David et Jonathas

 

COMPOSITEUR Marc-Antoine CHARPENTIER
LIBRETTISTE Père François Bretonneau

 

ORCHESTRE Les Arts Florissants
CHOEUR
DIRECTION William Christie
MISE EN SCÈNE Andreas Homoki
DÉCORS Paul Zoller
COSTUMES Gideon Davey
LUMIÈRES Frank Evin
Saül Neal Davies
L’Ombre de Samuel Pierre Bessière
La Pythonisse Dominique Visse
David Pascal Charbonneau
Jonathas Ana Quintans
Achis Frédéric Caton
Joabel Kresimir Spicer
DATE D’ENREGISTREMENT Juillet 2012
LIEU D’ENREGISTREMENT Aix en Provence
EDITEUR Bel Air Classiques
DISTRIBUTION Harmonia Mundi
DATE DE PRODUCTION 23 avril 2013
NOMBRE DE DISQUES 1
FORMAT Couleur NTSC – 16 : 9 – stéréo PCM – Dolby Digital 5.1
DISPONIBILITE toutes zones
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

Critique de cet enregistrement dans :

  • Opéra Magazine – juin 2013 – appréciation 3 / 5

« Présentée au Festival d’Aix-en-Provence, l’été dernier, la «tragédie biblique» David etJonathas de Marc-Antoine Charpentier, réglée par Andreas Homoki, ne bénéficie guère des artifices qu’autorise (parfois) une bonne captation vidéo. Déjà, vue de la salle, cette production souffrait d’un manque de relief considérable. Le DVD en fixe avec insistance la vacuité. Si l’on admet que l’œuvre s’avère complexe à réaliser, la vision réactualisée et par trop réductrice du metteur en scène allemand ne facilite pas les choses. Le caractère éminemment hybride de la musique, la confidentialité de l’effusion ou encore la faible progression dramaturgique du récit s’accommodent mal de cette morne relecture historico-psychanalytique. La scénographie de Paul Zoller n’arrange rien. Lincessante obturation du champ visuel par le biais de parois rétractables se révèle très vite laborieuse. La pression psychologique subie par les protagonistes se veut-elle ainsi plus éloquente? Pas sûr. Quoi qu’il en soit, le recours systématique à ce dispositif tourne en rond et ne propose, au final, qu’une figuration manichéenne des affects. Par chance, William Christie et ses forces parviennent à instiller une divine poésie sonore à cet environnement esthétique morose. Les pupitres des Arts Florissants confirment leurs affinités avec cette musique et livrent des couleurs délectables, que la prise de son magnifie (l’acoustique difficile du Théâtre de l’Archevêché en occultait les subtilités). Quant à la distribution, elle demeure décevante, malgré sa relative cohésion stylistique. Pascal Charbonneau se montre certes vaillant et d’une ductilité exemplaire en termes de diction, mais son timbre fragile se trouve poussé dans ses retranchements dès lors qu’il flirte avec les registres extrêmes. Ana Quintans chante gracieusement, mais ne touche pas beaucoup. Neal Davies, en revanche, est un Saül idéal. Dans un rôle qu’il a désormais fait sien, Dominique Visse incarne une Pythonisse plus troublante que jamais. D’une aisance scénique inouïe en robe imprimée, chignon et tablier, le contre-ténor français pose, avec une gouaille et un tact Indéfinissables, son filet de voix sur les mélismes prémonitoires de « Ombre, c’est moi qui vous appelle ». Homogène et pénétrant, le chœur s’offre enfin sans compter. »

  • Classiquenews

« Et si David et Jonathas était tout simplement l’opéra de Charpentier le plus audacieux, le plus abouti et le plus original de son auteur ? Si Médée reste dans le cadre Lullyste donc prévisible et assez convenu par rapport à l’esthétique officielle de l’opéra à l’époque de Louis XIV, David et Jonathas en rapport avec le sujet brûlant (un amour entre deux garçons) demeure en vérité une partition aux innovations formelles .. éblouissantes. La partition créée en 1688 (période des accomplissements contemporains de Purcell en Angleterre), est malgré ce qu’elle suggère, destinée à l’élévation spirituelle des élèves d’un collège jésuite … Les sentiments fraternels qui lient les deux jeunes âmes sont supérieurs à la tragédie qui se joue par ailleurs. : la jalouse haine de Saül, la guerre totale entre les deux clans affrontés. Cet amour pur et angélique contraste avec la violence de l’arrière plan historique : la guerre que se livre sans atténuation Israélites et Philistins suscite même la mort de Saül (la père de Jonathas est dévoré par sa jalousie à l’endroit de David) et de Jonathas. Auparavant, le tableau où le vieux roi Saül interroge la pythonisse pour connaître son sort (et donc prendre conscience de l’ambition irrépressible du jeune David) est digne du Shakespeare le plus fantastique : à l’angoisse du roi répond le surnaturel terrifiant d’un épisode en soi magistral sur le plan dramatique et poétique. La mort de Jonathas pleuré par David est tout autant un épisode déchirant, d’une pudeur sertie de joyaux musicaux que William Christie sait polir d’une intelligence proche du sublime.Présenté en juillet 2012 à Aix, voici un accomplissement expressif porté par William Christie et ses Arts Florissants : la ductilité du verbe magnifiquement projeté dialogue avec un orchestre et des choeurs de bout en bout exemplaires, captivants, articulés, habités; couple ciselé, percutant, agissant et si doloristes dans un monde guerrier sans issue, le David de Pascal Charbonneau (timbre fragile, mis à mal dans les aigus mais d’une sincérité touchante) et le Jonathas de la soprano Anna Quintans (parfois rien qu’aimable) expriment toute l’ardente fusion des deux soldats dont l’amour pur vainc in fine toute confrontation : en ce sens, la mort de Jonathas n’est pas une fatalité mais une apothéose … En revanche, assez froide et distanciée, la mise en scène d’Andreas Homoki (directeur de l’Opéra de Zurich depuis l’été 2012) évoque le conflit contemporain du Proche-Orient où s’affrontent Palestiniens et Israéliens … C’est parfois intéressant et intense, mais souvent factice et plaqué donc artificiel. Côté chanteurs, seuls le Saül ténébreux et ravagé de Neal Davies s’embrase à mesure que la Pythonisse hallucinée de Dominique Visse (voix aigre, percussive,  » primitive  » propre aux révélations primordiales…) lui révèle en un cynisme énigmatique mémorable son destin tragique et l’ombre inéluctable, irrésistible du jeune David … Seul le geste sincère et incandescent de l’irrésistible William Christie (la vraie vedette c’est le maestro au sommet de son éloquence) sait insuffler à la partition de Charpentier son élégance sensuelle, ses foudres martiaux, son humanité bouleversante … rien de plus naturel en vérité de la part d’un connaisseur ès mérite de l’éloquence baroque alla Charpentier :  » Bill  » connaît l’oeuvre depuis 1988, s’y essayant depuis toujours avec conviction, abnégation, ivresse et une implication inouïe. Comme pour Haendel, c’est le chant irrésistible d’un maestro touché par la grâce. Et pour Charpentier, le meilleur interprète actuel. Ni plus ni moins. Dvd événement. »

  • Forum Opéra

« Créée l’année dernière au Festival d’Aix-en-Provence et reprise il y a quelques mois à Paris puis à New-York, cette production scénique de David et Jonathas constitue un événement de par la rareté de l’entreprise, à haut risque, et de par l’exploit que représente sa réussite. En effet, à l’instar des masks de Purcell, l’ouvrage pose un énorme défi aux metteurs en scène pour la simple raison qu’il ne s’agit pas véritablement d’un opéra. Ses cinq actes ne s’enchaînent pas en un drame continu mais doivent se glisser, tels des intermèdes, entre ceux d’une tragédie latine, Saül (aujourd’hui perdue), déclamée par les élèves du Collège Louis-le-Grand, avec laquelle ils forment une immense fresque musico-dramatique donnée pour la première fois le 28 février 1688. La partition s’affranchit totalement des canons lulliens et ne contient qu’une poignée de récitatifs, l’action se concentrant dans la pièce du père Chamillart, elle regorge d’airs souvent très élaborés et avec orchestre, de chœurs somptueux, de symphonies et de pièces à danser. Avec le concours inestimable de William Christie, Andreas Homoki réussit pourtant à transformer cette succession de riches tableaux psychologiques en un spectacle étonnamment cohérent, inspiré et d’une grande vivacité, dont les caméras de Stéphane Medge soulignent la dynamique et flatte la direction d’acteurs, scrutant les visages des protagonistes et multipliant les zooms dans la foule. Andreas Homoki sait tirer parti de l’omniprésence des choristes des Arts Florissants dont il règle en virtuose les mouvements et les attitudes. Leur performance se révèle en tout point admirable et contribue de manière déterminante à la réussite du projet.Simple, mais efficace, le dispositif conçu par Paul Zoller libère l’imagination du metteur en scène et stimule celle du spectateur. De vastes panneaux de bois clair modulent l’espace qui s’allonge ou se rétrécit pour enserrer les personnages, à la merci d’un destin et de forces qui les dépassent, le plateau pouvant aussi se décomposer en plusieurs chambres pour refléter le paysage mental d’un Saül éperdu que harcèlent une dizaine de clones de la Pythonisse. Si le réalisateur s’autorise deux ou trois effets cinématographiques que chacun appréciera selon son goût, son montage nous permet d’apprécier certains détails qui n’ont pas le même impact en salle. En opérant des plans rapprochés sur son visage, Stéphane Medge accentue ainsi le trouble suscité par le travestissement de Dominique Visse qui restitue à merveille l’inquiétante étrangeté de l’oracle. Le prologue a été judicieusement déplacé après le troisième acte afin d’éclairer les spectateurs, auxquels sont également destinées des saynètes, mimées par des figurants au cours des épisodes orchestraux, qui nous dévoilent l’enfance de David et Jonathas. Jupes tailleurs, gilets et chapeaux noirs pour les uns, voiles, fez et djellabas pour les autres, les costumes projettent l’antagonisme des Juifs et des Philistins de la Bible dans un Orient stylisé des années 40 ou 50, Andreas Homoki ayant la bonne idée de nous épargner les poncifs politiques et vainement polémiques d’une certaine scénographie contemporaine. Du reste, le dramaturge n’élude en rien l’homo érotisme qui sous-tend la passion des adolescents, dont les baisers et les caresses sont sans équivoque, et colore peut-être aussi la jalousie de Joabel, colosse belliqueux mais à la voix de velours (Kresimir Spicer) qui, en l’occurrence, étreint fougueusement David avant de jurer sa perte. Son enregistrement de David et Jonathas a marqué le tricentenaire de l’œuvre (1988) et demeure une référence, mais William Christie a depuis lors renouvelé son approche. Dès 2004, lors d’une tournée de concerts mis en espace par Rita De Letteriis, il attribuait le rôle-titre à un ténor (Cyril Auvity), disposant enfin d’instruments capables de jouer au diapason bas en vigueur dans la France du Grand Siècle (392 Hz). Huit ans plus tard, il a également dû adapter les effectifs des Arts Florissants en vue d’une représentation en plein air. Il ne faut d’ailleurs pas s’attendre à retrouver ici toutes les finesses chambristes du disque réalisé dans les studios de Radio France, mais bien, en revanche, à découvrir une ampleur sonore inédite. Le premier air de David (« Ciel ! Quel triste combat en ces lieux me rappelle ») illustre de manière frappante la différence d’approche que consacre aussi le choix de Pascal Charbonneau pour l’incarner. Le Canadien est plutôt beau gosse et possède un charisme indéniable, en parfaite adéquation avec la figure de David, cependant, nous partageons les réserves de Claude Jottrand sur la voix, pointue et à l’émission souvent tendue dans l’aigu, alors que sa partie appelle mille nuances. Son chant s’avère trop univoque et extérieur pour rendre justice à cette page magnifique où le héros, certes, se révolte, mais s’épanche aussi, entre désarroi et tendresse. Impossible de chasser le souvenir entêtant de Gérard Lesne, de sa noblesse et de ses inflexions poignantes, ni de l’accompagnement tout en subtilité des Arts Florissants de l’époque. Pascal Charbonneau parvient toutefois à assouplir son émission et nous émeut dans les deux derniers actes, au contact, il est vrai, d’un Jonathas bouleversant. En 2004, William Christie voulait confier le rôle à un garçon soprano, renouant avec l’usage en vigueur dans les collèges jésuites, mais la mue de l’heureux élu le contraignit à se rabattre sur une chanteuse adulte (Maud Gnidzaz, distribuée ici en Captive). Un moment envisagée avec Andreas Homoki et Bernard Foccroulle, l’option historique a été abandonnée face aux contraintes imposées par la législation sur le travail des mineurs. Doté d’un organe juvénile et très pur, Ana Quintans arbore une coupe à la garçonne et des culottes courtes qui lui donnent l’allure d’un Gavroche, mais l’illusion s’arrête là, car nous avons toutes les peines du monde à imaginer qu’un adolescent puisse interpréter avec une telle intensité et cette parfaite justesse de ton la plainte de Jonathas ou sa longue et difficile agonie. Neal Davies (Saül) joue à fond la carte de la démence. Sa composition, extrêmement fouillée et très physique, impressionne mais nous fatiguerait moins si le chanteur – et bien sûr le metteur en scène – faisait davantage confiance au pouvoir expressif de la musique. Figure antinomique de ce roi délirant, Frédéric Caton (Achis) campe un monarque superbe et généreux, et surtout conserve un calme olympien face aux gesticulations de son adversaire. Les seconds rôles sont luxueusement distribués – mention spéciale pour Arnaud Richard, ici un Guerrier mais Saül à l’Opéra-Comique, et Reinhoud Van Mechelen, un des compagnons de David – et les Arts Florissants fleurissent bel et bien en ce mois de juillet 2012, exaltant les superbes harmonies de Charpentier et innervant ses danses avec une vigueur qui ne les a pas toujours caractérisés. Andreas Homoki, William Christie et leurs équipes ont relevé le gant et nous ont administré la preuve que David et Jonathas peut être monté avec succès. Il va sans dire que leur travail méritait d’être enregistré et diffusé sous la forme d’un DVD, le premier consacré à la tragédie biblique de Charpentier. »

  • Classica – juin 2013

« Le metteur en scène Andreas Homoki a transposé l’antique conflit enntre Israël et les Philistins respectivement menés par le roi Saül et Achis dans des Balkans du milieu du XXe siècle façon Tintin et le sceptre d’Ottokar. Pourquoi pas après tout ! Marc-Antoine Charpentier n’a pas besoin de bas de soie ni de perruques pour exprimer l’intensité de cette histoire d’amitié amoureuse entre les deux protagonistes. On peut d’ailleurs saluer la beauté des costumes de Gideon Davey et apprécier l’idée de profiter des danses pour présenter des flash-backs où se croisent David et Jonaathas enfants. En revanche la mise en boite de cette tragédie en musique relève plus du dispositif interchangeable (Andreas Homoki pourrait y ranger bien des opéras) que du projet scénique dicté par l’oeuvre. Si les dimensions de cette grande caisse en bois varient au gré du drame et concentrent l’attention sur les personnages, elles finissent par transformer le spectateur en entomologiste distrait. La muusique est heureusement mieux servie. Si, à Aix-en-Provence où ce spectacle fut capté l’an passé, William Christie n’a pas fondamentalement changé sa conception ductile depuis son enregistrement pour Harrmonia Mundi en 1988, il adopte un diapason français donc bas qui densifie le propos et permet la présence d’un haute-contre en David. Pascal Charbonneau y fait montre d’une éloquence de tous les instants et d’une sensibilité frémissante (la plainte de l’acte V).Le timbre léger de la soprano Ana Quintans n’affadit jamais son Jonathas tandis que Neal Davies (Saül) compense par une formidable présence scénique une voix fatiguée. »