Sesostri, re d’Egitto

COMPOSITEUR Domenec TERRADELLAS
LIBRETTISTE Apostolo Zeno, Pietro Pariati
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2011 Juan Bautista Otero RCOC Records 3 italien

 

Dernier opéra de Terradellas, représenté au Teatro Alibert delle Dame, à Rome, pour la carnaval 1751.

Reprise au Barcelona, Teatre de la Santa Creu, en 1754

« Terradellas fait preuve, dans « Sesostri », d’une plus grande précision dans la dramaturgie musicale. Il parvient à transformer le structuralisme formel corseté de l’opera seria en le portant jusqu’à ses dernières conséquences dramatiques grâce à une spontanéité mélodique, à un concept d’orchestre/personnage qui suscite une poussée l’adrénaline dès les premières mesures. Il ne s’en tient pas à un raffinement harmonique isolé susceptible de nuire à cette inévitable description du personnage, puisque, dans le fond, l’objectif de sa musique est de faire le siège de nos sens, de donner de la vie à ce caractère jusqu’à nous posséder. Au début de ses opéras, les symphonies retient particulièrement l’attention par le traitement que fait subir le compositeur catalan à la traditionnelle intrata de l’opera seria napolitain – dans laquelle, en quelques mesures, on établissait la tonalité principale au moyen de plusieurs accords consécutifs ou par une brève et simple formulation rythmique de ces derniers – comme dans nombre d’opéras de Jommelli, de Pérez ou de Hasse. Terradellas fait alterner ladite intrata, jouée maestoso, à la façon d’une pompeuse fanfare, avec un fulgurant presto dans lequel il introduit quatre différentes cellules rythmiques parallèles, distribuées entre les vents et les cordes, dont l’effet conjugué est particulièrement convaincant. Le caractéristique adagio ou larghetto du second mouvement introduit de subtils mouvements mélodiques qui renforcent l’atmosphère de clair-obscur et la mélancolie qui s’installe, pour faire place au brillant minueto final dans lequel Terradellas oppose rythmes ternaires et binaires afin de créer un effet polyrythmique conférant un certain effet ‘swing’ à la pièce en question et installant un climat d’instabilité menaçante typique de l’opéra seria.

L’orchestration délicate et variée employée par Terradellas dans ses arias ne diffère pas fondamentalement, pour ce qui est de l’effectif orchestral, des façons de procéder de ses contemporains, comme dans « l’Antigona » de Galuppi, « Talestri » de Jommelli ou « Demetrio » de Pérez, tous créés lors de la saison de 1751-1752. Utilisation des vents et des cordes au grand complet avec une alternance de passages de trompettes et de cors pour les arias témoignant d’une plus grande force dramatique et montrant un contraste dynamique, ou bien une plus ou moins grande participation des flûtes traversières, hautbois et timbales. Toutefois, la façon dont Terradellas fait intervenir chacun des instruments pour parvenir à traduire précisément l’affetto des personnages est particulièrement remarquable et unique. L’analyse détaillée du langage musical de Terradellas nous révèle la génialité qui se cache derrière la simplicité initiale apparente du schéma harmonique de ses arias : des passages à l’unisson des violons et des altos avec la basse, alternés avec des moments où ces derniers se désolidarisent dans des intervalles de tierces ou de sixtes parallèles, nous découvrent en réalité le monde subtil de l’accentuation napolitaine, l’art précis de souligner les affetti du chant et la connaissance approfondie des ressources harmoniques et mélodiques du compositeur catalan. Sans négliger pour autant la palette variée des indications de tempo, dès l’andantino « gustoso » ou le larghetto « e con gusto » pour indiquer la flexibilité, la générosité, dans l’accompagnement du chanteur par l’orchestre, en particulier afin de faciliter l’ornementation dans le da capo au moyen de très libres changements de tempo ; ni la multitude de variantes de l’allegretto ou de l’agitato e spiritoso pour être en accord avec le délirant parcours vocal de Nitocri. Terradellas inclut dans cette oeuvre trois recitativi accompagnati, mais il augmente toutefois la tension et le rythme dramatiques en introduisant un exceptionnel terzetto dans le troisième acte. Après un cataclysme sonore tel que celui de Terradellas, la subtilité mélodique de l’ancienne école vénitienne ou romaine se trouve éclipsée. Pour notre oreille il semble qu’elle perde du poids, tandis que gravitent les élans de mélodie pure, comme dépouillée de toute rhétorique superflue. Et c’est cette force, cette solidité orchestrale sans concessions, cette retenue vigoureuse de la mélodie de Terradellas qui attire précisément l’attention au sein d’une école napolitaine qui se caractérisa surtout par le génie orchestral, mais aussi par l’excès de notes. A la singularité de « Merope » – et son extraordinaire livret – ou la plénitude sonore avec laquelle se manifeste la personnalité du compositeur barcelonais dans « Artaserse », s’oppose la sophistication de « Sesostri » (1751). Il s’ensuit que, pour initier l’édition moderne des opéras completes de Terradellas, la Reial Companyia Òpera de Cambra a retenu, parmi tout son corpus opératique, une des oeuvres les plus représentatives du génie de ce brillant compositeur catalan: « Sesostri ». (Juan Bautista Otero)

 

Représentations :

Barcelone – Auditorium – 11 décembre 2010 – recréation mondiale en version de concert – Real Compania Opera da Camera – dir. Juan Bautista Otero – avec Ditte H. Andersen, soprano (Artenice), Sunhae Im (Sesostri), Kenneth Tarvers, ténor (Amas), Alexandrina Pendantchaska, soprano (Nitocris), Tom Randle, ténor (Fanete), Rafaella Milanesi, soprano (Orgonte).

http://www.youtube.com/watch?v=IHjUyKj3BPo

http://www.youtube.com/watch?v=3ictW9NRW14

http://www.youtube.com/watch?v=An-U36OQXuQ