Publio Cornelio Scipione (Publius Cornélius Scipion)

COMPOSITEUR Carlo Francesco POLLAROLO
LIBRETTISTE Agostino Piovene


Dramma per musica en cinq actes, sur un livret d’Agostino Piovene, représenté à Venise en 1712. La musique est perdue.
Drame pour la musique, à représenter au fameux théâtre Grimani, de S. Jean Chrysostome, pour le carnaval de l’an 1712, Dédié à la noblesse vénitienne – À Venise, chez Marino Rosetti, mercerie à l’enseigne de la Paix

 

SONNET
Scipion l’Africain, ce fortuné vainqueur
Des ennemis et de toutes ses passions,
Dont on ne sait si plus fort fut son bras
Armé pour le combat, on son cœur dans son sein,

Le voici aujourd’hui qui renaît sur la scène,
Objet de vos regards, et surtout de vos cœurs,
Magnanime, constant, et toujours modéré,
Élu pour provoquer l’amour des grandes âmes.

Nous avons pourtant, parmi nous, des Scipions,
Et je ne sais, s’ils étaient face à face,
Si l’admirateur serait Scipion ou vous.

Ainsi, en vous offrant mon Scipion,
Je le perds bien vite de vue, et ne distingue plus
Le don, de celui qui reçoit le don.

 

Notice historique
Après la prise de Carthage la Neuve en Espagne, on offrit à Publius Cornélius Scipion (celui qui fut par la suite surnommé l’Africain), au milieu de nombreux captifs, une très belle jeune fille ; mais ayant appris que celle-ci était fiancée à Lucéius, prince des Celtibères, avec générosité, il la rendit à son fiancé sans l’avoir touchée, ajoutant en guise de dot tout l’or que Lucéius lui avait offert pour sa rançon.
Outre cette action si héroïque de Scipion, qui n’avait que vingt-six ans, nous lisons chez Tite-Live et chez Plutarque le récit de la rébellion d’Indibilis et Mandonius, après qu’ils eurent juré hommage à Scipion ; la malhonnêteté de Quintus Pleminius ; les jeux funèbres que Scipion fit célébrer à Carthagène, et où combattirent nombre de princes d’Hispanie ; la destruction de Carthagène ; et le grand sacrifice à Neptune que fit célébrer Scipion avant de s’embarquer pour l’Afrique. Tous ces faits servent de matériau aux épisodes du drame.
Les mots « destin », « dieux », et autres semblables, doivent être compris en tenant compte de l’époque et des personnages.

Personnages :

  • Romains : Publius Cornélius Scipion (Publio Cornelio Scipione), proconsul en Espagne ; Quintus Pleminius (Quinto Pleminio), préfet des légions romaines.
  • Carthaginois : Anagilda (Anagilda), fille d’Hannon, capitaine carthaginois, fiancée à Lucéius et esclave des Romains ; Hannon (Annone), capitaine carthaginois.
  • Espagnols : Ériphile (Erifille), sœur de Lucéius, fiancée à Indibilis, esclave des Romains ; Lucéius (Luceio), prince des Celtibères, amoureux d’Anagilda ; Indibilis (Indibile), prince de Bétique, amoureux d’Ériphile.
  • Personnages muets : un garde, censé être Laelius, chef des légats ; un autre garde, censé être Marcius, tribun des soldats ; un autre, censé être Flaminius, un des tribuns.

 


Synopsis

 

Acte I
Sc. I : Anagilda, carthaginoise, fiancée au prince celtibère Lucéius, et Ériphile, sœur de Lucéius et fiancée à Indibilis, toutes deux captives des Romains, attendent d’être fixées sur leur sort, et rêvent de vengeance2. Elles font serment de tuer Scipion si l’une ou l’autre lui échoit comme part de butin.
Sc. II : Scipion tombe sous le charme d’Anagilda, mais, en démocrate, décide de répartir les captives par tirage au sort. Anagilda est attribuée au tribun Pleminius, Ériphile à Scipion.
Sc. III : Lucéius, Indibilis et Hannon, père d’Anagilda, demandent la paix et leurs fiancées à Scipion. Ériphile, qui rêve de sang, fait semblant de ne plus vouloir d’Indibilis. Scipion, voyant l’intérêt pour Rome d’une alliance avec les Ibères, reprend Anagilda à Pleminius et lui offre Ériphile en échange. Suit une cérémonie en l’honneur de Bacchus.
Sc. IV à VII : Ériphile incite Anagilda à refuser d’être rendue à Lucéius, puis fait du charme à Pleminius en expliquant aux autres que c’est pour le dresser contre Scipion. Indibilis n’y croit pas. Lucéius est bouleversé par l’apparente trahison d’Anagilda.

 
Acte II
Sc. I à III : Ériphile excite Pleminius contre Scipion, lui révèle sa naissance et lui promet l’appui des hommes de son camp. Elle essaie ensuite, sans succès, de convaincre Indibilis que son infidélité n’est qu’un stratagème.
Sc. IV-V : Scipion se déclare à Anagilda, qui fait semblant, à contrecœur, d’aller dans le même sens. Lorsque Scipion, poussé par la vertu, se ravise, elle se fait plus insistante. Scipion est de plus en plus hésitant.
Sc. VI à VIII : les Espagnols viennent rendre hommage à Scipion, qui annonce son départ imminent pour l’Afrique. Lucéius lui réclame Anagilda ; Scipion propose de laisser celle-ci choisir. Anagilda, à qui Ériphile souffle ce qu’elle doit dire, laisse apparaître une préférence pour le Romain, qui part faire préparer le mariage.
Sc. IX-X : Lucéius, puis Hannon, furieux tous deux, font une scène à la fausse infidèle, toujours poussée par Ériphile.
Sc. XI à XIII : Ériphile tente de calmer son frère en lui annonçant que les choses s’arrangeront, mais sans lui révéler son stratagème. Lucéius reste désespéré.

 
Acte III
Sc. I : Pleminius annonce à Indibilis qu’un poison a été versé dans le coupe nuptiale où doivent boire Scipion et Anagilda ; celle-ci devra évidemment s’abstenir.
Sc. II à V : Indibilis admet maintenant qu’Ériphile n’avait pas trahi ; il justifie les deux jeunes filles auprès de Lucéius, mais sans lui révéler les détails du complot. Lucéius n’est pas convaincu.
Sc. VI : Pleminius organise la suite du complot avec Marcius.
Sc. VII-VIII : On va célébrer les noces. Anagilda et Ériphile chantent un épithalame. Hannon indigné fait intrusion et maudit sa fille. Ériphile prévient Anagilda qu’elle devra éviter de boire le poison. Sa réponse elliptique suggère qu’elle le boirait volontiers.
Sc. IX : coup de théâtre : Scipion annonce qu’il laisse Anagilda à Lucéius, avec toute sa rançon ; c’est leurs noces qu’on va célébrer, et donc, c’est à Lucéius de boire. Anagilda essaie de repousser Lucéius, qui veut la faire boire ; Ériphile renverse la coupe, faisant croire qu’Anagilda refuse le mariage avec Lucéius et préfère Scipion. Ce dernier refuse cependant de reprendre son don.
Sc. X : Anagilda voudrait bien qu’Ériphile mette un terme au complot et révèle tout, mais Ériphile s’obstine. Lucéius et Hannon ne veulent plus écouter Anagilda. Ériphile veut aller au bout de sa vengeance, pour libérer l’Espagne.

 
Acte IV
Sc. I-II : Pleminius et Indibilis constatent que le poison a échoué. Il va falloir agir à visage découvert.
Sc. III à V : Scipion fait célébrer des combats de gladiateurs en mémoire de ses père et oncle. Anagilda et Ériphile vont y assister. Lucéius apparaît dans l’arène, espérant s’y faire tuer, et refuse la grâce accordée par Scipion sur la prière des jeunes filles. Anagilda n’y tient plus, et révèle tout ; Ériphile en fait autant et annonce à Scipion qu’elle veut sa mort.
Sc. VI : Scipion fait sa paix avec Lucéius et Anagilda, et va essayer d’arrêter la sédition. Lucéius et Anagilda se réconcilient.

 
Acte V
Sc. I-II : à l’aube, Indibilis s’apprête à attaquer les troupes fidèles à Scipion. Ériphile l’informe, lui et Pleminius, que tout est découvert, par la faute d’Anagilda, qu’Hannon veut châtier.
Sc. III à VI : Lucéius défend Anagilda contre son père, et tente de faire renoncer Indibilis à tuer Scipion. Celui-ci arrive avec des troupes fidèles et fait arrêter Pleminius, qui sera jugé à Rome. Il fait la paix avec Indibilis et lui rend Ériphile ; celle-ci rappelle qu’elle a juré vengeance ; les autres essaient de la délier de son serment. Elle se calme, – en apparence. Scipion invite Hannon à aller annoncer aux Carthaginois ce qui les attend, puis donne l’ordre de détruire la ville.
Sc. V à VIII : Ériphile n’a pas renoncé à son serment de haine éternelle. Anagilda, elle, ne pense plus qu’à aimer. Hannon est indigné par la destruction de Carthagène.
Sc. IX : Scipion embarque ; on jette à la mer les entrailles des victimes, en sacrifice à Neptune. Deux vers en aparté d’Ériphile et Anagilda laissent entendre qu’elles restent irréductibles. (Ces deux vers disparaîtront de la version romaine, l’année suivante.)
Chœurs
Captives, pour partie carthaginoises, pour partie espagnoles ; Gladiateurs ; Gardes romains avec Scipion.Gardes espagnols, partie avec Lucéius, partie avec Indibilis.
Ballets
Prêtres de Bacchus et bacchants, dans l’atrium du temple de Bacchus, à la fin de l’acte I.
Serviteurs qui disposent en bon ordre les trésors autour de la table de Scipion, à l’acte III.
Desservants du temple de Neptune, à la fin.

 

L’ouvrage fut repris l’année suivante, durant le carnaval 1713, au teatro delle Dame, à Rome.

Dans les grandes lignes, ce livret pour Rome est fidèle à la version donnée l’année précédente à Venise, et le synopsis reste valable. Les principales modifications sont la suppression de deux airs, l’addition de deux airs, et le remplacement de huit airs par d’autres ; mais les textes des airs originaux figurent dans le livret.
Deux scènes ont été sensiblement réécrites, une au début (I, sc. II), l’autre à la fin.
Un bon nombre de passages de récitatif sont indiqués comme coupés à la représentation ; ils l’étaient peut-être déjà à Venise. Quatre intermèdes comiques ont été rajoutés. Enfin, le texte a reçu quelques variantes insignifiantes.

 
L’Avis au lecteur indique : Pour s’adapter au théâtre et aux voix des interprètes, le présent drame a été modifié dans certaines parties ; mais comme on a pu le laisser intact en signalant les vers concernés, ta légitime curiosité de le voir tel qu’il était à l’origine ne sera pas frustrée, et les égards dus à son estimable auteur ont été respectés.

 
La distribution réunissait : Domenico Tempesti (Scipione), Girolamo Vasconi (Quinto Pleminio), Francesco Natali (Anagilda), Giacomo Fei (Annone), Domenico Tollini (Erifille), Antonio Archi, dit Cortoncino (Luceio), Gaetano Borghi (Indibile).
Les actes étaient entrecoupés d’un intermezzo à deux voix, Dorilla e Brenno, avec Gio. Batista Cavana et Domenico Genovesi.
(*) Page réalisée par Alain Duc

 

Livret en français disponible sur livretsbaroques.fr