CD La Fiera di Farfa

Le compositeurl’oeuvre

IL COMBATTIMENTO DI TANCREDI E CLORINDA

COMPOSITEUR

Claudio MONTEVERDI

LIBRETTISTE

 

ORCHESTRE

Le Poème Harmonique

CHOEUR
DIRECTION

Vincent Dumestre

Clorinda

Isabelle Druet

Il Testo

Marc Mauillon

Tancredi

Jan Van Elsacker

DATE D’ENREGISTREMENT

octobre 2009

LIEU D’ENREGISTREMENT

Paris, église de Bon Secours

ENREGISTREMENT EN CONCERT

non

EDITEUR

Alpha

DISTRIBUTION

Abeille Musique

DATE DE PRODUCTION

21 octobre 2010

NOMBRE DE DISQUES

1 ( Hor che’l ciel e la terra, Lamento della Ninfa Marco Marazzoli : La Fiera di Farfa)

CATEGORIE

DDD

Critique de cet enregistrement dans :

Classique.news 

  » … la Clorinda d’Isabelle Druet a ce timbre carré, masculin qui sied à une combattante. Le Tasse a bien décrit les unions impossibles des chevaliers chrétiens épris des belles Sarrasines en Terre Sainte… Ambivalence et loi amoureuse troublent les esprits en un théâtre poétique époustouflant qui réduit la place de l’homme à l’insignifiance. Il faut une sensibilité riche en expériences passées et multiples pour incarner les protagonistes de la geste montéverdienne: il ne s’agit pas seulement d’un estocade: c’est une joute spirituelle et morale qui symbolise les enjeux contradictoires de la destinée humaine. Ainsi le timbre acide de la soprano, même dans la mort, produit son dernier soupir un rien artificiel qui reste comme accroché à la vie terrestre: on peine à croire à sa vision ultime et à ce suprême renoncement où elle se sent comme aspirée par le ciel…

De son côté, le Testo de Marc Mauillon n’a pas, hélas, l’ambivalence d’un Nicolas Rivenq dont l’incarnation reste hallucinée et d’une constante exacerbation musicale. Pour autant le jeune baryton sait varier, projeter, accentuer la subtilité du texte, parfois avec plus d’emphase que d’expressivité et de rage guerrière (Odi le spade orribilmente urtasi). Souvent l’abattage manque sérieusement d’urgence, d’engagement, de vertiges et de contrastes, de cette énergie évocatoire dont son aîné savait nous abreuver (concitato en cascades ininterrompues de « L’onta irrita lo sdegno alla vendetta… »). La fureur des deux soldats affrontés, citée pourtant dans le texte du Tasse, pourtant hallucinant, reste absente de son chant. Dommage.

Le baryton trouve de plus justes couleurs dans l’imploration et la tendresse compassionnelle du récit quand Clorinda par exemple, touchée mortellement, a la prémonition de sa fin : « Ella già sente morirsi »…. elle se sent mourir… Et les dernières phrases du commentaire sont mieux senties, vécues, presque investies. »

Télérama

« Dans la préface qu’il rédigea spécialement pour Le Combat de Tancrède et Clorinde, Monteverdi rappelle que son oeuvre, créée dans le palais de son commandi­taire vénitien pour le carnaval de 1624, émut tellement l’au­ditoire que celui-ci « faillit verser des larmes, et n’eut pas la force d’applaudir ».

Est-ce parce que Vincent Dumestre est allé visiter le petit salon de marbre du palazzo Mocenigo, témoin de cette création, et s’y recueillir, que l’esprit du lieu lui inspire aujourd’hui une interprétation aussi bouleversante, aussi magistrale ? A moins que de son fructueux compagnonnage théâtral avec le metteur en scène Benjamin Lazar (notamment pour Le Bourgeois gen­tilhomme, du tandem Molière-Lully) le jeune chef ait retiré une intuition infaillible du juste effet dramatique – silence suffisamment chargé d’angoisse ou d’accablement, accent de douleur ou d’héroïsme d’un pathétique sans emphase. Vincent Dumestre ne s’est pas trompé non plus dans le choix de ses solistes vocaux, à commencer, pour la partie principale du récitant, par Marc Mauillon, baryton estampillé « Jardin des Voix-Arts Florissants », seul label en France à offrir toutes les garanties de qualité. A peine entrecoupée de brèves reparties des deux combattants, soutenue par un ensemble restreint de cordes (violes, théorbe, clavecin), cet­te voix décrit et commente l’affrontement sans merci que se livrent, de nuit, le chevalier chrétien Tancrède et son ennemie musulmane Clorinde, dont il est épris, mais qu’il ne reconnaît pas sous son armure.

Si, selon la célèbre définition de Clausewitz, « la guerre n’est que le prolongement de la politique par d’autres moyens », ici la guerre n’est que le prolongement de l’amour, avec d’autres armes. Le corps-à-corps farouche s’achève par la mort de Clorinde, demandant à son vainqueur, avant d’expirer, de la baptiser – une transfiguration et une assomption dignes des héroïnes d’opéra les plus poignantes, Didon, Isolde ou Mélisande. »

Res Musica

« Ce nouvel enregistrement marque un tournant dans l’histoire du Poème Harmonique, l’ensemble ayant jusqu’à présent surtout abordé au disque des compositeurs méconnus ou oubliés du XVIe et du XVIIe siècle (Castaldi, Belli, Cavalieri’). Vincent Dumestre avait bien enregistré du Monteverdi dans l’album Nova Metamorfosi, mais arrangé par Aquilino Coppini, ce dernier ayant substitué au texte profane de madrigaux du Quatrième et Cinquième Livre des textes sacrés. Ici, les musiciens du Poème Harmonique nous proposent trois oeuvres célèbres tirées du Huitième Livre (Madrigaux guerriers et amoureux).

Dans le Combat de Tancrède et Clorinde, sur un poème épique du Tasse (tiré de La Jérusalem délivrée, 1581), Marc Mauillon, jeune baryton au timbre clair, campe un Testo crédible en narrateur et commentateur de ce « combat amoureux » dramatique, aidé en cela par les instrumentistes, particulièrement éloquents pour évoquer le duel ou la mort de Clorinde. Les brèves interventions de Tancrède (le ténor Jan Van Elsacker) et de Clorinde (la mezzo Isabelle Druet) appellent également des compliments. »

Muse Baroque

« Dans le Combattimento, le Testo (le narrateur) est au premier plan. Marc Mauillon s’acquitte avec brio de son « rôle », avec une prosodie italienne presque exemplaire (certaines voyelles n’y sont pas) ; son intelligence du texte et son sens de l’articulation en font un excellent narrateur. On regrettera cependant la fadeur du timbre, sans doute un peu léger. Cette légèreté crée cependant une continuité avec le Tancrède de Jan Van Elsacker, guerrier contemplatif, mais guerrier toujours. Rôle ingrat, puisque les plaintes qu’il pourrait prononcer en découvrant qui il a vaincu’ lui sont refusée, et son chantée par le Testo. La Clorinde d’Isabelle Druet ne manque pas de séduire également, et ses accents tantôt guerriers, tantôt transis, parviennent à donner corps au personnage. »

 Classica – novembre 2010 – appréciation CHOC

« .. Un triptyque guerrier et amoureux conforme au projet du Huitième Livre de madrigaux de Monteverdi d’où sont extraits Le Combat mais aussi Hor che ‘l Ciel e la Terra et le Lamento della Ninfa. Si le titre peut suffire à résumer la guerre des sexes et le fracas des armes, il permet aussi de découvrir un écho comique au célèbre Commbat. En 1639, Marazzoli (160221662) présenta au cardinal Rospigliosi à Rome La Fiera di Farta intermède accompagnant son opéra Egisto ovvero Chi soffre speri composé avec Mazzocchi. Cette foire mise en scène par Le Bernin en personne accueillait b’ufs, mulets et autres chevaux dans l’ambiance truculente de la commedia dell’arte. La musique est foncièrement drôle, les textes parfois égrillards, comme ceux des Cris de Paris ou d’autres pièces de la Renaissance. La fin de cette Fiera di Farta s’achève cependant de façon tragique, par un duel, citant le poème du Tasse et la musique de Monteverdi. La découverte de ce manuscrit endormi à la bibliothèque du Vatican a incité Vincent Dumestre et ses musiciens à confronter le bruit du combat aux éclats de la foire.

Le Poème Harmonique réussit à conserver une extraordinaire clarté polyphonique dans un environnement sonore d’une rare sompptuosité. Le texte et ses accents, plus que la barre de mesure, dicte le débit, le tempo et de subtiles gradations dynamiques propres à exprimer les sentiments, dévoilant ainsi l’ambivalence de la musique de Monteverdi où la désolation la plus totale se perd dans l’ivresse mélodique et harmonique. Il fallait bien plusieurs combats pour assurer à la musique un tel triomphe »

 Diapason – novembre 2010 – appréciation 5 / 5

« Longtemps atttendu, le nouveau disque du Poème Harmonique, juxtapose les trois pièces les plus fameuses du Huitième Livre de madrigaux montéverdien et une rareté : La fiera di Farfa, intermède inséré en 1639 dans l’Egisto romain de Mazzocchi et de Marazzoli. Jean-François Lattarico présente dans la notice ce  » tour de force scénique et musical, où un marché haut en couleur, composé de marchands, chariots et chevaux est savamment orchestré par le Bernin en personne !  »

Malgré le bonheur bouffe d’une telle exhumation, le disque vaut essentielleement par les trois Monteverdi. D’abord Hor ch ‘el ciel e la terra, ineffable nocturne amoureux à six voix sur l’une des plus belles inspirations de Pétrarque. Certes, la lecture visionnaire du Concerto ltaliano (Opus 111) demeure insurpassée. Mais à plus d’un moment, l’équipe françaisen’en est pas indigne, soulevée par un superbe élan concitato aux mots » la guerre est mon état « . La douleur du Lamento della ninfa se trouve joliment intériorisée par Claire Lefilliâtre, avant l’assaut terrasssant du Combattimento. Vincent Dumesstre, qui n’a pas conduit la belle aventure de Cadmus et Hermione pour rien, s’y révèle dramaturge inventif. Marc Mauillon joue de sa projection très claire pour atttiser l’énergie immédiate du mot – rien dans ce chant ne l’enrobe. Il le fait vibrer de (presque) toute la gamme des passsions humaines et s’investit dans le suspense de la narration. Avec ses forces et ses failles (fertiles), la prise de rôle est de celles qu’on n’oublie pas, non plus que les interventions de Jan Van Elsacker et Isabelle Druet, Tancrède et Clorinde toujours justes de style et d’affects.

Pour autant, le miraculeux Combat que Harnoncourt signa au disque dans les années 1980, avec le Testo halluciné de Werner Hollweg, reste l’événement discographique de ces derniers mois, par son grand retour au catalogue. »