COMPOSITEUR | Marc-Antoine CHARPENTIER |
LIBRETTISTE | Père François Bretonneau |
DVD
ENREGISTREMENT | ÉDITION | DIRECTION | ÉDITEUR | FICHE DÉTAILLÉE |
2012 | 2013 | William Christie | Bel Air Classiques |
Tragédie biblique (H 490) du Père François de Paule Bretonneau (1660 – 1741), en un prologue et cinq actes, créée à Paris, au Collège des Jésuites Louis-le-Grand, le 25 février 1688.L’orchestre se composait de deux flûtes, deux hautbois, d’un quintette à cordes et d’une basse continue, réalisée par le clavecin et doublée par les basses de viole et les bassons. Conformément à une tradition ancienne du collège de Jésuites, à l’occasion de la remise des prix de fin d’année scolaire, une pièce en latin ou en grec était jouée par les élèves, entrecoupée d’intermèdes constitués par une tragédie en musique sur un texte français. La tragédie latine fut Saül, du Père Etienne Chamillard (1656 – 1730), professeur d’Humanités au Collège. L’oeuvre eut un grand succès et fut reprise le 10 février 1706, au Collège Louis-le-Grand, et en province. La partition a été conservée grâce à une copie réalisée par André-Danican Philidor, dit l’Aîné, bibliothécaire à la Cour de Versailles. On trouve une relation de la représentation dans le Mercure galant de mars 1688 :Le College de Louis le Grand estant remply de Pensionnaires de la premiere qualité & qui n’en sortent que pour posseder les premieres Dignitez de l’Estat, dans l’Eglise, dans l’Epée et dans la Robe , il est necessaire que cette jeunesse s’accoutume à prendre la hardiesse et le bon air qui sont necessaires pour parler en public. C’est dans cette veuë que les Jesuites se donnent la peine de l’exercer en faisant representer deux Tragedies tous les ans.- Ils donnent l’une sur la fin de chaque Esté, un peu avant que les Vacances commencent, et elle est representée dans la court du College , parce que la saison est encore belle. Celle qui paroist sur les derniers jours du Carnaval, se represente dans une des Classes, par les Ecoliers de la Seconde. Ces Tragedies n’estoient autrefois mêlées que de Balets, parce que la danse est fort necessaire pour donner de la bonne grâce, et rendre le corps agile ; mas depuis que la Musique est en regne, on a trouvé à propos d’y en mêler , afin de rendre ces divertissemens complets. On a encore plus fait cette année, et outre la Tragedie de Saül qui a esté represeutee en Vers Latins, il y en avoit une en Vers François, intitulée David & Ionathas , & comme ces Vers ont esté mis en Musique , c’est avec raison qu’on a donné le nom d’Opera à cet Ouvrage. On ne peut recevoir de plus grands applaudissemens qu’il en a eu , soit dans les Repetitions, soit dans la Representation.Aussi la Musique estoit-elle de Mr Charpentier, dont les Ouvrages ont toujours eu un tres-grand succès. La Comedie de Circé, & celles du. Malade imaginaire et de L’Inconnu, dont il a fait la Musique, ainsi que de plusieurs autres, en font foy. On peut dire que si ce qu il a fait dans ces Ouvrages a trouvé tant d’Approbateurs, ils auroient encore plu davantage s íl avoit eu de plus belles voix et en plus grand nombre pour les executer. I1 a long-temps travaillé pour la Musique de Monseigneur le Dauphin , lorsque ce Prince avoit tous les jours une Messe particuliere, ses exercices l’empeschant de se trouver à celle du Roy. Les récompensés qu’il en receuës marquent la satisfaction qu’on en avoit.II a long-temps demeure à l’Hostel de Guise, et a fait des choses pour la Musique de Mademoiselle de Guise qui ont esté beaucoup estimàes des plus habiles Connoisseurs. II compose parfaitement bien en Italien , et les Vers Italiens qui font dans les Pieces que je viens de vous nommer, en sont une preuve. Aussi a t-il appris la Musique à Rome sous le Carissimi , qui estoit le Maistre de Musique d’Italie le plus estimé, et sous qui feu M. de Lully a aussi étudié ce bel Art. Les Vers de cet Opera de M.Charpentier, font de la composition du Pere Chamillard , et imprimez dans le livre qui fut distribué le jour de la representation de cet Ouvrage. Il ne faut que les lire pour connoistre que ce Pere n’entend pas moins la delicatesse de la Poésie Françoise, que de la Latine. Lecerf de la Viéville jugeait que le Jonathas de Charpentier ne méritait qu’à demi d’être appelé un opéra… trop sec et trop dénué de sentiments de morale et de piété. « David , chassé du camp d’Israël par la jalousie des chefs juifs, demeure auprès des Philistins et de leur roi Achis, sans pour autant trahir les siens, car il ne combat pas Israël et prône la paix entre les deux peuples. Le belliqueux Saül, roi d’Israël, entraîne ses troupes dans une vaine bataille contre les Philistins, au cours de laquelle Jonathas, fils de Saül et ami intime de David, perd la vie. Saül se donne la mort. David est choisi comme roi d’Israël, mais son coeur demeure meurtri par la perte de Jonathas. » (Fayard – Guide de l’opéra) « Charpentier compose cette œuvre en 1688, immédiatement après la mort de Lully qui détenait alors le monopole des opéras de l’Académie Royale et dont la technique d’écriture s’imposait comme le seul principe d’opéra en France. La tragédie lulliste se voulait être une imitation des grandes tragédies de la Grèce antique. C’est dans ce contexte qu’il faut considérer l’œuvre de Davis et Jonathas comme une contre-proposition à ce modèle. David et Jonathas est représenté au Collège Louis-le-Grand de Paris , le 28 février 1688 puis repris dans d’autres collèges jésuites en 1706, 1715 et 1741. Cette œuvre de Marc-Antoine Charpentier est l’un des rares témoignages de l’art théâtral et musical jésuite, unique dans le genre de la production lyrique de l’époque. David et Jonathas est écrit pour l’office divin. C’est une œuvre d’une très grande intériorité, d’une grande force de sentiments, véhiculant obéissance, respect du père, amitié entre les deux garçons. Elle est conçu pour servir d’intermède à une tragédie latine du père Chamillart, Säul, récitée en cinq actes, les deux œuvres s’interpénétrant pour former les deux aspects opposés d’un même drame. Säul privilégie la part strictement narrative de l’histoire biblique, tandis que l’opéra met en valeur la psychologie des personnages. » (Académie d’Ambronay 1994) Personnages : David (haute-contre), Jonathass (soprano), Saül (baryton), Achis (basse), Joabel (ténor), la Sorcière d’Endor (haute-contre), l’Ombre de Samuel (basse)L’opéra se passe dans les montagnes de Gilboé, entre le camp des Juifs et celui des Philistins.
Synopsis détaillé
Prologue(1) Saül, roi des Israëlites, voyant que le Ciel ne lui répond point touchant le succès de la bataille, qui se devait donner contre les Philistins, se déguise et va consulter une Pythonisse. (2) Celle-ci l’assure que l’enfer va répondre à ses voeux. (3) A son appel, se présente une troupe de démons. Puis elle appelle l’Ombre de Samuel. Ses appels restent vains. Elle renouvelle son appel : les démons disparaissent et l’Ombre de Samuel, juge d’Israël, apparaît. (4) Celle-ci prédit à Saül qu’il va tout perdre : ses enfants, ses amis, la couronne. (5) Saül va affronter son destin.Acte I(1) David, ayant vaincu les Antalécites, est rappelé dans le camp des Philistins, d’où il avait été renvoyé par la jalousie des chefs de l’armée. Une troupe de guerriers, de captifs et de pasteurs qu’il a délivrés, chante ses louanges (Marche triomphante). (2) David les convie à honorer le dieu qui leur a donné la victoire. (3) David, seul, implore le dieu de sauver, quoi qu’il arrive, son ami Jonathas. (4) Achis, auprès de qui il s’était auparavant retiré, reçoit David hors du camp, et lui apprend, que là même il doit y avoir une conférence entre Saül et lui, pour délibérer ensemble si l’on fera la paix, ou si l’où donnera la bataille.Acte II(1) le premier soin de David et Jonathas est de demander à se voir durant la Trève. Joabel, jaloux de la gloire de David, et espérant le faire périr plus aisément dans une bataille, s’efforce de le persuader de combattre, mais en vain. (2) Il forme le dessein d’accuser David, auprès de Saül, de le vouloir tromper sous l’apparence d’une fausse paix. (3) David et Jonathas commencent à goûter les douceurs de la paix qui leur est promise et qui les rejoint tous deux.Acte III(1) Saül, soupçonnant tout de David et cherchant toujours l’occasion de le perdre, ajoute aisément foi à l’accusation de Joabel. Il demande pour condition de la paix qu’on lui livre David. Achis, sûr de son innocence, et son protecteur, le refuse. (2) Saül, seul, est persuadé que David veut sa perte. (3) David paraît devant Saül avec Jonathas. Saül lui reproche sa trahison. David étonné et voyant que sa présence irrite Saül, se retire. Saül le poursuit et Joabel se réjouit de l’heureux succès de son accusation.Acte IVSaül, d’autant plus animé contre David, qu’il le voit plus soutenu par le roi des Philistins, et prenant de là même de nouvaux soupçons, se déclare enfin pour la bataille. Achis y est fortement porté de son côté, apprenant le tumulte qu’il y a dans son armée, qui animée par les intrigues de Joabel, demande de combattre. David se retirant dans le camp des Philistins est rencontré par Jonathas. Quelle douleur à l’un et à l’autre d’être ainsi obligés de se séparer. David lui déclare que bien loin de combattre contre Saül, il ne pensera qu’à sauver son Prince et son ami.Acte VLa bataille se donne, et Saül la perd. Jonathas, blessé à mort est rencontré par Saül ; quel désespoir pour ce Prince et ce Père malheureux ! Il retourne chercher David. Cependant David paraît de son côté cherchant Jonathas. Quelle douleur ! Jonathas meurt dans les bras de son ami. Saül, prêt à tomber entre les mains des Philistins, se perce de son épée, et est rapporté dans cet état. Achis paraît en même temps triomphant, et apprend à David que les Israélites l’ont élu roi. David se retire confus et percé de douleur. Bruits d’armes.
Livret disponible sur livretsbaroques.fr
Représentations :
Opéra Comique – 14, 16, 18, 20, 22, 24 janvier 2013 – Théâtre de Caen – 3, 5 février 2013 – New York, BAM Howard Gilman Opera House – 17, 21 avril 2013 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Andreas Homoki – scénographie Paul Zoller – costumes Gideon Davey – lumières Frank Evin – avec Pascal Charbonneau (David), Ana Quintans (Jonathas), Frédéric Caton (Achis), Arnaud Richard (Saül), Dominique Visse (la Pythonisse), Kresimir Spicer (Joabel), Pierre Bessière (l’Ombre de Samuel) – coproduction avec l’Opéra Comique de Paris, le Théâtre de Caen et le Teatro Real de Madrid
Aix en Provence – Théâtre de l’Archevêché – 6, 9, 11, 13, 16, 19, 21 juillet 2012 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Andreas Homoki – scénographie Paul Zoller – costumes Gideon Davey – lumières Frank Evin – avec Pascal Charbonneau (David), Ana Quintans (Jonathas), Frédéric Caton (Achis), Neal Davies (Saül), Dominique Visse (la Pythonisse), Kresimir Spicer (Joabel), Pierre Bessière (l’Ombre de Samuel) – coproduction avec l’Opéra Comique de Paris, le Théâtre de Caen et le Teatro Real de Madrid
enregistrement audio – 2 CD – Premiereopera
Concertclassic
« Si c’est avec Atys de Lully que William Christie a définitivement assuré le triomphe du mouvement baroque en 1987, le chef d’origine américaine entretient depuis toujours un rapport privilégié avec le grand rival de Lully à Versailles Marc Antoine Charpentier dont il a révélé la Médée. Depuis plus de deux décennies, il a dirigé plusieurs fois en concert l’opéra sacré David et Jonathas commandé à Charpentier par les jésuites du collège Louis le Grand. Le 64ème Festival d’Aix lui offre l’occasion d’être dans la fosse pour une vraie représentation grâce au metteur en scène allemand Andreas Homoki qui a replacé l’opéra biblique sur sa terre d’origine entre Israël et Palestine. Mais grâce aux décors rigoureux de Paul Zoller, il s’agit moins de moderniser que d’évoquer l’universalité de cette histoire sacrée. Où la machine se grippe quelque peu, c’est avec l’apparition récurrente de la famille (la mère, le père et les deux héros enfants) en lieu et place des divertissements notamment dansés prévus par les jésuites. Mais la remarquable qualité musicale et théâtrale des interprètes balaye tous les obstacles nous faisant croire à l’invraisemblable. Pédagogue avisé, Bill Christie pratique l’amalgame avec bonheur mêlant les anciens comme le contre-ténor Dominique Visse en parfaite Pythonisse, la basse Frédéric Caton (Achis) ou le baryton gallois Neal Davies en prodigieux Saül aux nouveaux venus du David déchiré du ténor canadien Pascal Charbonneau au Jonathas bouleversant de la soprano portugaise Ana Quintans. Tout est pesé au trébuchet par l’alchimiste des couleurs qu’est William Christie, maître des distributions équilibrées, et par les Arts Florissants, véritable prolongement des longues mains du chef. Celui-ci appartient au tout petit nombre de ces musiciens capables d’anticiper leur propre émotion pour mieux adapter leurs gestes à l’effet nécessaire. »
Forum Opéra
« Œuvre hybride, conçue comme une suite d’intermèdes musicaux initialement destinés à illustrer une tragédie latine aujourd’hui perdue, mais présentés ici comme une pièce autonome, un opéra à part entière, David et Jonathas contient quelques pages musicales de toute beauté, mais ne brille pas par une grande cohérence dramatique. On ne le donnait d’ailleurs jusqu’ici qu’en version concert. Tiré du premier livre de Samuel, le livret destiné au collège jésuite de Louis-le Grand raconte les guerres entre Israël et les Philistins, la rivalité farouche qui oppose Saül à David, et l’amour de David pour Jonathas, fils de Saül. Les différents épisodes sont brièvement racontés, rarement montrés, et l’œuvre s’appesantit surtout sur les états d’âme des protagonistes. Tous les rôles ont été écrits pour des voix masculines et le choix de faire chanter Jonathas par une soprano plutôt qu’un garçon sopraniste répond plus aux contraintes de la loi sur le travail rémunéré des mineurs qu’au respect de l’authenticité historique. Le caractère homo-érotique du livret rédigé par les jésuites s’en trouve passablement affadi, mais probablement au profit d’une qualité musicale plus grande.Le dispositif scénique conçu par Andreas Homoki est constitué de panneaux mobiles de bois brut qui définissent des espaces de dimensions variables selon les scènes, tant en largeur qu’en hauteur, de sorte que les protagonistes se retrouvent jouer dans des espaces nus en forme de boîtes, plus ou moins grandes et plus ou moins nombreuses. Le conflit entre devoir et passion, le sentiment d’enfermement dans une situation donnée, d’oppression face aux événements est ainsi particulièrement bien rendu. La transposition du conflit biblique en une guerre moderne dans les Balkans (on se croirait dans Tintin, entre Bordures et Syldaves) fonctionne elle aussi admirablement bien, principalement portée par les chœurs qui bougent avec beaucoup d’aisance. Aux fins de clarifier le livret, Homoki ajoute quelques scènes mimées qui prennent place pendant les intermèdes instrumentaux, montrant l’enfance des deux héros et la façon dont s’est noué leur amour au fil du temps. Autre trouvaille particulièrement réussie, la multiplication du personnage de la Pythonisse en onze femmes identiques semblant sorties d’une publicité pour un salon des arts ménagers dans les années soixante, plus que ce que le pauvre Saül ne peut affronter ! Toutes les scènes de la fin, la mort de Jonathas et le grand lamento de David, jouées dans la sobriété, sont très émouvantes elles aussi.Servie par cette excellente mise en scène, la production d’Aix n’est pourtant pas entièrement satisfaisante: la distribution vocale n’est pas idéale. En David, le ténor canadien Pascal Charbonneau présente toutes les séductions de la jeunesse, mais la voix, certes puissante, est particulièrement tendue et serrée, sans grâce dans l’aigu, tessiture où se situe pourtant l’essentiel du rôle. Bonne musicienne, Ana Quintans joue la carte de la délicatesse et présente un Jonathas sans éclat ni vigueur, mais émouvant et juste. Neal Davies donne de Saül une vision noire et torturée, poussant à l’excès le caractère du personnage. Plus de mesure aurait sans doute porté d’avantage d’émotion. Excellent comédien, Dominique Visse reprend le rôle travesti de la Pythonisse qu’il tenait déjà – beaucoup mieux – dans la version enregistrée en 1988 : il masque aujourd’hui les faiblesses de sa voix en substituant à la ligne de chant, dès la première difficulté venue, une sorte de parlando sans doute expressif mais gênant par son caractère systématique.Les chœurs particulièrement sollicités, répartis entre les deux camps et identifiés par leurs costumes, font un travail remarquable de précision et d’engagement. La direction musicale de William Christie diffère étonnamment de la magnifique version de l’œuvre qu’il avait donnée au disque en 1988 (toujours disponible chez Harmonia Mundi). Sensiblement moins lyrique, moins épique, moins puissante, sa conception a évolué vers plus d’expressivité et de souplesse, au détriment d’une certaine grandeur, mais ne génère pas nécessairement plus d’émotion pour autant. Il est bien difficile de déterminer si cette évolution est le reflet de l’expérience accumulée depuis lors, si elle résulte d’un changement plus radical d’esthétique ou si elle est éventuellement dictée par les limites des voix dont il dispose aujourd’hui. »
Télérama
« A-t-on jamais souffert une plus rude peine ? » se lamente un Jonathas séparé par la guerre de son ami David. C’est aussi la plainte qu’on ruminait en s’ennuyant ferme, parfois, à la mise en scène de David et Jonathas, cette tragédie biblique de Marc-Antoine Charpentier créée par les élèves des Jésuites du Collège Louis le Grand à Paris, en 1688, et que le festival d’Aix ressuscite au théâtre de l’Archevêché pour son édition 2012. En actualisant le drame de l’Ancien Testament dans un Moyen-Orient d’aujourd’hui, divisé par des guerres fratricides, le metteur en scène Andréas Homoki adopte pourtant un parti des plus légitime. Le conflit entre « faucons » et « colombes », entre va-t-en guerre assoiffés de combats et pacifistes soucieux de reconstruction est bien de toutes les époques. Dans le livret très scolaire du Père Bretonneau — n’est pas Philippe Quinault qui veut — ce sont les Philistins, poussés à la guerre par leur chef sanguinaire Joabel (l’excellent ténor croate Kresimir Spicer) qui bataillent contre les phalanges du roi Saül (la basse Neal Davies, d’une veulerie étudiée). Encore faut-il diriger les troupes des deux camps sans imagerie d’Epinal, sans ces clichés éculés de la geste soldatesque — fraternisation à grand renfort de tapes sur l’épaule et autres bourrades, ou forfanteries de matamores grimpés sur des tables, et roulant des mécaniques. Chanteurs d’une musicalité infaillible, les choristes des Arts Florissants se révèlent sur scène des acteurs simplistes, d’une naïveté et d’un réalisme bêtas — défauts que les hommes de théâtre semblent renoncer à corriger, quand ils ne les encouragent pas ! Le repos du guerrier vire au jamborée de boy-scouts, aussi mièvre qu’artificiel.Dans la fosse d’orchestre, en revanche, nulle fadeur, nulle complaisance, nul stéréotype. William Christie est ici chez lui, pleinement maître à bord. N’est-ce pas à une œuvre de Marc-Antoine Charpentier, qu’il répétait en Vendée en 1978, qu’il a emprunté le nom de son ensemble : les Arts Florissants ? Le temps et l’expérience ont fortifié le chef d’encore plus d’autorité et d’imagination, pour extraire de cette musique son suc harmonique, libérer ses envoûtements expressifs — noirceur dramatique comme désolation affective. Le rencontre de Saül avec la Pythonisse lui prédisant son destin est l’un des sommets de la partition. S’inspirant du Macbeth de Shakespeare, metteur en scène et chef d’orchestre se sont mis d’accord pour déplacer cette scène, du début de l’œuvre à son milieu. Magnifique initiative, qui recentre la gravité du drame, en irrigue le cœur d’un sang neuf. Très inspirée, la dramaturgie d’Andréas Homoki détourne l’illustration littérale, pour se faire surréaliste. Accompagnée d’une dizaine de sosies propres à déstabiliser, la créature surnaturelle de la pythonisse prend l’apparence anodine d’une femme d’intérieur, robe imprimée ordinaire, et tablier de cuisine. Symbole de la figure maternelle, étrangement absente de ce drame masculin ? Habitué du rôle, mais surprenant de sobriété inédite, le contre-ténor Dominique Visse y est prodigieux d’inquiétante étrangeté. Dans la fosse, la percussionniste Marie- Ange Petit fait tonner de longs vacarmes jupitériens, entre lesquels l’ombre de Samuel annonce en voix off à Saül qu’abandonné de Dieu, il court à sa perte. Son fils Jonathas aussi. D’une androgynie délicate, la soprano Ana Quintans, voix roucoulante de colombe, y est bouleversante de tendresse. L’ensemble de la distribution vocale porte d’ailleurs la griffe William Christie, gage d’excellence, comme le David du ténor canadien Pascal Charbonneau, futur Goliath des planches lyriques. Opéra à part entière par son exceptionnelle richesse musicale et dramatique, David et Jonathas est viable scéniquement : la production aixoise en administre la preuve. Sans préjuger qu’une stricte reconstitution baroque, façon Benjamin Lazar, n’eût été préférable …
ResMusica
« Revisiter une oeuvre, lui donner un autre niveau de lecture, relever un sens caché est une chose. Transposer de façon improbable et se faire s’agiter les acteurs sur scène en est une autre. La Traviata dans un sanatorium, Katya Kabanova dans une cour d’HLM, Carmen à la frontière américano-mexicaine ou Dialogues des carmélites dans une secte new age, cela peut marcher si cela fait sens. Force est de constater que Andreas Homoki, en transposant David et Jonathas en un Brokeback Mountain version guerre de Bosnie à l’intérieur d’un sauna finlandais géant, donne dans le kitsch, le grand guignol et surtout le ridicule. Les chanteurs vont et viennent, tombent, se relèvent, … Pourquoi ? Allez savoir ! ça permet de « meubler » les reprises et danses. A propos de danse, tous les intermèdes à l’origine dansés se font avec d’incessants levers de rideau, mettant en scène David et Jonathas enfants dans des scènes de pantomime. Si Saül déteste David, c’est que l’épouse de Saül est décédée dans sa cuisine, face à David. Mais bon sang mais c’est bien sûr ! le jeune David de dix ans ne sachant pas faire de massage cardiaque est donc responsable, par non assistance à personne en danger, du décès de Madame Saül. Et quand Saül va consulter la Pythonisse, que croyez-vous qu’il arrive ? c’est Madame Saül qui apparaît, Dominique Visse habillé dans le plus seyant ensemble, robe jaune et tablier noir (plus fichu sur tête) de bonne mère d’une famille rurale des Balkans. Le tout dans un décor réduit a minima de panneaux coulissants en bois brut, lourds de symboles : quand Jonathas déplore de devoir partir en guerre contre David, les murs se serrent près de lui jusqu’à l’étouffement. Si le ridicule tuait, Aix-en-Provence serait en en une de tous les journaux.Il reste la musique, à écouter les yeux fermés. William Christie est dans son élément avec Marc-Antoine Charpentier. Le support orchestral, très étoffé, nous éloigne de l’idée reçue du baroque intime. Tout respire le grandiose et le majestueux sans jamais verser dans le grandiloquent ni l’emphatique. Christie, par un très fin dosage des plans sonores, sait trouver les couleurs idéales pour cette musique, qu’il défend inlassablement depuis près de quarante ans. Le plateau, du moins pour les premiers rôles, ne déçoit pas non plus. Pascal Charbonneau est plusieurs fois en péril en raison de la tessiture impossible de David mais se sort avec professionnalisme des difficultés. Ana Quintans récolte une moisson méritée d’applaudissements, et l’ensemble des voix graves savent allier une diction soignée à une ligne de chant soutenue. Quant à Dominique Visse, il reste toujours égal à lui-même. Si le choeur des Arts Florissants se défend plutôt bien en tutti les solistes qui assurent les seconds rôles alternent le très bon au médiocre – les solistes des académies européennes précédents auraient pu être distribués. Cette production scéniquement indigente est-elle digne d’un festival voulant se placer parmi les grands (Salzbourg, Glyndbourne, Savonnlina, etc.) ? Certainement pas ! La liaison entre David et Jonathas, sous ses atours platoniciens Grand Siècle, est évidente et aurait pu être le fruit d’un travail psychologique plus poussé. Vu le résultat ce soir, une version de concert aurait finalement été préférable. »
Classiquenews
« Avant même le lever du rideau, l’on s’inquiète de la capacité du jeune chanteur québécois à tenir tous les aigus requis. Et durant la soirée, les craintes se révèleront parfois fondées, mais n’empêcheront jamais d’applaudir une performance réussie. Certes, Pascal Charbonneau fait entendre certains aigus très tendus, à la limite de la rupture, mais possède un timbre d’une clarté magnifique et surtout son interprétation passionnée suscite l’enthousiasme. L’on pourra lui reprocher de chercher à compenser certaines faiblesses vocales, son engagement scénique est total et donne à voir un David à fleur de peau extrêmement émouvant. Sa plainte à la fin de l’acte V en est bouleversante.La soprano portugaise Ana Quintans, elle aussi nouvellement projetée sur une si grande scène, se démarque peu en héritant du rôle légèrement effacé de Jonathas mais possède toutes les qualités d’une bonne chanteuse baroque : voix souple et légère, soin des phrasés, diction parfaite…Neal Davies suscite en revanche des réserves tant sur la qualité du timbre, extrêmement métallique, un peu ingrat, que sur le jeu d’acteur caricatural qui ferait passer les balancements d’émotions du roi Saül pour de la schizophrénie.Le chef William Christie révèle des qualités égales à un bon vin : il se bonifie avec l’âge. Sa direction devient chaque fois plus vive, plus théâtrale, là où dans l’enregistrement de 1988 il était plus attentif au soin du détail. L’œuvre prend alors vie sous sa baguette, se défait de ses attributs d’oratorio, penche sensiblement vers la véritable tragédie.Pourtant, l’œuvre tend des pièges à tous ceux qui s’y confrontent, par sa nature tout à fait hybride, destinée à « compléter » une pièce de théâtre, son unique ressort dramatique, sa curieuse alternance de scènes très statiques et d’action, ses récitatifs un peu creux. Difficile pari que de rétablir une construction logique et de rendre tout cela suffisamment vivant. C’est à cette fin que le Prologue où le roi Saül visite la Pythonisse a été placé comme scène intermédiaire entre le troisième et le quatrième acte. Cela a le mérite de faire débuter l’ouvrage sur une situation claire, que l’on comprend graduellement, mais alourdit l’action et fait chuter toute tension en plein milieu de l’œuvre. Glisser ce Prologue juste après le premier acte permettrait peut être une meilleure cohérence dramatique et marquerait un plus grand contraste avec le deuxième acte. Outre ce défaut de construction, le metteur en scène Andreas Homoki a cherché par tous les moyens à faire vivre ce livret et à l’enrichir au maximum. L’intention est louable, mais le résultat pas toujours convainquant. Ainsi, il décide d’insérer entre chaque scène, lorsque Charpentier écrit un interlude, de petits flash-back pour comprendre l’histoire de cette relation entre David, Jonathas et Saül. On y voit alors les deux protagonistes enfants se lier d’amitié, cette famille recomposée, mais surtout la mort de la femme de Saül causée accidentellement par David et qui expliquerait sa méfiance pour ce dernier. Ce détail a évidemment été inventé de toute pièce par le metteur en scène, mais n’apporte rien à la psychologie des personnages. Passons sur ces petits arrangements qui influent finalement peu sur la direction d’acteurs, qui reste de qualité. Le parallèle avec l’actuel conflit israélo-palestinien est heureusement évité, ainsi que l’accentuation trop vulgaire de l’ambigüité des rapports entre Jonathas et David. L’homosexualité est clairement illustrée, mais garde un caractère naïf et spontané qui n’en fait pas le thème central du livret.Le défaut majeur de cette mise en scène est certainement son dispositif scénique. Déjà peu esthétique, avec ses immuables tons de gris-marron, il ne parvient pas à éviter le terrible effet « boîte à chaussures ». La boîte peut bien changer ses dimensions à volonté, bouger, se découper, illustrer les sensations des personnages, ceux-ci n’en demeurent pas moins enfermés comme des santons dans une espèce de crèche de fortune. Quel dommage de saboter ainsi tout le travail de ranimation de l’œuvre, pour l’emmurer et la couvrir de poussière ! La production pourtant réunit suffisamment de qualités pour faire oublier ce défaut, qui doit d’ailleurs être nettement amoindri par la captation vidéo faite par Arte et disponible sur son site. La beauté de la partition, sa charge émotionnelle ne doivent faire rater ce spectacle à aucun prix pour les amateurs de musique baroque. »
Opéra Magazine – septembre 2012
« L’effusion confidentielle de la «tragédie biblique» selon Marc-Antoine Charpentier peut-elle réellement prendre corps sur une scène d’opéra? La question reste entière, à la fin du spectacle signé par Andreas Homoki. Originellement conçu comme une suite d’intermèdes musicaux destinés à illustrer une tragédie latine, donnée en 1688 au collège jésuite Louis-le-Grand, David et Jonathas s’apparente beaucoup plus à une série de tableaux centrés sur les états d’âme des héros qu’à un enchaînement de faits marquants. D’où la relative faiblesse de sa progression dramaturgique, handicap pour lequel le travail du metteur en scène allemand n’offre pas de solution probante. Esclave d’un système de parois rétractables en hauteur et en largeur, son approche se borne à esquisser les enjeux psychologiques par d’incessantes combinaisons rectilignes, jouant sur l’obturation de l’espace visuel. En cloisonnant ainsi chaque acte, chaque action, Andreas Homoki ne parvient qu’à induire une perception lassante du récit. Par ailleurs, le manichéisme de certaines scènes mimées nuit à la plupart des thèmes fondamentaux portés par l’œuvre : rivalité, conflit, fragilité du pouvoir, ambiguïté des sentiments, amour contrarié, etc. Prisonniers de cette scénographie coercitive, les personnages n’ont d’autre choix que d’aller et venir, de part et d’autre du plateau. Au spectateur, donc, de prendre son mal en patience…Une chose est certaine : avec son morne décor plaqué bois façon adhésif Vénilia, ses chaises et ses tables sorties d’un magasin Conforama, ses costumes misérabilistes, ce David et ]onathas ne donne pas dans la reconstitution Grand Siècle ! Musicalement, William Christie tente d’instiller un tant soit peu de poésie sonore à ce triste environnement esthétique. Sous sa battue, les pupitres des Arts Florissants se démènent pour offrir un maximum de cohérence et se jouer de l’acoustique capricieuse de l’Archevêché. Les couleurs de l’orchestre se font parfois très discrètes, mais demeurent délectables pour peu que l’on y soit attentif.La distribution n’affiche pas la même cohésion stylistique. Si le ténor canadien Pascal Charbonneau fait montre d’une vaillance à toute épreuve et d’une diction exemplaire en David, son timbre gracile est trop souvent poussé à la limite de ses capacités naturelles, dès lors qu’il s’expose dans le haut du registre. De son côté, la soprano portugaise Ana Quintans ne rencontre pas de difficultés notables en Jonathas, mais son chant, un rien apprêté (« A-t-onjamais souffert uneplus rude peine ?»), néglige le charme des mots. Neal Davies, en revanche, est absolument bluffant en Saül. Le profil vocal du baryton-basse britannique est d’une franchise totale, l’inspiration juste, l’incarrnation accrocheuse. Égal à lui-même, le contre-ténor français Dominique Visse campe une Pythonisse plus troublante que jamais. Sa connaissance du rôle et son aplomb insensé lui permettent de dissimuler avec art un chant devenu, avec le temps, ô combien immatériel. Virtuose et vibrant, le chœur des Arts Florissants s’offre sans la moindre réserve. Au moment des saluts, ce n’est assurément pas le mettteur en scène que l’on applaudit, mais bien l’ensemble des musiciens pour leur loyauté envers Charpentier. »
Sydney – City Recital Hall – 3, 6, 7, 10 décembre 2008 – Orchestra of the Antipodes – Cantillation – dir. Antony Walker – mise en scène Chas Rader-Shieber – décors Brad Clark and Alexandra Sommer – lumières Bernie Tan-Hayes – avec Anders J. Dahlin (David), Sara Macliver (Jonathan), Simon Lobelson (Joabel), Dean Robinson (Saul), Richard Anderson (Achis), Paul McMahon (Pythonisse), David Parkin (Ombre de Samuel)
Mortagne au Perche – Carré du Perche – Septembre Musical de l’Orne – 4 septembre 2004 – Versailles – Chapelle Royale – 6 septembre 2004 – Festival International de Lucerne – 12 septembre 2004 – Paris – Cité de la Musique – 18 septembre 2004 – Buenos Aires – Teatro Colon – 22 septembre 2004 – Santiago du Chili – Teatro Municipal – 26 septembre 2004 – Rio de Janeiro – Teatro Municipal – 29 septembre 2004 – Sao Paulo – Sociedad de Cultura Artistica – Sala Sao Paulo – 1er octobre 2004 – Les Arts Florissants – Pages du Centre de Musique Baroque et Choeur de la Maîtrise de Versailles – mise en scène Rita De Letteriis – avec Cyril Auvity (David), Maud Gnidzaz (Jonathas), Alain Buet (Saül), Jeffrey Thompson (La Pythonisse), Paul Agnew (Joabel), João Fernandes (Achis), Bertrand Bontoux (L’Ombre de Samuel), Christian Immler (Un Guerrier, un Captif)
« Chemin étroit ceignant le choeur et l’orchestre : impossible d’y jouer, on ne peut qu’y être. Tombent sur le sol, dès le prologue, quelques pétales de roses, bouquet funèbre anticipant la tragédie, roses de l’amour et de la ré-demption, rosa candida empruntée àLa Divine Comédie. Sinon, presque aucun acces-soire, des costumes seulement pour Les Pages de la Chapelle, mais une manière de se tenir, de tourner le dos pour ignorer ou au contraire de fixer le ciel pour chanter les exploits « du plus grand des héros », de vivre chaque parole (« Seigneur, puis-je l’aimer / Sans devenir coupable ? »), une permission de sentir qu’on voudrait tous les soirs. Imperceptible, la « mise en espace » de Rita de Letteriis sue le respect et l’intelligence. Elle fait d’Alain Buet, Saül peu vocal, un maudit exemplaire, prisonnier de soi-même au milieu d’une foule qu’il taille comme une hache au lieu de gouverner comme un maillet. Elle ouvre une voie nouvelle à Paul Agnew, David chez Emmanuelle Haïm, ici Joabel, premier méchant de sa carrière. Elle laisse la fièvre monter aux joues écarlates et au front ivoirin de la toute jeune Maud Gnidzaz, une élève de Sophie Boulin appelée au secours après mue et forfait des garçons prévus, Jonathas plus léger qu’un caillou de la fronde, mais pas moins amoureux qu’Hippolyte ou Bérénice. Elle galvanise Cyril Auvity : la périlleuse guirlande de contre-ut maintient le jeune ténor dans une sorte d’ivresse, et le peu de couleurs comme le peu de volume de la voix ne font qu’accroître la réalité d’un David adolescent, héroïque par un soutien magistral et de longues phrases « adultes » mais vierge de tout démon. Seule la Pythonisse de l’excentrique et trop doué Jeffrey Thompson nous ramène à l’Enchanteresse du récent Dido and Aeneas et voudrait nous faire prendre la Grande Zaza pour un oracle de l’Enfer. Le ridicule ne tue pas, c’est bien ce qu’on lui reproche. L’orchestre caresse les notes de Charpentier avec l’aisance qu’on lui devine. Plus surprenant les choeurs, Pages du Centre de musique baroque d’un côté, Arts Florissants de l’autre, ne font qu’un dans une concorde expressive et musicale prodigieuse. Assis, William Christie indique, distribue, encourage, dirige à peine. A l’écoute de ces flots harmoniques coulant de source, on devine ce qu’il lui manque sur les plateaux prestigieux et dans les grands festivals mondains : l’enfance. Ce que David et Jonathas recèle de plus mystérieux dans l’immédiateté, la pudeur, la tendresse, la cruauté et la loyauté de l’enfance lui est un livre ouvert. Ainsi vécue, la tragédie biblique a quelque chose d’infini qui nous rappelle, ce soir, combien sa longue absence nous a pesé. » (Diapason – novembre 2004 – 6 septembre 2004)
Paris – Théâtre des Champs Elysées – 20 mars 2004 – New York – AT Hall – 25 mars 2004 – Cuenca (Espagne) – Teatro Auditorio – 9 mars 2004 – Salzbourg – Mozarteum – 11 avril 2004 – version de concert – Orchestra of the Age of Enlightenment – dir. Emmanuelle Haïm – avec Mark Padmore (David), Jaël Azzaretti (Jonathas), Laurent Naouri (Saül), Andrew Foster-Williams (Achis), Richard Burkhard (Joabel), Daniel Auchincloss (La Pythonisse)
enregistrement audio – 2 CD – Premiereopera Italy
ResMusica
« A la vue de ce concert, on comprend le récent succès d’Emmanuelle Haïm dans la presse et auprès du public. Cette jeune chef d’orchestre sait communiquer avec une joie débordante à ses musiciens son amour sans pareil pour cette musique, et par la même, ce sont les spectateurs qui sont conquis et qui partagent le bonheur d’une musique où l’austérité ne devient plus un frein à l’émotion. Ayant été longtemps continuiste avec William Christie et Christophe Rousset, Emmanuelle Haïm alterne fréquemment la direction d’orchestre avec de plus ou moins brefs passages de continuo où elle chante sa musique avec un engagement sans pareil. Les musiciens et les chanteurs anglais de la soirée ont derrière eux une longue expérience des instruments anciens qui leur permet d’en faire ressortir toute la quintessence et de suivre avec engouement la direction d’Emmanuelle Haïm. On ne se plaindra pas non plus des solistes, d’un niveau globalement excellent par leur timbre et leur diction. Le Saül de Laurent Naouri était certes parfois un peu trop empâté, et le David de Mark Padmore usait d’un vibrato trop accentué par moments. Mais la voix de soprano de Jaël Azzaretti faisait ressortir chez Jonathas toute l’innocence pure de son âme torturée par les événements, et la présence scénique d’une noble intensité de chacun compensait l’absence de mise en scène. »
L’Atelier du chanteur – 20 mars 2004
« Aucune mise en scène ni mise en espace n’a été nécessaire ce soir pour transmettre la beauté et l’expressivité de cette oeuvre de Marc-Antoine Charpentier. Tragédie en musique, elle est particulièrement bien construite : le livret est en effet d’un père jésuite qui s’y connaissait en rhétorique ! L’ouvrage était destiné à être donné par les élèves du collège jésuite Louis-le-Grand, chaque acte alternant avec ceux d’une tragédie en latin sur le même thème, Saül. Si l’orchestre conclut chaque acte par un postlude, l’action démarre très efficacement au début de chaque acte et même dès le prologue. Action ou plutôt dialogues ou monologues, renforcés ou non par le choeur, qui exposent et explorent des situations « cornéliennes » et les passions qu’elles déclenchent. L’orchestre de l’Âge des Lumières met admirablement en valeur, sous la direction d’Emmanuelle Haïm, une musique extrêmement bien écrite, dont on entend toutes les strates avec une magnifique clarté et lisibilité, jusqu’aux cordes graves très distinctes et présentes. Orchestration et interprétation sont ici aussi un chef d’oeuvre de rhétorique ! Si l’orchestre anglais joue cette musique française à la perfection, il est encore plus remarquable que les choristes chantent dans un français parfait, c’est à dire non seulement compréhensible, mais stylistiquement juste et vocalement efficace. À l’exception des quatre premiers rôles cités ci-dessus, tous les petits rôles solistes sont en outre remarquablement tenus par des chanteurs du choeur. Ce qui n’empêche pas le choeur dans son ensemble de sonner magnifiquement !L’oeuvre étant destinée à des élèves, il semblerait que l’écriture vocale reste dans des limites confortables, n’incitant jamais au forçage et permettant une déclamation naturelle sur des voyelles bien différenciées. Laurent Naouri s’impose avec une déclamation royale, sans accents intempestifs. Tout aussi expressif, Mark Padmore a une splendide émission mixte très concentrée, sans aucun son trop ouvert ni trop appuyé, ni trop clair ni trop sombre. Jaël Azzaretti, superbe dans son air du quatrième acte, gagnerait par contre à concentrer davantage son émission, parfois un peu trop ouverte et donc légère. Andrew Foster-Williams a des graves clairs, pas du tout grossis. Richard Burkhard a une émission percutante et saine, avec une bonne diction française. Daniel Auchincloss a une intéressante voix légère de haute-contre, avec des aigus très mixtes en quasi-fausset, qu’il peut donc ouvrir sans jamais les crier, avec une excellente diction très naturelle, et des graves en voix pleine. Grace Davidson a une agréable voix jeune et fraîche et un excellent français, comme John Mackenzie, dont les ouvertures buccales paraissant excessives dans le grave donnent cependant de bons résultats.Bref, un quasi sans fautes, fruit de ce que l’on devine être une excellente préparation. Et l’acoustique du Théâtre des Champs-Élysées est toujours une merveille pour ce répertoire ! »
ConcertoNet – 20 mars 2004
« Jaël Azzaretti, qui travaille beaucoup avec Emmanuelle Haïm et dont la carrière dans le baroque ne cesse de se développer, compose un sensible Jonathas. L’air “A-t-on jamais” est d’une émotion rare et on perçoit et la douleur du personnage et son envie de combattre le sort qui l’accable. La voix de la chanteuse a, ces derniers temps, gagné en rondeur et en velours et elle se prête admirablement à la détermination exprimée par le fils de Saül. Jaël Azzaretti diffuse une grande énergie mais sait aussi trouver des accents de douceur et d’élégance dans son duo avec David à l’acte II sur les mots “goûtons les charmes”.Il faut dire qu’elle est épaulée par un remarquable Mark Padmore. La musicalité et la beauté de son timbre ne sont plus à démontrer et une fois de plus ses qualités se développent au contact de cette oeuvre. Il campe un David doux, élégant et son excellente prononciation lui permet de mettre en relief certains passages et de les rendre encore plus émouvants comme la toute dernière phrase qu’il prononce “tout est perdu” où il prolonge jusqu’à extinction du souffle le “u” de “perdu”. Le chanteur exploite les couleurs subtiles de sa voix notamment dans la descente sur “C’est Saül qu’il faut immoler” dans le premier acte et on perçoit nettement la blessure du héros. Laurent Naouri est, comme toujours, souverain et il apporte une grande noblesse au personnage notamment dans la scène 2 de l’acte III, moment peut-être le plus magique de tout le concert et le chanteur est aidé par une direction particulièrement inspirée d’Emmanuelle Haïm qui pose le décor du drame dès les premières notes du passage. On retrouve ses accents si terribles dans le passage avec continuo quand il vocifère sur “barbare” à l’acte V. Achis est chanté par la jeune basse Andrew Foster-Williams aux grandes qualités. Il interprète un roi des Philistins assez roué quand il vante les mérites de Saül au début du 3ème acte “vous vivez, vous régnez”. Sa voix est puissante et solide et possède une jolie palette de couleurs qu’il met en valeur pour souligner les tourments du personnage. Richard Burkhard chante le rôle de Joabel et s’y montre bon. Toutefois son timbre de ténor est assez monotone et il éprouve des difficultés à nuancer son interprétation. Il assume la partition avec brio mais on souhaiterait entendre plus de différence dans les différents états du personnage mais on ne peut que souligner son engagement qui l’amène à presque crier “va, lâche, va languir” dans la scène 2 de l’acte II.Pour les rôles secondaires, Emmanuelle Haïm a fait appel aux choristes du Choir of the Enlightenment. Globalement ils ont tous des voix solides mais il convient de souligner quelques interventions particulièrement marquantes. Richard Savage interprète l’ombre de Samuel avec une rare intensité et il va chercher des accents très profonds pour créer une ambiance effrayante propre aux Enfers. Daniel Auchincloss tente de donner corps à la Pythonisse et sa voix est chargée de belles nuances mais il ne peut toutefois faire oublier Dominique Visse qui, dans l’enregistrement de William Christie en 1988, était une magicienne autrement plus incisive. Les divers bergers et captifs sont également très bien tenus et apportent une certaine fraîcheur dans cette oeuvre si dense. Emmanuelle Haïm dirige avec beaucoup d’énergie cet oratorio mais elle semble un petit moins à l’aise que dans Haendel ou Monterverdi. Ceci dit son interprétation ne mérite que des éloges et surtout pour les passages instrumentaux qui ponctuent chaque acte. Elle parvient à transmettre beaucoup d’émotion au début du quatrième acte, aidée pour cela par un pupitre de vents rempli de musicalité. Malgré quelques petits problèmes pour être ensemble, l’Orchestra of the Age of Enlightenment sonne très bien et on ne sait quel pupitre louer le plus. Les deux théorbistes jouent avec beaucoup de raffinement et le percussionniste tient sa partie avec conviction surtout quand il donne ses quelques coups de triangle. Tous les éléments sont réunis pour proposer un superbe concert et le public ne s’y trompe pas, vu l’ovation finale qui est réservée aux interprètes. L’année qui vient donnera lieu à de nombreuses manifestations et on ne peut qu’espérer qu’elles soient d’aussi bonne qualité et surtout jouées avec autant d’engagement. » (Concerto Net – 20 mars 2004)
Paris – Eglise Saint-Louis des Invalides – 19 juin 2002 – Les Paladins – dir. Jérôme Corréas – avec Valérie Gabail, Cyrille Gerstenhaber, Lombard, Delettre, Bruno Rostand
Académie d’Ambronay – 14 octobre 1994 – Tournée en octobre 1994 à Genève, (Victoria Hall), Paris (Opéra Comique – 17 octobre), Caen (Théâtre), La Haye (Conservatoire Royal), Utrecht (Geerteker), Londres (Christchurch Spitalsfields) – dir. William Christie – mise en espace Javier Lopez Pinon
Opéra Garnier (14 et 16 juin 1988) – Versailles (18 juin 1988) – Les Arts Florissants – dir. William Christie
Bordeaux – 39e Mai Musical – 9 mai 1988 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – avec Gérard Lesne, Monique Zanetti, Jean-François Gardeil, Jean-Paul Fouchécourt, Charles Daniels, Bernard Deletré
Opéra de Lyon – 19 février 1981 – dir. Michel Corboz – misqe en scène Jean-Louis Martinoty – scénographie Daniel Ogier – avec Paul Esswood (David), Colette Alliot-Lugaz (Jonathas), Philippe Huttenlocher (Saül), Roger Soyer (Achis), René Jacobs (la Phythonisse) – première reprise de l’oeuvre à l’époque moderne.