L’Oracolo in Messenia

L’ORACOLO IN MESSENIA overo LA MEROPE

COMPOSITEUR Antonio VIVALDI
LIBRETTISTE d’après Apostolo Zeno
ORCHESTRE Europa Galante
CHOEUR
DIRECTION Fabio Biondi
Polifonte Magnus Staveland ténor
Merope Ann Hallenberg mezzo-soprano
Epitide Vivica Genaux mezzo-soprano
Elmira Romina Basso mezzo-soprano
Trasimede Julia Lezhneva soprano
Lisisco Franziska Gottwald mezzo-soprano
Anassandro Xavier Sabata contre-ténor
DATE D’ENREGISTREMENT 13-15 janvier 2012
LIEU D’ENREGISTREMENT Vienne (Autriche) – Wiener Konzerthaus
ENREGISTREMENT EN CONCERT oui
EDITEUR Virgin Classics
DISTRIBUTION EMI
DATE DE PRODUCTION 24 septembre 2012
NOMBRE DE DISQUES 2
CATEGORIE DDD

 

Critique de cet enregistrement dans :

Diapason – octobre 2012 – appréciation : Diapason d’or

« Découvrons-nous grâce à Fabio Biondi un inédit de Vivaldi ? Ou plutôt, découvrons-nous un opéra de Giacomelli arrangé alla vivaldiana ? Car le Rosso retravaille en 1738 la Merope (1734) de son collègue, réécrit les récitatifs, la moitié des airs, et retouche encore ce pasticcio en 1742 pour l’emmener à Vienne. L’oracolo in Messenia y sera bien représenté, mais après sa mort – « del fù Antonio Vivaldi ».

La partition de L’oracolo étant perdue mais le livret de 1742 conservé, Fabio Biondi a osé une formidable reconstitution à partir de La Merope de 1734. Il s’en est tenu aux récitatifs de Giacomelli, et a substitué à la moitié des airs ceux de Vivaldi (mais aussi un de Hasse et un de Broschi). Les solutions sont des plus convaincantes.

Au centre du drame trône la reine de Messénie Merope (Anna Giro à la création). Ses plus belles arias et surtout ses récitatifs secs ou accompagnés exigent une science du chant et du mot qu’Ann Hallenberg double d’un vrai sens du pathétique. Ses soucis ne manquent pas : l’échéance inéluctable d’un remariage avec l’ambitieux et cruel Polifonte – ici le décevant Magnus Staveland, un cran au-dessous de l’éblouissante distribution féminine -, ensuite l’annonce de la mort de Epitide. Son fils est pourtant vivant, déguisé en étranger de passage (Cléon) et prêt à prendre le pouvoir que Polifonte a usurpé. Vivica Genaux donne une formidable précision expressive à ses récitatifs, notamment à l’échange tendu avec la reine Merope au III ( « La sposa … non mi conosci »). Comme attendu, elle triomphe des airs les plus agiles. Elmira, princesse promise à Epitide, maintenue prisonnière par Polifonte, est portée par la grâce de Romina Basso. Somptueux seconds rôles, avec Julia Lezhneva en Trasimede, chef du conseil de Messénie, et Franziska Gottwald, en Licisco (un envoyé étolien), à l’aise l’une et l’autre dans la fanfreluche ornementale.

Europa Galante est en grande forme, même si, dans les récits accompagnés, le trait est un rien forcé. Une réussite. »

Opéra Magazine – novembre 2012 – appréciation 4 / 5

« Le répertoire vénitien du primo settecento est fort de plusieurs centaines d’ouvrages lyriques, dont la majorrté attendent toujours une résurrection. Cela n’empêche pas Fabio Biondi de nous proposer une « reconstitution » d’un opéra de Vivaldi … dont pas une seule note n’a survécu ! L’impact commercial du nom du «Prêtre roux», en haut d’une affiche ou sur une pochette de disque, l’a donc emporté sur toute considération d’ordre musicologique, quitte à prendre le mélomane pour un benêt.

La partition de L’Oracolo in Messenio (Venise, 1737) est perdue. Seul le livret, une adaptation de la Merope d’Apostolo Zeno, a traversé les siècles, En 1740,Vivaldi voulut reprendre l’ouvrage à Vienne, mais la mort subite de Charles VI de Habsbourg entraîna, en signe de deuil, l’interdiction des représentations théâtrales dans la capitale de l’Empire. L’année suivante, c’est le décès de Vivaldi lui-même, qui sabota une nouvelle tentative de remise à la scène de cet Oracolo décidément maudit.

En 1742, il put enfin être monté au Kärntnertortheater, sous la forme d’un pastiche réalisé à partir d’airs empruntés à d’autres compositions de Vivaldi, dont aucune n’a toutefois pu être identifiée.

Fabio Biondi a procédé de la même manière pour sa propre reconstruction de la partition. Mais les notes d’intention qui accompagnent l’enregistrement sont peu disertes sur l’origine des morceaux ici réunis – hormis les récitatifs tirés de la Merope de Geminiano Giacomelli (1734. sur le même livret de Zeno) -. ce qui jette encore plus le doute sur la rigueur «scientifique» de l’entreprise.

Arrangé de la sorte, L’Oracolo in Messenio a été créé en 2011, à Cracovie, et enregistré par la Radio polonaise. Pourtant, c’est une autre captation, réalisée à Vienne, à peine un mois plus tard (Konzerthaus, 13-15 janvier 2012), qui est aujourd’hui commercialisée en CD, avec une distribution identique, à une exception – notable – près: le remplacement de Laura Polverelli (moins médiatique ?) parVivica Genaux en Epitide.

Quoi qu’il en soit, le plateau vocal est luxueux, dominé par la superbe Merope d’Ann Hallenberg. Le Licisco de Franziska Gottwald manque sans doute un peu de chair dans le grave pour tenir la comparaison avecVivica Genaux, qui évolue dans la même tessiture de mezzo, mais seul le Polifonte de Magnus Staveland détonne vraiment sur cette affiche de grande qualité.

À défaut d’une vraie redécouverte d’un opéra oublié de Vivaldi, cet Oracolo de bric et de broc nous offre au moins un beau récital de chant, même si ce n’était peut-être pas l’objectif premier poursuivi par Fabio Biondi, dont il faudra par ailleurs s’accommoder de l’habituelle véhémence au pupitre. »

Classica – novembre 2012 – appréciation 4 / 4

  « La mode serait-elle au pasticcio ? Après L’Olimpiade parue chez Naïve avant l’été, le nouvel opus vivaldien de « Virgin Classics» présente l’ultime ouvrage lyrique du compositeur alors hôte de la Cité Impériale de Vienne. Il s’agit également d’un pasticcio qui reprend l’esssentiel du livret d’Apostolo Zeno utilisé par Giacomelli pour sa Merope. Biondi a pu reconstituer la partition – aujourd’hui perdue – telle qu’elle fut jouée au Kärntnertortheaater en 1742. Tous les récitatifs et de nombreux airs sont empruntés à l’oeuvre de Giacomelli quand Vivaldi n’a pas puisé dans ses propres opéras. Là réside l’intérêt limité du coffret pour qui possède Caton in Utica et Griselda. Mais la fine équipe réunie autour de l’Europa Galante en janvier dernier au Wiener Konzerthaus mérite qu’on tende une oreille attentive à cet Oraacola in Messina.

Fabio Biondi est tel qu’en lui-même : faisant corps avec son ensemble, il modélise la matière sonore avec l’art accompli du coloriste, passant d’une rythhmique bruitiste (sforzandos fouettés) à des pianissimos qui touchent aux confins de l’audible. Tout juste lui reprochera-t-on des tempos parfois excesssifs qui poussent les chanteurs dans leurs retranchements. Et quels chanteurs ! Magnus Staaveland n’hésite pas à assombrir son timbre pour camper l’immonde Polifonte, Lezhneva triomphe dans « Son qual nave » de Broschi déjà immortalisé par la Bartoli, et Genaux tient bon dans les vocalises malgré la baguette trépidante qui s’agite sous ses yeux. Ann Hallenberg, parfaite en reine de Messine répudiée, enchaîne avec brio les airs de vengeance, Romina Basso, fière de ses graves, campe une hautaine Elmira.

Le « chant du cygne » du prêtre roux, tout hétéroclite soit-il, ne pouvait trouver distribution plus homogène et interprétation aussi aboutie. »