Andromeda liberata

COMPOSITEUR Antonio VIVALDI
LIBRETTISTE
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
2004 Andrea Marcon Archiv Produktion 2 italien

« Serenata veneziana », découverte en avril 2002 par le musicologue français Olivier Fourès dans les archives du Conservatorio Benedetto Marcello à Venise.

L’attribution de l’œuvre au seul Vivaldi est hypothétique. Seul l’air avec violon obligé « Sovvente il sole » lui est attribué avec certitude, et c’est précisément cet air qui a attiré l’attention d’Olivier Fourès sur la partition. L’autre possibilité – la plus vraisemblable – est qu’il s’agisse d’un « pasticcio », auquel auraient notamment participé Giovanni Porta et Tomaso Albinoni. Le musicologue Michael Talbot considère la participation de Vivaldi, (mais seulement pour l’air « Sovvente il sole », de Giovanni Porta (les airs d’Andromeda) et de Tomaso Albinoni (un air de Perseo et peut-être le duo d’Andromeda et Perseo) comme indisutable, et suppose également la participation de Nicola Porpora (les airs de Meliso, les choeurs et la Sinfonia) et Antonino Biffi (les airs de Daliso). L’auteur du livret est également inconnu.

Le manuscrit est daté du 18 septembre 1726, et l’oeuvre a probablement été exécutée durant l’été ou l’automne 1726, lors d’un des nombreux concerts organisés en l’honneur du cardinal Pietro Ottoboni, notamment le 25 août, à l’ambassade de France.

Le cardinal était arrivé dans sa Venise natale le 21 juillet précédent, après un bannissement politique de quatorze ans. Mécène de Corelli, d’Alessandro Scarlatti et de Haendel, il était un membre éminent de l’Accademia Arcadia de Rome.

 

Argument

 L’argument s’inspire de la légende grecque d’Andromède. La belle Andromède était la fille de Céphée, roi d’Éthiopie, et de son épouse Cassiopée. Celle-ci eut l’arrogance de prétendre que la beauté de sa fille surpassait celle des Néréides, filles de Poséidon. Celui-ci, irrité, envoya un monstre marin ravager le pays. Le roi consulta l’oracle d’Ammon, qui lui répondit que son royaume ne pourrait être délivré que par le sacrifice de sa fille. Andromède fut attachée, nue, à un rocher situé au bord de la mer. Alors qu’elle s’attendait à être dévorée, elle fut délivrée par Persée, tombée amoureux d’elle. Andromède avoue à Persée être amoureuse de Daliso, personnage inventé. Cela n’empêche pas qu’en récompense, le couple royal donna Andromède en mariage à Persée.

 

Andromède pourrait symboliser la ville de Venise, Persée le cardinal Ottoboni.

 

Personnages : Andromède, fille du roi d’Ethiopie, Persée, héros d’origine argienne, fils de Jupiter et Danaé, Cassiopée, mère d’Andromède, Mélissée, berger au service du roi d’Éthiopie, Daliso, jeune homme d’origine étrangère, aimé d’Andromède. 

 

« Plaisir de la dispute ! Au sens noble du terme, bien sûr. Pour son arrivée chez Archiv, Andrea Marcon a injecté une dose d’adrénaline à la musicologie vivaldienne, en imposant cette Andromeda liberata, dont l’attribution controversée a reçu l’écho de la presse internationale. Emettons à notre tour une hypothèse. Un examen soigné montre que Don Antonio, au style inimitable dans sa maturité, n’a composé ni la Sinfonia introductive ni la plupart des airs. Mais écoutez tous les récitatifs à la suite : du Vivaldi tout craché. Pas une harmonie, pas une tournure improbable, et une remarquable cohérence. L’unique air authentifié du Rosso – le sublime « Sovvente il sole « , avec partie ostentatoire de violon obligé – suggère fortement sa participation effective à la création de cette sérénade, sans doute en 1726, lors des festivités qui célébraient le retour à Venise du cardinal Ottoboni. Notre pragmatique intrigant eût-il accepté, au sommet de sa gloire, de faire de la figuration dans une Serenata où il ne fût impliqué que du bout de l’archet ? On imagine un pari subtil : s’affirmer auprès d’Ottoboni comme violoniste incomparable, auteur du plus bel air et ordonnateur du patchwork, cousu minutieusement par ses soins. L’absence quasi certaine de tout air de Benedetto Marcello, son ennemi intime, qui ne se serait pas commis dans une telle entreprise, conforte la supposition. Albinoni, dont la patte se reconnaît dans quatre airs (CD 1, plages 5, 9, 11, CD 2, plage 12), Porta, auteur sans doute du digne « Un occhio amabile » avec violoncelle obligé (CD 1, plage 7), Porpora ou même Lotti n’en avaient cure. « Lo so, barabari fati » ou « Peni chi vuol penar », quels qu’en soient les auteurs, sont des pages magnifiques. » (Diapason – mars 2005)

 

A mi-chemin entre la cantate de vaste proportion et l’opéra miniature, la serenata est un genre musical qui prend son essor vers le milieu du XVIIe siècle. Exécutée en principe en plein air à la tombée de la nuit (d’où son nom), elle résultait le plus souvent d’une commande qui avait pour but de célébrer en grande pompe mariages, anniversaires, naissances et personnalités. Les feux d’artifice et autres festivités grandioses qui l’encadraient ont donné lieu dans de nombreux témoignages écrits de l’époque de pittoresques descriptions. Si tout laisse supposer que la sérénade Andromeda liberata fut composée en l’honneur du cardinal vénitien Pietro Ottoboni (mécène bien connu de Corelli, d’Alessandro Scarlatti et de Haendel) à l’occasion de son retour dans sa ville natale en juillet 1726, sa conception n’en demeure pas moins obscure. Sur la base d’un examen approfondi, la partition révèle en effet que l’air de Perseo « Sovvente il sole », est identique à celle qui figure dans un manuscrit autographe de Vivaldi. S’agit-il d’un air isolé intégré à une partition en forme de pusticcio rassemblant des morceaux de divers compositeurs ou est-ce la preuve irréfutable que la globalité de oeuvre est bien du prêtre roux? Le mystère reste entier ! (Opéra International – mars/avril 2005)

 

Partition : Ricordi – Milan – 2006 – collection Drammaturgia Musicale Veneta

 

Représentations

Abbatiale d’Ambronay – 11 octobre 2008 – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – avec Maria Luisa Martorana (Andromeda), Lisea Laarson (Cassiopea), , Max Cencic (Perseo), Lluis Vilamajo (Daliso)

 

Baden Baden -Festspielhaus – 3 octobre 2006 – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – avec Simone Kermes, soprano (Andromeda), Max Emanuel Cencic, contre-ténor (Perseo), Ruth Rosiqu, soprano (Cassiope), Sara Mingardo, mezzo-soprano (Melisso), Mark Tucker, ténor (Daliso)

 

Santiago de Compostela – Auditorio de Galicia – Festival de Musica de Compostela y sus Caminos – 14 juillet 2006 – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – avec Simone Kermes, soprano (Andromeda), Max Emanuel Cencic, contre-ténor (Perseo), Ruth Rosiqu, soprano (Cassiope), Romina Basso, mezzo-soprano (Melisso), Mark Tucker, ténor (Daliso)

 

Venise – Teatro Ridotto – 8 octobre 2004 – Boston – New England Conservatory’s Jordan Hall – 27 novembre 2004 – New York – Carnegie Hall – 29 novembre 2004 – Utrecht – Festival de Musique Ancienne – 6 décembre 2004 – Amsterdam – Concertgebouw – 8 décembre 2004 – Londres – Barbican Center – 10 décembre 2004 – Venice Baroque Orchestra – dir. Andrea Marcon – avec Simone Kermes (Andromeda), Katerina Beranova (Cassiope), arijana Mijanovic (Melise), Max Emanuel Cencic (Perseo), Enrico Onofrio (Daliso) – première recréation moderne

« Avril 2002 : la communauté vivaldienne est en émoi. Le musicologue Olivier Fourès vient de découvrir dans une Andromeda liberata anonyme (archives du Conservatorio Benedetto Marcello, Venise) un air attribué au prêtre roux par une autre source. Cette « Serenata veneziana », créée selon toute vraisemblance pour les festivités qui célèbraient en 1726 le retour à Venise du cardinal Ottoboni, est-elle un travail collectif ou l’oeuvre du seul Vivaldi ? La deuxième option semble peu probable depuis que Talbot a trouvé des traces d’une collaboration entre Porta, Albinoni et l’auteur des Quatre Saisons. La question qui se pose est désormais quelle part du pasticcio revient à ce dernier ? Tous les spécialistes s’interrogent, une seule chose est acquise : l’immense (10′!) Sovvente il sole de Persée, assurément de Vivaldi, est un chef-d’oeuvre d’effusion élégiaque, à la fois lamento pour contre-ténor et Adagio de concerto pour violon, dont Andreas Scholl, David Daniels et Philippe Jaroussky feront leurs délices. Moins virtuose mais fin musicien, timbre sombre et très projeté (certes, au prix d’un vibrato assez pesant), c’est Max Emanuel Cencic qui tenait ce rôle lors d’une soirée mémorable, marquant à la fois la création moderne de l’Andromeda, l’ouverture du nouveau Venice Music Festival (une poignée de mécènes fortunés ont voulu rendre à des lieux historiques le répertoire de la Sérènissime) et l’arrivée d’Andrea Marcon, de son Venice Baroque Orchestra et de Giuliano Carmignola chez Deutsche Grammophon – c’était jusqu’alors la seule major restée en marge du renouveau baroque italien ! Dans le minuscule et fastueux Teatro ridotto, la romancière Donna Leon veillait sur son égérie, la soprano Simone Kermes (Andromède), timbre touchant sinon très riche, expression généreuse et spontanée mais toujours juste, technique prodigue en vocalises et contre-notes filées – les amples drapés tutti frutti de la robe valaient à eux seuls le détour. Un strict tailleur noir suffisait néanmoins à Marijana Mijanovic pour lui voler la vedette dans le rôle modeste du berger Melisso – l’équilibre entre l’agilité, la profondeur du timbre et la qualité de la diction n’a pas fini de fasciner. Hélas elle ne figure pas à l’affiche du disque à paraître chez Archiv (l’excellente Anna Bonitatibus la remplace), où l’on retrouvera par ailleurs le soprano suave mais encore fragile de Katerina Beranova (Cassiopée) et Mark Tucker (Daliso, rival amoureux de Persée inventé par le librettiste pour « faire durer le plaisir « ), efficace dans son air de tempête malgré une tessiture trop grave. A la tête d’un Venice Baroque Orchestra somptueux, Marcon était le véritable vainqueur. »