CD Catone In Utica

COMPOSITEUR Antonio VIVALDI
LIBRETTISTE Pietro Metastasio

 

ORCHESTRE Il Complesso barocco
CHOEUR
DIRECTION Alan Curtis

 

Emilia Ann Hallenberg
Cesare Roberta Mameli
Catone Topi Lehtipuu
Arbace Emöke Barath
Fulvio Romina Basso
Marzia Sonia Prina

 

DATE D’ENREGISTREMENT 2012
LIEU D’ENREGISTREMENT
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

 

EDITEUR Naïve
DISTRIBUTION
DATE DE PRODUCTION 26 août 2013
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

 

 

Volume 18 de la série Opere teatrali

Critique de cet enregistrement dans :

Forum Opéra

« D’une version d’un opéra de Vivaldi à une autre, il y a souvent tellement de différence qu’on en vient à se demander s’il s’agit encore du même ouvrage. Ainsi, le Farnace enregistré par Jordi Savall au début des années 2000 n’a pas grand-chose à voir avec celui que proposait Diego Fasolis il y a deux saisons. Et le Catone in Utica qui arrive tout frais moulu en cette rentrée se démarque sensiblement du même dramma per musica dirigé par Jean-Claude Malgoire au tout début de la renaissance vivaldienne. L’état des partitions, pour le moins incomplètes, autorise autant de versions que d’interprétations. Transmués en Viollet-le-Duc de l’art lyrique, les musicologues s’en donnent à cœur joie pour essayer de reconstituer ces chefs d’œuvre mutilés par le temps, les guerres, les incendies, les inondations ou la négligence d’un copiste mal payé. Dans cette vaste et complexe entreprise de restauration, à chacun sa méthode. La plus courante consiste à combler les manques par des airs empruntés à d’autres opéras. Trop facile ! Pour Catone in Utica dont l’intégralité du premier acte a disparu, Alessandro Ciccolini a préféré composer ex novo cinq arias selon un procédé d’écriture propre à Vivaldi, à savoir la transformation d’un matériel musical provenant de compositions instrumentales. Il a tellement bien réussi son coup que ce premier acte, ainsi réinventé, apparait à la première écoute comme le plus séduisant. Il faut dire que Catone in Utica, bien que composé en 1737 par un Vivaldi au faite de sa maturité artistique, n’est pas le audacieux de ses opéras. Plutôt que de se préoccuper de la forme, le Prêtre roux s’est attaché à soigner l’orchestration, explique l’apôtre de la cause vivaldienne, Frederic Delaméa. Il faut le croire sur parole puisqu’interprétée par Alan Curtis, la partition ne chatoie pas des mille feux promis. Non que le chef et fondateur du Complesso Barocco ne démérite. Comparée à celle de Jean-Claude Malgoire, sa direction apparait même survitaminée. Motezuma, en 2006, en avait apporté la preuve : Curtis se montre plus éloquent chez Vivaldi que chez Haendel. La verve mélodique de l’italien, son énergie spontanée, fait paraître l’eau du robinet moins tiède. De là à nous tenir en haleine comme savent le faire, chacun à leur manière, Diego Fasolis et Fabio Biondi…
Heureusement, comme toujours, Curtis sait s’entourer des meilleurs chanteurs. Roberta Mameli peut ne pas faire l’unanimité du fait des verdeurs d’une voix trémulante mais la virtuosité n’est jamais prise en défaut. C’est par l’agilité d’ailleurs que ce Cesare finit par s’imposer, le temps d’un très acrobatique « Se in campo armato ». Auparavant, « Se mai senti spirarti sul volto lieve » donne à percevoir tout ce que la soprano pourrait exprimer si elle maîtrisait davantage son vibratello.
Sonia Prina, auquel échoit le rôle de Marzia, connait Vivaldi comme sa poche. On peut trouver artificielles, voire râpeuses, les teintes sombres de son chant mais il faut lui reconnaitre le mérite de négocier comme nulle autre les (nombreuses) difficultés posées par chacun de ses trois airs (un par acte).
Romina Basso a aussi l’étoffe ombrageuse et l’accent farouche. Son Fulvio, légat du Sénat romain qui joue ici les seconds couteaux, ne souffre d’aucun défaut.
Bien que détenteur du rôle-titre, Topi Lehtipuu n’a pas beaucoup plus à chanter. Noble et fier sénateur retranché en Numidie puis père furieux d’avoir été trahi par sa propre fille, le ténor sait plier son chant aux sentiments qu’il doit exprimer, avec toujours dans le timbre cette douceur amère qui nous le rend attachant.
Nouvelle venue dans le sérail vivaldien, la jeune soprano hongroise Emoke Baráth s’emploie à évoquer la personnalité vocale du créateur d’Arbace, le castrat Giacomo Zaghini. Plus que la souplesse ou la longueur de la voix, l’une et l’autre mises à rude épreuve notamment au deuxième acte par l’aria « S’andrà senza pastore », la fraîcheur veloutée du timbre donne envie d’en entendre davantage.
Tous, si valeureux soient-ils, doivent s’incliner face à l’Emilia d’Ann Hallenberg. La pulpe, le relief, l’aisance avec laquelle la voix escalade et dégringole la portée en petites foulées ou à grands sauts de notes, sont toujours admirables. Mais plus remarquable encore apparait la manière dont cette technique, bien que spectaculaire, semble couler de source. Se dégagent alors les multiples intentions que la mezzo-soprano glisse dans un chant qui de brillant devient intelligent. Le « Come invano il mare irato » échevelé à la fin du 2e acte ou, encore plus impressionnant, le « Nelle foresta » et sa cohorte de cors, justifient à eux seuls la place que doit occuper ce Catone in Utica dans toute discothèque, pour le moins vivaldienne. »

Classica – septembre 2013 – appréciation 3 / 4

« Depuis Scimone (Erato/1986) et le médiocre live de Malgoire (Dynamic/200 1) qui vit les déébuts de Philippe Jaroussky (en Arbace), Catone in Utica attenndait toujours sa référence studio. Non sans susciter quelques rééserves, ce volume 55 de l’édition Vivaldi-Naïve comble cette laacune discographique.
Mais pourquoi avoir fait appel à Alan Curtis et son Complesso Barocco ? Même si la direction piétine moins que dans certains opéras de Haendel, on aurait préféré un chef plus sensible au tactus vivaldien et modelant davantage les couleurs instrumentales. La brochette de solistes, heureusement, s’impose haut la main sur la concurrence, chaapeautée par un carré de dames gagnant : Ann Hallenberg (bouleversante dans « O nel sen di qualche stela »), Romina Basso, Emöke Barath et Roberta Mameli en Cesare, certainement le rôle le plus lourd. À ceux qui regretteraient un soprano masculin – Jacek Laszczkowski, le Cesare de Malgoire, s’y était fourvoyé – on conseillera l’écoute des arias « Se mai senti spirtati » et « Se in campo armato » pour mesurer l’étendue de son talent dans les registres élégiaques puis guerriers. Face à elle, Topi Lehtipuu campe un Catone à fleur de peau, dont on déplore cependant des problèmes de projection de plus en plus patents. Différente de la reeconstitution de l’acte 1 (absent du manuscrit) opérée par Frédéric Délamea pour l’enregistrement Dynamic, la présente, due à Alessandro Ciccolini, se veut plus fidèle à l’esprit qu’à la lettre. Un tableau n’est pas de trop pour démêler les différentes encres de la partition, des récitatifs (souvent longuets) et cadences entièrement écrites de sa main, aux emprunts façon pasticcio. Pour contestable qu’elle soit, cette proposition a le mérite de nous restituer l’ oeuuvre en son entier. »