La Catena d’Adone (La Chaîne d’Adonis)

COMPOSITEUR Domenico MAZZOCCHI
LIBRETTISTE Ottavio Tronsarelli
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2012 Nicholas Achten Alpha 2 italien

 

Favola boscareccia en un prologue et cinq actes, représentée à Rome, au Palazzo Evandro Conti, le 12 février 1626. Domenico Mazzocchi était alors attaché au cardinal Ippolite Aldobrandini.

NB : selon certaines sources, la création aurait eu lieu en 1624.

Le livret de Tronsarelli (mort en 1646) est tiré d’un épisode de La Prigione d’Adone, poème de Giambattista Marino (1569 – 1625), dédié à Louis XIII, terminé et imprimé à Paris en 1623.

Castil-Blaze raconte que Ottavio Tronsarelli, de Florence, composa tout exprès la Catena di Adone, favola bocchereccia, à l’occasion d’une dispute élevée entre deux chevaliers d’un haut rang, G. G. Aldobrandino et G. D. Lupi, au sujet du mérite de deux cantatrices fameuses. Il s’agissait de constater laquelle devait être placée audessus de sa rivale, sous le double point de vue de la voix et du talent. Checca delia Laguna était l’une de ces virtuoses, on la nommait ainsi parce qu’elle habitait sur le bord d’une lagune. Margherita Costa, qui lui disputait la palme, était célèbre pour son chant et son esprit (1), mais trop connue pour le trafic honteux qu’elle exerçait dans la ville. Dans ce drame lyrique, les parties avaient été combinées de telle sorte que l’une et l’autre rivale pouvait y briller. Ce combat de deux cantatrices inspirait le plus vif intérêt ; il n’eut pas lieu pourtant. La princesse Aldobrandino y mit opposition, ne voulant pas qu’une mezzana parût sur son théâtre; et la Catena di Adone fut chantée par deux sopranistes dans le palais du marquis Evandro Conti a’ Monti. L’œuvre de Tronsarelli n’en fut pas moins applaudie; le chevalier d’Arpino en avait ordonné, peint les décorations.

Loreto Vettori (*) était un des deux castrats sopranos, et tenait le rôle de Falsirena.

(*) Loreto Vettori (ou Vittori), né vers 1600 à Spolète, mort à Rome en 1670. Castrat soprano, jugé « très expressif et ardent, mais aussi délicat et d’une extrême douceur ». Il s’était établi à Rome en 1621, au service du cardinal Ludovico Ludovisi, neveu du pape Grégoire XV, puis passa au service du cardinal Antonio Barberini. Il obtint son meilleur succès dans le rôle d’Angelica du « Palazzo incantato di Atlante » de Luigi Rossi. Ordonné prêtre en 1643, il se retira de la Chapelle pontificale en 1647.

Le livret fut édité en 1626 (dédicaces du 30 mars et du 12 mai), puis réédité à Venise en 1627. La partition fut également éditée en 1626 (dédicace du 24 octobre) chez Alessandro Vincenti.

Un exemplaire est conservé au Civico Museo Bibliografico Musicale de Bologne.

La Catena d’Adone fut reprise à Viterbe après 1626, ainsi qu’au teatro Malvezzi de Bologne, à l’automne 1648, avec un prologue et des intermezzi de Nicolo Zoppio Turchi (1611 – 1656).

Nicolo Zoppio Turchi

La partition a été rééditée par Forni, à Bologne, en 1969 (Bibliotheca musica Bononiensis).

 

Personnages : Apollo (ténor) ; Cyclopes (Prologue). Falsirena, magicienne (soprano) ; Adone (alto) ; Plutone (basse) ; Venere (soprano) ; Idonia (soprano) et Arsete (basse), conseillers de Falsirena ; Oraspe, commandant (ténor) ; Amore (soprano) ; Eco (alto) ; nymphes, bergers.

 

Argument

Prologue

La grotte de Vulcain et les Cyclopes, au milieu d’un bois touffu

Apollon descend de son nuage et déplore que Vénus, délaissant Vulcain, accorde ses faveurs au jeune et bel Adonis.

Adonis a séduit Vénus dans son palais situé au coeur de l’île de Chypre. Mais la colère de Mars, époux légitime de la déesse, le force à s’enfuir. Il arrive dans le territoire de la magicienne Falsirena qui s’éprend aussitôt de lui. Elle le retient dans son royaume par une chaîne magique, invisible, mais ne parvient pas pour autant à recueillir les faveurs du berger qui reste insensible. Falsirena devine qu’elle a une rivale et se fait aider par Pluton pour la découvrir. Falsirena apparaît en Vénus. Adonis est abusé quelque temps, mais la vraie Vénus vient mettre fin à la mystification, enchaînant la magicienne à un rocher, avec sa propre entrave.

 

« On voit défiler dans cette oeuvre un grand nombre de scènes déjà familières aux librettistes, qui seront répétées durant un siècle : jardins enchantés, où des voix invisibles charment le héros, antre de Vulcain où des Cyclopes chantent en battant l’enclume, forêt profonde où l’écho répond à l’amant qui se désespère. » (Henry Prunières – 1937)

 

« C’est avec « La Catena d’Adone » que l’opéra romain tente d’échapper à « l’ennui » (selon les propres termes de Mazzocchi) des récitatifs florentins, en augmentant le nombre d’ariosos et des airs proprement dits, entendus dans le sens de pezzo chiuso. » (Rodolfo Celletti – Histoire du Bel canto – 1987)

 

« Le livret d’Ottavio Tronsarelli est tiré du grand poème (42 000 vers) « L’Adone », d’un Napolitain ami de Torquato Tasso, Giambattista Marino. Ce récit des amours de Vénus et d’Adonis, tiré du livre X des Métamorphoses d’Ovide et dédié à Louis XIII, est un des plus fameux emblèmes du conceptisme, la pointe baroque qui trouvera sa véritable bible dans le Cannocchiale aristotelico d’Emanuele Tesauro et les écrits de Gracian. Dans cette perspective littéraire, une importance centrale est accordée à la métaphore. Ce « transfert » se perçoit aussi dans la métamorphose d’une personne dans une autre image. Le basculement du mot correspond à un basculement d’identité, aussi bien sémantique que fabuleux. L’histoire d’Adonis, par ses nombreuses allégories, avait déjà intéressé Macrobe dans les Saturnales, St Jérôme expliquant Ezechiel, et Plutarque dans ses Symposiaques. L’Adone du Cavalier Marin ne paraît à Paris et à Venise – simultanément – qu’en 1623, et La catena d’Adone, en un prologue et cinq actes, est montée à Rome en 1626 ! L’année suivante, le poème de Marino est d’ailleurs mis à l’Index. En choisissant ce grand poème encyclopédique, les auteurs prennent donc le parti de la modernité. L’épisode retenu pour l’opéra vient après l' »initiation  » d’Adonis à l’intérieur du palais de Vénus et Cupidon, situé au coeur de l’île de Chypre. » (ConcertoNet)

 

Représentations :

Gand – Muziekcentrum de Bijloke – 30 septembre 2010 – Bruxelles – Cercle Royal Gaulois – 11 octobre 2010 – Herblay – Théâtre Roger Barat – Festival Baroque de Pontoise – 16 octobre 2010 – Scherzi Musicali – direction, clavecin, harpe, archiluth Nicolas Achten – mise en espace Peggy Thomas – lumières Guillaume Fromentin – avec Luciana Mancini, mezzo-soprano (Falsirena), Reinoud Van Mechelen, ténor (Adone), Marie de Roy, soprano (Idonia, Ninfa), Merel Elishevah Kriegsman, soprano (Ninfa, Venere), Catherine Lybaert, soprano (Ninfa, Amore), Dávid Szigetvári, ténor (Apollo, Pastore), Olivier Berten, baryton (Oraspe, Pastore), Nicolas Achten, baryton (Arsete, Pastore)

Anvers – Festival de Flandres – 1er septembre 1999 – Cantus Köln – Concerto Palatino – dir. Konrad Junghänel – mise en scène Jakob Peters-Messer – avec Jordi Domenech (Adone), Erian James (Falsirena), Guillemette Laurens (Idonia), Wilfried Jochens (Oraspe), Stephan Schreckengerger (Arsete), Gerd Türk (Apollo), Antonio Abete (Plutone), Sylvia Koke (Venere), Caroline Peron (Amore).

 

Innsbrück – Festival de Musique ancienne – Tiroler Landestheater – 14, 16, 17 ao&uirc;t 1999 – Cantus Köln, Concerto Palatino – dir. Konrad Junghänel – mise en scène Jakob Peters-Messer – décors et costumes Bettina Meyer – avec Erian James (Falsirena), Jordi Domenech (Adone), Guillemette Laurens (Idonia), Wilfried Jochens (Oraspe), Gerd Türk (Apollo), Stephan Schreckenberger (Arsete), Antonio Abete (Plutone), Sylvia Koke (Venere), Caroline Pelon (Amore)

« En coproduction avec le Festival des Flandres et l’Opéra d’Anvers, le festival d’Innsbruck présentait en ouverture une pièce de choix, toujours rare : un opéra baroque mis en scène….D’ailleurs, pendant le prologue et la première scène, le putto reconnaissable, dans une peinture en médaillon, supervise les débuts de l’intrigue. Adonis a séduit Vénus et est acculé à la fuite par la colère de Mars, époux légitime de celle-ci. Dans la profonde forêt, il arrive dans le territoire de Falsirena, qui s’éprend de lui aussitôt. Elle le retient dans les doux paysages de son royaume par une chaîne magique, invisible, mais ne parvient pas pour autant à s’assurer les bonnes grâces d’Adonis, qui reste insensible. La magicienne devine une rivale et s’aide de Pluton (superbe Antonio Abete) pour la découvrir. Dès lors, Falsirena joue la confusion des rôles et apparaît en Vénus à Adonis. Un dieu (faux) prend l’apparence d’un vrai. Adonis est abusé quelques instants, mais la déesse titulaire réapparaît et enchaîne la falsificatrice à un rocher, avec sa propre entrave.

Au début de la deuxième scène, le décor se lève et laisse place à des moucharabiehs/confessionnels qui se transformeront plus tard, par un mouvement rotatif ingénieux en petites loges. Au milieu, seul, Adone déroule un grand monologue – il en a plusieurs, qui forment tous des sommets de cet opéra, comme la deuxième scène du troisième acte, la première du cinquième acte. Le contre-ténor Jordi Domenech déploie une belle voix, puissante et bien projetée. On regrettera que son jeu théâtral, brusque et peu esthétique, n’arrive pas à la hauteur de l’ardeur nostalgique de son chant. A cinq reprises son premier monologue va trouver un écho, comme une image invisible, insaisissable de sa parole. Un beau couple vocal tient également le devant de la scène : le style racé de Guillemette Laurens, et le chant sensible d’Erian James, qui rivalise de finesse et de subtilité dans la déclamation. Un merveilleux trio aux phrases audacieuses, entre Adonis, Vénus et l’Amour, clôt la représentation. Les deux excellents cornettistes (Doron Sherwin qui joue aussi du tambourin, Bruce Dickey), et leurs augmentations époustouflantes auront égaillé l’orchestre, en compagnie d’un continuo bien préparé, avec clavecin, orgue, luth, harpe, théorbe et le plus bel instrument de la soirée : le lirone.

Le théâtre d’Innsbruck a les dimensions idéales pour ce genre d’ouvrage. Toutefois le lieu ne suffit pas. Comparée à la richesse du livret, la mise en scène est pâle et décevante. A côté d’un noeud de paroles de musique et de choses, elle donne une impression de grisaille générale, et ce, malgré les costumes ecclésiastiques ouvragés replaçant l’oeuvre dans la Rome triomphante. Où sont les  » effets spéciaux  » qui pourrait changer une représentation intéressante pour initiés en véritable opéra ? La gestuelle est inexistante ‘ rien à voir avec l’imagination délirante que l’on rencontre dans les églises d’Innsbruck ou dans le musée d’art ancien Ferdinandeum. Où sont les ballets et les décors ? Bien sûr, on a ce cadre gris, avec au fond un escalier de fer en colimaçon ‘ La sphère armillaire de Falsirena est son seul outil magique. D’ailleurs les grands moments de l’enchanteresse, comme celui de la scène 2 de l’acte IV, ne tiennent que par l’engagement énergique d’Erian James. La mise en scène ne l’aide pas. C’est donc un spectacle tronqué malgré le vif intérêt qu’il recèle encore sous cette forme, la musique utilisant une grande variété de formes (madrigal a cappella, choeur, trio, arioso, récit, ritournelle instrumentale, etc). De fait, on goûtait mieux l’opéra en fermant les yeux ‘ le comble pour un opéra baroque. » (ConcertoNet )
RAI Milano – 10 mai 1951 – Orchestra Sinfonica e coro della Rai di Milano – dir. Roberto Lupi – avec M. Amadini, L. Ribacchi, A. Cezza, G. Gallo, F. Calabrese, L. Gaspari intégrale audio disponible

https://www.youtube.com/watch?v=IFD3Qmlk-qE