Le Ballet d’Alcidiane

COMPOSITEUR Jean-Baptiste BOËSSET, Jean-Baptiste LULLY et autres
LIBRETTISTE Issac de Bensérade

    

DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1998 Kevin Mallon Naxos 1 (extraits) français et italien

Ballet en vingt et une entrées en trois parties (LWV 9), sur un texte d’Isaac de Bensérade. Jean-Baptiste Lully laissa quelques compositions à Boësset et Mollier, comme l’indique Loret :

Benserade en a fait les vers,

Boësset et Molière les airs.

Le texte est tiré de Polexandre, de Gomberville (*), ouvrage paru en 1636. Ce roman d’aventures montre un roi des Canaries parcourant le monde du Danemark au Maroc, du Sénégal aux Antilles, à la poursuite d’Alcidiane, reine de l’île Inacessible, et l’atteignant après bien des naufrages et des duels. Dans ces quatre mille pages, l’auteur s’applique à ne jamais employer les mots car et pourquoi, critiqués par les grammairiens.

(*) Marin Le Roy de Gomberville (1600 – 1674), poète et romancier, académicien. Séduit par le jansénisme, il se retira vers la cinquantaine.

Marin Le Roy de Gomberville

Le ballet, dont la direction était assurée par Louis Hesselin, fut dansé par le roi et par Marie Mancini, nièce de Mazarin dont il était épris – tous deux étaient âgés de vingt-ans – dans la galerie du Louvre, le 14 février 1658. Il fut redonné le 17 février devant les Ambassadeurs, et le 24 février pour Christine de Suède, spécialement venue à Paris pour le voir.

Castil-Blaze raconte que Louis XIV devait danser dans Alcidiane, ballet de Benserade, et de Lulli. Louis se rendit au théatre en costume de baladin, et ne trouva rien de prêt pour la représentation. Il envoyait sans cesse des valets de pied à Lulli, pour le presser et savoir quand on entrerait en scène. Voyant que rien n’avançait, le roi fit dépécher un dernier émissaire pour lui dire qu’il se lassait d’attendre, et qu’il voulait absolument que l’on commençât. Lulli, songeant moins aux ordres qu’on lui signifiait, qu’à ce qui lui restait à faire encore, répondit avec un sang froid admirable : « Le roi est le maître, il peut bien attendre. »

Les deux Bandes de violons avaient été réunies, formant un orchestre de trente-six cordes, et on comptait un total de quatre-vingt musiciens. Anne de La Barre (*) et Anna Bergerotti (**) chantèrent un récit italien à la place du prologue.  Parmi les chanteurs figurait également Hilaire Dupuy, dite Mlle Hilaire (***).

(*) Loret disait d’Anne de La Barre :

La Barre, cette illustre fille,

Dans les yeux de laquelle brille

Je ne sais quoi de si charmant

Qu’un dieu même en serait amant

(**) Loret disait d’Anna Bergerotti :

Anna, l’aimable Italienne

Que le ciel conserve et maintienne,

Dont l’esprit, la voix et les yeux

N’ont rien qui ne soit précieux

(***) Loret disait de Mlle Hilaire :

La sage demoiselle Hilaire,

Dont la voix douce , nette et claire

Ne peut, avec droit et raison,

Recevoir de comparaison !

Lully parut aux côtés du Roi sous l’habit d’un Démon, puis vêtu en Maure, dansant la chaconne avec la danseuse professionnelle Mlle Vertpré.

L’Ouverture passe pour être la première composée sur le plan de ce qu’on appelera l’Ouverture à la française (trois mouvements : lent pointé, vif, lent). La partition fut copiée par Henri Foucaut, elle est conservée à la Bibliothèque municipale de Toulouse.

Par ordre exprès de son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte de Toulouze, une partie des divertissements furent copiés par Philidor l’Aîné et par son fils aîné, en 1703.

Les airs français des deuxième et troisième partie (Que d’esclaves soumis, Bien que je sois fière et cruelle) sont attribués à Jean-Baptiste Boësset. En revanche l’air Que votre empire, chanté par Mlle Hilaire est attribué à Lully.

Pour les décors, le peintre Claude Deruet (1588-1660), appelé de Nancy, fut préféré à Giacomo Torelli.

Claude Deruet et son fils

  La Bibliothèque nationale de France conserve une copie manuscrite de Philidor l’Aîné de la partition, datant de 1690, et du texte, datant de 1705.

Alcidiane_partition_1705Alcidiane_texte_1705

En 1702, Danchet et Campra utilisèrent des extraits dans les Fragments de Lully, pour la deuxième entrée les Guerriers, et la quatrième entrée les Bohémiens.

 

Dans ses Mémoires, Mademoiselle de Montpensier réconte : Le roi étudioit un ballet, que j’allai voir répéter avec la reine ; et le jour qu’il le dansa tout de bon, on étoit paré et placé dans une tribune à main droite du théâtre, pour pouvoir plus aisément descendre dessus pour danser après le ballet. Madame la princesse d’Angleterre y étoit, et mesdemoiselles de Nemours et le reste du monde ordinaire. Comme les ballets se donnent dans une grande salle, et que tout le monde y vient sans prier (2), il y a de toutes sortes de gens. J’y vis deux dames, qu’il y avoit quelque temps que je n’avois vues, la comtesse de Fiesque et madame de Frontenac. Je les trouvai si changées, que j’eus peine à les reconnoître, l’une par l’excès de sa maigreur, et l’autre par celui de sa graisse : elles étoient tout derrière, cachées avec coiffes comme des personnes qui ne s’osent montrer.

 

Le ballet fut commenté par la Gazette de Renaudot : Le 14 février, fut dansé au Louvre pour la première fois, en présence de la reine, Monsieur, Mademoiselle et de toute la cour, le ballet d’Alcidiane, divisé en trois parties, chacune de sept entrées, si bien concertées et si pompeuses, qu’au jugement de tous les spectateurs, on ne pouvoit rien choisir qui fût plus digne de servir, en cette saison, au divertissement d’un roi, qui n’en cherche que de conformes à la noble inclination qu’il a pour les actions héroïques et qui conduisent à la gloire; ce grand monarque, dont la grâce le fait toujours aisément remarquer entre tous les autres, n’y représentant aussi que les passions d’un prince des plus belliqueux et des plus conquérants.

 

Synopsis

Première partie

Les délices de l’Île heureuse et inaccessible où la belle reine Alcidiane tenait sa cour

Un paysage fertile et délicieux, orn&eacut; de Jardins, de Fontaines. Quelques palais dans l’éloignement.

Des Galants, en présence de Dames, chantent des vers à la louange de l’Amour.

Concert en italien et en français

Récit Serio per il principio (Amour commande au ciel), chanté en italien par Mlle de la Barre. Récit chanté en Français, Que votre Empire, Amour, est un cruel empire, par Mlle Hilaire.

Entrée 1 – la Haine (jouée par le Roi : Quel éclat brille en ce jour ?), la Colère (le comte de Saint Aignan : La Colère sert l’Amitié), l’Ennui (Cabou), la Jalousie (Mollier), le Désespoir (Beauchamp) et la Crainte (M. de Lorges) sont chassées par l’Innocence (le marquis de Genlis).

Entrée 2 – l’Innocence (le marquis de Genlis : L’Innocence du Siècle d’or en moy pouroit fleurir encor)

Entrée 3 – l’Abondance est telle que la Mer produit des Perles que les Pêcheurs (le Comte de Sery, le marquis de Villeroy, M. de Rassent, Des-airs l’aîné et Des-airs le cadet) vendent aux Etrangers.

Entrée 4 – un sujet d’Alcidiane, courtisan, représentant un Balladin ridicule (Dolivet) et sa femme (Hesselin) et leur suite de Baladins ridicules (Baptiste – Lully -, Don, Lambert, de Lorge jouant les Hommes, Bontemps, valet de chambre du roi, Cabou, Beauchamp et Reynal jouant les Femmes) préparent une entrée crotesque (C’est un bon remède au mal).

Entrée 5 – six Galants de la cour d’Alcidiane (les marquis de Saucourt, de Richelieu, d’Alluye, de Gontery, M. de la Chaisnaye, Vacher) quoique rivaux, se divertissent ensemble (Entre rivaux, ce me semble).

Entrée 6 – huit des meilleurs danseurs (les marquis de Rosny, de Séguier, les chevaliers de la Marthe, de Fourbin, Boyer, Coquet, de la Marre, de Gan) font valoir par une danse sérieuse leur disposition ete leur adresse (C’est pour vous plaire seulement).

Entrée 7 – des habitants préparent un Combat des Plaisirs et un siège grotesque pour divertir leur reine, imitant les règles d’un véritable combat entre deux partis : Baptiste (Lully), capitaine d’un des partis (*), Bontemps, Joyeux, Barbau, Maury, Bruneau, Langlois, Beauchamp, Des-airs l’aîné et le cadet, Lambert, Don ; du Moustier, capitaine de l’autre parti, de la Barre l’aîné et le cadet, S. Fré, Geoffroy, Vagnac, Lerambert, S. André, le Grais, le Conte, Clinchant, le Noble)

(*) texte de l’air de Lully : Au lieu de m’emporter j’auray meilleure grace/D’être modeste sur ce point/Sans me vanter ici que le Siècle n’a point/de Capitaine qui me passe:/Mais rendons nous justice, et voyons après tout/Qui peut bien mériuter des louanges parfaites/Les choses dont je viens à bout/César lui-même les eut-il faites ?

Deuxième partie

Les principales aventures de Polexandre avant de parvenir à l’ïle d’Alcidiane

Une mer où plusieurs vaisseaux sont en rade

 Récit de Bellone (Mlle Raimond : Bien que je sois fière et cruelle), Mars (Vincent) et les Furies (L’Alleman, Le Gros et Beaumont)

Entrée 1 – Eole (le Roi) déchaîne les Vents (Beauchamp, le Vacher, Reynal, de Lorges) pour contrarier la navigation de Polexandre : Roy d’un Peuple, léger, inconstant et volage.

Entrée 2 – un Pilote (Joyeux) et six Mariniers (S. Fré, Lambert, Mongé, le Conte, la Marre, Feurier) jetés sur le même rivage témoigent leur joie d’avoir été sauvés : La Terre ne vaut rien si la Mer n’est pas bonne.

Entrée 3 – Zelmatide, prince du Pérou (le duc de Guise : A tous les Conquérans ma vaillance m’égale), aborde le même rivage avec quelues uns des siens (les chevaliers de la Marthe et de Fourbin représentant les Ameriquains, Coquet, Boyer) faisant voir sur ses habits les prodigieuses richesse de son pays, se réjouit des nouvelles qu’il a apprises en arrivant à terre.

Entrée 4 – six Géants (les frères la Barre, Vagnac, Toury, Picot, Baltazard) et six Nains (Bonard, Broüard, Tomin, Rousseau, Joubert, Balon) de la suite de Zelmatide : Ce n’est point à dessein de donner des batailles.

Entrée 5 – quatre des principaux Corsaires de Bajazet (les marquis de Saucourt : Depuis que je croise Neptune, et de Richelieu : Ce corsaire n’a pas une valeur commune, le Vacher, du Pron) vaincus sur mer par Polexandre, et faits prisonniers, témoignent leur joie de retrouver la liberté qu’il vient de leur rendre.

Entrée 6 – huit Démons (le Roi : Que je suis dans un doute étrange, le marquis de Genlis : N’a-t-on pas mille fois dit, écrit, imprimé, Verpré, Molier, Baptiste – Lully -, Beauchamp, de Lorges, Reynal), envoyés par la Magicienne Zelopa contre ceux qu’elle croit lui devoir ravir l’affection de Zabaïm, se consultent sur les persécutions qu’ils feront souffrir à Polexandre

Entrée 7 – à l’arrivée de Pallante (le comte de Saint Aignan : Mille gens amoureux et braves), chef des illustres esclaves d’Alcidiane (Coquet, Langlois, les frères Des-aires), les enchantements sont dissipés et les démons mis en fuite, le génie de cette belle reine étant plus fort que toute leur puissance

Troisième partie

Le triomphe et la gloire de Polexandre en possession d’Alcidiane

Une superbe ville et quelques paysages qui l’environnent

 Récit de la Fortune (chanté par Mlle Hilaire), accompagnée de l’Honneur et de la Gloire

Entrée 1 – Polexandre (Beauchamp) paraît triomphant, avec sa suite (les chevaliers de la Marthe, et de Fourbin, Boyer, Coquet) : Polexandre parvient au but de son désir.

Entrée 2 – trois Bergers (les comtes de Saint Aignan : Gloire de la Bergerie, et de Guiche : Ma jeunesse vive et prompte, Joyeux) et trois Bergères (le marquis de Villeroy : Cette jeune Bergère cause, de Rassent, Langlois) font un Concert rustique, auquel un choeur de flûtes et plusieurs autres instruments répondent, et se réjouissent de l’arrivée de Polexandre. Sept Faunes (Bontemps, Barbau, de Verpré, Baptiste – Lully -, Bruneau, Des-airs le jeune, le Noble) descendent des montagnes voisines et se mêlent à eux. Ils dansent tous ensemble.

Entrée 3 – des Courtisans (les marquis de Rosny : Les jeunes courtisans adorent tour à tour, et de Seguier, le chevalier de la Marthe, Boyer, Coquet, Deuilledieu) se réjouissent de la félicité de Polexandre et Alcidiane

Entrée 4 – course de Faquins (Cabou, Dolivet, de Lorges, le Conte) ridicule pour divertir Polexandre et Alcidiane, avec des Chevaliers crotesques (Geoffroy, Don, Toury, de S. André).

Entrée 5 – pour que rien ne manque au bonheur des deux amants, les Saisons, au lieu de se succéder, apportent ensemble tout ce qu’elles ont coutume de produire : le Printemps (M. de Sery : Amour a sous ses loix rangé ma destinée), l’Été (M. de Gontery : La Chaleur qui m’accompagne), l’Automne (le comte de Guiche : Amour, pourvu que tu le veuilles), l’Hiver (de S. Maury).

Entrée 6 – les Plaisirs de toute sorte : la Mascarade (le marquis de Villequier : Pour ne pas faire cognoistre), la Comédie (le marquis de Saucourt : Coquettes, quoy que je vous die), la Chasse (le marqquis de Richelieu : Je traverse à tout moment), la Pêche (le marquis de Genlis : Pour des hameçons et des lignes), la Paume (le marquis d’Alluye), l’Amour (le marquis de Villeroy : Je me cognoistray mieux un jour), un autre Amour (de Rassen : Cet Amour est assez fin), la bonne Chère (Reynal), viennent à la Cour pour ne plus l’abandonner

Entrée 7 – une Princesse de Mauritanie (Mlle de Vertpré) , que le hasard a fait aborder en l’Île inaccessible avec sa suite de Maures (le Roi : Ces Maures si bien-faits s’en vont d’un pas hardy, le comte de Saint-Aignan : Mon Coeur a signalé sa noble ambition, Bontemps, de Verpré, Baptiste – Lully -, Langlois, Bruneau, Des-airs l’aisné), témoigne par une Chaconne, de sa satisfaction. On entend un Concert de voix de dames Maures (Mlle de La Barre et Anna Bergerotti) et de guitares à quoi la musique (deux clavecins, quatre théorbes, cinq violes) répond alternativement. Récit italien (Mlle de La Barre et Anna Bergerotti) : Cede a vostro valore (Les Dieux dont vous êtes l’image).

Loret donne, dans la Muze historique, des indications sur l’orchestre :

Un grand concert des plus charmants,

Composé d’octante instruments,

Encor, dit-on, octante-quatre,

Fait l’ouverture du théâtre.

Savoir trente et six violons,

Qui sont presque autant d’Apollons

Formant un mélange céleste,

Flûtes, clavecins et le reste,

Guiléres, téorbes ou luths,

Et des violes de surplus.  

 

L’argument est tiré du roman précieux « Polexandre », de Gomberville, et raconte le périple de Polexandre, roi des Canaries, qui, après avoir parcouru bien des mers, parvient au large d’une île réputée inaccessible où règne la belle Alcidiane. Il doit franchir mille obstacles pour l’atteindre et triomphe de toutes les embûches, naufrages, combats, duels et autres périls, avant de régner finalement sur l’île et sur le coeur de la belle souveraine. (Le Fracas du Soleil – Marc David-Calvet) 

 

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