CD Sesostri

SESOSTRI, RE D’EGITTO

COMPOSITEUR

Domenec TERRADELLAS

LIBRETTISTE

Apostolo Zeno, Pietro Pariati

 

ORCHESTRE

Real Compania Opera da Camera

CHOEUR
DIRECTION

Juan Bautista Otero

Artenice

Ditte H. Andersen

soprano

Sesostri

Sunhae Im

soprano

Amas

Kenneth Tarvers

ténor

Nitocris

Alexandrina Pendantchaska

soprano

Fanete

Tom Randle

ténor

Orgonte

Rafaella Milanesi

soprano

DATE D’ENREGISTREMENT

11 décembre 2010

LIEU D’ENREGISTREMENT

Barcelone – Auditorium

ENREGISTREMENT EN CONCERT

oui

ÉDITEUR

RCOC

DISTRIBUTION

Harmonia Mundi

DATE DE PRODUCTION

29 septembre 2011

NOMBRE DE DISQUES

3

CATEGORIE

DDD

Critique de cet enregistrement dans :

 Opéra Magazine – novembre 2011- appréciaation 3 /5

« La principale qualité de Domenec Terradellas (1713-1751) – présenté par le promoteur du présent enregistrement comme un génie méconnu, qu’il convient de situer à l’égal de Haendel, Scarlatti, Hasse et on en passe… , – est manifestement son origine catalane, qui aura permis de flatter la fibre nationale des mécènes appelés à financer l’entreprise, La réalité est tout autre, Terradellas s’avérant, à l’écoute, un honnête tâcheron, établi en Italie pour gagner sa vie dans la production industrielle d’opere serie de style napolitain.

Sesostri, son dernier ouvrage, fait appel à un livret d’Apostolo Zeno. L’action – parfaitement incompréhensible – est située au quatrième millénaire avant notre ère, dans l’Égypte des pharaons. Elle sert de prétexte à un interminable enchaînement d’arie da capo, la plupart « di furore », très exigeantes sur le plan technique, accompagnées de force trompettes et timbales, que la direction d’orchestre martiale de Juan Bautista Otero rend parfois pénibles à supporter:.

L’affaire est heureusement sauvée du naufrage par un excellent plateau vocal. On est d’emblée séduit par le beau timbre sombre, très homogène, de Tom Randle (Fanete), ténor qui trtille avec bonheur le registre de baryton et confère à son satrape toute l’autorité voulue. Dans le rôle-titre, Sunhae Im convainc par sa grande agilité dans les coloratures et par sa capacrté à maîtriser, sans faiblir, des airs d’une longueur et d’une virtuosité éprouvantes. On louera également l’habileté de Ditte Andersen dans le chant staccato, dont est farcie la partie d’Artenice. Au premier acte, Alexandrina Pendatchanska déçoit un peu par son manque d’ampleur, qui nuit à la crédibilité de son incarnation de la reine Nrtocri. Elle se rattrape au II, abattant avec panache son aria di bravura, « Talor se perde i figli ». Raffaella Milanesl hérite du rôle travesti d’Orgonte, qui l’entraîne vers une tessiture parfois un peu grave pour une soprano. Elle est, en revanche, tout à son affaire dans l’aigu, où elle vocalise avec agilité et propreté.

Après Artaserse en 2009, Sesostri est le deuxième volet d’une « trilogie Terradellas» dont la parution doit s’achever, l’an prochain, avec Merope. Si les passionnés d’opéra napolitain et les amateurs de virtuosité à tout crin y trouveront peut-être leur compte, les autres resteront sur leur faim, eu égard aux faiblesses de la partition et du livret. »

 Muse baroque

« Sésostris III (1878 – 1854) fut un des grands monarques de la XIIème dynastie. Sous la lumière de sa double couronne, l’Egypte classique atteint l’acmé de la puissance, du développement économique et de la culture. Sésostris III demeure un des monarques les plus célèbres de l’histoire des Pharaons. Comme il est d’usage dans le monde baroque dont l’inspiration prend pâture des faits de l’antiquité pour transmette une morale, Apostolo Zeno, le poeta cesareo crétois et célèbre par ses livrets d’opéra aux saltimbanques sentimentaux écrit son Sesostri en s’inspirant vaguement de l’histoire antique de cet Egypte doré et magique.

Bien qu’en 2012, le pays du Nil fait davantage parler du chaos et des désordres de la Place Tahrir que des monarques de son passé solaire, la recréation et la gravure au disque d’un opéra consacré à un souverain égyptien autre que Cléopâtre VII suscite notre curiosité, surtout si la musique est composée par le divin Domenec Terradellas.

Poursuivant sa série dédiée à la redécouverte du compositeur catalan dont nous avions goûté l’Artaserse (RCOC, 2008), Juan Baustista Otero et sa Real Companya de Opera de Camara enregistrent le dernier opéra séria de Terradellas. Cette partition est symbolique, étant un des plus grands succès du catalan et aussi sa dernière composition puisque c’est en sortant du théâtre le soir de la triomphale première que Domenec Terradellas se fait assassiner par des mystérieux sbires que d’autres ont voulu commandités par le jaloux Niccolo Jommelli. Si les anecdotes de rivalités musiciennes sont croustillantes et les compositeurs baroques ne sont aucunement épargnés par des morts mystérieuses, Terradellas intègre la série noire des génies musicaux morts violemment, à l’époque baroque n’oublions pas que Jean-Marie Leclair est retrouvé poignardé sur le bas de sa porte et que le délicieux Leonardo Vinci a été sans aucun doute empoisonné.

Domenec Terradellas faisait avec ses superbes compositions une ombre considérable au romain, dont les éclats de rage et de jalousie étaient proverbiaux. Ce Sesostri s’avère d’une richesse orchestrale et d’une modernité ahurissantes : par rapport à l’Artaserse de 1744, Terradellas sort du moule de l’opera séria avec des couleurs étonnantes et donne une place extrêmement intéressante aux voix de ténor qui en Amasi et Fanete développent un dramatisme absolu et efficace. Par rapport à la partition vénitienne de 1744, Terradellas a mûri son style et s’adapte au style romain tardif qui préfigure étonnamment les génies de Cimarosa, Paisiello et même des Zingarelli ou autres Generali. On ne le dit pas assez, mais l’influence des compositeurs de ce milieu du XVIIIe siècle est essentielle pour la construction du style dramatique et orné qui aboutira à Rossini voire Verdi. Les graines du vérisme sont ainsi perceptibles dans les partitions tant de Jommelli que de Terradellas, la force harmonique, la présence d’intrigues bien ficelées et cohérente, tournent le dos à l’ancien et interminable opéra séria dont les saltimbanques le rapprochaient beaucoup du merveilleux mais l’éloignaient de la réalité.

Recréé en décembre 2010 à l’Auditori de Catalogne, Sesostri a retrouvé entre les mains de Juan Bautista Otero et de son équipe une force incroyable, une jeunesse exceptionnelle et une puissance colorée que peu d’ensembles baroques peuvent donner. Les plus belles pages de la partition ressortent efficacement par un sens stylistique et rendent à Terradellas son originalité. »