Iphigénie en Tauride

COMPOSITEUR Henry DESMAREST / André CAMPRA
LIBRETTISTE Joseph-François Duché de Vancy / Antoine Danchet

 

Tragédie en musique en cinq actes et un prologue, commencée par Henry Desmarest, aux environs de 1696, sur un texte de Joseph-François Duché de Vancy. Obligé de quitter la France pour la Belgique, puis l’Espagne, il laissa l’oeuvre inachevée.

Louis Ladvocat évoque plusieurs l’ouvrage de Desmarest dans ses lettres à l’abbé Dubos :

lettre du jeudi 9 décembre 1694 : Il y a un poète (Joseph de la Grange-Chancel) qui est venu me voir. Il y a trois ou quatre jours qu’il travaille pour l’Hôtel (des Comédiens Français) à la tragédie de l’Iphigénie Taurique.[…] ce sujet-là me semble un des meilleurs. De savoir maintenant si l’on pourrait en faire un opéra. Présentement que la Rochechouai ne joue plus, il n’y a que Fanchon qui pourrait faire la femme peu passionnée de Thoas que l’on y ajouterait. Pour Iphigénie, vous entendez très bien que Mlle Desmatins s’en acquitterait. Comme elle serait conduite par la fureur d’Oreste en musique avec quelques petits airs joyeux et cinq ou six cents moutons qu’il tuerait sur le théâtre, qui représenterait dans le premier acte un port de mer très affreux et qui ne coûterait pas beaucoup à ces messieurs, aussi bien que la seconde décoration qui serait une plaine où seraient des brebis paîssantes l’herbette. Le même port servirait encore au dernier acte, quand Iphigénie s’en retourne avec son frère avec les vaisseaux de Circé. Pour les autres actes, on y mettrait la solitude de Bellérophon, qui n’a paru que dans cinq ou six opéras et qui serait encore assez nouvelles dans celle-ci. Je suis très persuadé que le peu de dépense qu’il y aurait à le mettre sur pied en pourrait beaucoup faciliter l’exécution. lettre du 11 juin 1695 : Mr Duché… m’est venu emprunter un Euripide très latin pour travailler incessamment et par bon conseil au projet d’Iphigénie Taurique. Vous ne vous plaindrez du sujet ni du poète s’il y réussit, comme je le souhaite. lettre du 21 juin 1695 : Monsieur Duché m’a lu une scène d’Iphigénie, dont les vers vous paraîtront aussi beaux qu’à moi, et s’il continue de la même force, vous serez encore plus entêté que ce sujet-là pourra mieux réussir que vous ne vous l’imaginez. lettre du 20 octobre 1695 : Monsieur Duché m’a demandé, suivant votre promesse verbale, un de vos livres, que de Laune en m’a pas donné suivant vos ordres. Desmarest n’étant pas de retour, non plus que M. de Francinne, je ne vous saurais mander lequel aura l’honneur de mettre en musique Iphigénie, que Colasse souhaite avec autant de passion qu’il a témoigné de froideur et de mépris pour l’auteur qu’il jugeait incapable d’en faire un qui valut la peine d’être noté et composé par lui. lettre du 13 février 1696 : Pour Iphigénie, le cinquième acte est commencé et n’est pas achevé. lettre du 25 octobre 1696 : Monsieur de Francinne n’est pas encore arrivé, non plus que Desmarest. Ainsi je ne vous dirai rien jusques au temps de l’opéra d’Iphigénie.

 

L’ouvrage fut achevé par André Campra avec le concours d’Antoine Danchet. On doit à Campra le prologue entier, la plus grande partie de l’acte V, deux airs du Ie acte, un air du IIe et du IIIe acte, deux airs du IVe acte.

Il fut créé à l’Académie royale de musique, le 6 mai 1704, et accueillie froidement. La distribution réunissait : Hardouin (L’Ordonnateur des Jeux), Mlle Maupin (Diane) et Boutelou (Un Habitant de Délos) pour le prologue, Mlle Journet (Iphigénie), Thévenard (Oreste), Mlle Armand (Electre), Poussin (Pylade), Dun (Thoas), Hardouin (L’Océan), Chopelet (Triton), Mantienne (le Grand Sacrificateur).

Elle fut reprise :

le 12 mars 1711, avec succès, avec Dun (L’Ordonnateur des Jeux), Mlle Poussin (Diane) et Buseau (Un Habitant de Délos) pour le prologue, Mlle Desmatins (Iphigénie), Thévenard (Oreste), Mlle Pestel (Electre), Cochereau (Pylade), Hardouin (Thoas), Dun (L’Océan), Chopelet (Triton), Le Bel (le Grand Sacrificateur) ; en 1712, à Lyon, dans la salle de l’Hôtel du Gouvernement, Dijon, Grenoble et Marseille ; en 1713, à Dijon, au Jeu de paume de la Poissonnerie, à l’occasion des États de Bourgogne, et à Grenoble et Marseille ; en 1716, à la cour de Bade-Dourlach ; le 15 janvier 1719, avec Le Mire (L’Ordonnateur des Jeux), Mlle La Garde (Diane) pour le prologue, Mlle Journet (Iphigénie), Thévenard (Oreste), Mlle Poussin (Electre), Murayre (Pylade), Du Bourg (Thoas), Dun (L’Océan), Guesdon (Triton), Mantienne (le Grand Sacrificateur) ; en 1720, avec une distribution identique, sauf pour le rôle d’Iphigénie, Mlle Antier remplaçant Mlle Journet, décédée ; le 11 août 1726, à l’Opéra de Bruxelles ; en 1731, à la cour de Bade-Dourlach ; le 16 décembre 1734, avec Person (L’Ordonnateur des Jeux), Mlle Eremans (Diane) et Jélyotte (Un Habitant de Délos) pour le prologue, Mlle Le Maure (Iphigénie), Chassé (Oreste), Mlle Petitpas (Electre), Tribou (Pylade), Dun (Thoas), Cuignier (L’Océan), Jélyotte (Triton) ; en 1750 à l’Opéra de Lyon ; le 16 novembre 1762, à l’Académie royale, avec des ballets ajoutés par Berton, et, parmi la distribution, Mlle Chevalier (Iphigénie), Larrivée (Oreste), Pillot (Pylade).

A l’annonce de cette reprise, Bachaumont notait, le 15 septembre : Le poème est d’une grande beauté, et sans doute il ne manquera pas son effet ; on ne pense pas la même chose de la musique : on est si dégoûté aujourd’hui, si blasé, que le beau qui n’est que simple ne fait plus aucune sensation ; le public reste froid et s’ennuie conséquemment.

Bachaumont commenta la reprise de la façon suivante : Iphigénie a été jouée aujourd’hui à l’Opéra. Les paroles sont de messieurs Danchet et Dupré, la musique de Campra et Desmarets. Ce drame si vanté n’a pas eu un succès marqué. On a beaucoup applaudi aux morceaux de symphonie ajoutés : ils sont d’un nommé Berton, et donnent de grandes espérances de ce jeune homme. Les ballets n’ont rien de beau particulièrement. Les amateurs, en général, trouvent cet opéra triste, peu fourni de spectacle, d’une chorégraphie commune, et d’une musique disparate, par l’obligation où l’on a été de renforcer la vieille harmonie par la nouvelle.

Peu après, le 24 novembre 1762, Bachaumont évoquait le mariage de deux chanteurs, Mlle Le Mierre et de Larrivée. Ces deux coryphées de la scène lyrique sont enfin unis par des liens indissolubles, après s’être essayés longtemps à porter leurs chaînes. Ce grand événement a fait une sensation si considérable. Parmi les amateurs de l’opéra, qu’il fait nécessairement époque dans son histoire.

En dehors de ces représentations, l’œuvre fut régulièrement exécutée, en tout ou en partie, lors de concerts, notamment dans les appartements royaux, et particulièrement au concert de la reine, sous Louis XV.

La partition fut éditée en version réduite par Ballard en 1704, puis une seconde fois par Ballard lors de la reprise de 1711, puis par Ribou lors de la reprise de 1719.

61me Opéra. Cette Trag. fut commencée huit ans avant d’être représentée. Duché en faisoit les vers, & Desmarets la musique, & il restoit encore le cinquieme Acte à finir & le Prolog. à composer, quand ce Musicien ayant été obligé de quitter la France pour une affaire de galanterie, dont les suites furent funestes pour lui, l’ouvrage demeura imparfait. Quelque tems après Danchet & Campra se chargerent de l’achever, & il fut représenté pour la premiere fois le 6 Mai 1704, & imprimé en musiq . par extraits, partition in-4°. depuis on l’a imprimé en entier in-4°. L’ordonnateur des jeux d’Apollon à Delos, & de Diane, forme le Prolog. avec cette Déesse. Cet Opéra a été remis en 1711, 1719 & 1734. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

 

Représentations :

Automne Musical du Château – Versailles – Théâtre Montansier – 10 octobre 1999 – avec Véronique Dietschy, Monique Zanetti, Lombard, Jérôme Corréas