L’Ottavia restituita al trono (Octavie rendue au trône)

COMPOSITEUR Domenico SCARLATTI
LIBRETTISTE Giulio Convo

 

Melodramma sur un livret de l’abbé Giulio Convo, représenté au San Bartolomeo de Naples, en novembre 1703.

C’était le premier opéra de Domenico Scarlatti, alors âgé de seulement dix-huit ans, et il fut représenté grâce à Nicola Barbapiccola, époux d’Anna Maria Scarlatti et ami, qui était devenu impresario du San Bartolomeo.

Le livret est dédié par Nicola Barbapiccola all’Illustriss[ima] et Eccellentiss[ima] Signora D. Catarina De Moscosa, Ossorio, Urtado De Mendoza, Sandoval y Rocas, contessa di San Stefano de Gormas. Donna María Catalina Osorio de Moscoso y Benavídes (1674-1726) avait épousé en 1699 Mercurio Antonio López Pacheco Manrique de Lara y Silva, marquis de Villena, comte de Santo Stefano di Gormaz et futur duc de Escalona e Marques de Aguilar. Ce dernier était un personnage important à la cour d’Espagne : capitaine des Gardes de Corps et Premier Majordome du roi Philippe V.

Un exemplaire du livret est conservé à la Bibliothèque italienne de Bologne, Universitaire et de Rome Sainte Cécile. Quant à la musique, après avoir longtemps été considérée comme perdue, on en retrouva trente-quatre airs (soit la quasi totalité) à la Bibliothèque du Conservatoire de Naples, dans un recueil intitulé Arie con stromenti dell’Opera intitolata Ottavia restituita al Trono del Sig.r Domenico Scarlatti.

Argument : après le couronnement de Poppée et la répudiation d’Octavie, le peuple romain se soulève et exige la répudiation de Poppée et le retour d’Octavie sur le trône.

 

Personnages : Nerone, empereur de Rome (alto leggero), Ottavia, son épouse répudiée (soprano acuto di agilità ma dall’intensità drammatica), Poppea, épouse de Néron (soprano leggero), Floro, prince d’Épire (soprano con scrittura virtuosistica), Rosilda, son épouse (soprano tendente al registro centrale di mezzo). Deux autres personages comiques : Belisa, nourrice d’Ottavia, puis servante de Poppea (homme travesti), Dorillo, serviteur rusé de Floro (soprano).

 

 

Représentations :

San Sebastian – Teatro Victoria Eugenia – 6 août 2007 – Cappella della Pietà de’Turchini – dir. Antonio Florio- mise en scène Francisco López – avec Vivica Genaux (Nerone), Ruth Rosique (Ottavia), Maria Grazia Schiavo (Poppea), Maria Ercolano (Floro), Cecilia Lavilla (Rosilda), Giuseppe de Vittorio (Balisa), Paolo López (Dorillo) – production de la Sociedad Estatal de Conmemoraciones Culturales – reconstitution de la partition par Antonio Florio

Opéra Magazine – novembre 2007

« Pour l’ouverture de sa soixante-huitième édition, la Quincena Musical de Saint-Sébastien a retrouvé le cadre prestigieux du Teatro Victoria Eugenia qui, après six ans de travaux de restauration, a repris sa place aux premiers rangs de la vie artistique espagnole. Sous ses ors et ses stucs de style néo-plateresque, nous avons eu l’opportunité de découvrir L’Ottavia restituita al trono, premier opéra écrit par Domenico Scarlatti (1685-1757), à l’âge de 18 ans. Créé en novembre 1703 au Teatro San Bartolomeo de Naples, ville dont le père du compositeur, Alessandro, était déjà considéré comme l’une des gloires musicales, l’ouvrage reçut, semble-t-il, un accueil favorable avant de tomber dans l’oubli. Semble-t-il, disons-nous, puisque L’Ottavia de Domenic l’on ne dispose d’aucune information précise sur ce qu’a été la première représentation et, en particulier, la distribution… C’est à partir du texte du livret et d’un document conservé à la bibliothèque du Conservatoire de Naples, rassemblant trente-quatre « aria con stromenti dell’opera », qu’Antonio Florio et Alessandro Ciccolini ont tenté de reconstituer la partition, en y introduisant eux-mêmes, dans l’esprit de l’époque, les récitatifs et les parties bouffes.

En cette année marquant le 250e anniversaire de la disparition de Domenico Scarlatti, l’Espagne se devait d’être présente (le musicien, rappelons-le, acheva sa vie à la cour de Madrid auprès de l’infante Maria Barbara de Bragance). Elle l’a été avec panache, le travail des deux musicologues et l’interprétation offerte à Saint-Sébastien révélant une oeuvre d’une éclatante jeunesse. On accepte vite ce que l’intrigue peut avoir de conventionnel pour se laisser entraîner par cette suite d’airs et de duos pleins de vivacité. Rien ici ne respire l’ennui ou la pompe inutile et, dans le chassé-croisé permanent qui se joue autour de Nerone, le spectateur a tout loisir de faire son choix, à un niveau d’invention musicale de bout en bout remarquable.

Pour rendre pleinement justice à cette invention, encore faut-il en respecter les règles et préserver le jaillissement qui en fait le charme. Antonio Florio et la Cappella della Pietà de’ Turchini ont bâti leur renommée sur la redécouverte du grand répertoire napolitain de l’époque baroque. Ils étaient donc les mieux placés pour ressusciter cet opéra de jeunesse dans son cadre naturel, en soulignant au passage le génie prometteur de son auteur. Il faut souhaiter qu’un enregistrement prolonge bientôt cette redécouverte. Seule une écoute approfondie permettra en effet de déterminer de manière précise ce qui porte ici la marque personnelle de Domenico et ce qui appartient encore à l’héritage de son père (peu de temps avant la première de L’Ottavia restituita al trono, Alessandro avait composé une cantate intitulée Nerone).

La mise en scène de Francisco Lopez ne propose pas un retour à l’antique, plutôt un jeu savant où, dans un passé indéfini, le théâtre dévoile ses propres ficelles. Le décor se limite à deux grands panneaux, une glace, un vaste lit à baldaquin et quelques objets anciens (bustes en marbre, bateau…) que des machinistes en costumes déplacent à vue. Rien ne permet de dater précisément le style vestimentaire, les références restant principalement les XIXe et e siècles dans ce qu’ils ont de plus sophistiqué et de plus tarabiscoté. Un parti pris visuel qui ne gêne en rien dans ce contexte, avec l’avantage supplémentaire de correspondre au style composite du Teatro Victoria Eugenia. Ajoutons qu’une certaine distance ironique, tant de la part du metteur en scène que de son décorateur, fait passer ce que le dispositif pourrait avoir d’artificiel.

La plupart des artistes réunis sur le plateau sont des habitués du baroque. Ruth Rosique et Maria Grazia Schiavo rivalisent d’ardeur dramatique et de virtuosité en Ottavia et Poppea. Cecilia Lavilla apporte un touchant lyrisme à Rosilda. Paolo Lopez et Giuseppe de Vittorio (malgré une extinction dc voix) forment un duo comique du meilleur effet. Maria Ercolano triomphe sans peine dans le rôle travesti de Floro, qu’elle dote d’un beau timbre sombre, souple et homogène. On suivra avec intérêt la suite de sa carrière. Vivica Genaux, enfin, dessine de manière un peu trop artificielle le personnage de Nerone ‘ que le livret de Giulio Convo présente sous les traits d’un amoureux inconstant-, avec une projection vocale souventu. Infime réserve pour un spectacle pleinement réussi. L’Ottavia de Domenico Scarlatti méritait bien de retrouver son trône ! »