COMPOSITEUR | Antonio VIVALDI |
LIBRETTISTE | Scipione Maffei |
Opéra (RV 714) sur un livret du marquis Scipione Maffei, créé à Vérone, le 6 janvier 1732, pour l’inauguration du Teatro Filarmonico, dans une scénographie de Francesco Galli Bibiena, et une chorégraphie de Andrea Cattani.(*) Scipione Maffei (1675 – 1755), patricien de Vérone, académicien, poète, archéologue et dramaturge. Il avait déjà écrit une première version de La Fida ninfa, en 1714, sous le titre Sciro fuor di Sciro, dédiée à l’empereur Charles VI, un an après la tragédie Merope qui avait fait sa notoriété. Il écrivit aussi de nombreux ouvrages d’érudition, des livrets, des vers de circonstance, des traductions de l’Iliade et de l’Odyssée ainsi que de nombreuses pièces (regroupées dans Teatro italiano, 1723).
Distribution : la soprano bolognaise Maria Giovanna Gasperini (Licori), la contralto Gerolama Madonia (Elpina), la basse Francesco Venturini (Oralto), le castrat soprano Giuseppe Valentini (Morasto), le castrat alto Stefano Pasi (Osmino, Tirsi), le ténor Ottavio Sinalco (Narete).Le castrat soprano napolitain Francesco Bilanzoni, sollicité, refusa d’y participer, bien qu’on lui ait offert cent sequins, et l’opéra fut monté hâtivement. Un contemporain estima que tous les chanteurs n’étaient pas très remarquables, même s’il faut reconnaître que l’opéra n’a reçu qu’un soutien mitigé et limité.Le Nuovo Teatro Filarmonico avait été construit à l’initiative de l’Academia Filarmonica, pour remplacer l’ancien Teatro del Capitano, fermé en 1714 pour vétusté. La construction s’était étalée sur douze années, et l’inauguration initialement prévue en 1730, avec un opéra de Giuseppe Maria Orlandini, La Fida ninfa, avait dû être annulée du fait des inquisiteurs de Venise. L’interdit avait été levé en novembre 1731, permettant l’inauguration en janvier 1732, dans laquelle Scipione Maffei avait investi des sommes importantes. Représentée en 1737, à Vienne, sous le nom de Il giorno felice. Personnages : Oralto, corsaire, seigneur de l’île de Naxos, dans la mer Égée (basse) ; Morasto, soprano ; Narete, berger de Scyros (ténor) ; Licori, fille de Narete (soprano) ; Elpina, fille de Narete (contralto) ; Osmino (contralto) ; Giunone (contralto) ; Elolo (basse)
Synopsis
Acte I
Oralto de Naxos (basse) a enlevé deux jeunes filles, Lycoris (soprano) et Elpina (contralto), ainsi que leur père, le berger Narète de Scyros (ténor). Lycoris était fiancée à Osmino, qui a été lui aussi enlevé par des soldats thraces. Oralto a un lieutenant, Morasto (soprano castrat) : nul ne sait qu’il s’agit en fait d’Osmino. Le jeune homme se désole lorsqu’il apprend que d’autres de ses compatriotes ont été réduits en esclavage. Auprès d’Oralto vit également le frère de Morasto, Tircis (contralto castrat), que ses parents avaient prénommé Osmino, en mémoire de son frère disparu. Tircis s’éprend de Lycoris mais, pour attirer son attention et la rendre jalouse, il courtise plutôt sa soeur Elpina. Lycoris plaît aussi à Oralto, qui charge son bras droit Morasto de plaider sa cause auprès de la jeune fille. De son côté, le vieux Narète fait une étrange découverte : il trouve, gravés sur tous les arbres du voisinage, les noms entrelacés de Scyros, d’Osmino et de Lycoris.
Acte II
Lycoris croit reconnaître en Tircis celui auquel elle était destinée. Narète, pour sa part, essaie de négocier avec Oralto le paiement d’une forte rançon pour que ses filles et lui puissent retourner dans leur patrie. Oralto tergiverse puis, courroucé par le dédain de Lycoris, envisage de les vendre tous comme esclaves au sultan. Morasto se met lui aussi à courtiser Lycoris. Il a compris toute la vérité mais se garde de rien révéler à personne. Tircis affirme maintenant ouvertement ses sentiments pour Lycoris. Elpina, profondément blessée, lui reproche d’avoir abusé de sa bonne foi. Narète, qui a compris les intentions d’Oralto, conjure Morasto de les sauver, et le jeune homme s’y engage.
Acte III
Oralto, abandonnant toute retenue, menace Lycoris de la vendre comme esclave avec sa famille si elle ne lui cède pas. Lycoris fait mine de se suicider puis s’enfuit pour se cacher. Dans sa course, elle trébuche et son voile tombe dans la rivière. Narète retrouve le voile trempé et le montre à Oralto comme la preuve que sa fille vient de se noyer. Le tyran doit s’absenter de Naxos pour quelques jours et confie le commandement de l’île à Morasto. Celui-ci peut enfin révéler sa véritable identité : c’est lui le véritable Osmino, et non son frère Tircis. L’honnête Lycoris, fidèle à ses vœux, lui renouvelle ses promesses d’amour. Tous s’embarquent, gaiement pour rentrer à Scyros, lorsque éclate une terrible tempête. Heureusement Junon, apitoyée par les malheurs et l’amour indestructible des deux jeunes gens si longtemps éprouvés par le sort, demande à Eole, dieu du vent, de souffler sur les vagues afin d’apaiser la mer. « La charge de mettre en musique La fida ninfa avait tout d’abord été confiée au compositeur bolognais Giuseppe Maria Orlandini, maître de chapelle du grand-duc de Florence (puis, à partir de 1732, de Santa Maria del Fiore). On ignore pour quelle raison ce fut finalement le « prêtre roux « vénitien qui reçut commande de l’opéra en 1729. Il acheva son travail l’année suivante, mais La fida ninfa ne fut pourtant pas représentée à temps. Les chro-niques de l’époque en donnent l’explication : d’importantes concentrations de troupes allemandes se trouvaient alors aux frontières de la République Sérénissime et les officiers de ces armées avaient demandé l’autorisation de se rendre à Vérone pour assister à la première représentation de l’opéra. Mais les dirigeants vénitiens étaient peu soucieux de leur laisser constater la faiblesse des armées de la République sur la terre ferme à ce moment-là. L’opéra fut donc sacrifié au secret militaire…Vivaldi, obligé d’attendre, eut cependant la satisfaction d’inaugurer, avec La fida ninfa, le nouveau théâtre de Vérone. Maffei, l’auteur du livret, monta lui-même l’opéra et dépensa pour la mise en scène vingt mille ducats – somme réellement exceptionnelle pour l’époque. » (Dictionnaire chronologique de l’Opéra – Le Livre de Poche) « La Fida Ninfa fut représentée pour la première fois le 6 janvier 1732 à l’occasion de l’inauguration du Théâtre Philharmonique de Vérone. Le compositeur bolonais Giuseppe-Maria Orlandini avait tout d’abord été chargé de la commande et l’on ignore encore pour quelle raison ce fut finalement « le prêtre roux » vénitien qui en récupéra la charge. Vivaldi réussit là une admirable adaptation du livret de Scipione Maffei : chaque personnage principal se voit ainsi confier dans chacun des genres (parlé, pathétique, virtuose…) une partie qui le met particulièrement en valeur. Les ensembles vocaux, la plupart à grand effet, sont d’une extrême difficulté d’exécution. L’ouverture du troisième acte, La tempête sur la mer, et l’interlude sont encore joués aujourd’hui comme des morceaux séparés, très représentatifs de l’art de Vivaldi. » (Jeanine Roze Production)
Livret (en italien)
http://www.librettidopera.it:80/fidaninfa/fidaninfa.html
Représentations :
Brest – 15 avril 2008 – Vienne – Theater an der Wien – 18 avril 2008 – Bruxelles – 20 avril 2008 – Oviedo – 22 avril 2008 – Madrid – 24 avril 2008 – Valladolid – 26 avril 2008 – Théâtre des Champs Élysées – 5 mai 2008 – Toulouse – 7 mai 2008 – version de concert – Ensemble Matheus – dir. Jean-Christophe Spinosi – avec Veronica Cangemi (Morasto), Sandrine Piau (Licori), Philippe Jaroussky (Osmino), Barbara Di Castri (Giunone, Elpina), José-Manuel Zapata / Topi Lehtipuu (Narete), Lorenzo Regazzo (Eolo, Oralto)
Théâtre du nouveau Palais – Potsdam Sans Souci – 11, 12, 13 juin 2005 – Musikfestspiele Potsdam-Sanssouci – Kammerakademie Potsdam – dir. Sergio Azzolini – mise en scène Jakob Peters-Messer – décors, costumes Markus Meyer – avec Anna-Maria Panzarella (Licori), Sylvie Althaparro (Elpina), Katharina Blaschke (Giunone), Fulvio Bettini (Oralto, Eolo), jacek Lascczkowski (Tirsi), Hans Jörg Mammel (Narete)
Opéra Magazine – novembre 2005 – 13 juin 2005
« Sous le titre « Frau musica, artiste, muse, mécène », le Festival de musique de Potsdam Sanssouci s’est distingué cette année par une programmation ambitieuse, centrée sur le rôle de la femme dans la musique baroque. Principale contribution dans le domaine de l’opéra, « La fida ninfa » était confiée à la direction artistique du hautboïste Sergio Azzolini qui, comme à l’époque de Vivaldi, a laissé la Kammerakademie Potsdam jouer sans chef d’orchestre, les impulsions étant en partie données par le violino principale, mais surtout par la basse continue. Une solution qui ne laisse aucune ressource de la partition inexploitée, la spontanéité de l’exécution ne s’exerçant jamais au détriment des nuances vocales et instrumentales. Dans une brève introduction au spectacle, Sergio Azzolini formule le souhait de rendre le spectateur sensible à la richesse de couleurs d’une musique comparable à la palette d’un peintre dc l’époque, dans laquelle alternent la lumière et l’ombre, l’exaltation et la mélancolie. Le livret de Scipione Maffei offre parallèlement, dans les confusions d’une intrigue située sur une île et suggérant parfois l’univers de la Tempête de Shakespeare, une multiplicité d’ambiguïtés psychologiques dont la mise en scène de Jakob Peters-Messer, dans les décors et costumes sobrement suggestifs de Markus Meyer, exploite avec finesse les constantes fluctuations, du ton purement lyrique au ton pastoral, de la frivole galanterie à l’effusion sincère de tendresse, sans oublier les fugaces facéties de la commedia dell’arte. Les efforts de Junon pour prouver à Jupiter que la fidélité existe imposent de dures épreuves à la jeune Licori qui, croyant retrouver son amant après des années de séparation, se trompe sur l’identité de celui-ci. La situation finit par s’éclaircir sans que la nymphe ait jamais succombé à de fallacieuses séductions et la déesse sort victorieuse du pari qu’elle a voulu s’infliger. Mais les intermittences du coeur révélées à travers les réactions des personnages laissent flotter une incertitude assez proche de celle ressentie dans la conclusion de Cosi fan tutte. La distribution offre un véritable festival vocal : sensibilité musicale et impeccable maîtrise technique d’Anna Maria Panzarella dans le rôle de la « nymphe fidèle », charme teinté d’ironie de Sylvie Althaparro dans sa soeur Elpina, feux d’artifice virtuoses de Jacek Laszczkowski en Osmino, qui trouve dans le Tirsi de Max Emanuel Cencic un sopraniste capable de relever le défi de la confrontation des timbres et des tempéraments, sans oublier Fulvio Bettini, Hans Jörg Mammel et l’actrice Katharina Blaschke, subtil fil conducteur de l’intrigue. Un long et fervent hommage a été rendu aux interprètes de ce spectacle mémorable. »
Théâtre des Champs Elysées – 18 octobre 2004 – version de concert – Ensemble Matheus – dir. Jean-Christophe Spinosi – avec Veronica Cangemi (Morasto), Jeremy Ovenden (Narete), Anna Maria Panzarella (Licori), Marie-Nicole Lemieux (Elpina, Giunone), Philippe Jaroussky (Osmino), Lorenzo Regazzo (Eolo, Oralto)
Diapason – décembre 2004 – Nymphes radieuses – 18 octobre 2004
« La Fida ninfa est certainement le plus bel opéra de Vivaldi. Pas le meilleur, le marivaudage arcadien illustré par le livret de Maffei ne pouvant guère rivaliser en puissance dramatique avec Orlandofurioso. Mais pour cet exercice imposé, célébrant fastueusement en 1732 l’ouverture du Nuovo Teatro Filarmonico de Vérone, le Rouquin a osé. Airs espiègles, tendres ou graves, duos, ensembles, écriture novatrice abandonnant par instants la tradition baroque ou le style international pour flirter avec l’âge galant ou même, un comble, une ébauche de style classique. Un ovni sans lendemain. Jean-Christophe Spinosi, intuitivement, le pressent. La version de concert du Théâtre des Champs-Elysées n’est que prova, exercice d’approche avant exécution mature et enregistrement, dans plusieurs années. Quelques lignes de récitatifs butinés cavalièrement n’apportent pas de réelle cohésion à une intrigue peu compréhensible en l’état. Règles acceptées par le public, complice dès le début, conquis par cette suite d’arie intégralement restituées par un Ensemble Matheus aux spasmes adolescents désormais oubliés. Minutieuse illustration du mot, phrasés inouïs, douceur et délicatesse sont au rendez-vous. Seule option contestable : la pirouette finale, savoureuse certes, éludant l’intervention solennelle des dieux en farce à la Offenbach. Plateau convaincant, mais perfectible. Osmino divin de Philippe Jaroussky, Elpina craquante et drôle de Marie-Nicole Lemieux, Oralto superbe de Lorenzo Regazzo. Mais « Deh tipiega » illustre les limites du Narete un peu tendu de Jeremy Ovenden, alors qu’Anna Maria Panzarella n’est sans doute pas la Licori idéale (des aigus un rien au-dessous de la note parfois, mais de vraies couleurs et une émotion sincèrement distillée). Compliments à Veronica Cangemi enfin. Exquis « Dolceflamma », impressionnant « Destin avaro » (cruel pour le souffl)> où elle puise dangereusement dans ses ressources pour donner vie à Morasto. Mais est-elle vraiment Morasto? Par essence trop féminine peut-être, une dimension lui échappe inéluctablement. Etonnant Spinosi. Geste plus sobre, puissance expressive s’affirmant de concert en concert : une maturité prometteuse. »
L’Atelier du chanteur – 18 octobre 2004
« Dans l’absolu, la soirée a été très excitante. Le public a fait un triomphe à tous les artistes. Il est cependant intéressant de comparer cette soirée avec celle d’Ambronay neuf jours auparavant, afin de mettre en perspective la performance de chacun des chanteurs de cette distribution parisienne. En effet, aucune des deux soirées n’a offert la distribution idéale. Assurément, toute l’équipe a rodé et mûri son interprétation. L’acoustique très différente modifie l’écoute mais aussi le jeu. Enfin, trois chanteurs ont été remplacés. Dès l’ouverture, on entend des nuances plus délicates, des contrastes plus grands, des timbres instrumentaux plus fins. Tout au long de la représentation, la direction de Jean-Christophe Spinosi sera un peu plus sage, mais non moins intense. La couleur orchestrale des cordes seules, variée avec plus de subtilité, ne lasse pas. Le surtitrage pallie la réduction des récitatifs. La succession / opposition des personnages deux à deux est mieux visible. La suppression de quelques airs supplémentaires donne finalement à l’ensemble une meilleure cohérence.Si Anna Maria Panzarella remplace Ann Hallenberg souffrante, le choix de Veronica Cangemi était réfléchi sinon judicieux. Ferrando de René Jacobs à Aix en juillet 2000 et Sospiro dans L’Opera Seria de Gassmann au théâtre des Champs-Élysées en mars 2003, Jeremy Ovenden offre en Narete un plaisir et, faut-il le dire, un soulagement aussi intenses l’un que l’autre.Là où Alexandrina Pendatchanska, pourtant soprano (?!), campait un Morasto viril un peu trop appuyé en poitrine, Veronica Cangemi en fait un soprano de couleur assez légère, moins masculin et moins enragé. Ses respirations sont hautes et bruyantes, ce qui accroît encore la clarté et la légèreté de son émission. Charmante dans le haut-médium élégiaque ou même l’agilité légère, elle n’a absolument pas l’ampleur et l’étendue vocale requise par le rôle de Morasto. Ses graves sont sourds et les airs de rage vocalisants sont en dehors des limites de sa vocalité. En sortie de vocalise ou quand elle arrive à bout d’un souffle assez court, ses aigus sont criés. Sa voix n’étant pas naturellement ample, son émission est souvent poussée. Elle est cependant magnifique et touchante dès qu’elle ne sort pas des limites de sa voix, notamment dans son bel air pathétique accompagné par le seul théorbe. Veronica Cangemi donne de « Destin avaro » une version moins follement rapide, moins « mitraillée », à la vocalisation plus légère, moins articulée par la mâchoire. Le résultat est moins excitant mais plus libre, même si bien des notes extrêmes sont à peine et mal esquissées, dans cet air il est vrai inhumain! « Fra inospiti rupi » n’a pas ce soir le quart de sa densité. Mais ce rôle ne devrait-il pas être tenu par une mezzo? (Une de plus !)Les chanteurs déjà présents à Ambronay ont encore progressé. Philippe Jaroussky est encore plus séduisant. Son air « Serpe tortuosa », bien figuré à l’orchestre, est superbe. Lorenzo Regazzo en fait des tonnes non seulement en Oralto mais aussi en Éole. Marie-Nicole Lemieux a une émission de meilleure tenue qu’à Ambronay. Sa diction est moins empâtée et son jeu a gagné en finesse. C’est l’éternel problème des artistes devant plutôt restreindre leur tempérament et accepter d’en donner parfois moins pour en faire recevoir plus. Sa voix sonne déjà très bien quand elle n’en fait pas trop, ne bouge pas trop et surtout n’ouvre pas trop la bouche. Charmante et primesautière dans « Cento donzelle », désopilante en Junon, elle trouve à nouveau dans ce rôle une ampleur et une ligne vocale dans le grave qui donnent envie de l’entendre dans des rôles plus sérieux et soutenus. Anna Maria Panzarella semblerait une excellente Licori si l’on n’avait pas connu la perfection technique et la pureté de timbre « à l’ancienne » d’Ann Hallenberg. Elle campe un personnage plus direct, plus quotidien mais par là peut-être plus touchant, au timbre moins pur, à la technique plus visible, à la ligne moins stable. Plus élégiaque et moins vocalisante, elle rend pleinement justice à son bel air « Amor mio ». Connaissant très bien le rôle, elle est encore plus à l’aise vocalement après l’entracte.Jeremy Ovenden a un beau legato et une magnifique maîtrise de la voix mixte, qui confère souplesse et élégance à son émission. L’orchestre, en l’accompagnant, peut être plus souple, plus nuancé, respirer mieux, se sentir en sécurité et développer des phrasés plus longs. Son « Deh ti piega » est superbe. Son « Non tempesta » est bien réussi, même s’il n’épuise pas tout le potentiel de cet air, plus proche de la vocalité de José Montero. »
Abbatiale d’Ambronay – Festival d’Ambronay – 9 octobre 2004 – version de concert – Ensemble Matheus – dir. Jean-Christophe Spinosi – avec Alexandrina Pendatchanska (Morasto), José Montero (Narete), Ann Hallenberg (Licori), Marie-Nicole Lemieux (Elpina, Giunone), Philippe Jaroussky (Osmino), Lorenzo Regazzo (Eolo, Oralto)
L’Atelier du chanteur – 9 octobre 2004
« Sous la direction alerte de Jean-Christophe Spinosi, l’ensemble Matheus a de nouveau séduit par son dynamisme. L’oeuvre recèle-t-elle moins de contrastes ? Elle a en tout cas paru ce soir un peu uniformément rapide. L’omission d’une grande partie des récitatifs empêche aussi de s’imprégner de chaque affect avant de savourer sa représentation sonore. L’effectif orchestral réduit aux cordes, sauf à la toute fin, ne permet pas non plus une grande variété de couleurs.L’histoire est bien sûr aussi complexe que de coutume, et un semblant de mise en scène aiderait sans doute à mieux adhérer dès le départ aux émois de chacun, au lieu de goûter une succession de beaux airs. Certains des chanteurs réunis, telle Marie-Nicole Lemieux, ne restreignent d’ailleurs qu’avec peine leurs élans dramatiques. Lorenzo Regazzo incarne comme toujours à merveille son personnage irascible. À force de grimaces expressives et de noirceur du son, c’est à peine si l’on remarque qu’après moult fureurs, Oralto est amoureux au troisième acte, le temps d’un air (« Perdo ninfa ») – et encore, de sa seule partie A.Aux côtés de Regazzo, parfait dans son genre, Ann Hallenberg séduit par une technique vocale exemplaire et un timbre bien équilibré. Rayonnante dans l’aigu, elle sait aussi poitriner quand il faut et comme il faut. Sa voix s’épanouit encore davantage au troisième acte dans le superbe air « Dalla gioia e dall’amore ». Il ne lui manque somme toute que quelques défauts séduisants pour conquérir les foules.Philippe Jaroussky fait preuve comme toujours d’une superbe musicalité. L’éloge de son timbre n’est plus à faire. Très pur et toujours clair, il a maintenant aussi acquis ligne et rondeur. Sa prestation culmine dans l’air magnifique « Ah che non posso » du second acte.Très expressive, Marie-Nicole Lemieux n’en laisse pas moins échapper beaucoup de souffle mêlé à son timbre, qui en devient beaucoup moins riche et sonore. Sa diction est empâtée. On aimerait qu’elle canalise mieux son ardeur expressive vers des qualités vocales fondamentales sans lesquelles on ne peut construire ni interprétation ni carrière. Le rôle de Junon (plus noble? plus grave? plus soutenu?) lui inspire une émission beaucoup plus efficace.Alexandrina Pendatchanska, qui avait enthousiasmé en Stonatrilla dans L’Opera Seria de Gassmann sous la direction de René Jacobs au Théâtre des Champs-Élysées en mars 2003, avec un timbre frais et une émission libre, surprend ici en choisissant une tessiture qui paraît trop grave pour elle, ou qu’elle appuie du moins trop – peut-être en raison de sa visible indisposition? Sa voix n’est sonore qu’au prix de fortes pressions appliquées sur des positions vocales très fermées. Elle ne se sort de vocalises inhumainement rapides qu’au prix de fortes contractions physiques, visibles au niveau de la mâchoire et des épaules et que l’on devine au niveau des abdominaux.À l’inverse, Ann Hallenberg émet ses vocalises, certes moins rapides, en conservant à son instrument une parfaite intégrité, ce qui préserve du même coup la pureté d’intonation et de timbre de chaque note. Alexandrina Pendatchanska offre cependant au troisième acte un « Fra inospiti rupi » plus plein et moins tendu et redonne en bis avec plus d’aisance son air « Destin avaro » qui concluait déjà la première partie.José Montero sonne nasal dès son entrée. Ce défaut esthétique devient aussi technique quand il pousse, dans « Deh ti piega » au deuxième acte, son émission dans le nez au point qu’elle devient rauque sous la pression excessive, tout en étant inefficace car bouchée. Meilleur dans « Non tempesta », il a un potentiel intéressant.Cette production réussit à captiver pendant trois heures, ce qui n’est pas un mince mérite, mais pourra encore trouver plus de variété et de profondeur. Une version scénique y aiderait, ou à défaut le rétablissement des récitatifs. »
ConcertoNet
« L’intrigue est embrouillée comme il convient pour le répertoire seria. Tout commence déjà avec des hétéronymes : sur l’île de Naxos, on retrouve deux frères enlevés de l’île de Syros par le corsaire Oralto. Osmino, rebaptisé Morasto est devenu un lieutenant d’Oralto, tandis que Tirsi, captif, est repabtisé … Osmino. Bien sûr, l’un et l’autre ignorent leur parenté. Toute l’intrigue va se jouer sur la redécouverte de l’identité, qui coïncidera avec la redécouverte de l’ancien amour d’Osmino-Morasto sur Syros, et le serment de fidélité de Licori, récemment enlevée par Oralto. Il faudrait aussi signaler que Tirsi-Osmino et Oralto sont amoureux de la captive. Mais passons sur les détails et les chassés-croisés …A l’inverse du scénario, le découpage dramatico-musical des scènes est bien caractérisé, et chaque moment se présente comme une unité, un élément de sens efficace. Dès l’ouverture, la direction tonique de Spinosi sait faire preuve de finesse et insiste sur les contrastes. Le premier air de Morasto met en scène des vagues de fond intérieures que Spinosi souligne avec le ‘ventre’ liant de l’orchestre, créant ainsi une sorte de plénitude de la complainte. Alexandrina Pendatchanska, qui se sort fort bien d’un rôle aigu, est remarquable dans plusieurs airs de déploration (magnifique Dite oimé de la scène 10, acte III), et de virtuosité (scène 11 de l’acte I par exemple). Si dans les scènes 10 de l’acte II et 6 de l’acte III elle rencontre quelques difficultés avec la longueur des vocalises, elle a l’art des terminaisons impressionnantes et parfaitement timbrées dans tous les registres. Lorenzo Regazzo a également une belle voix, mais gâtée par d’innombrables et constantes grimaces, sans doute pour atteindre quelque effet ‘théâtral’. Marie-Nicole Lemieux campe une convaincante Elpina, très joueuse et qui emporte la mise (scène 1 de l’acte III).Du point de vue de la cohérence dialogique, signalons la disparition de la scène 5 de l’Acte II, de la scène 4 et 8 de l’acte III, et de nombreux autres récitatifs ; sans doute pour réduire cette partition à la taille humaine d’un simple concert. Mais ces légères remarques n’entament en rien le plein succès que fut cette soirée. »
Théâtre du nouveau Palais – Potsdam Sans Souci – 16, 18, 19, 20, 25, 26, 27 juin 2004 – Bayreuth – Markgräfliches Opernhaus – Bayreuth Barock 2004 – 17, 18, 19 septembre 2004 – coproduction avec Musikfestspiele Potsdam et Kammerakademie Potsdam – dir. Sergio Azzolini – mise en scène Jakob Peters-Messer – dramaturgie Micaela von Marcard – avec Fulvio Bettini, baryton (Oralto, Eolo), Jacek Laszczkowski, contre-ténor (Morasto), Hans Jörg Mammel, ténor (Narete), Anna Maria Panzarella, soprano (Licori), Sylvie Althaparro, mezoo-soprano (Elpina), Max Emmanuel Cencic, contre-ténor (Tisri, Osmino), Katharina Blaschke (Giunone, rôle muet)
Verone – Festival di Primavera – Teatro Filarmonico – 21, 30 avril, 6 mai 1995 – dir. Alan Curtis – mise en scène et décors Pierluigi Pier’Alli – chorégraphie Antonella Agati – avec Eva Santana, Alida Barbasini, Monica Minarelli, Dragana Jugovic, Roberto Balconi (Osmino), Francesco Piccoli (Narete), Gregory Reinhart (Oralto)
« Le retour à l’affiche du Teatro Filarmonico, dans le cadre du second Festival de Printemps « Teatro e Musica della Repubblica Veneta », est une occasion bienvenue de faire le point sur la création vivaldienne. Avec une certaine habileté, le librettiste de La Fida Ninfa, conscient des nombreuses invraisemblances de l’intrigue située à Naxos, cherche à les faire oublier par l’introduction de choeurs, de concertati, de ballets, surcharges décoratives dont Vivaldi tire le meilleur parti. Des airs brillants et virtuoses décrivent à merveille la noirceur du corsaire Oralto (un vigoureux Gregory Reinhart), les plaintes de Narete (un excellent Francesco Piccoli) et d’Osmino (le bon contre ténor Roberto Balconi), lui permettant de déployer sa meilleure veine pathétique. Le compositeur ne s’éloigne pas, en revanche, de la routine sentimentale et vir-tuose, pour les anie des autres personnages, tous confiés ici à des voix féminines d’un niveau simplement correct : Eva Santana, Alida Barbasini, Monica Minarelli et Dragana Jugovic…A la tête d’une fraction bien préparée de l’orchestre des Arènes de Vérone, Alan Curtis restitue l’éclat et l’expressivité de la partition, en tempérant la longueur des récitatifs par la fluidité et la variété du continuo. Avec une extrême élégance, il n’a pas insisté sur la recherche d’une émotivité à fleur de peau dans cette musique, préférant préserver la noblesse et la sobriété du chant, à l’image de la réalisation visuelle de Pier’Alli, succession de tableaux d’un néo-classicisme épuré, où l’archaïsme des couleurs et des costumes, la stylisation des mouvements, s’inscrivent dans l’espace solennel d’un théâtre du XVIIIe siècle. » (Opéra International – juillet/août 1995)
Théâtre des Champs Elysées – 1958 – dir. Angelo Ephrikian – première représentation d’un opéra de Vivaldi en France
Sienne – Aula magna de l’Université – 16 septembre 1939 – dir. Fernando Previtali – concert orchestral comportant une aria de La Fida Ninfa