COMPOSITEUR | Jean-Philippe RAMEAU |
LIBRETTISTE | Louis de Cahusac |
Opéra-ballet héroïque en trois actes et un prologue (O.C. XV), créé à Versailles, le 15 mars 1747. Les trois entrées (Osiris ou les Amazones, Canope, et Arueris ou les Isies) devaient paraître sous le titre Les Dieux d’Egypte ; elles furent données avec un prologue entre l’Amour et l’Hymen, pour les fêtes de Versailles données à l’occasion du second mariage du Dauphin avec Marie-Josèphe de Saxe, fille de l’Électeur de Saxe Frédéric Auguste II.
(*) fils de Louis XV et de Marie Leszczynska, le Dauphin avait épousé en premières noces l’infante Marie-Thérès Raphaëlle d’Espagne, en 1745, décédée l’année suivante.
La distribution réunissait :
Prologue : Mlle Coupée (L’Amour), Mlle Romainville (L’Hymen), et Poirier (Un Plaisir), Grâces, Plaisirs, Jeux et Ris formant la Suite de l’Amour, Vertus de la Suite de l’Hymen. Ballets : Les Grâces (Mlles Le Breton, Courcelle et Deverriere), Jeux et Plaisirs (Laval, Duval et Bourgois, Mlles Himblot et Deverriere-C., F. Dumoulin, P. Dumoulin, Dangeville et Malter-C., Mlles Puvignée, Sauvage, Lyonnois-C. et Brissevalle), Vertus (Mlles Thiéry, Beaufort, Minot et Duchateau) ;
Osiris : Jélyotte (Osiris), Mlle Chevallier (Orthésie, reine d’un peuple d’Amazones sauvages), Mlle Gondré (Myrrhine, une Amazone sauvage), Suites d’Osiris, d’Orthésie et de Myrrhine). Ballets : Le Printemps (Mlle Puvignée, Bourgois, Duval et Lorette, Mlles Himblot, de Verriere et Chevrier), L’Été (Malter-L., Hamoche, Matignon et Dumay, Mlles Saint-Germain, Courcelle, Thiéry et Minot), Satyres (Javillier, Dupré, Feuillade, Lyonnois, Caillez et Monservin), Muses (Mlle Dallemand, Mlles Puvignée, Sauvage, Duchateau et Devaux), Sauvage et Sauvagesses (D. Dumoulin et Mlle Camargo, Mlles Rosaly, Petit, Erny et Beaufort) ;
Canope : Le Page (Canope, dieu des Eaux), de La Tour (Ageris, dieu de sa Suite), Mlle Mets (Memphis, jeune Nymphe), Albert (Le Grand-Prêtre du dieu Canope), Dieux et Mayades, Égyptiens et Égyptiennes. Ballets : Sacrificateurs (Monservin, Javillier, Feuillade, Levoir, Matignon, Dumay et Lyonois), Ruisseaux (Dupré, Caillez, Malter-C., F. Dumoulin, P. Dumoulin, Mlle Lionois, Mlles Rosaly, Petit, Puvignée, Duchateau, Lionois-C. et Devaux) ;
Arueris ou les Isies : Jélyotte (Arueris, dieu des Arts), Mlle Fel (Orie, jeune Nymphe), Le Page (Un Égyptien), Poirier (un Berger égyptien), Albert (un troisème Égyptien), Mlle Coupée (une Bergère égyptienne), Mlle d’Alière (une Égyptienne). Ballets : Mlle Camargo, Dumoulin, Mlles Sallé, Dalmand, Le Breton et de Verriere, Mlle Carville, Hamoche et Duval, Mlles Saint-Germain et Erny, Lionois et Feuillade, Mlles Thiéry et Puvignée, Dumay et Dupré, Mlles Beaufort et Minot).
On dispose d’une description des fêtes organisées par le duc de Gesvres dans l’Encyclopédie : Le 2d mariage de M. le Dauphin en 1747 ouvrit une carrière nouvelle à M. le duc de Gesvres, & il la remplit de la manière la plus glorieuse. Les bals parés & masqués donnés avec l’ordre le plus désirable, de brillantes illuminations ; les feux d’artifice embellis par des desseins nouveaux ; tout cela préparé sans embarras, sans confusion, conservant dans l’exécution cet air enchanteur d’aisance, qui fait toûjours le charme de ces pompeux amusements, ne furent pas les seuls plaisirs qui animèrent le cours de ces fêtes. Le théâtre du manège fournit encore à M. le duc de Gesvres des ressources dignes de son goût & de celui d’une cour éclairée.
Outre les chefs-d’œuvre du théatre françois, qu’on vit se succéder sur un autre théâtre moins vaste d’une manière capable de rendre leurs beautés encore plus séduisantes, les opéra de la plus grande réputation firent revivre sur le théâtre du manége l’ancienne gloire de Quinault, créateur de ce beau genre, & de Lulli, qui lui prêta tous ces embellissements nobles & simples qui annoncent le génie & la supériorité qu’il avoit acquise sur tous les musiciens de son tems.
M. le duc de Gesvres fit plus ; il voulut montrer combien il desiroit d’encourager les beaux Arts modernes, & il fit représenter deux grands ballets nouveaux, relatifs à la fête auguste qu’on célebroit, avec toute la dépense, l’habileté, & le goût dont ces deux ouvrages étoient susceptibles. « L’année galante » fit l’ouverture des fêtes & du théatre ; « les fêtes de l’hymen & de l’amour » furent choisies pour en faire la clôture.
On apprécia les machines nouvelles, et notamment les cataractes du Nil & le débordement de ce fleuve. Le vol rapide & surprenant du dieu qui partoit du haut des cataractes, & se précipitoit au milieu des flots irrités en maître suprème de tous ces torrens réunis pour servir sa colere, excita la surprise, & mérita le suffrage de l’assemblée la plus nombreuse & la plus auguste de l’univers.
Le livret fut édité par Jean-Baptiste-Christophe Ballard.
On conserve une partition manuscrite, qui fut la propriété de Jacques-Joseph-Marie Decroix (1746-1826).
L’œuvre, pour huit dessus, cinq hautes-contre, une taille et trois basses, fut reprise à l’Académie royale, le 5 novembre, puis le 25 novembre 1748. Il y eut trente-sept représentations.
Le ballet prit le nom de Les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour ou Les Dieux de l’Egypte lors de la seconde reprise, le 9 juillet 1754, avec la suppression du prologue. La distribution réunissait : Jélyotte (Osiris), Mlle Chevalier (Orthésie), Mlle Davaux (Myrrhine) dans la première entrée, Gelin (Canope), La Tour (Ageris), Mlle Chevalier (Memphis), Cuvillier (Le Grand-Prêtre de Canope), Mlle Du Bois (Une Egyptienne) dans la deuxième entrée, Jélyotte (Arueris), Mlle Fel (Orie), Person (Un Egyptien), Poirier (Un Berger Egyptien), Mlle Davaux (Une Bergère Egyptienne), Mlle Du Bois (Une Egyptienne). Ballets : Égyptiens et Égyptiennes représentant le Printemps, Satyres et Sauvagesses représentant l’Automne ; Sacrificateurs, Peuples de la Suite de Canope ; Égyptiens et Égyptiennes.
Lors d’une reprise en 1754, il en parut deux Parodies, l’une, de Ponsinet, à l’Opéra Comique, le 26 août 1754, sous le titre des Franches Maçonnes (parodie de l’entrée Les Amazones) ; l’autre, de Sabine & Harni, au Théâtre Italien, le 25 septembre 1754, sous le titre du Prix des Talens.
Une nouvelle reprise eut lieu le 4 (ou le 18) juin 1765, avec Sophie Arnould dans le rôle de Memphis de la deuxième entrée Canope. Le 18 juin, Bachaumont commente : Ce spectacle, quoique fort couru autrefois, n’a pas connu le même accueil. Le Gros, qui fait Osiris dans le premier acte, a causé peu de plaisir ; Mlle Arnoux dans le second n’a pas paru merveilleuse. Enfin M. Le Gros qui a reparu dans la troisième n’a causé aucune sensation. On a admiré dans le second la décoration des cataractes du Nil et surtout un saut assez hardi que fait le Dieu. Mais on a ytrouvé de très mauvais goût et peu digne de sa majesté, qu’étant tombé du haut de la cataracte, il fit le plongeon et reparut de l’autre côté du fleuve. En général, ce qui a fait le plus de plaisir est un pas de deux dansé dans le troisième acte par Vestris et sa soeur , appelé le pas de la guirlande. Ces deyx voluptueux personnages, en s’entrelaçant de mille façons ont paru reproduire aux yeux des spectateurs toutes les figures de l’Aretin. On sent bien que Mlle Vestris ne peut briller qu’en pareil genre.
Et le 21 juin : L’opéra a pensé tomber aujourd’hui vendredi et à sa seconde représentation. Le Sieur Le Gros n’a point chanté ; Muguet l’a remplacé à faire mal au coeur ; Mlle Arnoux a manqué son rôle ; en un mot tout a été à la diable.
Le 12 juillet, Canope fut remplacé par la Féerie, tirée des Fêtes de Polymnie. Et Bachaumont de commenter : On est fâché qu’ils aient retranché précisément le meilleur. Le fond du poème de celui-ci intéresse et la musique en est variée, saillante et pittoresque.
En janvier 1766, Mlle Guimard fut renversée par une pièce de décoration qui lui tomba sur le bras en le fracturant. Guérin, le chirugien des mousquetaires, se trouvant à l’Opéra ce soir-là, réduisit la fracture sur place, sans que la courageuse nymphe poussât un cri. En octobre, le Mercure de France notait : Mlle Guimard, si agréable au public avant son accident, paraît avoir acquis de nouvelles grâces et de nouvelles perfections dans la reprise des Fêtes lyriques.
152me opé. C’est un Ball. héroïque, dont les paroles sont de Cahusac, & la musique de M. Rameau. Il est composé de trois entrées, qui avoient été destinées à paroitre sous le titre des DIEUX D’EGYPTE ; mais furent données avec un Prol. qui se passe entre l’Amour & l’Hymen, pour les Fêtes de Versailles, au sujet du second mariage de Monseigneur le Dauphin : il y fut représenté le 15 Mars 1747, & Parut ensuite sur le Thé. de l’Opé. pour la première fois, le 5 Novemb. 1748. La premiere entrée est intitulée Osiris, ou les Amazones ; la seconde, Canope ; & la troisième, Arueris, ou les Isies. Il est gravé partition in-4°. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)
La préface résume l’œuvre. Le prologue est un Épithalame en action, qui prépare, par la réunion de l’Himen et de l’Amour, les trois entrées qui le suivent. Dans la première, ces dieux aimables triomphent de la férocité d’un peuple sauvage. L’Amour l’éclaire, l’Himen le rend heureux. Une nimphe digne de son bonheur, saisit dans la seconde, ces moments délicieux que seul l’Amour peut faire naître, pour désarmer la colère d’un dieu terrible : elle obtient la grâce de sa patrie, qu’un zèle aveugle avait rendue coupable, et l’Himen qui l’unit à l’amant qu’elle adore, est une source éternelle de bienfaits pour ses concitoyens. Dans la troisième enfin, l’Himen est l’objet et le prix des jeux célébrés en l’honneur de la déesse Isis. Ils deviennent la fête de l’Himen, la récompense des talents, et le bonheur de l’Amour.
La première entrée, Osiris, est inspirée de Diodore de Sicile – Livre I, traduit par l’abbé Terasson.
Synopsis
Prologue
La palais de l’Amour
Sc. 1 – L’Amour est placé sur un trône de fleurs. Il est sans armes et il paraît plongé dans une profonde tristesse. Les Grâces, les Jeux, les Ris et les Plaisirs s’empressent autour de lui.
Premier Ballet figuré.
Les Grâces s’efforcent de consoler l’Amour. Sa tristesse continue. Elles quittent leurs parures et tous leurs ornements qu’elles déposent aux pieds de l’Amour. L’Amour ne peut accepter qu’il perde sa puissance au profit de l’Himen, à qui il a déclaré la guerre. On entend une simphonie brillante. C’est l’Himen.
Sc. 2. L’Himen apparaît, avec sa Suite, et les Vertus qui portent les armes et le flambeau de l’Amour. L’Himen annonce qu’il veut faire triompher l’Amour et laisser régner les Jeux. L’Amour est surpris et ravi. Tous deux unissent leur puissance pour embellir les voeux des augustes époux.
Second Ballet figuré.
Les Vertus rendent à l’Amour son arc, son carquois et son flambeau. Les Grâces et les Plaisirs vont reprendre leurs parures. Les Grâces parent l’Himen. L’Amour lui donne deux flèches dorées, et ils troquent de flambeau. Les Plaisirs parent les Vertus de guirlandes de fleurs. Le ballet finit par l’union de l’Amour, des Grâces et de l’Himen, des Plaisirs et des Vertus.
Première entrée : Osiris
D’un côté des rochers, de l’autre des arbres mal arrangés, les uns sont sans tige, les branches de quelques autres tombent jusqu’à terre. Dans la perspective, des rochers et l’entrée de plusieurs cavernes
Sc. 1 – Myrrhine, une Amazone, exhorte Orthésie, la reine des Amazones, à ne pas subir la présence d’Osiris et de sa troupe. Les Amazones courent aux armes et se préparent à la guerre. Osiris arrive en même temps.
Sc. 2 – Osiris annonce qu’il vient pour offrir la paix et l’amour. Les Amazones veulent combattre. Osiris renouvelle ses exhortations à partager l’Amour. Il offre un ballet.
Premier Ballet
Trois différents quadrilles représentant les Saisons offrent à Orthgésie toutes les espèces de fleurs et de fruits. Ils se perdent dans les rangs des Amazones. Myrrhine suit la première.
Sc. 3 – Les Amazones commencent à se laisser séduire.
Sc. 4 – Myrrhine s’en irrite, et décide de résister. Elle sort.
Sc. 5 – Second ballet
Les Muses de la suite d’Osiris, après avoir offert à Orthésie tout ce que les arts ont inventé de rare et d’agréable, se réunissent avec les Égyptiens et Égyptiennes pour élever de riches berceaux de fleurs des deux côtés du théâtre. Ces berceaux aboutissent dans le fond à un Salon de fleurs et de verdure. Il est percé à jour, et les rameaux qui le forment sont chargés de toute sorte de fruits.
Toutes les Amazones sauvages que la crainte avait tenues éloignées, accourent à ce spectacle et remplissent ce côté du théâtre. Elles un javelot d’une main ; elles tiennent, de l’autre, des fleurs et des fruits dont les acteurs du ballet étaient chargés et qu’ils ont abandonné à ce peuple sauvage.
Sc. 6 – Orthésie veut résister et veut frapper Osiris qui s’offre à ses coups. Orthésie finit par se laisser séduire. Mais on un bruit de sauvage. On voit sortir des cavernes et paraître au haut des rochers une troupe d’Amazones conduite par Myrrhine.
Sc. 7 – Myrrhine veut tuer Osiris, mais Orthésie s’interpose. Myrrhine est désarmée par la suite d’Osiris et d’Orthésie. On l’emmène.
Sc. 8 – Orthésie avoue s’être éprise d’Osiris. Celui-ci exulte : l’Amour est vaiqueur.
Une campagne fertile, chargée de moissons, de fleurs et de fruits. L’union des deux peuples fait le divertissement. Contredanse générale sur le chant des oiseaux.
Deuxième entrée : Canope
Un bocage sur les bords du fleuve Nil. On voit dans la perspective les cataractes et la chaîne de montagnes quqi sépare l’Égypte de l’Éthiopie
Sc. 1 – Ageris, dieu de la Suite de Canope, rappelle à ce dernier, dieu des Eaux, habillé en simple Égyptien, que la fête en son honneur va être marquée par le sacrifice d’une jeune fille. Mais, Canope, sous les traits de Nilée, ne songe qu’au moment où il va se dévoiler à la nymphe Memphis.
Sc. 2 – Memphis le rejoint. Elle craint d’être celle qui sera sacrifiée, après le rêve qu’elle a fait d’un dieu barbare qui avait les traits de Canope. Ce dernier tente de la rassurer. On entend le choeur qui plaint la pauvre Memphis. Canaope décide de la défendre.
Sc. 3 – Memphis est désespérée.
Sc. 4 – Le Grand-Prêtre annonce à memphis qu’elle a été choisie. Memphis se résigne.
Ballet figuré
Les Prêtresses du dieu Canope élèvent sur les bords du fleuve un autel de gazon., et y placent tout ce qui est nécessaire poiur le sacrifice. Les femmes égyptiennes entourent Memphis, et la parent de guirlandes de fleurs, en déplorant le malheur de la vitime.
Hymne au dieu du Fleuve, chanté par le Grand-Prêtre alternativement avec les choeurs.
Sc. 5 – On place la vitime sur l’autel. Le Grand-Prêtre saisit le couteau sacré. Il lève le bras…Tout à coup le cleil s’obscurcit. Il part des cataractes et du milieu du fleuve des éclats pareils à ceux du tonnerre. Les flots se soulèvent, et forment un débordement formidable. On voit le Dieu sur un char traîné paar des crocodiles s’élancer du haut des cataractes jusqu’au milieu du fleuve. Il est entouré de toute sa Cour.
Canope appelle les éléments à punir la terre. Il ordonne au peuple de respecter la victime et à chasser les prêtres. Les prêtres et le peuple fuit de terreur. La Suite de Canope descend dans les eaux, les flots se retirent.
Canope va délivrer Memphis qui revient à elle. Elle ne peut croire que Nilée et Canope ne fasse qu’un. Canope finit par la convaincre. Tous deux échangent des serments d’amour. Mais Memphis intercède en faveur de son peuple. Canope appelle ce dernier à célébrer leur union, et en l’honneur de Memphis donne son nom à la ville.
Divertissement.
Troisième entrée : Arueris ou Les Isies
Un amphithéâtre de verdure. A travers la colonnade fu fond, on découvre une plaine fertile, coupée de bois, de prés, de ruisseaux, et bornés par des coteaux agréables
Sc. 1 – Arueris, Dieu des Arts, manifeste son désir de s’allier à l’Amour et d’enrichir la vie des mortels.
Sc. 2 – Orie, jeune Nymphe, manifeste à Arueris son dépit. Arueris vante le rôle des arts qui affermit l’amour. Il lui déclare son amour et l’invite à participer aux Jeux.
On entend le Prélude des Fêtes d’Isis. Entrée des Égyptiens et Égyptiennes chantant, dansant et jouant toutes sortes d’instruments, qui viennent disputer les prix des Arts et des Talents. Arueris offre les Jeux à la déesse Isis.
Arueris se place sur un trône élevé sur le devant du théâtre, et le Peuple sur les gradins des deux amphithéâtres. Les joueurs d’instruments sont dans la galerie du fond., et la danse par quadrilles occupe les deux côtés du théâtre.
Hymne à Isis pour le prix de la Voix.
Premier ballet figuré
Les joueurs d’instruments disputent, par différents airs, le prix de la Musique. Et les Égyptiens dansans disputent, sur ces mêmes airs, le prix de la Danse.
Airs parodiés du ballet pour la dispute du prix de la Voix.
La ballet continue. Il est interrompu par Orie. Orie invite à enchanter l’amamt qu’elle adore. Sa déclamation suscite l’admiration. Les Cinq qui ont disputé le prix de la Voix lui offrent le triomphe. Arueris donne à Orie la cocuronne de myrte. Orie dédie sa victoire à l’amour. Arueris annonce leur hymen prochain.
Second ballet figuré
Tous ceux qui ont disputé les différents prix des Arts forment ce ballet. Arueris et Orie les unissent à l’objet de leur tendresse.
Livret disponible sur livretsbaroques.fr
Représentations :
Versailles, Opéra – 13 février 2014 – Bruxelles – Palais des Beaux Arts de Bruxelles – 18 février 2014 – version de concert – Choeur et orchestre du Concert Spirituel – dir. Hervé Niquet – avec Chantal Santon (Orthésie, Orie), Carolyn Sampson (L’Amour, Memphis, Une Première Egyptienne, Une Bergère égyptienne), Blandine Staskiewicz (Une Seconde Egyptienne L’Hymen, Une Egyptienne), Jennifer Borghi (Myrrine), Reinoud Van Mechelen (Osiris, un Berger égyptien, Un Egyptien), Mathias Vidal (Un Plaisir, Agéris, Aruéris), Tassis Christoyannis (Canope), Alain Buet (Le Grand Prêtre, Un Egyptien)
intégrale vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=xS8lSjL8CfU
Forum Opéra
« … c’est avec une première mondiale que vient de s’ouvrir l’année Rameau, l’Opéra de Versailles accueillant le 13 février dernier la résurrection des méconnues Fêtes de l’Hymen et de l’Amour. Méconnues, mais pas totalement inédites, puisque le mélomane aura pu reconnaître, ici et là, quelques pages que Patricia Petibon avait déjà revisitées en compagnie des Folies Françaises. Si les promoteurs de l’événement forçaient sans doute un peu le trait en annonçant un chef-d’œuvre, l’excès d’enthousiasme est de bonne guerre et les beautés que l’ouvrage recèle justifient amplement cette intégrale.
Initialement destiné à l’Académie royale, Les Dieux d’Egypte fut hâtivement rebaptisé avant même que d’y voir le jour et enrichi d’un prologue de circonstance lorsque les Menus Plaisirs le choisirent pour couronner la semaine de festivités célébrant le second mariage du Dauphin avec Marie-Josèphe de Saxe. Créé le 15 mars 1747 dans le Manège de la Grande Ecurie de Versailles, cet opéra-ballet héroïque connut plus de 150 représentations au fil des reprises jusqu’en 1776, des parodies témoignant également d’un succès auquel contribuèrent des stars telles que Jélyotte et Marie Fel pour le chant ou la Camargo et Marie Sallé pour la danse. Alors que le prologue réconcilie, après un bref malentendu, l’Hymen et l’Amour résolus à veiller de concert au bonheur et à la fidélité des amants, la première Entrée oppose Osiris et ses Muses aux belliqueuses Amazones et à leur reine Orthésie que le dieu finit par séduire avant que de l’épouser. Dans la deuxième Entrée, la nymphe Memphis doit être sacrifiée au dieu des Eaux, Canope, mais celui-ci l’aime et au gré d’une spectaculaire intervention, la sauve, de justes noces concluant derechef l’épisode. Enfin, la troisième Entrée met en scène les Isies, compétition donnée en l’honneur de la déesse Isis et présidée par son fils Aruéris (Horus), au cours de laquelle la nymphe Orie, éprise du dieu des arts, remporte le Prix de la Voix.
A partir de ces canevas simples, mais efficaces, Rameau trousse, avec le concours de Cahusac, un brillant divertissement, certes dominé par la galanterie et le merveilleux, mais qui n’exclut ni la grandeur ni même la fulgurance. Le clou du spectacle, réglé en personne par le librettiste, réside ainsi dans l’apparition de Canope sur un char tiré par des crocodiles alors qu’un saisissant double chœur à dix voix avec solistes exprime l’effroi de la foule face au débordement du Nil. Version de concert oblige, notre imagination doit suppléer l’absence de machineries comme celle de chorégraphie dans les sept ballets figurés où Rameau et Cahusac, poursuivant les recherches entamées sur Les Fêtes de Polymnie (1745), tentent de mieux intégrer la danse et l’action, les danseurs la « figurant » ou la mimant. Heureusement pour l’auditoire, si les yeux doivent se contenter des ors de l’Opéra de Versailles, Hervé Niquet n’a pas son pareil pour aviver les rythmes et les couleurs profuses d’une partition où Rameau ose de fastueux alliages de timbres (flûtes et hautbois simultanément) et sait comme personne flatter la sensualité du basson. A cette ivresse sonore, l’orchestre du Concert Spirituel, chauffé à blanc et qui compte en ses rangs des solistes de l’envergure d’Alice Piérot, Héloïse Gaillard ou encore Alexis Kossenko, rend parfaitement justice. Ce dernier, à la tête des Ambassadeurs, nous révélait d’ailleurs il y a peu la pittoresque contredanse sur laquelle se referme la première Entrée, que Niquet empoigne ici avec un surcroît de vivacité.
L’écriture vocale des Fêtes oscille entre l’italianisme des ariettes et airs virtuoses et la tradition française, en particulier dans l’emblématique scène finale où le vaste air d’Orie « Pour entendre ma voix », enchaîné à un chœur puis à un quintette, évoque tant la tragédie lyrique que le grand motet. La nymphe Orie, mais aussi Orthésie, la reine des Amazones, héritent du soprano frais et très pur de Chantal Santon, encore fragile dans le suraigu, mais d’une infinie délicatesse à laquelle répond le miraculeux Osiris de Reinoud Van Mechelen. « Les femmes semblent avoir décidé, on ne sait pourquoi, que la haute-contre doit être l’amant favorisé, elles disent que c’est la voix du cœur » : contrairement à Rousseau, rien ne nous étonne moins en écoutant ce jeune chanteur à la musicalité exquise et dont la prestation s’avère un bonheur de chaque instant. Une telle aisance dans cette tessiture si périlleuse semble un don du ciel, puisse-t-il le cultiver et nous ravir longtemps.
D’un tout autre métal, bien trempé, le ténor de Mathias Vidal affronte avec une ardeur réjouissante des parties non moins exigeantes (Un Plaisir, Agéris, Aruéris) et s’il accuse une certaine fatigue à la fin de la soirée, son engagement et son attention aux mots forcent l’admiration. Nous aurions aimé que Carolyn Sampson en prenne de la graine, minaude un peu moins, se concentre sur son texte et investisse l’émouvante supplique en fa mineur de Memphis « Veille, Amour » qui ne décolle jamais. Autre déception, Blandine Staskiewicz remplace Rosemary Joshua qui, dans les rôles de l’Hymen et de deux Egyptiennes, aurait, sans l’ombre d’un doute, dispensé un chant autrement délié et intelligible (« Amour, lance tes traits, fais triompher tes feux »). En revanche, le Canope de Tassis Christoyannis est un modèle de déclamation et d’incarnation, la farouche Myrrine de Jennifer Borghi tire son épingle du jeu et la présence d’Alain Buet en Grand Prêtre relève du luxe, tant l’automne du baryton offre des reflets d’été indien.
La même brillante équipe redonnait le même concert quelques jours plus tard au Palais des Beaux Arts de Bruxelles, dans une acoustique de salle de concert sans doute moins complaisante, de sorte que l’impression globale était alors plus mitigée. Bien sur, la découverte d’une œuvre très largement inconnue provoque la curiosité et procure un plaisir intense. Mais justice est-elle bien rendue à cette partition un peu hybride ?
Ce ne sont pas les solistes qui sont en cause : l’ensemble des qualités relevées à Versailles se retrouvent aussi à Bruxelles, avec une mention toute spéciale pour les deux voix de haute-contre, particulièrement brillantes. Le chœur, dont la diction est parfois un peu molle, paraît peu présent face à des solistes au contraire très engagés. Mais l’essentiel des réserves vient de la direction d’orchestre. Manque de soin dans les détails, un bras qui mouline beaucoup mais sans réelle précision, un discours musical rarement soucieux de rhétorique, une grande désinvolture et des mimiques bien inutiles, Hervé Niquet, ici à la tête d’une phalange plus grande qu’à l’habitude, ne montre pas encore tout à fait le calibre des grands chefs baroques que sont Christie ou Rousset, qui excellent à mettre les chanteurs en valeur en soignant particulièrement le dialogue avec l’orchestre. Face aux faiblesses d’une partition un peu décousue, enchaînant les airs les uns aux autres sans suspension, Niquet peine à faire respirer la superbe musique de Rameau qui semble dès lors manquer de transparence et surtout de clarté, privilégiant son côté spectaculaire et démonstratif — bien réel — au détriment d’une émotion sincère, sans même parler de poésie ! c’est avec une première mondiale que vient de s’ouvrir l’année Rameau, l’Opéra de Versailles accueillant le 13 février dernier la résurrection des méconnues Fêtes de l’Hymen et de l’Amour. Méconnues, mais pas totalement inédites, puisque le mélomane aura pu reconnaître, ici et là, quelques pages que Patricia Petibon avait déjà revisitées en compagnie des Folies Françaises. Si les promoteurs de l’événement forçaient sans doute un peu le trait en annonçant un chef-d’œuvre, l’excès d’enthousiasme est de bonne guerre et les beautés que l’ouvrage recèle justifient amplement cette intégrale.
Initialement destiné à l’Académie royale, Les Dieux d’Egypte fut hâtivement rebaptisé avant même que d’y voir le jour et enrichi d’un prologue de circonstance lorsque les Menus Plaisirs le choisirent pour couronner la semaine de festivités célébrant le second mariage du Dauphin avec Marie-Josèphe de Saxe. Créé le 15 mars 1747 dans le Manège de la Grande Ecurie de Versailles, cet opéra-ballet héroïque connut plus de 150 représentations au fil des reprises jusqu’en 1776, des parodies témoignant également d’un succès auquel contribuèrent des stars telles que Jélyotte et Marie Fel pour le chant ou la Camargo et Marie Sallé pour la danse. Alors que le prologue réconcilie, après un bref malentendu, l’Hymen et l’Amour résolus à veiller de concert au bonheur et à la fidélité des amants, la première Entrée oppose Osiris et ses Muses aux belliqueuses Amazones et à leur reine Orthésie que le dieu finit par séduire avant que de l’épouser. Dans la deuxième Entrée, la nymphe Memphis doit être sacrifiée au dieu des Eaux, Canope, mais celui-ci l’aime et au gré d’une spectaculaire intervention, la sauve, de justes noces concluant derechef l’épisode. Enfin, la troisième Entrée met en scène les Isies, compétition donnée en l’honneur de la déesse Isis et présidée par son fils Aruéris (Horus), au cours de laquelle la nymphe Orie, éprise du dieu des arts, remporte le Prix de la Voix.
A partir de ces canevas simples, mais efficaces, Rameau trousse, avec le concours de Cahusac, un brillant divertissement, certes dominé par la galanterie et le merveilleux, mais qui n’exclut ni la grandeur ni même la fulgurance. Le clou du spectacle, réglé en personne par le librettiste, réside ainsi dans l’apparition de Canope sur un char tiré par des crocodiles alors qu’un saisissant double chœur à dix voix avec solistes exprime l’effroi de la foule face au débordement du Nil. Version de concert oblige, notre imagination doit suppléer l’absence de machineries comme celle de chorégraphie dans les sept ballets figurés où Rameau et Cahusac, poursuivant les recherches entamées sur Les Fêtes de Polymnie (1745), tentent de mieux intégrer la danse et l’action, les danseurs la « figurant » ou la mimant. Heureusement pour l’auditoire, si les yeux doivent se contenter des ors de l’Opéra de Versailles, Hervé Niquet n’a pas son pareil pour aviver les rythmes et les couleurs profuses d’une partition où Rameau ose de fastueux alliages de timbres (flûtes et hautbois simultanément) et sait comme personne flatter la sensualité du basson. A cette ivresse sonore, l’orchestre du Concert Spirituel, chauffé à blanc et qui compte en ses rangs des solistes de l’envergure d’Alice Piérot, Héloïse Gaillard ou encore Alexis Kossenko, rend parfaitement justice. Ce dernier, à la tête des Ambassadeurs, nous révélait d’ailleurs il y a peu la pittoresque contredanse sur laquelle se referme la première Entrée, que Niquet empoigne ici avec un surcroît de vivacité.
L’écriture vocale des Fêtes oscille entre l’italianisme des ariettes et airs virtuoses et la tradition française, en particulier dans l’emblématique scène finale où le vaste air d’Orie « Pour entendre ma voix », enchaîné à un chœur puis à un quintette, évoque tant la tragédie lyrique que le grand motet. La nymphe Orie, mais aussi Orthésie, la reine des Amazones, héritent du soprano frais et très pur de Chantal Santon, encore fragile dans le suraigu, mais d’une infinie délicatesse à laquelle répond le miraculeux Osiris de Reinoud Van Mechelen. « Les femmes semblent avoir décidé, on ne sait pourquoi, que la haute-contre doit être l’amant favorisé, elles disent que c’est la voix du cœur » : contrairement à Rousseau, rien ne nous étonne moins en écoutant ce jeune chanteur à la musicalité exquise et dont la prestation s’avère un bonheur de chaque instant. Une telle aisance dans cette tessiture si périlleuse semble un don du ciel, puisse-t-il le cultiver et nous ravir longtemps.
D’un tout autre métal, bien trempé, le ténor de Mathias Vidal affronte avec une ardeur réjouissante des parties non moins exigeantes (Un Plaisir, Agéris, Aruéris) et s’il accuse une certaine fatigue à la fin de la soirée, son engagement et son attention aux mots forcent l’admiration. Nous aurions aimé que Carolyn Sampson en prenne de la graine, minaude un peu moins, se concentre sur son texte et investisse l’émouvante supplique en fa mineur de Memphis « Veille, Amour » qui ne décolle jamais. Autre déception, Blandine Staskiewicz remplace Rosemary Joshua qui, dans les rôles de l’Hymen et de deux Egyptiennes, aurait, sans l’ombre d’un doute, dispensé un chant autrement délié et intelligible (« Amour, lance tes traits, fais triompher tes feux »). En revanche, le Canope de Tassis Christoyannis est un modèle de déclamation et d’incarnation, la farouche Myrrine de Jennifer Borghi tire son épingle du jeu et la présence d’Alain Buet en Grand Prêtre relève du luxe, tant l’automne du baryton offre des reflets d’été indien.
La même brillante équipe redonnait le même concert quelques jours plus tard au Palais des Beaux Arts de Bruxelles, dans une acoustique de salle de concert sans doute moins complaisante, de sorte que l’impression globale était alors plus mitigée. Bien sur, la découverte d’une œuvre très largement inconnue provoque la curiosité et procure un plaisir intense. Mais justice est-elle bien rendue à cette partition un peu hybride ?
Ce ne sont pas les solistes qui sont en cause : l’ensemble des qualités relevées à Versailles se retrouvent aussi à Bruxelles, avec une mention toute spéciale pour les deux voix de haute-contre, particulièrement brillantes. Le chœur, dont la diction est parfois un peu molle, paraît peu présent face à des solistes au contraire très engagés. Mais l’essentiel des réserves vient de la direction d’orchestre. Manque de soin dans les détails, un bras qui mouline beaucoup mais sans réelle précision, un discours musical rarement soucieux de rhétorique, une grande désinvolture et des mimiques bien inutiles, Hervé Niquet, ici à la tête d’une phalange plus grande qu’à l’habitude, ne montre pas encore tout à fait le calibre des grands chefs baroques que sont Christie ou Rousset, qui excellent à mettre les chanteurs en valeur en soignant particulièrement le dialogue avec l’orchestre. Face aux faiblesses d’une partition un peu décousue, enchaînant les airs les uns aux autres sans suspension, Niquet peine à faire respirer la superbe musique de Rameau qui semble dès lors manquer de transparence et surtout de clarté, privilégiant son côté spectaculaire et démonstratif — bien réel — au détriment d’une émotion sincère, sans même parler de poésie ! »