Les Amours des Dieux

COMPOSITEUR Jean-Joseph MOURET
LIBRETTISTE Jean-Louis Fuzelier

 

Opéra-ballet ou ballet héroïque à quatre entrées (Neptune et Amymone, Jupiter et Niobé, Apollon et Coronis, Ariane et Bacchus) et un prologue, sur un livret de Jean-Louis Fuzelier, représenté, avec grand succès, à l’Académie royale de musique, le 14 septembre 1727.

La distribution réunissait :
dans le Prologue, Mlle Eremans (Prêtresse du Temple de l’Amour), Chassé (Chef des Sarmates) ; Mlle Pélissier (Amymone), Thévenard (Neptune), Tribou (un Faune) dans l’entrée Neptune et Amymone. Ballet : Mlle Camargo, Dumoulin, Laval ; Mlle Antier (Niobé), Mlle Lambert (Calisto), Chassé (Phorcas)s, Lemire (Jupiter), dans l’entrée Jupiter et Niobé. Ballet : Blondy, Maltaire, Mlle Delisle ; Tribou (Apollon), Mlle Pélissier (Coronis), Dun (Iphis), Mlle Julie (Ismène), dans l’entrée Apollon et Coronis. Ballet : Mlle Sallé, Dumoulin ; Mlle Antier (Ariane), Thévenard (Bacchus), Mlle Eremans (une Bacchante) dans l’entrée Ariane et Bacchus. Ballet : Mlle Camargo.

Dans la première entrée, Mlle Minier, dans le rôle d’une Matelote, chanta l’air « Jeunes coeurs, quittez le rivage » exquis de fraîcheur et de grâce.

Dans la seconde entrée, Mlle Antier se fit admirer dans un air avec accompagnement de trompettes d’un goût nouveau et singulier. Dans cette même entrée, Blondy dansa une Chaconne guerrière qui fit grande impression.

Dans la troisième entrée, Mlle Carton, nouvellement reçue à l’Opéra, chanta une Musette pour Bergère avec hautbois obligé. C’est dans cette même entrée que Marie Sallé fit ses débuts à l’Académie royale, remplaçant Françoise Prévost indisposée, ainsi que le relate le Mercure de septembre 1727 : La Dlle Sallé, jeune danseuse qui vient de la cour d’Angleterre où elle a extrêmement brillé, danse dans la fête avec Sr Dumoulin, et occupe la place de Mlle Prévost qui est indisposée ; elle compte cependant de reprendre bientôt les entrées qu’elle devait danser. La Dlle Sallé a été fort goûtée.

Dans la quatrième entrée, Mlle Antier joua le rôle d’Ariane avec son intelligence et son goût ordinaire, et Thévenard remplit celui de Bacchus avec grâce et dignité. Mlle Camargo dansa seule le divertissement de cette dernière entrée : la finesse et la légèreté de ses pas ne laissèrent rien à désirer.

Le Ballet fut repris en novembre de la même année et, selon le Mercure, continuait à être vu avec plaisir en décembre.

Une entrée du ballet fut joué à Amiens en 1735.

Il fut repris le 18 juin 1737, sans l’entrée Jupiter et Niobé, pour finir l’opéra de meilleure heure, et donner ce temps à la promenade. Selon le Mercure de décembre 1727: Les Rôles furent très bien remplis dans cette reprise. Les représentations se poursuivirent en juillet et en août (vingtième représentation le 20 août), toujours avec succès.

Il fut chanté en concert de la Reine, à Versailles, les 12 et 14 mai 1738.

En mars 1739, on donna Jupiter et Niobé à l’Académie royale de Lyon.

Une nouvelle reprise à l’opéra eut lieu le 10 (ou le 12 ?) mars 1746, puis reprirent les 5, 12 et 26 mai, avec des décors nouveaux et des costumes de Péronet, et se poursuivirent durant le mois de juin.

Le Mercure de France de mai 1746 écrivit, à l’occasion de cette reprise : On a remis au Théâtre le jeudi douze Mars les Amours des Dieux , Ballet représenté pour la première fois le Dimanche 14 Septembre 1727 ; il a reparu pour la seconde fois fur la scène le mardi 18 Juin 1737; l’approbation de M. de Moncrif compétent des ouvrages lyriques, apprend que les représentations de ce Ballet ont toujours été reçues favorablement du public. Aussi nous ne nous étendrons pas sur les succès1 de la Pièce ; nous avons de bonnes raisons pour n’en pas louer les paroles ; l’Auteur s’en tient au témoignage de l’approbateur ; il n’est pas homme à prendre la peine de s’encenser lui-même.

A l’égard de la Musique qui est du gracieux Mouret, elle efs naturelle, elle n’est point semée de ces difficultés ultramontaines si bien copiées par quelques compositeurs et si admirées par la secte fanatique des harmonistes pédans qui n’estiment en Musique que les carillons & les charivaris. L’agréable savant Auteur du Spectacle de la Nature a bien développé ce ridicule entêtement dans son septième volume, mais sa politesse & sa modération l’ont engagé à imprimer les traits les plus caractérisques de ses peintures. Nous ne donnerons point un extrait du Prologue & des trois Actes qu’on a laissés à ce Ballet. Le second acte est sacrifié à la raison de la promenade. Nous ne parlerons même que succintement de la Musique qui est trop connue pour n’être pas fort estimée. Nous nous contenterons de louer les danses qui font variées & très bien exécutées, & les acteurs qui remplissent parfaitement leurs rôles. Jamais, surtout, les regrets d’Apollon n’ont été plus touchans, & les plaintes d’Ariane n’ont frappé plus virement les connaisseurs. La Cantatille de Coronis a été exécutée avec la légèreté & le goût qu’elle exige. Melles Bourbonnois & Jaquet ont repondu à l’attente du public qui a été extrêmement satisfait d’entendre Mrs, Chassé, le Page, Poirier & Latour.

Le 7 décembre 1746, pour la capitation des acteurs, on joua un spectacle composé du Prologue des Amours des Dieux, de La Provençale, d’Amphion (Triomphe de l’Harmonie) et de Zélindor.

Le jeudi 12 janvier 1747, l’Académie donna un spectacle composé de l’Entrée Apollon et Coronis, de celle de La Femme des Festes de Thalie, et de Zélindor.

Le 6 novembre 1748 et les jours suivants, les Amours des Dieux furent exécutés en version de concert pour la Reine à Fontainebleau.

Une troisième reprise des Amours des Dieux à l’Opéra eut lieu le 16 août 1757. Il y eut vingt et une représentations consécutives jusqu’au 2 octobre. En novembre et décembre le spectacle fut repris les jeudis.

La distribution réunissait : Mlle Lemière (la Prêtresse du Temple de l’amour), Larrivée (le Chef des Sarmates), Poirier (un Sarmate) dans le Prologue ; Gélin (Neptune), Mlle Dubois (Amymone), Pépin (un Faune) dans la première entrée Neptune et Amymone ; Poirier (Apollon en Berger), Mlle Fel (Coronis, amante d’Iphis, aimée d’Apollon), Larrivée (Iphis, Berger, amant de Coronis), Mlle Lemière (Ismène, Bergère, amie de Coronis, et une Bergère), Pépin (Mercure) dans la seconde entrée Apollon et Coronis ; Gélin (Bacchus), Mlle Chevallier (Ariane), Mlle Dubois (une Bacchante) dans la troisième entrée Ariane et Bacchus.

Le 15 décembre 1757 vit les débuts de Sophie Arnould (*), alors âgée de dix-sept ans. Elle chanta notamment l’air « Charmant Amour… », et obtint un immense succès, autant par ses qualités d’actrice que de chanteuse, attirant la foule à l’Opéra.

Le lendemain, le Mercure de France écrivait : Mademoiselle Sophie Arnould réunit tous les suffrages, à dix-sept ans son talent est déjà très avancé, elle tournera toutes les têtes ! » Le soir même, le comte de Lauraguais, qui se faisait appeler Dorval, l’enlevait, alors que le chevalier de Malézieux l’avait demandée en mariage.

En janvier 1758, le spectacle continua les jeudis et mardis. Dès le 31 janvier La Provençale fut ajoutée. Les Amours des Dieux avaient alors atteint cinquante repésentations depuis leur reprise.

En février 1758, « L’affluence que Mlle Arnould attire constamment a rendu ce jour-là (le jour où on jouait Les Amours des Dieux) le flambeau de la semaine ».

(*) Sophie Arnould (13 février 1640 – 22 octobre 1802) – http://www.siefar.org/DictionnaireHL/HLArnould.html

Le 6 mars 1765, des Fragments furent joués à Versailles, devant le Roi et la Reine, composé du Prologue des Amours des Dieux, de l’Amour enjoué, de Dauvergne, et de l’acte la Danse, tiré des Talens lyriques, de Rameau.

Le 18 août 1767, Apollon et Coronis fit partie d’un spectacle intitulé Fragments lyriques qui comprenait les actes du Feu et de La Terre des Eléments de Destouches. Il y eut vingt-trois représentations jusqu’à la fin d’octobre.

En novembre 1767, le spectacle prit le nom de Fragments nouveaux, représentés à la salle des Machines des Tuileries, se composant toujours de l’Entrée d’Apollon et Coronis, avec Théonis ou le Toucher de Montan-Berton et Trial, et Amphion, de La Borde. Ces Fragments restèrent à l’affiche jusqu’à la fin de janvier 1768. Depuis le mois d’août, l’acte d’Apollon et Coronis avait fait en tout cinquante-quatre représentations.

On conserve des dessins de Louis-René Boquet de costumes pour le Prologue :

Les Amours des Dieux - dessins de BoquetLes Amours des Dieux - dessins de Boquet
L’Entrée Apollon et Coronis fut reprise à l’Académie royale le 3 mai 1781, avec une musique de M. Ray, maître de musique de la Chambre du roi et de l’Académie royale de musique, et de M. Ray, ordinaire de la musique du roi, et avec la distribution suivante : Le Gros (Apollon, en berger), Mlle Laguerre (Coronis, amante d’Iphis, aimé d’Apollon), Laïs (Iphis, berger, amant de Coronis), Mlle Gavaudan (Ispmène bergère, amie de Coronis), Chéron (Mercure), Mlle Audinot (une Bergère).


Le ballet fut cité dans La Revue des Théâtres de Dominique et Romagnesi, jouée par le Théâtre Italien le 1er mars 1728 : Il n’y a pas d’opéra qui fasse plus de tracas que celui-là… Il faut avouer que la musique est à son plus haut période, et j’espère que nous n’entendrons plus que des Ritournelles à coup de canon.

 

107me Opéra. C’est un Ball. composé de quatre entrées & d’un Prol. dont les vers sont de Fuzelier, & la musi. de Mouret. Le Prologue représente les jeux funebres célébrés par les Sarmates de Tomes, en l’honneur d’Ovide, en reconnoissance de l’Art d’aimer que ce fameux Poëte avoir apporté sur les bords glacés du Danube. La premiere entrée représente les amours de Neptune & de la Nymphe Amimone ; la seconde celles de Jupiter & de Niobé ; la troisieme celles d’Apollon & de Coronis ; & la quatrieme celles de Bacchus & d’Ariane. Mademoiselle Sallé parut avec éclat dans cet Opé. qui est gravé en musi sur partition in-4°. & fut représenté pour la premiere fois le 14 Septemb. 1727. Dans deux reprises qu’on en a faites, en 1737 & en 1747, on a retranché l’entrée de Jupiter, & les autres furent mises dans un ordre différent. En 1758 on le donna sans la premiere entrée. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

 

Prologue

Le temple de l’Amour de la ville de Tomes, où les Sarmates célébraient tous les ans une fête à l’honneur d’Ovide. Son tombeau est placé au milieu. Une princesse Scythe et un guerrier Sarmate invitent tous les amants des Peuples du Nord ) venir célébrer la mémoire du poète. Les Plaisirs sont conviés à représenter les Amours des Dieux, chantés autrefois par la Muse galante d’Ovide.

Neptune et Amymone

Sur le bord de la mer, un rivage semé de rochers

Amymone revient sur les lieux où elle est tombé éprise du Dieu de la Mer. Elle l’invoque pour la protéger des ardeurs d’un Faune empressé. Le Faune lui reproche de le fuir et lui préférer un rival. Il presse Amymone de lui céder. La mer s’agite, Neptune sort de la mer. Sur son ordre, les Tritons emmènent le Faune. Neptune se déclare à son tour. Amymone lui répond en retour. Tous deux se jurent fidélité. Divertissement des Tritons et Néréides.

Jupiter et Niobé

La nymphe Calisto, abandonnée par Jupiter, se réfugie sans s’en douter dans le palais de sa rivale. Décéouvrant sa méprise, elle décide de se venger en livrant Niobé à la fureur de Phorcas, prétendant éconduit. Jupiter accourt au secours de Niobé, fait éclater sa foudre, et disperse l’armée de Phorcas expirant.

Apollon et Coronis

Dans un hameau de la Thessalie

Apollon, habillé en Berger, soupire après Coronis. Mais celle-ci ne veut entendre parler que du berger Iphis. Ismène ne comprend pas que Coronis préfère un berger à un dieu. Apollon survient. Il a été banni du ciel par Jupiter et déclare son amour à Coronis. Mercure descend des cieux. Coronis se retire. Mercure fait part à Apollon de la volonté de Jupiter qu’il rejoigne les cieux. Apollon ne peut qu’obéir. On entend le prélude d’une fête champêtre. Apollon se résoud à chercher Coronis pour lui annoncer son départ. Divertissement des Bergers et Bergères, emmenés par Iphis. Coronis a appris le départ d’Apollon et se réjouit de retrouver Iphis. Leur hymen se prépare. Apollon se sent trahi et s’apprête à transpercer Coronis de son javelot. Il est retenu par Iphis qui le prend pour un Berger. Coronis s’interrpose pour protéger Iphi et l’emmène hors de la scène. Apollon se retourne contre son rival et lance son javelot vers lui. Hors de la scène, le choeur est horrifié : le javelot a tué en même temps Iphis et Coronis. Apollon est saisi par le remords.

Ariane et Bacchus

Un rivage solitaire de l’île de Naxos, avec au loin un vaisseau qui fuit à pleines voiles

Ariane sort d’entre les rochers ; elle s’emporte contre Thésée, l’ingrat, qui fuit. Elle invoque Neptune. On entend un choeur de Bacchantes qui conseille à Ariane d’oublier un amant volage.

La mer et les rochers disparaissent, et font place à des berceaux d’arbres.

La suite de Bacchus apparaît et convie Ariane à oublier un ingrat. Ariane se trouble en voyant le dieu lui-même. Bacchus annonce à Ariane qu’il souhaite assécher ses pleurs. Ariane explique qu’elle a suivi Thésée comme l’Amour le lui commandait. Bacchus lui propose l’hymen à condition qu’elle oublie Thésée. Ariane finit par consentir. Bacchus commande un divertissement pour célébrer leur union.
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