Armide

COMPOSITEUR Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Philippe Quinault
ENREGITREMENT EDITION DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1972 Jean-François Paillard Erato 1 (LP) (extraits) français
1972 2003 Jean-François Paillard Erato 1 (extraits) français
1983 1983 Philippe Herreweghe Erato 2 x 30 cm français
1992 1993 Philippe Herreweghe Harmonia Mundi 2 français

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
2008 2011 William Christie Fra Musica

 

Tragédie lyrique en un prologue et cinq actes, sur un livret de Philippe Quinault, d’après Virgile et La Jérusalem délivrée du Tasse. Louis XIV avait lui-même choisi le livret en mai 1685, parmi trois proposés, les deux autres étant Malaric, fils d’Hercule et Céphale et Procris.
Quinult avait déjà écrit une « tragi-comédie en machines » représentée sur le Théâtre du Marais en 1655. Ce sera sa dernière oeuvre pour le théâtre – « Je vous dis adieu, muse tendre… » – et donc sa dernière collaboration avec Lully, pour se consacrer à la religion.
Armide fut créée au Palais Royal, dans des décors de Bérain, en présence du Grand-Dauphin, le 15 février 1686, avec Mlle Le Rochois (*) dans le rôle-titre, Mlle Moreau (Sidonie), Mlle Desmatins (Phénice), le ténor Du Mesnil (Renaud), la basse Dun (Hidraot), Frère (La Haine), sous la direction de Pascal Colasse.
(*) dans ses Chroniques secrètes et galantes, Georges Touchard-Lafosse écrit : Le rôle d’Armide était joué et chanté par mademoiselle Rochois, avec une étendue de moyens dont une àme ardente faisait valoir toute la puissance. Ce jeu et ce chant, remplis de chaleur, firent paraître tièdes les efforts cependant soutenus de Chassé. Vieilli avant l’âge par les passions extrêmes, qui sont toujours anti-lyriques, ce chanteur s’éleva toutefois, de temps en temps, à la hauteur du personnage de Renaud ; mais ce furent quelques éclairs lumineux dans un ciel terne.

 

Bien entendu, Touchard-Lafosse commet une grosse erreur, car Chassé n’entra à l’Académie royale qu’en 1721. Il poursuit par l’anecdote suivante : Le noble pensionnaire de Lully se désolait après la première représentation. — Ecoute, cher camarade, lui dit mademoiselle Rochois, dont la modestie pudibonde n’était pas aussi bien constatée que son talent, on ne peut pas servir avec un zèle égal toutes les divinités : si tu fais quelquefois défaut au seigneur Apollon, je voyais tout à l’heure, dans une loge d’avant-scène, une marquise qui pourrait te donner un beau certificat au nom de Vénus. — Heureuse femme que tu es, répondit Chassé, tous les triomphes t’adviennent : cet Apollon qui commence à me renier, te favorise au gré de tes souhaits, et quant au certificat de l’amour, je suis prêt — Indiscret… Un groupe de complimenteurs vint mettre fin au tête-à-tête des deux premiers sujets de l’Opéra ; mais on n’avait pas besoin d’en entendre la fin pour savoir que mademoiselle Rochois avait, plus que la marquise, à se reprocher l’altération du « sol » de Chassé.

 

Le roi n’assista à aucune représentation, et Lully lui écrivit une lettre pleine d’amertume (« Que me sert-il, Sire, d’avoir fait tant d’efforts pour me hâter de vous offrir ces nouveaux concerts ? »)
La partition fut éditée chez Christophe Ballard en 1686.

Armide fut représentée régulièrement :

au Palais Royal, en janvier 1687, en l’honneur de l’ambassadeur d’Espagne,
à Avignon, en septembre 1687,
au Palais Royal, en avril 1688,
à Lyon, le 15 février 1689, dans la salle du Jeu de Paume de la rue Pizay, dans le cadre de l’Académie royale de musique, dont Jean-Pierre Legay avait obtenu le privilège pour trois ans, le 17 septembre 1687 ;
à Rome, en 1690, première représentation d’un opéra français en Italie, dans une traduction de Silvio Stampiglia,
à l’Opéra du Quai au Foin de Bruxelles en mars 1697, et au Palais Royal, le 15 juin 1697,
à Lyon, en 1698,
à Marseille et à La Haye, en 1701
au Palais Royal, le 27 novembre 1703, avec Mlle Armand (La Gloire), Mlle Sallé (La Sagesse) dans le prologue, Mlle Desmatins (Armide), Mlle Armand (Phénice), Mlle Sallé (Sidonie), Dun (Hidraot), Hardouin (Aronte), Poussin ou Plein (Renaud), Desvoyes (Artemidore), Mlle Cochereau (Une Bergère), Mantienne (la Haine), Hardouin (Ubalde), Chopelet (Le Chevalier danois), Boutelou (Un Plaisir),
au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, en 1708,
à Lunéville, le 15 novembre 1710, avec un prologue écrit par Henry Desmarest, célébrant la fête du duc Léopold (partition à l’Österreichische Nationalbibliothek de Vienne),
au Palais Royal, le 26 décembre 1713 et en juin 1714, avec Mlle Poussin (La Gloire), Mlle Antier (La Sagesse) pour le prologue, Mlle Journet (Armide), Mlle Pestel (Phénice), Mlle Heuzé (Sidonie), Thévenard (Hidraot), La Rosière (Aronte), Cochereau (Renaud), Pélissier (Artemidore), Mantienne (la Haine),
au Palais Royal, le 9 novembre 1724, avec Mlle Lambert (La Gloire), Mlle Eremans (La Sagesse) pour le prologue, Mlle Antier (Armide), Mlle Eremans (Phénice), Mlle Lambert (Sidonie), Thévenard (Hidraot), Dun (Aronte), Murayre (Renaud), Cuvillier (Artemidore), Mantienne (la Haine), Mlle Le Maure (Lucinde), Tribou (Le Chevalier danois), Chassé (Ubalde),
au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, le 11 novembre 1726,
le 29 avril 1730, à Lyon,
au château de Fontainebleau, les 3, 5 et 12 octobre 1740,
à Lyon, en 1742, dans la salle du Jeu de Paume de la Raquette Royale ;
au château de Versailles, le 30 décembre 1745, puis le 17 février 1746, puis au château de Fontainebleau le 12 octobre 1746,
le 7 janvier 1746, puis le 17 février 1747, avec Mlle Metz (La Gloire), Mlle Coupée (La Sagesse) pour le prologue, Mlle Chevalier (Armide), Mlle Bourbonnais (Phénice), Mlle Romainville (Sidonie), Chassé (Hidraot), Le Page (Aronte), Jélyote (Renaud), Albert (Artemidore), Chassé (la Haine), Mlle Fel (Lucinde), La Tour (Le Chevalier danois), Le Page (Ubalde),
au Palais Royal, le 3 novembre 1761, avec des costumes dessinés par Louis-René Boquet (*)

(*) Louis-René Boquet (1717-1814). Dessinateur et peintre de costumes aux Menus-Plaisirs. En 1758, il s’occupe des costumes de l’Opéra, succédant à Jean-Baptiste Martin.

Louis-René Boquet
Gabriel de Saint-Aubin (1724 – 1780) composa un dessin à la plume, rehaussé d’aquarelle et de gouache, de ces représentations :

le 26 février 1762, suscitant des commentaires désabusés : La reprise d’Armide s’est faite aujourd’hui sans le moindre tumulte. La fureur du public pour ce bel opéra s’est passée comme un enchantement… On trouve plus de musique dans le plus petit opéra comique.Cet ouvrage ne peut absolument tenir devant l’opéra comique ; le théâtre est un désert quand l’affiche annonce le chef-d’œuvre de Lulli ;
au Palais Royal, le 4 décembre 1764,
au Palais Royal, le 23 septembre 1777,
à l’Opéra de la salle Saint-Martin en janvier et février 1789 (cinq représentations), en mars, et de juillet à décembre 1790 (12 représentations), de janvier à juillet 1791 (11 représentations).

 

Des parodies furent jouées : Arlequin à la guinguette, en juillet 1711, à la Foire St Laurent ; Armide, le 21 janvier 1721au Théâtre Italien ; Armide, de Bailly, le 12 janvier 1725, au Théâtre italien ; La Bohémienne, le 17 mars 1747, à la Foire St Germain ; Armide , en 1747 ; Armide, en cinq actes mêlés d’ariettes, le 11 janvier 1762, au Théâtre de la Comédie Italienne, sur un livret en quatre actes de Pierre Laujon et Antoine-François Riccoboni « fils » (personnages : Armide (soprano), Renaud (ténor) , Hidraot, le Chevalier danois (ténor), Ubald (basse), Artémidore, Phénice, Sidonie, Aronte, un Médecin (basse), médecins consultants, Danseuses d’Opéra (livret)
Le livret fut repris par C. W. Glück ; la création eut lieu le 23 septembre 1777, dans la seconde salle du Palais Royal.
Personnages : Armide, magicienne, nièce du roi de Damas Hidraot (soprano), la Haine (mezzo-soprano), Sidonie et Phénice, suivantes d’Armide (sopranos), la Naïade (soprano léger), la Gloire et la sagesse (sopranos), Lucinde, amante du Chevalier danois (soprano), Mélisse, amante d’Ubalde (soprano), Renaud (ténor), Hidraot, roi de Damas, magicien, oncle d’Armide (basse), le Chevalier danois (ténor), Ubalde (basse), Artémidore, compagnon de Renaud (ténor), Aronte (baryton)
Gravure de Dolivar d'après Berain - 1686
Synopsis
L’armée des croisés, commandée par Godefroy de Bouillon, a mis le siège devant Damas où règnent Hidraot et sa fille la princesse Armide ; tous deux sont magiciens. Par ses seuls pouvoirs magiques, Armide a jusqu’ici triomphé des plus célèbres chevaliers chrétiens qu’elle retient prisonniers.

Prologue
Edition Ballard - 1686Edition Henri de Baussen - 1710
Un palais
Ouverture. La Gloire et la Sagesse chantent la gloire du monarque. Leurs suites témoignent par des danses, la joie qu’elles ont de voir ces deux divinités dans une intelligence parfaite. Entrée. Menuet. Gavotte en rondeau. Entrée. Menuets I et II. Chœur.
Acte I
Décor pour l'Acte I - Ballard - 1713
Une salle du palais d’Hidraot ; au fond, une place publique de la ville de Damas, ornée d’un arc de triomphe
Décor de Berain pour l'acte I
(1) Armide, louée par ses suivantes Phénice et Sidonie de ses succès qui ont affaibli le camp de Godefroy, reconnaît avec dépit qu’elle n’a pu triompher de la résistance du plus vaillant de tous, Renaud, qui échappe à son pouvoir. Son mépris est outrageant : Armide le hait et le redoute à la fois, car c’est le plus valeureux de l’armée des Croisés. La magicienne est obsédée par un songe : frappée d’une atteinte mortelle, elle tombait aux pieds du vainqueur (air : Un songe affreux).
(2) A Hidraot, qui voudrait bien lui voir prendre un époux, elle déclare se réserver pour celui qui saura vaincre Renaud, s’il le peut. Une grande fête est organisée au cours de laquelle les peuples du royaume de Damas témoignent par des danses et des chants la joie qu’ils ont de l’avantage que la beauté de la princesse Armide a remporté sur les chevaliers du camp de Godefroy. Marche. Rondeau. Sarabande.
(3) Au milieu de la joie générale, survient Aronte, percé de coups ; les captifs chrétiens confiés à sa garde ont été délivrés par le bras du seul Renaud. Aronte meurt. Armide jure de venger cet affront. Marche.
Acte II
Une campagne, où une rivière forme une île agréable
(1) Renaud a été banni du camp de Godefroy pour avoir tué Gernand, un chevalier qui l’insultait. Un de ses compagnons d’armes, Artémidore le rejoint dans son exil et le met en garde contre les charmes magiques d’Armide. Renaud chante alors son amour pour la seule gloire et les hauts faits d’armes et son mépris pour la beauté d’Armide.
(2) Hidraot et Armide évoquent la troupe des esprits mauvais et s’unissent pour leur ordonner d’enchanter Renaud et de le livrer. à leur colère. On aperçoit Renaud qui s’approche des bords de la rivière puis se défait d’une partie de ses armes pour prendre le frais.
(3) Renaud se laisse prendre par l’harmonie de la nature et s’endort sur un gazon.
(4) Air de la Nymphe des eaux qui sort du fleuve. Renaud, endormi, est entouré par des Démons sous la figure des Nymphes, des Bergers et Bergères, qui enchaînent le héros avec des fleurs. Air d’une Bergère héroïque.
(5) Armide accourt, impatiente de se venger, et tenant un dard à la main. Elle va pour frapper Renaud, mais ne peut exécuter son geste. Dès qu’elle voit le captif, elle sent sa fureur s’évanouir. La fière enchanteresse est touchée par l’amour, expérience nouvelle qui fait à la fois sa joie et sa honte. Pour cacher cette faiblesse, elle invoque les Zéphirs qui l’emportent, avec Renaud, dans les airs (air : Venez, secondez mes désirs).
Acte III
Un Désert
(1) Armide se lamente de l’amour par lequel Renaud règne en son coeur.
(2) Elle explique à ses suivantes qu’elle se sent insultée dans son orgueil et son amour ; il lui faut se libérer d’une passion qui l’abaisse, en transfomant son amour en haine.
(3) Armide appelle la Haine à son secours. Celle-ci sort des Enfers, accompagnée des Furies, de la Cruauté, de la Vengeance, de la Rage et des Passions qui dépendent de la Haine.
(4) La Haine décide de s’attaquer au pouvoir de l’Amour. Les suivants s’empressent de briser et brûler les armes de l’Amour. Puis la Haine ordonne à l’Amour de quitter le coeur d’Armide pour qu’il soit remplacé par la Haine. Mais Armide l’arrête, ne pouvant se résoudre à haïr Renaud. La Haine, avant de disparaître, prédit à Armide le destin qui punira sa faiblesse : Renaud la trahira. Le choeur chante : « O malheureuse Armide. »
Acte IV
(1) Ubalde et le Chevalier Danois, sont dans le désert sur lequel s’élève une vapeur. Ubalde porte un bouclier de diamants et tient un sceptre destiné à dissiper les enchantements d’Armide et délivrer Renaud. Le Chevalier Danois porte une épée destinée à Renaud. Des antres et des abîmes s’ouvrent et il en sort des bêtes farouches et des monstres. Ubalde les éloigne avec le sceptre d’or.
Le désert fait place à une campagne agréable, bordée d’arbres chargés de fruits et arrosée de ruisseaux
Les deux chevaliers cherchent Renaud, tout en se préparant à être soumis à la tentation du charme.
(2) Lucinde cherche à séduire le Chevalier Danois. Gavotte. Canaries. Ubalde le met en garde, mais le Chevalier Danois ne peut résister. D’un coup de baguette magique, Ubalde fait disparaître Lucinde.
(3) Ubalde explique au Chevalier Danois qu’il a été victime d’un enchantement.
(4) Ubalde est à son tour charmé par Mélisse, et le Chevalier Danois dissipe le mirage. Les deux héros en arrivent à la conclusion que toutes les illusions sont dangereuses ; ils s’enfuient.
Acte V
Le palais enchanté d’Armide
(1) Renaud, encore ensorcelé, sans armes et paré de guirlandes de fleurs, supplie Armide de ne pas le quitter. Elle, effrayée par les prophéties de la Haine, s’inquiète de l’avenir et décide d’aller chercher le secours des esprits.
(2) Durant son absence, Renaud est confié à la garde des Plaisirs et d’une troupe d’Amants fortunés et d’Amantes heureuses. Passacaille.
(3) Arrivent Ubalde et le Chevalier Danois. Ubalde présente le bouclier de diamants aux yeux de Renaud qui est honteux de sa faiblesse, et arrache les guirlandes de fleurs et autres ornements inutiles dont il est paré. Il s’arme du bouclier de diamants et d’une épée et s’apprête à partir.
(4) Armide survient et tente de le retenir. Elle promet qu’elle mourra, si Renaud la quitte, mais qu’il ne pourra pas éviter d’être poursuivi par son ombre. Renaud ne cède pas, tout en plaignant la malheureuse.
(5) Armide demeure seule, invoque les Démons de l’enfer pour qu’ils détruisent son palais enchanté. Elle part dans un Char Volant.

Armide & Renaud, Chevalier du Camp de Godefroi de Bouillon, 19me Opéra. C’est une Trag. dont les vers sont de Quinault, & la musiq. de Lully : elle fut représentée pour la premiere fois le 15 Fév. 1686, imprimée, puis gravée en musique partition in-fol. La Gloire & la Sagesse font le Prologue. Les machines & décorations furent ordonnées par Berain. Cet Opéra a été repris huit fois, en 1688, 1703, 1713, 1714, 1724, 1746, 1747 & 1761, & souvent avec le plus grand succès, sur-tout la derniere : c’est un des plus estimés de ceux de Lully, & le dernier sorti de la plume de Quinault. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

 

Livret disponible sur livretsbaroques.fr

 

Partition : édition de Lois Rosow – livret Jean-Noël Laurenti – chez Georg Olms Verlag

Pour en savoir plus :

Association Philippe Lescat – Notes de cours de Bertrand Porot – Armide : analyse

http://apl.apinc.org/article.php3?id_article=50

Le Site Lully de Marie-Pierre Blanchardie : présentation, synopsis, livret

http://sitelully.free.fr/

Le Monde de la Musique – novembre 1992 – Lully – « Armide » au Théâtre des Champs Elysées« Armide » ou les incertitudes de l’amour – dossier
Opéra International – novembre 1992 – Philippe Herreweghe dirige Lully – Sylvie Brunet incarne Armide
Opéra International – septembre 1992 – Sous le charme d’Armide



Représentations :

Glimmerglass Opera – Cooperstown – États Unis – 21, 29, 31 juillet, 5, 10, 13, 18, 23 août 2012 – Tafelmusik Baroque Orchestra and Chamber Choir – dir. David Fallis – mise en scène Marshall Pynkoski – décors Gerard Gauci – costumes Dora Rust D’Eye – lumières Bonnie Beecher – chorégraphie Jeannette Lajeunesse Zingg – avec Peggy Kriha Dye (Armide), Colin Ainsworth (Renaud), João Fernandes (Hidraot), Meghan Lindsay (Sidonie), Mireille Asselin (Phenice), Aaron Ferguson (le Chevalier danois), Olivier Laquerre (Ubalde) – production de Opera Atelier





Versailles – Opéra Royal – 11, 12, 13 mai 2012 – Tafelmusik Baroque Orchestra – Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles – dir. Olivier Schneebeli, David Fallis – mise en scène Marshall Pynkoski – chorégraphie Jeanette Lajeunesse Zingg – avec Peggy Kriha Dye (Armide), Colin Ainsworth (Renaud), João Fernandes (Hidraot), Meghan Lyndsay (Sidonie/Nymphe), Carla Huhtanen (Phénice/Lucinde), Vasil Garvanliev (Aronte), Olivier Laquerre (Artemidore/Chevalier Ubalde), Curtis Sullivan (La Haine), Aaron Ferguson (Chevalier Danois)


ResMusica

« Cette représentation d’Armide (semble-t-il la première jamais jouée à l’Opéra royal du château de Versailles) ne répond pas au modèle européen de production que les théâtres lyriques publics européens ont établi depuis une quarantaine d’années. Basée à Toronto, la compagnie Opéra Atelier est une entreprise privée et se situe dans le monde économique de l’entertainment en Amérique du Nord. Au Canada, Opéra Atelier, dans le champ du théâtre lyrique, équivaut, dans le domaine circassien, au célèbre Cirque du soleil. Sans aucune intention dépréciative, cette production d’Armide se reçoit comme un show opératique, dont le vocabulaire scénographique, dramaturgique et chorégraphique fait écho à celui des spectacles étasuniens que, via les vidéogrammes et la toile, chaque Européen peut regarder.
Dans sa déclaration d’intention, Opéra Atelier affirme s’appuyer « sur l’esthétique et les idéaux de la période, avec […] des ballets d’époque, des instruments d’origine » et mentionne avoir travaillé avec des chefs d’orchestre tels Minkowski, Niquet, Parrott et Pinnock. Même si cette compagnie s’associe ici au solide orchestre « on period instruments » Tafelmusik Baroque Orchestra, cette déclaration d’intention est à discuter vivement. Non que cette compagnie mente : simplement, entre les continents européen et américain, la relation à l’Histoire diffère profondément. Là où le vieux continent repose sur une Histoire pluri-millénaire (elle se fonde sur l’Antiquité grecque et romaine) et conçoit ses spectacles en terme de plausibilité et de questionnement historiques, le Nouveau-Monde ne s’avoue que deux siècles d’ancienneté et réalise des fantasmagories d’après des reliefs historiques empruntés aux cultures européennes. Aucune hiérarchie entre ces deux continents artistiques : juste des points de départ et des points de vue dissemblables, juste des entendements différents du mot « Histoire ».
Muer Lully en auteur de show n’est pas insensé : lorsque Louis XIV engagea Lully, il recruta un producteur de divertissements ; et, à cet égard, Le bourgeois gentilhomme est une magnifique réussite. Et ce n’est qu’à mesure qu’il avança en âge que Lully devint autant compositeur que producteur, au sens cinématographique (notamment hollywoodien) du terme. Cet Armide canadien est donc un divertissement d’après un Lully selon les « baroqueux ». Les acteurs (chanteurs et danseurs) ont d’abord été choisis pour leur silhouette longiligne ; indiscutablement, ils constituent une équipe visuellement homogène. Les costumes sont des rêveries modernes d’après de multiples et hétérogènes sources historiques ; leurs couleurs chatoyantes et bigarrées les rapprochent des films historiques télévisés, tels The Tudors. Les décors reprennent les principes des toiles peintes mais portent un univers esthétique emprunté à l’hyperréalisme. La notion de goût n’est pas ici primordiale, celle de l’efficacité l’emporte. La mise-en-scène privilégie la mobilité physique (abstraite et a-dramatique) des acteurs plutôt que de lire, en profondeur, le livret et d’en déduire les mouvements scéniques. Dans un premier temps, le rédacteur de cette chronique a été surpris, puis intéressé par cette forme de spectacle si peu fréquente dans nos théâtres lyriques (hormis, depuis peu, le Théâtre du Châtelet, à Paris). La chorégraphie n’a retenu que deux ou trois objets du vocabulaire dansé baroque et les recouvre d’une invention purement moderne où la virtuosité domine ; là encore, point d’unité esthétique, mais une bigarrure de styles.
Indiscutablement, ce spectacle fonctionne : sa vitesse trépidante et son mouvement perpétuel sont ses principaux atouts. En terme dramaturgique, il ne cherche pas à construire finement chaque personnage ; il désagrège chaque rôle et en extirpe les acmés d’émotions et les climax dramaturgiques. En terme de couleurs, le principe est de les faire virevolter et non pas d’en sérier une fine palette. La seule limite objective de ce spectacle total est l’hétérogénéité de son plateau vocal. Seul deux chanteurs tirent véritablement leur épingle du jeu. João Fernandes est un efficace Hidraot, même lorsque la mise-en-scène le place en arrière-plateau. Mieux encore, Colin Ainsworth (Renaud) est un ténor rare : avec une émission vocale limpide et dans une voix longue, son registre aigu maîtrise également les registres de tête et de poitrine. Une fine musicalité achève de le rendre autant apte à chanter Mozart et Rossini, Handel et Bizet (Nadir et Haroun). Destiné à un grand soprano dramatique, le rôle-titre a manifestement dépassé Peggy Kriha Dye, malgré son engagement de chaque instant. Manifestement, David Fallis a davantage conçu sa fonction comme un coordinateur des diverses énergies scéniques que comme le « patron » de la représentation ; il essentiellement pourvu à la musique de scène d’un spectacle total où une écriture orchestrale n’est qu’une des composantes. »

Concertclassic

« Suivant la politique d’importation de productions qui prévaut à l’Opéra royal de Versailles depuis sa réouverture et le retour des spectacles scéniques dans cet écrin dix-huitième aux dimensions idéales pour le répertoire baroque, c’est une réalisation canadienne de l’Armide de Lully qui nous est proposée. Renouant avec l’usage du genre, Marshall Pynkoski convoque les danseurs de l’Atelier Ballet, vêtus de chatoyantes chamarres, pour meubler les nombreux divertissements qui ponctuent l’ouvrage. Mais ce serait se tromper que d’y voir un projet de reconstitution historique, quand bien même les pas empruntent au vocabulaire de la danse baroque.
Certes, les décors orientalisant de Gerard Gauci, avec les imitations macroscopiques de calligraphies perses contemporaines de l’ouvrage sur panneaux, situent avec à-propos et une certaine élégance l’action dans ce Moyen-Orient de l’an mille, carrefour des imaginaires autant que des prétentions religieuses qui nourrit le poème du Tasse. Mais pourquoi fallait-il pousser l’exubérance jusqu’à ces Enfers tout en fluorescences de carton-pâte plus proche de Walt Disney que des élucubrations du Greco ? Si la complémentarité entre le jeu théâtral et la chorégraphie concentre l’attention avec efficacité, il n’en reste pas moins qu’en éludant le Prologue, on resserre l’intrigue mais on trahit la structure même de la tragédie lyrique, si ce n’est sa nature et son orientation herméneutique.
Soutenu par la direction équilibrée de David Fallis, à la tête d’un Tafelmusik Baroque Orchestra agréablement galbé et coloré, le plateau vocal séduit par ses qualités expressives, plus que par une diction généralement convenable, sans pour autant atteindre l’irréprochable. Et en premier lieu celles de l’héroïne éponyme, incarnée par Peggy Kriha Dye qui y déploie un nuancier psychologique captivant jusque dans un grain de voix qui frôle parfois la rudesse. Doué d’une lumineuse blondeur idéale pour Renaud, Colin Ainsworth retient l’œil et l’oreille d’une manière également favorable.
Le reste de la distribution complète convenablement le tableau : João Fernandes (Hidraot), Vasil Garvanliev (Aronte), Curtis Sullivan (La Haine), Aaron Ferguson (Le Chevalier Danois), Olivier Laquerre (Artemidore et Chevalier Ubalde), Meghan Lindsay (Sidonie et Nymphe Des Eaux), Carla Huhtanen (Phenice et Lucinde). Mentionnons enfin les exemplaires Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, garants de l’intégrité stylistique des ensembles, préparés avec soin par leur Olivier Schneebeli. »

Diapason – juillet-août 2012 – Armide fait son show

« Armide façon Broadway : aussi rééducteur soit-il, ce racccourci est-il pour autant péjoratif? Fondateur de l’Opera Atelier de Toronto, Marshall Pynkoski a certes tout sauf la prétention de dispenser un cours de géopolitique pour éclairer le conflit entre chrétiens et musulmans. C’est vers les Mille et une nuits qu’il préfère tirer l’ultime traagédie en musique de Lully et Quinault inspirée de La Jérusalem délivrée du Tasse. Les décors, emmpruntés à la miniature persane, et plus encore les costumes, dont les étoffes moirées déploient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, assument même un premier degré à la limite du kitsch. Mais le sens du spectacle prime, qui balaie toute réserve jusque dans les poses les plus méloodramatiques.
Respectueuse des codes baroques, la chorégraphie de Jeannette Lajeunesse Zingg anime les diverrtissements avec une énergie virevoltante : pas un tableau où le plateau ne soit envahi par une cohorte de danseurs. Au point de reléguer les chœurs – de très idiomatiques Chantres du Centre de musique baroque de Versailles – dans la fosse. L’ensemble Tafelmusik y joue clair, souple, musical, sans que la direction de David Fallis impose le moindre enjeu dramatique, à l’image d’une basse continue immuable, qui souvent court après les chanteurs. Timbres non sans charme, mais style standard, qui préserve de bien des maniérismes ornementaux, ces dames goûtent fort peu les consonnes. A commmencer par Peggy Kriha Dye, dont l’intonation fluctuante ne ternit pas la flamme du rôle-titre. Et si ces messieurs, dominés des muscles par la Haine de Curtis Sullivan, portent admirablement le collant, le ramage ne se rapporte guère au plumage. D’une plastique non moins irrréprochable, Colin Ainsworth chante pourtant Renaud dans un français rigoureux et limpide, avec une suave intensité de l’accent, un tendre héroïsme du timbre qui, dans cet emploi de haute-contre ô combien délicat, tiennent du prodige. »

Opéra Magazine – juillet/août 2012

« La compagnie lyrique Opera Atelier, troupe basée à Toronto, spécialisée dans les XVIIe et XVIIIe siècles, a pour but avoué de séduire le plus large public possible, en montrant qu’on peut aller voir et écouter du Lully sans ennui, et surtout sans prééparation, tant cette histoire d’amour impossible est universelle (donc «moderne» !). Grâce aussi, et surtout, à une mise en scène aussi spectaculaire que colorée, et à un choix d’interprètes au phyysique avenant.
Ce savoir-faire typiquement nord-américain, à rapprocher de celui qu’on peut voir à l’œuvre dans les comédies musicales, est appliqué à Armide dans une démarche complètement étrangère au rapport entretenu en Europe avec la culture. Les chorégraphies, fort virevoltantes, et les quelques postures «baroques», adoptées ici ou là, n’ont que bien peu de rapports, malgré tout ce qu’annonce le programme, avec la recherche actuelle en la matière. Le décor – entièrement repensé pour cette reprise d’une production créée en 2005 – est, en revanche, aussi agréable que pertinent, avec des panneaux représentant de délicates miniatures persanes et d’immenses caractères calligraphiés. Dommage que les costumes ne soient pas toujours aussi cohérents … On ne peut, cependant, nier l’efficacité de ce travail, au terme d’une soirée menée tambour battant et, au final, fort divertissante.
Pour autant, n’aurait-il pas mieux valu monter l’Armide de Gluck (1777), composée sur le même livret de Quinault, et dont la musique, dramatiquement plus efficace, supporterait mieux, à notre avis, une approche musicale assez générique ? Chez Lully, il ne faut jamais oublier que le chant découle de l’alexandrin et. comme tel, suppose une attenntion maniaque à la déclamation, qui fait le plus souvent défaut ici.
Le Tafelmusik Baroque Orchestra est une formation sur instruments anciens, à laquelle David Fallis imprime une énergie plaisante mais sans grande variété. Quant aux solistes, choisis manifestement autant pour leur physique que pour leur art du chant, ils forment une équipe très inégale. Des seconds rôles assez faiblards, on sauvera les correctes Sidonie et Phénice, sans oublier une Haine impressionnante mais pas très subtile, à la vocalité ausssi musclée que son torse effrontément exhibé par son costume. Joào Fernandes (un ancien du Jardin des Voix) est le seul, avec les excellents Chantres du CMBV, à avoir une vraie conscience du style et des enjeux de la déclamation lulliste. Il est d’autant plus dommage que son Hidraot de grande allure confonde parfois autorité avec brutalité.
La soprano américaine Peggy Kriha Dye s’investit totalement en Armide : l’actrice est belle, la voix longue, la technique solide ; mais sa caractérisation scénique et, plus encore, musicale et littéraire reste sommaire. De surcroît, son incapacité à dire des « u » («Le perfide Renaud me fouit» !) est gênante. Du coup, la révélation est le Renaud de Colin Ainsworth. Le ténor canadien inquiète certes un peu à son entrée, en ponctuant son dialogue avec Arttémidore de mimiques dignes d’un sitcom. Mais on est rapidement impressionné par la flexibilité d’un instrument homogène, d’une belle projection,, et par son soin apporté au français, au phrasé et aux nuances.
Les airs de l’Amant fortuné, qu’on lui atttribue de surcroît, ce quqi au passage est une absurdité dramaturgique, montrent assez son aisance à mpixer l’aiagu, comme à tenir des tessitures haut perchées que pourrait lui envier maint haute-contre. Voici en tout cas un artiste sur lequel plus d’un chef devrait se pencheer avec intérêt, notamment pour Platée ou Orphée. »

Toronto – Opéra Atelier – 14, 15, 17, 18, 20, 21 avril 2012 – dir. David Fallis – mise en scène Marshall Pynkoski – chorégraphie Jeannette Lajeunesse Zingg – décors Gerard Gauci – costumes Dora Rust D’Eye – lumières Bonnie Beecher – avec Peggy Kriha Dye (Armide), Colin Ainsworth (Renaud), João Fernandes (Hidraot) – coproduction avec Glimmerglass Festival


Théâtre de Gennevilliers – 18, 22, 24, 28 septembre 2010 – Orchestre Mercury Baroque de Houston – choristes de l’Ensemble Vocal Lumen de Lumine (chef de choeur Didier Louis) – dir. Antoine Plante – mise en scène Pascal Rambert – lumières Jeremy Choate – avec Lauren Snouffer (la Gloire, Phénice), Sarah Mesko (la Sagesse, Sidonie), Isabelle Cals (Armide), Sumner Thompson (Hidraot, la Haine), Zachary Wilders (Renaud)


Opéra Magazine – novembre 2010

« Singulière Armide. Par le lieu tout d’abord, ce Gennevilliers où le halal et le bobo se mêlent sans forcément se heurter. Par la vision ensuite : Bagdad 2010. Pascal Rambert, un peu chorégraphe, beaucoup scénographe, né en 1962, nous parle d’aujourd’hui. La Gloire et la Renommée arborent le drapeau irakien et la bannière étoilée. Leurs treillis rennvoient au malfaisant « choc des civilisations ». Pourquoi pas ? Le poème romanesque du Tasse, la Jérusa1em délwrée d’où Quinault a tiré son ultime livret, chante l’affrontement islamo-chrétien, avec l’amour comme zone de rencontre éphémère.
Une (micro) histoire économique du monde, dansée, jette sur la scène des images connues. Guantanamo, tortures d’Abou Ghraib, onmiprésence de la vidéo qui dénonce et ensorcelle. Armide, voilée, s’avance avec l’élégance d’une belle de Dubai. La grâce et la projection soyeuse d’Isabelle Cals portent sans faillir les colères et les espoirs de ce rôle splendide. Il y a des scènes troublantes, comme l’acte III où Renaud est enchaîné au milieu de six MacBook diffusant en diaporama son visage aveuglé. Le gazon des enchantements est un green de golf dont les clubs serviront d’armes à la sorcière arabe. Mais le célèbre «Sommeil» a peu inspiré le ténor trop vert de Zachary Wilder. La Haine paraît en 4×4 noir, ses démons sont une compagnie de sécurité privée. »

Diapason – novembre 2010 – Armide ne danse pas

« Le Théâtre de Gennevilliers fait preuve d’une belle audace en programmant cette Armide de Lully. Car le spectacle qu’il coproduit avec l’ensemble Mercury Baroque et l’Opéra de Houston n’a pas d’autre perspective de tournée. On est frappé par l’hiatus entre les canons de la tragédie en musique et l’esthétique défendue par Pascal Rambert à la tête de son Centre dramatique de création contemporaine. Car pour ancrer la traagédie en musique dans l’actualité, l’impasse sur la forme, sa cohérence, sur ses contrastes naturelleement enchaînés était inévitable. Dépouillée de ses divertissements, Armide ne danse pas. Conséquence logique, l’orchestre non plus, qui aère le son pour l’intimité des appartements royaux plus que pour le théâtre, et surtout cherche en vain des appuis, un rebond. Malgré le geste clair, carré même, du chef Antoine Plante, la double-croche meurt sur la suivante quand elle devrait l’animer.
Pourquoi, dès lors, s’encombrer du Prologue, qui est juste une allégorie dansante ? Personnifiées par Lauren Snouffer et Sarah Mesko, Gloire et Sagesse s’échangent leurs étendards aux couleurs de l’Irak et des Etats-Unis, croisades d’Armide obligent. Ce théâtre de la mise à nu des conflits contemporains, que Peter Sellars hier, Krzysztof Warlikowski aujourd’hui ont élevé au rang de rite poétique, Pascal Rambert semble n’en avoir retenu que les gadgets, souvent dérisoires. Effleurant la polémique pour mieux esquiver les enjeux politiques et religieux que sa dramaturgie attise, il refuse de prendre parti. Et nivelle ainsi la carte du ten-dre sur laquelle Armide et Renaud se livrent leur guerre d’amour. Brouillée tant par l’accumulation des poncifs que par une étoffe sans séduction ni rage, l’Armide de la mezzo Isabelle Cals peine à s’incarner. D’autant que sa déclamation se relâche à mesure que la tragédie l’enserre. La haute-contre gracile de Zachary Wilder (Renaud) ne possède pas davantage la carrure du chevalier chrétien, mais au moins cet amant fortuné instille-t-il le temps de la Passacaille ces plaisirs que la scène a abjurés. »

Houston – Wortham Center – 15, 16 mai 2009 – Mercury Baroque – dir. Antoine Plante – mise en scène Pascal Rambert – avec Isabelle Cals (Armide), Zachary Wilder (Renaud), Tyler Duncan (Hidraot), Lauren Snoffer (Phenice), Sarah Mesko (Sidonie), Beau Gibson (Haine)



Théâtre des Champs Élysées – 8, 10, 12, 14, 16, 18 octobre 2008 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – mise en scène Robert Carsen – chorégraphie Jean-Claude Gallotta – décors et costumes Gideon Davey – lumières Robert Carsen et Peter Van Praet – avec Claire Debono (La Gloire, Phénice, Lucinde), Isabelle Druet (La Sagesse, Sidonie, Mélisse), Stéphanie d’Oustrac (Armide), Nathan Berg (Hidraot), Paul Agnew (Renaud), Marc Mauillon (Ubalde, Aronte), Marc Callahan (Artémidore), Andrew Tortise (Le Chevalier Danois), Laurent Naouri (La Haine), Anders J. Dahlin (Un amant fortuné) – nouvelle production



Concertclassic

« Voilà, la vie c’est comme cela. On rêve de quelque chose, et ce rêve se réalise. Les concepteurs du programme vendu pour les représentations d’Armide ont eu tort d’y glisser des photos de l’inoubliée production d’Atys (trois et aussi le frontispice du programme, mais cela suffit) où Jean-Marie Villégier réinventait tout un théâtre des émotions nourri à un vrai souci philologique.
Tout autre chose que le « so chic » et les médiocres facilités que Robert Carsen veut nous vendre en place d’une Tragédie Lyrique….d’ailleurs est-ce encore du Carsen ? Les touristes d’un prologue ridiculement distancié et qui du coup tourne encore plus à vide, appartiennent à la maison d’en face, celle de Laurent Pelly, la haine et son cortège modérément travelotisés semblent échappés de quelques messes noires dont Pierre Audi a le secret. Si, c’est du Carsen, par le chic des décors et le glamour des éclairages, la passion du petit personnel – gardien et conférencières de musée – la redondance des effets – ce sommeil de Renaud enseveli de fleurs et encore et encore des fleurs – l’érotisme tranquille si nécessaire (séduction sans danger pour le Chevalier danois et Ubalde).
Mais est-ce Armide ? Le parti d’en rire qui monopolise trop uniment le Prologue et le IV fatigue, une part du spectacle envahissant la salle et polluant la musique, le I, faible, ne se trouve pas, ni de rythme ni d’expression et ici la direction un peu survolée de William Christie est aussi à incriminer, au II toute la magie du sommeil est envahie par un ballet redondant qui meuble mais ne raconte rien.
C’est le grand problème d’Armide, les espaces de divertissement, si on ne veut pas les considérer avec le souci philologique de restaurer un certain art de danser, devraient au moins servir à enrichir la narration, plutôt que de s’égarer dans une pseudo-chorégraphie. On ne croit pas un instant au III, avec sa Haine plutôt gentille qui transforme ses esprits infernaux en séducteurs partouzeurs. Reste le V où soudain Carsen se refait directeur d’acteur. Alors la Tragédie reparaît, dite, portée, s’incarnant naturellement. Armide meurt et crac, les touristes reviennent, massacrant en une seconde toute l’émotion qu’on avait enfin trouvée. Sacrilège d’un metteur en scène qui, parce qu’il tient à sa petite idée, assassine son vrai travail.
Musicalement aussi on est resté déconfit : le peu que Renaud a à chanter indique que Paul Agnew n’a pas la voix du redoutable chevalier, Nathan Berg charbonne un peu trop son Hidraot, les hautes-contre (le Chevalier, l’amant heureux) sont parfaits mais assez anonymes, Laurent Naouri peine dans la tessiture basse de la Haine, les confidentes d’Armide sonnent un peu pointu, mais une mention spéciale pour Marc Mauillon, Ubalde et Aronte impeccables.
Et Armide ? Stéphanie d’Oustrac n’a pas exactement la voix de bas-dessus voulue par Lully, mais on ne peut pas la charger, elle est Armide, et même plus l’amoureuse que la magicienne, ce qui donne à son personnage un degré supplémentaire de séduction qui dépasse ses simples appâts physiques. D’où vient que Les Arts Florissants jouent si peu ensemble ? Soir de première, cela se fera, mais le spectacle lui, débattu entre sifflets et bravos, ne changera pas son pelage. »

Res Musica

« De style typiquement « Carsen », la mise en scène joue sur les contradictions de style, de couleur, d’interprétation du livret. Un maxi écran sur scène a annoncé une visite (filmée) de Versailles, simulée en salle par le chœur parmi les spectateurs et expliquée sur scène par la Sagesse et la Gloire, en tailleur gris et baguette-fouet noire, oscillant entre des professeures pédantes et des femmes en talons dans des pratiques sado-masos. Après ce début bouleversant, tout a été une sorte de répétitions de lieux communs à partir de l’élément fétiche, sexuel par définition : le lit (du roi, de Renaud, d’Armide), jusqu’à la caractérisation d’Armide mi-Circé, mi-Salomé.
La scénographie et les costumes ont fait alterner à la couleur gris-argent symbole du sommeil, de l’ennui, de la tristesse et de la mélancolie, le rouge brillant de l’amour, de la passion, du sang, de l’érotisme, du diabolique, de la haine, de l’égoïsme, de l’amour infernal. C’est pourquoi le « bon » Renaud renonçant à la luxure à la fin de l’opéra change ses vêtements gris avec les rouges d’Armide.
Dans ce portrait scintillant bicolore, la chorégraphie contemporaine de Jean-Claude Gallotta associée à la musique a déterminé une tension et un déséquilibre qui, contre toute attente, produit une émotion à la fois inattendue et étrange. La chorégraphie, calquée sur le langage des signes, paraît se moquer ici et là des excès de l’époque.
On se serait attendu à quelque chose de plus de la part de l’Orchestre des Arts Florissants dirigé du clavecin par William Christie. L’orchestre peine à trouver son équilibre et les percussions manquent souvent de précision. Les chanteurs, confrontés à un livret complexe, suscitent bien l’émotion décrite ou évoquée par les paroles grâce à la prononciation des consonnes et des voyelles, si importante dans la rhétorique baroque. La déclamation lyrique créée par Quinault, très respectueuse des sonorités, des intonations et des accents toniques de la langue française a été parfaitement respectée par tous les chanteurs. Stéphanie d’Oustrac dans le rôle d’Armide s’est imposée sur scène avec une présence éclatante. Sa voix de mezzo-soprano d’une forte intensité dramatique et d’une égale sensualité a éclipsé un Renaud (Paul Agnew) un peu trop ensommeillé. Son timbre de ténor aigu séduit par une certaine fragilité mais ne traduit pas son conflit intérieur. Ses valeurs martiales tel que l’honneur, la justice, la fierté masculine ne sont pas déclinées en tant que tourment émotionnel mais comme simple représentation d’un conflit quotidien. Quant à la Haine, Laurent Nouri joue son rôle avec un certain humour qui touche au ridicule à cause du déshabillé rouge qu’il porte.
Bien réussi en revanche le grand moment de l’opéra avec l’extraordinaire passacaille en sol mineur considérée comme le testament libertin de l’époque qui, selon les vœux de Lully, devrait entrainer l’auditeur dans une sorte d’enchantement et de transe… « 

Musicologie

« Le metteur en scène canadien donne le ton avant même le début du spectacle, convoquant un gardien de musée désoeuvré devant un écran indiquant « prochaine visite à 19h30 » (l’heure de la représentation). Le prologue est à l’avenant, promenant des touristes en polo dans la salle encore éclairée ou, par vidéo interposée, en plein château de Versailles, dans la galerie des glaces et la chambre du roi, alors que Lully et Quinault chantent la gloire et la sagesse de Louis XIV. Une dizaine de danseurs du centre chorégraphique national de Grenoble que dirige Gallotta apparaissent aussi à l’image, batifolant dans les jardins de Le Nôtre. Ailleurs, la danse de Gallotta est parfois pas très lisible ou trop décorative, et sollicite un peu trop les choristes.
Carsen, lui, a laissé s’endormir sur le lit du roi un visiteur particulier : c’est Renaud, le chevalier que la magicienne Armide hait mais dont elle tombera amoureuse après l’avoir ensorcelé. Dans un décor gris argent nimbé de voiles joliment éclairé, ou avec un sol jonché de pétales de roses rouges, le metteur en scène compose de bien belles images, mais peine à les animer d’une tension constante. Même l’échappée bouffe du IVe acte est fort sage. Le Canadien recueille quelques huées aux saluts, mais peu importe puisque le théâtre est dans la fosse. Christie dirige en effet d’une main impérieuse un orchestre charnu et contrasté (la percussion !), quand il ne fait pas crépiter son clavecin pour le continuo servant d’écrin aux récitatifs, là où la fusion entre le mot (de Quinault) et la note (de Lully) est à son sommet.
La distribution est formée de chanteurs pour la plupart rompus à l’art de la déclamation lyrique. Si le ténor écossais Paul Agnew déçoit par ses aigus fragiles et altérés, Stéphanie d’Oustrac impose en Armide une forte incarnation de tragédienne, torche vive dans sa robe rouge sang.
Les confidentes de la magicienne (la soprano maltaise Claire Debono, la mezzo Isabelle Druet) sont d’une éloquence remarquable, tandis que le baryton-basse Laurent Naouri est La Haine avec beaucoup de caractère, façon Méphisto travesti. »

Le Monde

« Une bordée de huées a accueilli le metteur en scène Robert Carsen à l’issue de la première représentation d’Armide, de Lully, que présentait, le mercredi 8 octobre, le Théâtre des Champs-Elysées à Paris. Pourtant, cette fois encore, le Canadien s’est tenu dans les limites paresseuses d’un bon chic bon genre visuel (entre le gris perlé des vitrines Dior, en face, avenue Montaigne, et la jonchée de roses rouges du film American Beauty) et a tout organisé autour d’un seul concept fétiche (le lit du roi), décliné ad nauseam, sur fond de mise à distance de l’objet historique référencé que constitue cet opéra Grand Siècle : on commence par une visite filmée de Versailles, au cours de laquelle un touriste, Renaud, s’endort sur le lit du roi. A la fin de l’ouvrage, juste après le climax qui voit Armide s’occire, on revient à la visite grotesque du début. Ah ! Ce n’était qu’un rêve…
Armide est une méchante tentatrice, elle est donc en déshabillé rouge. Les esprits infernaux qu’elle excite sont bien sûr vêtus de la même tenue. Quand Renaud, devenu à son tour cruel, quitte Armide, comment Carsen l’habille-t-il ? De rouge, bien sûr. On reste ébahi devant l’usage de telles ficelles conceptuelles qui, par leur choix, obligent de surcroît à doubler, voire à tripler, des préludes et postludes pour meubler en musique les encombrements « dramaturgiques » de Carsen.
Le chef William Christie manque de précision et peine à trouver un équilibre dans la conduite des cinq actes de l’ouvrage. Les deux premiers défilent dans une sorte de flux presque indifférent, d’autres moments s’amollissent (le dernier air d’Armide) ou tombent d’eux-mêmes (l’acte IV, une scène de comédie souvent coupée). Il réussit en revanche la scène de ballet de l’acte II. La chanteuse Stéphanie d’Oustrac (Armide) compense ses faiblesses (raideur et émission basse des aigus) par une présence rayonnante et une diction parfaite. En Renaud, Paul Agnew, fin musicien habitué de ces rôles de ténor aigu, semblait absent et a eu un long trou de mémoire au cours du « Sommeil », le moment le plus connu de la partition.
L’élément le plus convaincant de la soirée est la chorégraphie de Jean-Claude Gallotta, qui ne moque pas le legs baroque et parvient à finement réinventer une rhétorique aussi libre que respectueuse. »

Les Échos

« Un Lully un peu trop sage – Un spectacle habile, dans lequel la musique prime sur le théâtre – Musicalement, il serait malvenu de faire la fine bouche, même si l’on a connu les « Arts flo » plus précis et plus disciplinés. Le son est agréable, vibrant, nourri, le continuo riche (deux clavecins, deux théorbes, une basse de violon, une viole de gambe), la narration véloce ; la direction de Christie trouve à s’épanouir dans ce style français qui est son domaine d’élection. La finesse sans le maniérisme, la noblesse sans l’emphase, histoire de prouver à ses détracteurs que Lully est tout sauf compassé : voilà qui aide à la dynamisation du récit.
Voix équilibrées et homogènes – L’équipe vocale chargée de défendre cet « opéra des dames », puisque tel était son surnom, est équilibrée et homogène, maîtrisant aisément la langue et la prosodie, et rendant justice aux vers majestueux et enflammés de Philippe Quinault. Claire Debono (La Gloire/Phénice/Lucinde) et Isabelle Druet (La Sagesse/Sidonie/Mélisse) font assaut d’élégance primesautière ; Marc Mauillon (Aronte/Ubalde) et Andrew Tortoise (Le Chevalier danois) manient l’humour avec distinction et discrétion ; Anders J. Dahlin (Un amant fortuné), Marc Callahan (Artemidore) les rejoignent dans la musicalité et la justesse stylistique ; et Laurent Naouri (La Haine) met à profit ses talents de comédien. La classe de Paul Agnew est indéniable, la clarté de son timbre, l’impact de sa diction pourraient servir d’exemple. A ses côtés, Stéphanie d’Oustrac, à la voix naturellement émouvante, fièrement projetée dans le registre supérieur et débarrassée de certaines opacités qui lui ôtaient une partie de son pouvoir d’émotion.
Pourquoi faut-il que ce Renaud, que cette Armide, qu’on a plaisir à voir et entendre, ne poussent pas davantage la caractérisation théâtrale et ne fassent pas mieux sentir l’évolution de leur personnage ? La mise en scène de Robert Carsen les aide-t-elle vraiment ? L’idée de situer le prologue de nos jours, alors qu’il glorifie Louis XIV, et de faire de la Gloire et de la Sagesse deux guides menant des troupeaux de touristes dans le château de Versailles n’est ni très drôle ni très originale, pas plus que l’utilisation de la vidéo ou que la chorégraphie gentillette de Jean-Claude Gallotta. Le retour au XVIIe siècle, dans les décors et costumes de Gideon Davey, est prétexte à quelques jolies images, à des effets de gris, noir et rouge (le sommeil de Renaud au milieu de fleurs) mais comme souvent chez Carsen le propos est plus décoratif que vraiment profond. La tragédie lyrique se doit d’être autrement plus passionnée. Faire un spectacle efficace et de bonne tenue ne suffit pas pour réussir une vraie mise en scène. Intéressé, alors qu’il eût aimé être touché, tant la musique est superbe, le spectateur est malgré tout satisfait que Lully ne soit pas trahi. »

Operabase – L’Atelier du chanteur

« La tragédie lyrique a atteint ces dernières années en France une remarquable maturité, sans tomber dans la routine. Après le Châtelet pour les Paladins de Rameau, c’est le Théâtre des Champs-Élysées qui accueille une production très aboutie des Arts Florissants, qui dialoguent à nouveau très richement avec un grand chorégraphe, aujourd’hui Jean-Claude Gallotta. On espère que des productions de ce niveau survivront à la crise économique et que la Caisse des Dépôts, entre deux banques à sauver de la faillite, trouvera encore son intérêt dans le mécénat culturel !
Pendant cette soirée, l’impression la plus forte est de recevoir cet opéra de manière aussi directe que par exemple la Traviata, en étant pris « par les tripes », au premier degré, sans distanciation, sans « pose ». L’expérience accumulée par tous les artistes leur permet de s’engager désormais dans ce répertoire avec un parfait naturel, une entière sincérité, sans se brider en ayant la tête farcie de traités d’ornementation et de style. Quinault et Lully en ressortent grandis, pères d’une oeuvre d’une remarquable efficacité dramatique. Un beau contraste par rapport à la production de 1992 ici-même, sans unité ni élan, visuellement laide et musicalement peu convaincante.
Le travail d’équipe des metteurs en oeuvre de cette production est remarquable. La direction de William Christie est d’une vitalité renouvelée, la mise en scène de Robert Carsen d’une intelligence presque discrète, la chorégraphie de Jean-Claude Gallotta à la fois moderne et parfaitement intégrée. Comme c’était le cas pour les Paladins, tous les interprètes ont gagné au contact du chorégraphe : tous les mouvements scéniques sont merveilleusement justes et comme chorégraphiés.
Devant cette réussite exemplaire, on est stupéfait (plus encore que choqué) qu’une partie du public ait pu huer le metteur en scène venu saluer. Qu’attendaient-ils d’autre, et par quoi ont-ils pu être déçus ou heurtés? Par une séduisante apparition féminine presque nue? Par une traduction trop dépouillée des ors et des argents versaillais, rendus par la lumière plus que par le stuc? Par la cohorte des choristes assaillant de leurs baisers Stéphanie d’Oustrac « livrée à l’amour » par la Haine? Pensent-ils qu’une version de concert leur aurait offert la même qualité d’émotion, sans le remarquable travail de direction d’acteurs effectué? Par indulgence, nous supposerons que cette frange excessivement cultivée du public aura été choquée de la suppression de la scène 3 de l’acte V!
Étrange flottement en effet que celui créé par cette suppression : Renaud vient de chasser les Plaisirs qu’il est incapable de goûter en l’absence d’Armide, et quand celle-ci revient, lui s’éloigne vaguement dans le fond, avec une gauche veulerie plus houellebecquienne que lullyenne! Il a tout bonnement décidé, finalement, de préférer la Gloire à l’Amour! Il n’a eu aucun besoin du bouclier de diamant apporté par Ubalde et le chevalier danois pour rompre l’enchantement! Armide n’a d’ailleurs guère besoin de démons non plus. Il y a bien des bergères ou des nymphes qui dansent de ci de là, mais ils font tapisserie plutôt que d’être les agents implacables d’une Maîtresse. Pas d’envol dans les airs, pas d’exil, de retraite… Robert Carsen a-t-il voulu débarasser les éternelles passions humaines de leurs déguisements d’époque? Restent des êtres de chair et un texte, celui de Quinault. Pour comprendre sa tragédie, on ne peut pas se contenter du jeu scénique : il faut ce soir suivre tous les mots prononcés. Sinon on ne comprend pas non plus le comportement d’Hidraot avec Armide, qui ressemble à celui d’un prétendant éconduit alors qu’il est son oncle.
Il est vrai que Stéphanie d’Oustrac, et Armide avec elle, est bien séduisante, fatale! Les lumières rasantes mettent en valeur l’éclat des yeux, les expressions du visage, aussi fulgurantes que les éclats vocaux. À nouveau en grande forme vocale, Stéphanie d’Oustrac incarne totalement son personnage, que l’on entendait et espérait déjà dans sa Médée de Thésée il y a dix ans sous la baguette du même Christie.
Tout le plateau vocal est d’un niveau qui rend la critique assez vaine. Tout au plus pourrait-on reprocher à Nathan Berg un manque de clarté de son texte? Paul Agnew est ce soir d’une « solide fragilité », c’est à dire que son timbre élégiaque séduit par sa fragilité, tout en ne montrant pas de signes de faiblesse! Il échappe en tout cas à l’empâtement et à la raucité dont il est parfois victime. Laurent Naouri est égal à lui-même, mais sa scène de la Haine est à mon sens la plus faible de la soirée. On n’y croit simplement pas. Un tempo d’abord trop rapide contraint Naouri à avaler le quart de son texte. Les déshabillés rouges qui vêtent pareillement hommes et femmes n’assoient pas davantage son autorité, non plus que son apparition debout sur le lit, position plutôt faible, ridicule et inconfortable. Après une danse bien doucereuse des suivants de la Haine, il n’est pas étonnant qu’Armide repousse facilement son secours. Une fois repoussé, Laurent Naouri chante d’ailleurs de manière bien plus crédible.
Marc Mauillon séduit comme déjà à sa sortie de conservatoire et depuis. Son instinct de comédien lui fait trouver des accents saisissants pour « c’est lui-même », dans un grave mordant très ouvert, ou plus tard pour « molle oisiveté », dans une coloration opposée. Isabelle Druet n’a pas ici de quoi épanouir le talent qu’elle manifestait en sortant du même conservatoire. Andrew Tortise en chevalier et Anders J. Dahlin s’affirment de manière intéressante dans leurs tessitures élevées.
L’un des seuls désagréments de la soirée est produit par l’amplification excessive du continuo, qui crée des effets étranges de spatialisation et de durs échos du son contre les balcons. Le traitement du continuo par Christie est déjà bien moins sec que jadis, se rapprochant plutôt de celui de René Jacobs. Si le son en paraît cependant toujours trop faible, pourquoi ne pas enrichir encore sa trame musicale et son effectif plutôt que de recourir à des artifices électroniques ?
Robert Carsen utilise bien la salle, où il fait circuler puis chanter les choristes du prologue. Ubalde et le Chevalier arrivent aussi sur scène à travers la salle, où les spectateurs figurent plaisamment les « monstres horribles » qu’ils croisent. Les décors minimalistes sont superbement mis en valeur par la lumière diversement dorée ou argentée. La scène pastorale de l’acte II (« Plus j’observe ces lieux… ») se noircit d’un coup à l’arrivée d’Armide (« Enfin, il est en ma puissance »), les roses rouges y restant les seuls points de couleur.
Le Prologue se joue au château de Versailles, lors d’une visite touristique. Les danses du prologue sont ainsi entièrement filmées et projetées. Elles parviennent à rester presque parfaitement synchronisées avec la direction de Christie, temporairement transformé en accompagnateur de film muet.
Le touriste Paul Agnew s’endort sur un lit à baldaquin, avant de se réveiller lors d’un bref épilogue qui permet de retrouver le château. Sur le lit où elle s’était poignardée (ce qui est plus moderne et aussi plus facile que de s’envoler dans les airs), Armide est remplacée par Paul Agnew, réveillé par la guide du groupe suivant. Paul Agnew aura donc rêvé la tragédie d’Armide. Bien que ce soit une des ficelles les plus usées de la mise en scène, ce n’est qu’en tapant ces mots que j’y pense! Manifestement, cet enrobage plaisant n’ajoute ni ne retire rien à la qualiét dramatique des cinq actes qu’il enserre. Il rend juste le spectacle un peu plus total, mais l’essentiel se joue tous les soirs sur le plateau et dans la fosse ! »

Opéra Magazine – novembre 2008 – 10 octobre 2008

« Prochaine visite à 19 h 30 : l’indication figure sous le beau tableau de Jean-Baptiste Martin représentant Versailles au XVIIe siècle, projeté en fond de décor avant même que l’oeuvre commence. derrière un cordon de séparation et à côté d’un gardien assoupi. Deux conférencières expansives guident peu après un groupe de touristes, tandis que défilent sur l’écran autant de peintures de Louis XIV et de vues intérieures du château, bientôt suivies du ballet des visiteurs, dans la Grande Galerie puis dans le parc.
On s’inquiète un peu de ce début, dont le parti de mise à distance. en même temps que la volonté d’ancrage dans le monde contemporain, créent un hiatus tout de même bien brutal avec la beauté du Prologue, heureusement conservé. Prologue qu’il est, dans ces conditions, difficile d’apprécier jusqu’à ce que la dernière image — un visiteur (le futur Renaud) s’endormant dans le lit même de Louis XIV — enchaîne avec le début de la Tragédie. Transition brillante, en « fondu enchaîné » pour ainsi dire, avec la même scène, déployée dans le décor très radiné de Gideon Davev : la chambre du Roi certes, mais stylisée, dépouillée, plongée dans une lumière gris argenté, dédoublée par tus beau reflet, et derrière la balustrade, le lit d’où se lève bientôt Armide. Il s’agit donc d’un rêve. justifiant le climat onirique de l’ensemble de la production, pour une oeuvre où le songe et le sommeil tiennent aussi la place que l’on sait. Le finale bouclera la boucle, avec le retour des guides et des touristes photographiant la chambre.
Outre que le parti de mise en scène n’est pas vraiment nouveau, on n’est pas sûr qu’il soit le plus pertinent pour faire revivre l’ultime « tragédie en musique » de Lully (Paris, 1686), dans son rendez-vous manqué avec le souverain. En effet, l’oeuvre fut créée à la Ville (et non à la Cour…) et Louis XIV refusa d’assister aux représentations, ce qui a conduit certains auteurs à parler d’échec le soir de la première, alors que le succès public fut d’emblée au rendez-vous. Et l’on ne peut s’empêcher de comparer avec le Thésée de Jean-Louis Martinoty, joué la saison dernière sur cette même scène, où la figure royale servait à l’élaboration d’un concept autrement convaincant. Pour autant, avec cet imaginaire, Robert Carsen est lui aussi dans son royaume, et la suite, d’une qualité plastique toujours de premier ordre, malgré le décor unique et l’absence de recours aux machineries, donne lieu à de nombreux tableaux d’une intensité saisissante.
Le spectacle, en plus, bénéficie du concours particulièrement efficace de la chorégraphie très inventive de Jean-Claude Gallotta, avec ses excellents danseurs du Centre chorégraphique national de Grenoble. Elle allie références au classicisme et danse contemporaine, en intégrant magistralement le choeur des Arts Florissants pour culminer dans un ensemble véritablement inspiré, au moment magique de la passacaille du V. Pour le reste, la représentation repose sur le très lourd rôle-titre dans lequel Stéphanie d’Oustrac s’engage magnifiquement, dès qu’elle se dresse du lit, seule en rouge au milieu de l’harmonie des gris. Tempérament de feu (ce n’est plus une surprise) mais sachant nuancer, beau timbre, solidité de l’aigu, largeur des graves, grande séduction en scène : le personnage lui va à merveille. Et c’est elle qui réveille des passages qui tendraient à languir, tel son « Enfin, il est en ma puissance ».
Son environnement est de haut niveau du côté des dames avec deux suivantes aux rôles multiples : Claire Debono et Isabelle Dmet. Bénéficiant de la même superbe direction d’acteurs, le groupe masculin est plus inégal, mais on y distingue le très joli timbre du jeune Andrew Tortise, la belle fermeté et le noir profond de Laurent Naouri, tels qu’on les attend dans l’intervention relativement brève et ingrate de la Haine (étonnant double d’Armide, sortant du même lit, et tentant de l’embrasser, en une scène particulièrement puissante !), ou le relief de 1’Hidraot de Nathan Berg, très bien accordé à l’héroïne pour le magnifique duo « Esprits de haine et de rage ».
Après son Thésée de la saison dernière, Paul Agnew dont le Renaud est fort peu héroïque, nous pose problème. La technique n’est certes pas en cause, mais le style d’interprétation reste celui d’il y a une bonne vingtaine d’années, pour ce fidèle de la première heure de William Christie. Il est aujourd’hui le seul sur le plateau à chanter avec ces oscillations constantes de volume, ce soutien volontairement inégal, qui passaient alors pour le seul mode adéquat de l’expressivité baroque : le contraste est gênant, en particulier avec sa partenaire principale dans le duo du V.
Le chef lui-même n’a pas varié depuis les représentations parisiennes d’Atys en 1987, avec un orchestre des Arts Florissants impeccable — mais qui n’est pas réaccordé après le 1, et baisse alors sensiblement. L’ensemble procède sûrement et d’un pas égal, avec sagesse, parfois non sans un peu d’ennui dans cette oeuvre souvent en demi-teinte, voire mélancolique. Hors les interventions d’une percussion surhaussée par rapport à l’orchestre, on souhaiterait parfois des accents plus vigoureux, des contrastes plus marqués… Pour autant, rien ne dépare une production que l’on espérait peut-être plus irrésistiblement et uniment enthousiasmante, mais qui reste au total d’une haute tenue. »

ClassiqueInfo.com – Les sortilèges d’Armide au Théâtre des Champs-Elysées

« Créée triomphalement le 15 février 1686 à Paris, l’ultime tragédie lyrique due au génie de Lully et Philippe Quinault marque l’apogée de la collaboration entre le compositeur et le poète. L’œuvre appartient à une série d’opéras abandonnant les sujets mythologiques pour des thèmes issus de récits de chevalerie, déjà abordés dans Amadis (1684) et Roland (1685).
L’architecture rigoureuse de l’œuvre en cinq actes précédés d’un prologue à la gloire de Louis XIV, où la Gloire et la Sagesse se flattent de régner de concert dans le cœur du monarque, dresse avant tout le portrait saisissant d’une magicienne asservissant ses ennemis grâce à ses enchantements sans jamais succomber elle-même à l’amour. Seul, Renaud échappe à son pouvoir et Armide résout alors de tout mettre en œuvre pour le vaincre. Pris au piège des illusions d’Armide, le guerrier tombe au pouvoir de la magicienne qui ne peut pourtant l’immoler. Réalisant qu’elle aime Renaud malgré elle, mais désirant garder sa liberté et le contrôle de ses sentiments, Armide fait appel à la Haine pour extirper l’amour de son cœur. Renonçant finalement à son dessein, la magicienne provoque le mépris de la Haine qui l’abandonne au pire sort qui soit : celui d’aimer réellement Renaud qui ne reste auprès d’elle que grâce à la magie dont elle use à son égard. Tandis que le héros est pris dans les rets de la magicienne, deux de ses compagnons tentent de le retrouver et de le libérer. Recouvrant la raison, Renaud quitte Armide, provoquant son désespoir, puis sa colère. La magicienne abandonne son palais qui s’effondre immédiatement à ses ordres.
Ce thème qui s’accordait avec le goût du public de l’époque pour l’exotisme, le merveilleux et les machineries spectaculaires (l’effondrement du palais d’Armide dans les décors de Berain fut d’ailleurs reproduit sur le frontispice de l’édition de l’opéra publiée chez Ballard dès 1686) n’est pas sans évoquer celui d’Alcina, et c’est sans doute ces similitudes qui poussèrent Robert Carsen, auteur d’une belle mise en scène de l’Alcina de Haendel à l’Opéra Garnier en 1999, à modifier la fin de l’œuvre. Dans la vision proposée au Théâtre des Champs-Elysées, Armide se poignarde, telle une sœur lointaine d’Alcina, au risque de rendre le livret incohérent, affadissant ainsi sans raison ce personnage redoutable et finalement presque inhumain (malgré le basculement spectaculaire de l’acte III).
La mise en scène de Robert Carsen dans des décors et costumes de Gideon Davey laisse un fort sentiment de « déjà-vu ». Le spectateur y retrouve en effet quelques constantes du travail du metteur en scène canadien très présent à Paris : décors sobres et écrasants, goût pour des nuances neutres contrebalancées par des couleurs très vives (ici le rouge qui vêt Armide et les démons qu’elle conjure), éclairages soignés jouant volontiers sur les clairs-obscurs… Le prologue conçu en interaction avec le public, à l’image de l’Ariadne auf Naxos présentée cet été au festival de Munich, est traité avec dérision. Robert Carsen convie le spectateur à une visite de musée, en l’occurrence Versailles, avec guides célébrant la gloire de Louis XIV à grand renfort de projections vidéo, et touristes bruyants se mettant à danser impromptu dans la galerie des glaces et les bosquets. Parmi eux, « Renaud » s’endort sur le lit du roi : Armide est donc le rêve de ce touriste égaré dans le palais enchanté. La « fin » boucle la boucle en quelque sorte, en insérant un « épilogue » en lieu et place de l’effondrement du palais d’Armide : la cohorte de touristes découvre un homme endormi sur la couche royale, véritable sacrilège. Agaçant dans le prologue, ce parti pris anéantit l’effet dramatique de la conclusion de la tragédie. Les actes II et III sont les plus réussis, à défaut d’être très originaux (on a l’impression de revoir un mélange d’Alcina et des Boréades), grâce à quelques images saisissantes telles que la conjuration des démons (acte II, scène 2), l’apparition soudaine d’Armide à la fin de l’acte II, ou celle de la Haine, vêtue de rouge tel un double maléfique de la magicienne amoureuse (acte III, scène 4). En revanche, le célèbre monologue d’Armide « Enfin, il est en ma puissance » est « contredit » par la scénographie imposant à Armide de se dépouiller de ses vêtements dès son entrée et anticipant la fin de l’acte qui verra la capitulation de la magicienne. L’acte IV qui marque une légère pause dans la progression de la tragédie est traité en contrepoint du drame, en un comique appuyé. Pour une raison qui nous échappe, la scène du retour à la raison de Renaud, indispensable à la compréhension de son départ qui cause la fureur de la magicienne, a été coupée (acte V, scène 3).
La danse, si importante dans cette œuvre, a été confiée au chorégraphe Jean-Claude Gallotta qui semble hésiter entre deux styles : quelques reprises d’un vocabulaire baroque immédiatement démentis par une gestuelle heurtée, et des ballets qui se veulent lascifs mais si répétitifs qu’ils finissent par distiller un subtil ennui.
En dépit des faiblesses de la mise en scène et de la chorégraphie, la partition de Lully laisse une impression indélébile tant les moindres éléments y sont poussés à la perfection : équilibre de la composition entre scènes déclamées et danses, beauté et expressivité des récitatifs, variété des formes, caractérisation subtile de la redoutable magicienne. William Christie à la tête de l’orchestre et du chœur des Arts florissants (parfaits) dirige l’œuvre en prêtant une grande attention à l’équilibre des pupitres, aux changements d’atmosphères (transition remarquable de la scène de la fuite de Renaud et de la conjuration des démons à l’acte II scène 2), aux couleurs, et à la dynamique (danses très enlevées, sommeil de Renaud d’une rare poésie, acte II scène 3).
Dans le rôle écrasant d’Armide, réclamant autorité et charisme, Stéphanie d’Oustrac est admirable : la voix est à l’aise sur toute la tessiture, et les inflexions épousent les moindres nuances du texte de Quinault et de sa traduction en musique. Elle est aussi convaincante en princesse altière et orgueilleuse qu’en magicienne ébranlée par l’amour qu’elle ressent malgré elle, ou en sorcière vengeresse, et ce, malgré l’orientation de la mise en scène. La voix gracieuse de Paul Agnew a semblé fatiguée au début de l’acte II, le chanteur paraissant plus à l’aise dans les passages purement poétiques que guerriers, livrant un magnifique air du sommeil (acte II, scène 3). Les petits rôles sont dans l’ensemble un trop légers (les bergères et nymphes de Francesca Boncomagni, Violaine Lucas et Virginie Thomas, l’Artémidore de Marc Callahan), l’Hidraot de Nathan Berg assez terne à l’aigu parfois détimbré, mais on distingue la Haine de Laurent Naouri retrouvant toute son autorité après une entrée très tendue et l’Amant fortuné de Anders J. Dahlin au très beau phrasé. La Phénice de Claire Debono, soprano au joli timbre fruité et la Sidonie de Isabelle Druet, parfois en peine dans le registre grave au prologue (rôle de la Sagesse), sont très bien, alors que les deux chevaliers (Marc Mauillon et Andrew Tortise) ont sans doute pâti du traitement résolument « bouffe » de leur rôle. »

Washington – Clarice Smith Performing Arts Center – College Park MD – 4 février 2007 – version de concert – Opera Lafayette – New York Baroque Dance Company – dir. Ryan Brown – chorégraphie Catherine Turocy – avec Stephanie Houtzeel (Armide), Robert Getchell (Renaud), François Loup (Hidraot, Ubalde), William Sharp, Miriam Dubrow, Tony Boutté, Ann Monoyios – édition préparée par Lois Rosow, professeur à l’Ohio State University

 

Toronto – Elgin Theatre – 5, 6, 8, 10, 11, 12 novembre 2005 – dir. Andrew Parrott – mise en scène Marshall Pynkoski – avec Stephanie Novacek (Armide), Colin Ainsworth (Renaud), Monica Whicher (Phenice), Jennie Such (Sidonie), Olivier Laquerre (Chevalier Ubalde/Artemido), Alain Coulombe (Hidraot), Michiel Schrey (Chevalier Danois), Curtis Sullivan (La Haine/Aronte) – première représentation en Amérique du Nord



Opéra d’Anvers 15, 17, 19, 20, 22 novembre 1992 – Théâtre des Champs Elysées – 30 novembre, 2, 4, 6, 8 et 9 décembre 1992 – Compagnie Larsen – Choeur et Orchestre du Collegium Vocale de Gand – dir. Philippe Herreweghe – mise en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser – chorégraphie Stéphanie Aubin – décors Christian Fenouillat – costumes Elisabeth Neumüller – lumières Hervé Audibert – avec Sylvie Brunet (Armide), Howard Crook (Renaud), Véronique Gens (Phénice, la Gloire), Noémi Rime (Sidonie, la Sagesse), Gilles Ragon (le Chevalier Danois), Luc Coadou (Aronte)

« Le plateau, vide de tout décor, est animé par les glissements verticaux ou latéraux de toiles peintes abstraites…Ce qui reste le plus important, c’est l’omniprésence de la chorégraphie, bien dans l’esprit d’une oeuvre dont la danse est (avec le récitatif) la constituante essentielle…Les costumes, très colorés, participent de cette séduction visuelle, à laquelle ils ajoutent une touche de drôlerie…La direction de Herreweghe est affectée des mêmes limites : extrêmement précise dans ses intentions et ses contours, elle inhibe les chanteurs plus qu’elle ne les inspire, et ce en dépit d’ensembles (le choeur !) superbes…La voix de Sylvie Brunet possède une pâte et une projection rares, mais la diction ouverte, vieillotte, très « année cinquante » semble aussi mal adaptée à la subtilité du genre que de moyens vocaux dont elle est forcée de contrôler en permanence l’adéquation du style. Il s’agit malgré tout d’une interprète à l’incontestable présence dramatique qui rend à Armide sa dimension tragique, parfois trop occultée au cours d’un spectacle fort controversé. »

Arma – Académie d’opéra baroque – 1989 – mise en scène Michel Verschaeve

 

Théâtre des Champs Elysées – 27 janvier 1983 – version de concert – dir. Philippe Herreweghe – avec Rachel Yakar (Armide), Zeger Vandersteene (Renaud), Danièle Borst (Phénice, la Gloire), Suzanne Gari (Sidonie), Greta de Reyghere (la Sagesse), Isabelle Poulenard, (une Bergère) Ulrich Cold (Hidraot), Martin Engel (Ubalde, Artémidore), Guy de Mey (le Chevalier danois), Ulrich Studer (Aronte, la Haine)

« Philippe Herreweghe a eu le courage de s’attaquer à l’Armide »… »La partition que Philippe Beaussant et Renaud Machart ont dû reconstituer et dont ils ont donné une version délicatement ouvragée et orchestrée »… »Musique extrêmement dépouillée, aux reliefs volontairement émoussés »… »Renaud, pas plus qu’Armide, ne pouvaient nous combler, car trop souvent en coquetterie avec la justesse »… »ce furent les seconds protagonistes qui nous comblèrent le mieux »… »Même avec ses faiblesses, cette Armide marque une date dans la résurrection de l’opéra français au XVIIIe siècle ».
« La version de concert fut accueillie avec enthousiasme par un public qui découvrait la complexité de la musique de Lully qu’on avait tendance à juger linéaire » (Opéra International – avril 1983)

Birmingham – 1981

 

Festival de Wiesbaden – 1959 – reprise de la version révisée par Henri Busser

 

Bordeaux – 1957 – version révisée par Henri Busser

 

Genève – 1939

 

Monte Carlo – 6 avril 1918 – première reprise en version scénique – avec Croiza, Campagnola

 

Florence – 12 mai 1911 – version de concert

 

Schola Cantorum – Paris – 24 novembre 1905 – version de concert

 

Conservatoire de Bruxelles – 1887 – extraits

Conservatoire de Paris – avril 1832 – Monologue d’Armide – à l’initiative de François-Joseph Fétis – Membres du Conservatoire dirigés par François Habeneck