COMPOSITEUR | Johann Adolf HASSE |
LIBRETTISTE | Francesco Algarotti d’après Pietro Metastasio |
ENREGISTREMENT | ÉDITION | DIRECTION | ÉDITEUR | NOMBRE | LANGUE | FICHE DÉTAILLÉE |
2011 | 2013 | Michael Hofstetter | Naxos | 3 | italien |
Dramma per musica, sur un livret de Francesco Algarotti, d’après Pietro Metastasio, représenté à Hubertsburg, résidence d’été du prince électeur de Saxe, le 7 octobre 1742, puis repris au Hoftheater de Dresde du 4 au 26 février 1743 (dix représentations), avec Faustina Bordoni dans le rôle-titre.
Les décors étaient de Giuseppe Galli Bibiena (1696 – 1657).
Repris avec des modifications à Versailles, en 1753.
Représentations
Versailles – Opéra Royal – 10 mars 2012 – version de concert – Hofkapelle München – dir. Michael Hofstetter – mise en scène Balázs Kovalik – avec Theresa Holzhauser (Didone), Magdalena Hinterdobler (Selene), Valer Barna-Sabadus (Iarba), Maria Celeng (Araspe), Andreas Burkhart (Osmida), Flavio Ferri-Benedetti (Enea) intégrale audio Concertclassic
« … A la fin de 1733, les Hasse s’installeront définitivement à Dresde, entrecoupant leurs activités opératiques de congés libéralement accordés par le souverain (un séjour à Londres et Venise de fin 1734 à début 1737). Et en 1753, un voyage à Berlin à la cour de Prusse tournera au symbole, suite à une invitation de Frédéric II, le roi-musicien. Malheureusement, le temps des épreuves allait bientôt frapper les Hasse avec, avant tout, la mort du prince-électeur de Saxe en 1763 qui leur valut d’être congédiés sans la moindre pension. Le couple tentera alors sa chance à Vienne, où Johann Adolf écrira une série d’opéras pour la cour impériale (l’Egeria pour le couronnement de Joseph II). Mais le vent avait définitivement tourné, hâtant ce retour à Venise où Johann Adolf, pratiquement oublié, mourra en 1783, deux ans après le décès de Faustina.
Reste le lien privilégié que le compositeur entretint avec Versailles, invité en 1750 par Marie-Josèphe de Saxe, seconde épouse du Dauphin. Marie-Josèphe avait connu les Hasse dans sa jeunesse et c’est pour la remercier que Johann Adolf lui envoya une partition manuscrite de son opéra Didone abbandonata, composé en 1742, document qui servit sans doute à la représentation de l’ouvrage le 28 août 1753. Une exception d’ailleurs dans l’histoire de l’Opéra royal, peu concerné a priori par le style seria des Italiens, mais musicalement un chef-d’œuvre où, traitant des amours tragiques de Didon et Enée, Hasse développe plus le sujet que Purcell, soucieux d’un « grand opéra » où s’affrontent rivalités guerrières et passions dans la trop humaine Carthage.
C’est le très avisé Michael Hofstetter, fin connaisseur, s’il en est, de cette foisonnante fin de XVIIIe siècle (les Danaïdes de Salieri, Les Horaces et les Curiaces de Cimarosa, l’Ezio de Gluck) qui rend une nouvelle jeunesse aujourd’hui, en version de concert, à cette émouvante Didon de Hasse dont la résurrection à Munich, en mars 2011, fut un mémorable moment d’opéra, servi par des interprètes familiers du son d’époque. Les miracles se répétant parfois deux fois, il faut courir à cette production touchée par la grâce et qui magnifie la musique du caro Sassone, virtuosité et affects à parts égales, après un sommeil de 259 ans ! »
« Le public français ne peut qu’être reconnaissant à Michael Hofstetter, à ses chanteurs et à ses musiciens de lui avoir fait découvrir une œuvre, et, de surcroît, une belle œuvre, de Johann Adolf Hasse. Le même public n’en est pas moins en droit de se demander pourquoi on a jugé indispensable de le priver d’un tiers de ladite oeuvre. Car de da capo supprimés en récitatifs abrégés, ce n’est plus vraiment la Didone abbandonata de Hasse, opera seria créé à Hubertusburg le 7 octobre 1742, qu’il a pu entendre : c’est un opéra raccourci, terriblement raccourci ‘ mais me dira-t-on, il en reste près de trois heures de musique ‘ et non seulement raccourci, mais atteint jusque dans la cohérence de son intrigue et l’essence de sa musique.
L’intrigue, tout d’abord. Le programme (d’un coût de 10′ tout de même, en dépit de son indigence, mais indispensable aux non-italophones désireux de comprendre le drame, l’opéra n’étant pas surtitré) a la bonté de nous signaler les coupes pratiquées dans le livret de Métastase. On apprend ainsi qu’à l’acte III, ce ne sont pas moins que les cinq premières scènes qui ont été intégralement supprimées. On ne sait plus vraiment si le traître Osmida est gracié ou tué, et l’on apprend pour ainsi dire incidemment que le palais est en flammes. Résultat : le livret est devenu tout bonnement incompréhensible et ne se soutient plus qu’au moyen du résumé pourtant fort succinct donné par le programme.
Atteint dans sa musique : mais enfin, quelle bizarre idée les interprètes ont-ils eue de supprimer les da capo de tant d’airs admirables (Non ha ragione ingrato de Didone, ou L’augelletto in lacci stretto d’Araspe), amputés de leurs reprises et parfois également de leur partie centrale contrastée ‘ comme si l’aria d capo n’était plus pensée ici que comme une lourdeur dont il faut se défaire au plus vite. Mais l’aria da capo, c’est l’âme musicale de l’opera seria, le pilier sur lequel tout le genre repose (du moins à l’époque où Hasse compose sa Didone), la forme où s’épanouit naturellement le génie de ses plus grands représentants.
L’on touche ici au c’ur du problème que nous avions déjà signalé dans nos précédents articles. En effet, regarder comme des longueurs, comme des lourdeurs, ce qui constitue tout de même le cœur d’une œuvre (qu’il s’agisse des récitatifs ou des arias da capo), c’est aussi bien penser, d’une certaine façon, que cette œuvre, telle qu’elle a été pensée, et surtout telle qu’elle a été composée, c’est-à-dire dans sa plénitude et dans la cohérence de son développement musical et dramatique, ne mérite pas d’être ainsi restituée ; mais qu’elle doit être pour ainsi dire améliorée si l’on veut qu’elle plaise au public d’aujourd’hui. Il s’agit d’une manière de plus de ne pas faire assez confiance à la musique (et au livret : l’a-t-on jugé si mauvais pour y faire des coupes aussi sauvages ?), de ne pas trop y croire, si l’on peut dire. Je ne parle pas même des airs emportés naturellement par la suppression de scènes entières. Je puis encore comprendre que, dans un opéra il est vrai très long (mais est-ce une tare ?), l’on omette quelques airs (ce qu’ont fait les interprètes de Romolo ed Ersilia à Innsbruck) ; mais que l’on ampute si lourdement les airs et, par le fait même, que l’on bouleverse leur équilibre et leur architecture, non pas d’un ou deux airs, mais de plus de la moitié des numéros d’un opéra, voilà qui dépasse l’entendement et ignore les plus simples données du bon sens et du bon goût, et qui conduit finalement à rayer d’un trait de plume la structure propre de l’œuvre, c’est-à-dire à nier l’intelligence de sa progression dramatique. Ce qui est, paradoxalement, confirmer au nom d’on ne sait trop quelle intelligibilité ou simplification supposées nécessaires, l’idée reçue selon laquelle l’opera seria n’est qu’une suite d’airs indépendants dont l’agencement n’a en définitive aucune importance.
De telles atteintes à l’intégrité de l’œuvre étaient d’autant plus frustrantes que les interprètes donnaient l’impression d’avoir les moyens de la défendre (et que ce n’est peut-être pas un hasard si les airs les plus applaudis ont été précisément ceux qui ont été donnés dans leur intégralité’). Je pense notamment à l’orchestre, qui a fait, dès les premières notes de la sinfonia d’ouverture, une fort belle impression. La Hofkapelle de Munich se montre en effet pleine de couleur et de vigueur, efficacement dirigée par Michael Hofstetter. La distribution vocale, quoique plus inégale, demeurait assez correcte, même si le contre-ténor Flavio Ferri-Benedetti, chargé du rôle d’Enée, aurait été avantageusement remplacé par une femme.
J’ai été jusqu’ici fort sévère : c’est parce qu’à certains égards cet opéra, donné en concert (ce dont on ne se plaindra pas, au vu de ce que l’on rapporte de la mise en scène dans laquelle cet opéra a été donné à Munich), est une occasion manquée de plus. Ne boudons pas, cependant, notre plaisir, qui est réel. Ce n’est pas si souvent que l’on joue un opera seria de Hasse en France. Le public a pu découvrir une ‘uvre d’une beauté remarquable, aux récitatifs alertes, aux airs colorés, virtuoses et variés (du premier air d’Araspe, où la flûte obligée imite le chant de l’oiseau aspirant à la liberté et dialogue avec la voix, au dernier air d’Enée, qui exprime par une ligne vocale ample et noble, mise en valeur par l’emploi des cors, son triomphe sur ses passions), doublement conclue par l’aria à la fois surprenante et magnifique (Cadro fra poco in cenere) par laquelle Iarba annonce en tons plaintifs la ruine de Carthage et le très dramatique récitatif obligé où Didone exprime son trouble avant de se donner la mort.
Le public, enthousiaste, a beaucoup applaudi l’œuvre, le chef d’orchestre et les chanteurs, tout particulièrement le contre-ténor Valer Barna-Sabadus (Iarba) ; je n’ai pas eu trop de remords à l’imiter. »
ForumOpéra.com
« Les Didon se suivent et ne se ressemblent pas. Après la très brève et très dense version de Purcell à l’Opéra-Comique, et avant la tragi-comédie héroïque de Cavalli en avril au Théâtre des Champs-Elysées, le marivaudage métastasien bâti sur le triangle Didon-Enée-Iarbas s’est installé pour un soir à Versailles. Recréée à Munich en mai dernier, la Didone Abbandonata de Hasse est revenue dans le palais français où elle avait été donnée en 1753. Grâces en soient rendues à Michael Hofstetter, qui se démène comme un beau diable à la tête de sa Hofkapelle München pour redonner vie à cette partition d’un compositeur encore trop négligé. Des six chanteurs que compte la distribution, les trois rôles principaux ne sont pas forcément ceux dont on tire les plus grandes satisfactions. La mezzo Theresa Holzhauser est une Didon beaucoup trop placide pour un rôle qui appelle une vraie tragédienne, et elle ne parvient guère à communiquer les émotions de son personnage. Bien qu’italien, Flavio Ferri-Benedetti offre en Enée une voix de contre-ténor qui rappelle les pires produits de l’école anglaise, et son timbre est proche de celui de Christopher Robson. Pour toutes les notes graves, il use et abuse de sa voix naturelle de baryton, tant et si bien que l’effet en devient vite lassant. Quand à ses mimiques déplacées et à ses intonations mesquines, on se dit qu’un bon contralto aurait incarné un personnage autrement plus viril. Cette remarque vaut un peu aussi pour Valer Barna-Sabadus : le rossignol roumain gazouille extrêmement bien et, restitués dans leur contexte, les quatre airs d’Iarba prennent tout leur sens (voir son disque récent), mais n’est-ce pas l’étrangeté du timbre qui plaît avant tout ? Les mêmes notes, émises par une voix de femme, ne pourraient-elles pas être beaucoup plus sonores, plus vibrantes ? On se tournera alors vers les trois comparses, dont l’émission franche et l’investissement font plaisir à entendre. Le baryton Andreas Burkhart brille dans deux airs vocalisants, tandis que les sopranos Magdalena Hinterdobler et Maria Celeng débordent de virtuosité et d’intensité dramatique. Pour renaître, Hasse a-t-il vraiment besoin de contre-ténors ? La question mérite d’être posée. »
Munich – Prinzregententheater – 21, 24, 25, 30 mai, 1er juin 2011 – Hofkapelle München – dir. Michael Hofstetter – mise en scène Balázs Kovalik – décors Csaba Antal – costumes Angelika Höckner – dramaturgie Isabelle Kranabetter – avec Theresa Holzhauser (Didone), Magdalena Hinterdobler (Selene), Valer Barna-Sabadus (Iarba), Maria Celeng (Araspe), Andreas Burkhart (Osmida), Flavio Ferri-Benedetti (Enea)