Dorilla in Tempe

COMPOSITEUR Antonio VIVALDI
LIBRETTISTE Antonio Maria Lucchini
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1994 Gilbert Bezzina Pierre Verany 2 italien

Melodramma eroica pastorale (RV 709) représenté au Théâtre Sant’Angelo de Venise, le 9 novembre 1726. Anna Giro (née Giraud) y fit sa première apparition dans un opéra de Vivaldi, dans le rôle d’Eudamia.

Vivaldi n’avait pas donné d’opéra à Venise depuis 1721, sans doute à cause des critiques suscitées par Il teatro alla moda, pamphlet de Benedetto Marcello, et avait repris en 1725 avec la Griselda

Repris à Venise au théâtre Santa Margherita, en 1728, puis à Prague, en 1732, au théâtre du Comte Franz Anton von Sporck, et de nouveau à Venise, au San Angelo, en 1734, dans une version incluant deux airs de Hasse(*), deux de Giacomelli (**), un de Leo(***), and trois autres de compositeurs non identifiés. C’est cette dernière partition, qui s’apparente à un pasticcio, qui est conservée à Turin. 

(*) Mi lusinga il dolce affetto de Catone in Utica (I,1), Non ha piu pace il cor amante de Cajo Fabricio (III,7)

(**) Rete, lacci o strali adopra de Alessandro Severo (I,9), Non vuo che un infedele de Filindo (II,9)

(***) Vorrei da’lacci sciogliere de Demetrio (II,2)

 

Personnages : Dorilla, fille d’Admeto, amante d’Elmiro ; Elmiro, berger de Tempé, amant de Dorilla ; Admeto, roi de Thessalie, père de Dorilla ; Nomio, Apollon sur terre, sous les traits d’un berger d’Admeto, amoureux de Dorilla ; Eudamia, nymphe de Tempé, amoureuse d’Elmiro ; Filindo, amoureux d’Eudamia.

 

Synopsis

 

Zeus a condamné Apollon à un séjour sur terre, à cause du meurtre des Cyclopes, par lequel Apollon avait voulu venger la mort de son fils Esculape. Au cours de ce séjour en Thessalie, à Tempé, Apollon, sous les traits du berger Nomio, tombe amoureux de Dorilla, la fille du roi Admeto. Mais celle-ci est déjà éprise du berger Elmiro lui-même aimée de la nymphe Eudamia, que convoite Filindo, un autre berger. 

Un monstre Python dévaste la région. Admète consulte l’oracle qui répond que Dorilla doit être sacrifiée. Celle-ci accepte, mais est sauvée par Nomio qui réussit à vaincre le monstre. Nomio demande la main de Dorilla à Admeto qui accepte. On apprend toutefois que Dorilla aime Elmiro, mais Admeto lui impose le mariage avec Nomio. Elmiro et Dorilla s’enfuient mais sont rattrapés par Nomio. Admeto condamne Elmiro, mais Dorilla se jette dans un fleuve. Elle est sauvée par Nomio qui révèle qu’il est Apollon et renonce à Dorilla. Celle-ci pourra s’unir à Elmiro, et Eudamia à Filindo.

 

 Synopsis détaillé

Dans la vallée de Tempé, au Nord-Est de la Thessalie

Acte I

Délicieuse vision de collines et de campagnes fleuries

Après qu’un choeur de bergers a chanté en ouverture les louanges du printemps (Dell’aura al sussurrar), Dorilla exprime à Elmiro son inquiétude vis-à-vis de leur lien, qu’ils ont caché à Admeto, père de la jeune fille. Avec l’air Mi lusinga il dolce affetto, Elmiro professe son amour, mais non sans une certaine prudence.

Pour apaiser la colère du « monstre Python » qui dévaste la région, Admeto décide de consulter l’oracle ; de son côté Dorjlla, avec l’air La speranza ch’in me sento exprime sa crainte que l’espérance de bonheur qui est la sienne ne soit désormais vaine.

Nomio intervient pour demander quel prix sera destiné à celui qui réussira à vaincre le monstre, et Admeto répond qu’il considère cette proposition comme absurde, car une telle entreprise est hors de la portée des hommes ; puis il décrit la fureur terrifiante du monstre avec l’air DaIl’orribile soggiorno. Nomio exprime à part soi le désir de conquérir l’amour de Dorilla pour voir si, avec cette jeune fille, il sera plus heureux qu’avec Daphné et avec Clytia. Il déplore ensuite cet amour non payé de retour avec l’air Se al mio ben rivolgo il ciglio.

L’oracle répond que le monstre ne sera apaisé que par le sacrifice de Dorilla. Désarroi et consternation générale, avec le choeur Gemiti e lacrime. Elmiro exhorte son amante à la fuite, mais celle-ci refuse pour conserver son honneur et sauver le royaume, et elle est emmenée par les « ministres du Temple ». A Eudamia qui le poursuit de ses avances, Elmiro, par son air Sapro bon con petto forte, déclare que, par amour pour Dorilla, il est disposé à affronter toute adversité.

Mais Eudamia ne rend pas les armes ; au contraire, elle convainc Filindo de surveiller Elmiro pour voir si, lorsqu’il aura perdu Dorilla, il ne se mettra pas à courtiser quelque autre jeune fille. Elle le berce de faux espoirs, avec l’air Al mio amore il tuo risponda, par lequel elle l’invite à continuer à l’aimer. Filindo accepte la mission et, par l’air Rete, lacci e strali adopra, il se compare à un chasseur zélé.

Dorilla est enchaînée sur le rivage, pour être sacrifiée, mais Nomio survient et, à l’incrédulité générale, réussit à vaincre le monstre. Reconnaissance unanime, avec les choeurs Liera o Tempe et Quel teschio orribile ; tourment de Nomio, parce que Dorilla n’a exprimé que de la gratitude à son égard et non de l’amour.

Acte II

Grottesque avec perspective d’eau

Elmiro, réuni à Dorilla, lui manifeste son inquiétude qu’elle ne cède à l’amour de qui l’a sauvée. Ressentiment de Dorilla, qui, dans l’air Come l’onda in mezzo al mare, compare à la mer agitée son âme émue tout à tour par l’espérance, par la douleur et par la crainte.

Elmiro, resté seul, continue de nourrir des incertitudes sur son avenir, mais il déclare aussi, par l’air Vorrei da’ lacci sciogliere, que l’espérance continue de lui bercer le coeur et l’esprit. Pendant ce temps Nomio demande en récompense la main de Dorilla. Admeto accepte, mais la jeune fille ne se laisse pas impressionner par les allusions que fait le dieu à sa nature immortelle.

Filindo, poussé par Eudamia, révèle à tous l’amour que Dorilla voue à Elmiro. Colère d’Admeto, qui oblige va fille à épouser Nomio, en la menaçant par l’air Se ostïnata a me resisti. Dorilla demande à Eudamia les raisons de son comportement et Nomio lui révèle que la nymphe est éprise d’Elmiro. Alors Dorilla, par l’air Se amarti non poss’io, réplique à tous deux que l’on ne commande pas à l’amour.

Nomio réconforte Eudamia en lui disant que, s’il réussit à épouser Dorilla, elle pourra avoir Elmiro tout à elle ; ensuite, avec l’air Bel piacer saria d’un core, il chante la force incoercible de l’amour. A son tour, la jeune fille console Filindo, lui déclare qu’elle aussi rêve sans espérance et, par l’air Arsa da’ rai cocenti, se compare à une « plante malheureuse », sur le point de flétrir. Filindo ne sait qu’entreprendre et exprime sa fureur jalouse par l’air Non vo’ ch’un infedele. Cependant qu’Elmiro déplore son sort, la fête qui doit sceller l’amour entre Dorilla et Nomio se prépare ; choeurs Con eco giuliva et Si beva, vi canti, si danzi. Une chasse est lancée en l’honneur de Nomio ; Sinfonia al ballo puis choeurs Alla caccia et Viva Nomio).

Acte III

Couloir menant à l’habitation d’Admeto

Filindo apprend à Admeto qu’Elmiro vient d’enlever Dorilla et, par l’air Col piacerdel tuo comando, il répond volontiers à l’ordre de partir à leur poursuite ; mais les deux fugitifs sont capturés par Nomio, qui deman-de au roi de punir seulement Elmiro. Dorilla prend sur elle toute la culpabilité et intercède pour son amant, ce qui irrite encore plus Nomio. Toutefois, celui-ci, par l’air Fidi amanti al vostro amore, exprime son admiration pour la constance qui unit jusqu’à la mort la jeune fille et son amant.

A son père qui refuse de gracier Elmiro, Dorilla déclare qu’elle se tuera et pleure sur son sort par l’air Il povero mio core. Elmiro, qui est sur le point d’être emmené « dans les fers », répète à Eudamia son amour pour Dorilla ; indignation de cette dernière, avec l’air Più non vuo’ mirar quel volto. C’est ensuite au tour d’Elmiro de se lamenter sur son destin, par l’air Non ha più pace il cor amante. Cependant, Dorilla continue de se désespérer ; au moment où Admeto commande d’enchaîner son amant à un arbre, pour le faire transpercer parles soldats, elle se jette dans un fleuve. Le bouleversement du roi sera de courte durée pendant qu’Elmiro invite ses bourreaux à hâter son exécution, Dorilla réapparaît, au bras de Nomio qui l’a sauvée. Le dieu révèle alors sa véritable identité, laisse Dorilla s’unir à celui qu’elle aime et invite Eudamia à en faire autant avec Filindo. Félicité générale exprimée par les choeurs Ceda il duolo et Il cielo ancora.

(livret Pierre Vérany)

 

 

« Ce melodramma eroico pastorale est un opéra semi-sérieux sur des thèmes mythologiques et combine une histoire sentimentale de « mariage forcé », au tragique et aux effets à grand spectacle de certaines scènes, tandis que l’intensité des sentiments confère à l’oeuvre une belle tenue dramatique et musicale. La partition de Vivaldi est en effet de très bonne qualité, offrant l’intérêt particulier d’un rôle non négligeable confié au choeur et à la danse, ainsi que des airs souvent fort beaux (splendide acte III), même s’ils ne semblent pas toujours très caractérisés. » (Opéra International – novembre 1994)

 

« Le librettiste Antonio Maria Lucchini a élaboré un livret classiquement compliqué mais efficace et qui offrait beaucoup de possibilités au compositeur. Il y puise dans la mémoire des mythes, mêlant le récit d’Apollon, puni par Zeus d’une année d’esclavage sur terre et devenu berger, triomphant du serpent Python et celui d’Andromède promise en sacrifice à un monstre marin dont la délivre Persée, auquel elle sera accor-dée en récompense. Il y a là de quoi faire une solide tragédie. Mais sur ce fond mythologique, Lucchini a mis en place la séquence habituelle d’un berger, Filindo, qui aime la nymphe Eudamia, qui aime le berger Elmiro, qui aime la princesse Dorilla, tandis qu’Apollon, déguisé en berger Nomio, aime Donlla qui aime le berger Elmiro…Le rideau ne tombera pas avant que Dorilla et Elmiro ne soient enfin réunis. Choeurs nymphes et de bergers, coeurs croisés d’amoureux en peine, déguisements, enlèvement, préparatifs de sacrifice puis de supplice, scènes de colère ou de désespoir se succèdent, le tout entremêlé des prodiges des fééries que permettaient les effets de machinerie en vogue. Jean-Claude Travers, infatigable vivaldien, souligne qu’un tiers environ de la partition n’est pas de Vivaldi. Selon Strohm, dix airs au moins seraient d’autres compositeurs. (Opéra International – mai 1993)

 

Représentations :

Opéra de Nice – 17 et 18 mars 1993 – adaptation et dir. Gilbert Bezzina – mise en scène, décors et costumes Eric Villégier – avec Maria Cristina Kiehr (Dorilla), John Elwes (Elmiro), Jean Nirouët (Nomio), Philippe Cantor (Admeto), Laure Florentin (Filindo), Madeleine Jalbert (Eudamia)

Dorilla in Tempe à Nice

« Gilbert Bezzina a transposé la partie d’Elmiro, créé par le célèbre castrat Francesco Bilanzoni, pour un ténor, il a aussi remplacé la contralto prévue pour le rôle de Nomio-Apollon par un contre-ténor, et la contralto prévue pour Dorilla par une soprano…Pour la production, Eric Vigié a conçu une mise en scène délicieuse et légère, comme en trompe-l’oeil, des décors qui évoquent une Grèce antique d’opérette, cadre où évoluent les personnages d’une cour du début du dix-huitième (les nymphes et les bergers), eux-mêmes révélés à travers les yeux ironiques du XXème…Le féérique, ce sont les somptueux et extravagants costumes (superbes robes à vertugadins) qui en apportent la touche…Sans être éblouissante, la qualité de l’interprétation vocale de pages qui requièrent une haute virtuosité est d’un très bon niveau…Maria-Cristina Kiehr, fine, sensible, musicienne incarne à la perfection Drusilla, John Elwes campe un Elmiro au style sûr et Philippe Cantor, un roi dépassé, réjouissant de bêtise entre ses coups de colère et ses paniques. » (Opéra International – mai 1993)