CD L’Orfeo (direction Cavina)

Le compositeurL’oeuvre

L’ORFEO

Version livre-disqueVersion CD

COMPOSITEUR

Claudio MONTEVERDI

LIBRETTISTE

Alessandro Striggio

 

ORCHESTRE La Venexiana
CHOEUR
DIRECTION Claudio Cavina

Orfeo Mirko Guadagnini
La Musica, Euridice Emanuela Galli
Messaggiera Marina De Liso
Proserpina Cristina Calzolari
Plutone Matteo Bellotto
Ninfa Francesca Cassinari
Speranza Josè Lo Monaco
Caronte Salvo Vitale
Apollo Vincenzo Di Donato
Pastore I  Giovanni Caccamo
Pastore II, Spirito I Makoto Sakurada
Pastore III Claudio Cavina
Pastore IV, Spirito II Tony Corradini

DATE D’ENREGISTREMENT 2 au 6 février 2006
LIEU D’ENREGISTREMENT Iglesia de San Carlo – Modène
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

EDITEUR Glossa
DISTRIBUTION Harmonia Mundi
DATE DE PRODUCTION 8 février 2007
NOMBRE DE DISQUES 2 – Livre-disque de 96 pages (en français) en édition limitée, numérotée de 0 à 3 099 ou CD
CATEGORIE DDD

Édition limitée

Critique de cet enregistrement dans :

 Classica – avril 2007 – appréciation 7 / 10

« Cette nouvelle collection du label Glossa joue avec bonheur sur l’ambiguïté de l’objet : le livre remplace le coffret, et la notice devient un véritable instrument de travail, avec une série d’articles de haut niveau universitaire, présentés avec goût. L’importance du mythe d’Orphée et celle du chef-d’oeuvre fondateur de l’histoire de l’opéra font l’objet d’études extrêmement éclairantes. Des racines mythologiques au contexte de la composition, des pratiques musicales de l’époque au travail de restitution actuelle, les analyses des contributeurs ouvrent de riches perspectives pour l’auditeur-lecteur. On devrait ajouter « spectateur », car l’enregistrement reproduit les effets de spatialisation sonore indiqués par la partition et les pratiques scéniques de l’époque : ainsi, les puissances infernales viennent du canal gauche (« sinistre » signifiait d’abord « du côté gauche ») tandis que les moments joyeux résonnent à droite ; certains musiciens jouent « depuis dedans », c’est-à-dire dans une pièce adjacente….A la lecture des textes explicatifs, qui indiquent par ailleurs que La Venexiana et son chef Claudio Cavina ont renoncé aux éditions modernes au profit d’un fac simile de 1609, on conclut moins au fantasme obsessionnel d’« authenticité » souvent reproché aux « baroqueux » qu’à la volonté farouche de prendre en compte l’étrangeté fondamentale et insurmontable d’une esthétique musicale et théâtrale qui n’est plus la nôtre, quoi qu’on en pense.

Et de fait, dès les premiers accords, l’âpreté des timbres, le caractère quasi folklorique des rythmes de danse, l’exacerbation des accents et des dissonances. nous projettent dans un monde sonore à dessein lointain. L’entrée de La Musica. interprétée par une Emanuela Galli ardente (qui campera plus loin une Eurydice lascive et magnifique) est emphatique, soulignant que l’intervention de l’allégorie de la musique n’est pas un vain décor, mais le noeud même du drame qui va se nouer. Pourtant, le premier acte déçoit, nymphes et pasteurs, censés se réjouir d’un « fortunato giorno ». semblent déjà en deuil…

Tout au long de l’enregistrement vont alterner des moments d’engagement réel et de longues dépressions où l’attention se relâche. Les chanteurs, portés par un somptueux continuo, sont très attentifs à la déclamation du récitatif, mais les timbres ne sont pas tous séduisants. L’Orfeo du ténor Mirko Guadagnini est plein de noblesse et d’intelligence musicale, mais la voix, assez barytonale, semble fatiguée, compromettant la plupart de ses (nombreux) sons filés. Les moments agités sont plus convaincants. L’ensemble vocal de La Venexiana, réputé pour compter en son sein parmi les meilleurs madrigalistes du moment, offre une grande clarté discursive, mais moins de couleurs qu’on en pourrait attendre. On n’en reste pas moins séduit par la démarche artistique, tout entière portée par l’affect malgré l’ampleur de l’érudition. »

 Le Monde de la Musique – avril 2007 – appréciation CHOC

« Malgré ses quatre cents ans d’âge, L’Orfeo n’en finit pas de passionner les musiciens. La portée de cette fable en musique, si fortement imprégnée des concepts humanistes de la Renaissance, permet à chaque génération de musiciens de proposer sa vision. Familier de l’oeuvre de Monteverdi et interprète privilégié de ses madrigaux, salué de plusieurs « Chocs » du Monde de la musique, La Venexiana ne pouvait qu’en présenter une lecture aussi scrupuleuse qu’éloquente. Le mot n’y est jamais prétexte à une décoration musicale. Aussi cette interprétation séduit-elle par l’homogénéité de son plateau vocal et son regard sur le livret. Avant de chanter, les artistes doivent dire. Jamais la musique, si ornée soit-elle ‘ comme dans l’étourdissant cantarpassaggiato du « Possente spirto » de l’acte III ‘,ne se réduit à une démonstration vocale.

Le rêve des érudits de la Renaissance, qui était de retrouver la pureté antique, trouve dans cet enregistrement son parfait accomplissement. Malgré la dimension tragique du récit et l’inépuisable imagination de Monteverdi, chaque interprète conserve une dignité qui rend ses malheurs d’autant plus bouleversants. « Un coeur généreux» ne saurait devenir « le serf de ses propres sentiments », rappelle Apollon descendu de l’Olympe pour soutenir Orphée.

La voix admirablement posée, la diction parfaite (remarque valable pour toute la distribution), Mirko Guadagnini incarne le plus digne des Orphée : comme Charon, nul ne saurait résister au charme trouble de son chant. Comme le précise le texte de présentation, La Venexiana a veillé à « ne pas laisser de silence entre les actes » de façon à entretenir autant la continuité du récit que la tension dramatique. Dès l’intervention de la Musique (Emanuela Galli, superbe), l’auditeur est tenu en haleine.

Un intéressant travail sur l’espace acoustique (localisation latérale des personnages et des instruments selon leur caractère), des choix organologiques pertinents, une prise de son généreuse et une édition luxueuse concourent à la réussite de cette version. »

 Diapason – avril 2007 – appréciation 4 / 5 – technique 8 / 10

« Alors que l’on célèbre le quadricentenaire de la création du premier opéra de Monteverdi (24 février 1607), la discographie de l’oeuvre fleurit en abondance. Quelques semaines après avoir découvert le second enregistrement de Vartolo, voici le vingt-troisième Orfeo à paraître au disque. Il revêt la forme attrayante d’un livre-disque, proposant plusieurs textes intéressants, mais non exempts de soucis de traduction (une trompette jouant une partie de clarino n’est pas un clairon, un ceterone est un cistre et non une cithare…).

La Venexiana ne vient pas bouleverser l’histoire de l’interprétation d’Orfeo. Claudio Cavina nous offre une sage lecture, avec une troupe de chanteurs et d’instrumentistes aguerris dans ce répertoire. Elle ne respecte pourtant qu’en partie les indications originales de Monteverdi: on entend cinq viole da brazzo au lieu des dix attendues, tandis que les choeurs, trop nombreux, ne correspondent pas à la réunion des solistes concernés.

Plus grave, il manque une véritable direction. Les scènes et les strophes des airs se suivent sans réelle continuité – laborieuse succession des canzonette du second acte. En dépit du soin extrême apporté au coloris orchestral, la théâtralité est absente et l’expression des passions soumise aux vicissitudes des chanteurs. Ainsi, Mirko Guadagnini paraît plus soucieux de son chant que de dramatisme, et semble étranger à l’action. Il abuse des sons inutilement tenus, s’écoutant lui-même jusque dans l’aria virtuose « Possente Spirto », qui manque singulièrement de vaillance : les trilli sont savonnés, voire évacués, et les passaggi de la strophe centrale difficultueux. De même, les réjouissances et les lamentations des bergers manquent de conviction, d’engagement, de vraie joie et de vraie peine.

Dans ce morne environnement, on doit distinguer la Messaggiera de Marina De Liso, juvénile et bouleversnte à la fois, le noble Plutone de Salvo Vitale, et surtout les interventions d’Emanuela Galli, toute de lumière et de chaleur sensuelle, distillant l’expression de chaque mot avec raffinement. Mais pour goûter pleinement les passions exacerbées de cette partition sublime, il convient de se tourner encore vers les réalisations d’Harnoncourt, Nigel Rogers ou Garrido. »

 Opéra Magazine – avril 2007 – appréciation 3 / 5

« Créé en 1607, L’Orfeo a dû attendre la fin des années 1960 pour acquérir ses premières références discographiques, avec Michel Corboz (Erato) et Nikolaus Harnoncourt (Teldec). Par la suite, seuls René Jacobs (Harmonia Mundi), et surtout Gabriel Garrido (K617), sont allés au-delà, en offiant des versions où primaient les couleurs orchestrales, une intensité dramatique renouvdée et une exubérance d’effets théâtraux. On rappellera également, en DVD, l’édition récemment publiée sous étiquette Opus Arte, dirigée par Stephen Stubbs, qui s’impose par sa puissance théâtrale.

Le nouvel Orfeo de Glossa bénéficie de la longue familiarité de l’ensemble La Venexiana avec le langage montéverdien (on se souvient de leurs excellents enregistrements des madrigaux pour la même firme, où les voix servaient le mot avec une passion inégalée). On retrouve les mêmes qualités ici, les chanteurs privilégiant une expression tragique poussée jusqu’à son paroxysme. Emanuela Galli incarne ainsi une Musica et une Euridice impressionnantes : sa présence, la manière dont elle évolue dans les registres dramatiques, saisit l’auditeur dans la première ritournelle de l’acte I. De même, l’Orfeo de Mirko Guadagnini s’impose par la tenue de sa ligne vocale, qui dessine les contours de chaque mot de mamère quasi pointilliste.

Mais si les voix demeurent dans l’ensemble exemplaires de bout en bout, notamment par la manière dont elles reproduisent les nuances infinies du madrigalisme, il est évident qu’elles auraient eu besoin d’un soutien instrumental plus performant. Malgré un continuo coloré et inventif, l’orchestre manque de somptuosité, de générosité et d’opulence, notamment dans les sinfonie ou la morescha finale. En d’autres termes, la séduction n’opère pas là où l’on était endroit de l’attendre, à savoir dans la manière de prolonger le motet de soutenir la voix. Surtout que les tempi retenus par Claudio Cavina, plus lents que dans les versions précitées, auraient nécessité une inventivité accrue dans les couleurs orchestrales. »

 Opérachroniques

« Heureuse initiative, et fort opportune, que la publication de ce bel objet tout à la gloire de l’Orfeo de Monteverdi, quatre fois centenaire! Glossa nous propose, en livre-CD et dans une édition soignée, limitée et numérotée, une nouvelle intégrale de cet immortel chef-d’oeuvre, ainsi qu’un recueil de textes éclairants quant au contexte artistique des représentations de Mantoue de 1607 ou au mythe d’Orphée et les variations et formes diverses qu’il a pu prendre. Le livret d’Alessandro Striggio, dont il est pertinemment rappelé la primauté sur l’accompagnement de Monteverdi pour les esprits de l’époque, est naturellement également présenté dans son intégralité, et fait également l’objet d’une nouvelle traduction française. La vingtaine de pages que consacre Stefano Aresi à l’explicitation des choix musicologiques retenus pour ce nouvel enregistrement est un vrai bonheur. Le musicologue justifie ainsi tour à tour le choix de l’édition imprimée de 1609 (principalement par manque de matériel critique moderne véritablement satisfaisant), les principes de constitution des effectifs orchestraux (et particulièrement l’absence de percussions, instruments militaires, qui auraient juré avec les conventions stylistiques du Mantoue de 1607), et surtout la savante spatialisation des pupitres vocaux ou instrumentaux retenue.

La disposition sonore de l’enregistrement, basée sur la richesse des indications de Monteverdi et une réflexion approfondie sur les dimensions et possibilités de ce qu’a pu être la salle de la création, est fabuleuse de relief, mais surtout de pertinence : conjuguée à la clarté des choix orchestraux, cette spatialisation contribue à une lisibilité générale de l’exécution musicale sans précédent dans la discographie. A noter également, l’option d’un spectre sonore étroit, réplique du contexte acoustique probable du palais de Mantoue : les cordes enveloppent superbement le chant d’Orfeo, pour un résultat souvent fascinant (notamment lors de l’imploration aux enfers).

Ce cadre sonore pensé renforce la beauté de l’interprétation musicale de la Venexiana et de Claudio Cavina. Les pupitres de la Venexiana sont magnifiques, virtuoses, onctueux et sans raideur, et Claudio Cavina a des inspirations souvent magistrales : la rondeur orchestrale, toute de rubato, qui accompagne la Musica chante somptueusement, le pastoral Lasciate i monti est délicieux de légèreté et de finesse, la sinfonia introductive du troisième acte impressionne par sa majesté lente, puissamment évocatrice ; bien d’autres moments mériteraient d’être cités encore. L’Orfeo de Mirko Guadagnini est un des plus beaux qu’il m’ait été donné d’entendre. D’une noblesse permanente, triste et viril, il incarne, par un chant intense et solennel dont les nuances varient à chaque syllabe, un poète radicalement différent de celui à la virtuosité enthousiaste de Nigel Rogers, mais peut-être tout aussi convaincant. Parmi les autres rôles, dans l’ensemble excellemment tenus par une équipe idiomatique, on distinguera la Musica de Emmanuella Galli (aussi Euridice), dionysiaque et magnifiquement expressive, ou la Messagiera aux accents terrifiants de Marina de Liso, mais on regrettera le manque de charisme et de profondeur du Caronte de Silvo Vitale. »