entièrement traités dans les blancs, les noirs et les gris, en opposition avec les couleurs vives du décor.
La distribution des rôles est équilibrée, même si parfois on est un peu gêné, dans les récitatifs, par le contraste entre la voix de sopraniste de César et le ténor de Caton. En revanche, dans les airs, magnifiques, de César, on est pleinement convaincu par cette option de Vivaldi qui lui permet de donner à César une sorte de fragilité humaine. Autre superbe interprétation, celle de l’Emilia de Veronica Cangemi, aussi bonne tragédienne que musicienne. L’Orchestre de la Grande Ecurie et la Chambre du Roi, fort d’une vingtaine de musiciens, et étoffé par un beau pupitre de basse continue (clavecin, viole et théorbe) fait parfaitement ressortir l’extraordinaire efficacité de la musique de Vivaldi. »
Le Canard enchaîné – Catone in Utica – Viva Vivaldi !
« …la belle production que Malgoire nous présente, dans une sobre mise en scène de Gildas Bourdet. Les décors, dont le moins que l’on puisse dire, est qu’ils sont colorés, et les très riches costumes excitent l’oeil, mais cependant pas autant que la musique nos oreilles. Il faut dire que Malgoire fait un sort à chacun des airs da capo. Tous les chanteurs sont parfaits. Cependant Jacek Lazczkowski (haute-contre) en César est plus que parfait. Il faut dire qu’il a les plus beaux airs à défendre. Du très grand art. Du très grand art également, le beau chant de Veronica Canbgemi dans ses airs de fureur de veuve. »
Atelier lyrique de Tourcoing – 12, 14, 15 mai 1998 – direction Jean-Claude Malgoire – mise en scène Gildas Bourdet – avec Simon Edwards (Catone), Jacek Laszczkowski (Cesare), Patrizia Rosario (Marzia), Veronica Cangemi (Emilia), Sophie Fournier (Arbace), Annie Vavrille (Fulvio)
» La musique des deux derniers actes de Catone in Utica (1737) nous est parvenue ; manque seulement celle du premier, soit sept airs et l’Ouverture. Comme ils l’avaient fait pour Montezuma, Malgoire et son équipe ont donc emprunté les airs manquants aux oeuvres contemporaines (dont beaucoup incomplètes) du Prêtre roux, retrouvant même deux d’entre eux qui avaient été transportés tels quels, avec notes et paroles, d’un ouvrage à l’autre, ce qui se faisait couramment à l’époque. Toujours passionnants d’un point de vue musical (l’air de Cesare « Vaga sel » et celui d’Emilia « O nel sen di qualche stella » constituent des découvertes particulièrement séduisantes), les choix de nos artistes s’avèrent parfois un peu moins convaincants en ce qui concerne la prosodie (« Con si bel nome » de Catone). On peut également leur reprocher quelques incohérences dramatiques (le déplacement du monologue d’Arbace et les deux baissers de rideau successifs de l’acte I, la restitution de la mort de Catone à l’acte III) qui ne contribuent pas à rendre sa dignité à un livret déjà largement violenté par le compositeur. Certes, le propos des interprètes n’était pas la reconstitution à tout crin ; il n’est ainsi pas certain que Vivaldi aurait composé des réci-atifs aussi « écrits » que celui précédant le premier air d’Emilia (on dirait du Monteverdi !) ni truffé son opéra d’autant d’interludes « symphoniques ». Peu importe, c’est très beau – du moins dès que l’orchestre, un peu amorphe et brouillon ce soir-là (ne parlons pas des cors de l’Ouverture…) se réveille et se concentre.
La mise en scène ne court pas non plus après l’authenticité… pour des résultats mitigés. Regrettons, tout d’abord, un décor d’une grande laideur (pans de mur modulables peints en jaune, bleu et rouge vif, sur un lino noir, agrémentés de quelques chaises qui n’auraient pas déparé dans la salle d’attente d’un dentiste), heureusement de temps en temps masqué par de beaux effets d’éclairage (les feuillages de l’acte III), mais qui a pour défaut principal d' »absorber » visuellement les magnifiques costumes de Christine Rabot-Pinson, parfaits exemples de ce style antico-rococo qui prévalait sur les scènes du Settecento, conçus dans de délicats camaïeux de blancs-noirs-gris. Pour une fois, l’on ne pourra pas reprocher au metteur en scène de n’être pas attentif à la direction d’acteurs, mais Gildas Bourdet a ici péché par excès inverse, imposant à des interprètes qui, hélas, ne sont pas des comédiens, poses, pas et rhétorique gestuelle qu’ils semblent réciter avec application et peu de spontanéité.
La distribution vocale est intéressante, sinon parfaitement adaptée à une partition meurtrière. Simon Edwards la domine grâce à sa voix bien projetée, aux couleurs fort agréables, même si l’on pré-ère ce prometteur jeune ténor dans des rôles plus aigus et plus lyriques (mozartiens, par exemple). Confrontée à la partie paroxystique d’Emilia, Veronica Cangemi renonce à la frénésie d’une Margarita Zimmermann (Erato) au profit d’un chant plus probe, un peu sage parfois, mais d’une superbe maîtrise technique. Patrizia Rozario compense une voix lourde et entachée de souffle par une intense présence scénique. L’on regrette la prestation un peu hésitante de Sophie Fournier, au timbre pourtant plaisant, et le chant totalement engorgé, incompréhensible d’Annie Vavrille. Jacek Laszczkowski, lui non plus, ne se fait pas souvent comprendre en outre, les fréquents coups de glotte et le médium désincarné (évoquant celui de la tardive Agnes Baltsa) de ce sopraniste indisposent d’abord. Mais sa prestance, son magnifique registre aigu, le trille irrésistible par lequel il termine « Se mai senti », les impalpables notes filées d' »Aprile luci » lui ont valu une ovation à laquelle, en définitive, on ne peut s’empêcher de souscrire. ». (Opéra International – juillet/août 1998)
Opéra International – mai 1998 – Tricentenaire Métastase – L’empereur des librettistes – A propos de la représentation de Catone in Utica, à l’Atelier Lyrique de Tourcoing, sur un livret de Métastase, né le 3 janvier 1698.