Sant’Alessio

COMPOSITEUR Stefano LANDI
LIBRETTISTE Giulio Rospigliosi
ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
1995 1996 Les Arts Florissants William Christie 2 italien
1995 2007 Les Arts Florissants William Christie 2 italien

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
2007 2008 William Christie Virgin Classics

 

Historia sacra en deux actes, commandée par le cardinal Francesco Barberini, secrétaire d’Etat au Vatican, et son frère Taddeo, prince de Palestrina, préfet de Rome, tous deux neveux du pape Urbain VIII (*), en vue d’une représentation privée dans le palais Barberini. Le livret fut confié à Giulio Rospigliosi (1600 – 1699), prélat alors âgé de trente ans, les décors à l’artiste toscan Pietro da Cortona.  (*) Maffeo Barberini fut élu pape en 1623 sous le nom d’Urbain VIII. Il favorisa la cararière de ses trois neveux : Francesco, cardinal à vingt-six ans, Taddeo, lieutenant-général de l’Eglise à vingt-quatre ans, et Antoine, légat apostolique en France, puis cardinal. Urbain VIII mourut en 1644, et fut remplacé par Innocent X, hostile à la famille des Barberini qui s’exila en France.

Elle fut représentée le 8 mars 1631, au Palazzo Barberini ai Giubbonari, dans une distribution entièrement masculine : le rôle-titre était tenu par le castrat Angelo Ferrotti, celui de l’Épouse par le castrat Marc’Antonio Pasqualini, alors adolescent de 17 ans, celui de Rome par le jeune Paoluccio Cipriani, Francesco Bianchi, Simone Papi, Bartolomeo Nicolini. Elle fut reprise le 21 février 1632, pour l’inauguration du Palazzo Barberini alle Quattro Fontane, salle de spectacle dotée d’une machinerie raffinée, et en l’honneur de Hans Ulrich, Prince d’Eggenberg, émissaire de la cour impériale d’Autriche, allié du pape dans la guerre de Trente Ans.   Des reprises eurent lieu en 1633, puis le 19 janvier 1634, en l’honneur de Charles Alexandre Vasaa, frère du roi de Pologne, autre allié du pape, dans une mise en scène plus riche, attribuée à Francesco Buonamici. L’œuvre fut publiée en 1634, avec le livret, la partition et huit gravures de décors de François Collignon. Acte I, scène IV - Le diable rassemble ses forces Une reprise eut lieu à Bologne, en 1647.    « Cet opéra sacré est le prototype parfait des oeuvres triomphantes que l’église catholique post-tridentine cherchait à susciter en ses propres rangs porter en musique et au théâtre la vie des saints visait à montrer des destinées humaines dont l’exemplarité devait réorienter la vie quotidienne et nourrir la spiritualité d’individus traqués par les insidieux anti-papistes. Sur un livret de Giulio Rospigliosi, avec des décors de Pietro da Cortona et avec une distribution vocale – uniquement masculine – pour sa majeure part issue de la chapelle Sixtine, Il Sant’Alessio fut créé en 1631 à Rome. De rapides reprises montrent que cet opéra sacré fut également une arme politique en pleine guerre de Trente Ans, il servit à conforter les liens entre la tiare romaine et le trône impérial et son édition fort rapide – phénomène exceptionnel – est un monument érigé à la gloire du clan Barberini. Théâtralement, l’œuvre mêle personnages allégoriques (Rome, la Religion), spirituels (l’Ange, le Démon), lies à la tragédie grecque (le Messager, le chœur) et simplement humains. Dramaturgiquement, elle est bigarrée puisqu’y alternent ou coexistent scènes tragiques et comiques. Musicalement, elle est essentiellement constituée de grands récitatifs que ponctuent des ritournelles instrumentales, quelques arie strophiques et quelques chœurs. (Opéra International – octobre 1996)   Synopsis détaillé  Prologue Rome, sur un trône fait d’armes et de bannières diverses. A ses pieds, un chœur d’Esclaves. Rome descend de son trône et fait l’éloge de Son Altesse Sérénissime le prince Alexandre Charles de Pologne, dont la venue est l’occasion de réjouissances publiques. Elle décide de lui faire représenter l’histoire de saint Alexis. Et pour montrer que, plus tout autre empire, elle ambitionne d’être Reine des coeurs, elle ordonne que les Esclaves soient libérés de leurs chaînes.

Acte I 

(1) Euphémien, sénateur romain, et père d’Alexis, rencontre Adraste, chevalier romain revenu récemment de guerre. Il se réjouit de son retour, puis, amené à parler d’Alexis, se met à en raconter la disparition, bien des années plus tôt. Adraste le plaint et tente de le consoler. (2) Alexis, contemplant la vanité humaine et la fragilité des choses séculières, désire être libéré de la prison qu’est le Monde et, pour celà, recourt à Dieu par l’Oraison. (3) Martius et Curtius, pages d’Euphémien, en voyant Alexis, qu’ils prennent pour un mendiant étranger logé par charité dans le palais, ne cessent de le railler, ce qu’Alexis supporte avec humilité et patience. (4) En Enfer. Sollicité par les Démons infernaux qui, se promettant une grande victoire, font des danses de réjouissance, le Démon se met en devoir de tenter et de vaincre la constance d’Alexis. (5) La Nourrice tente en vain de consoler la Mère et l’Epouse d’Alexis, qui pleurent son absence. Sur ses conseils, elles prient Dieu de le protéger, où qu’il soit. (6) Dans un bosquet. Curtius, qui s’est rendu pour son agrément dans les fermes de son maître, songe à y préparer des réjouissances, pour ensuite s’y moquer du pèlerin qu’il compte y faire venir. dans ce but, invitant les paysans de ces campagnes, il suscite une danse agréable. Ballet.

Acte II 

(1) Euphémien, en pensant à la joie des parents d’Adraste revenu, pleure son propre malheur, ayant perdu espoir de revoir son fils. (2) Le Démon révèle qu’il a un plan qui, espère-t-il, obligera Alexis à se faire connaître et à retourner aux plaisirs mondains. Il a convaincu l’Epouse de partir à la recherche d’Alexis. (2) L’Epouse apparaît en habit de pélerin. Pendant qu’elle parle seule de son projet, elle est entendue de la Nourrice qui, pour l’en empêcher, va prévenir la Mère. (4) Celle-ci tente en vain de s’opposer au projet de l’Epouse. Stimulée par son exemple, elle se résoud même à l’imiter et à partir avec elle. Alexis, ayant appris la nouvelle, après s’être recommandé à l’aide de Dieu, cherche avec divers arguments à les empêcher de partir. L’Epouse, déchirée, s’évanouit. (5) Alexis, voyant souffrir ses maleheureux parents, agité de pensées contradictoires, se demande s’il doit se faire connaître. (6) Alexis est visité par le Démon qui s’est déguisé en Ermite. celui-ci essaie avec divers arguments de pousser Alexis à se révéler à sa famille. Alexis, plus perplexe que convaincu, ne laisse pas de se douter qu’il puisse s’agir d’une tentation infernale, et demande à Dieu de ne pas l’abandonner dans cette extrémité. (7) Un Ange apparaît, qui explique que cet Ermite était le démon et que les arguments qu’il a développés doivent être rejetés par Alexis, qui est spécialement appelé par Dieu sur une voie admirable, mais inimitable. Il lui révèle sa mort prochaine et la grande récompense qui l’attend au Ciel. Il l’exhorte à attendre ce passage avec constance. Alexis, réconforté, appelle la mort et médite sur la tranquillité que les justes trouvent en elle. (8) Le Démon revient, résolu à tout faire pour vaincre Alexis avant sa mort. Il est rejoint par Martius qui, le prenant pour un Ermite, et voulant se moquer de lui, engage la conversation et, se mettant en colère contre lui, lui fait perdre du temps. Il est à son tour raillé par le Démon. (9) La Religion apparaît sur un char environné de nuages, pour assister au pieux trépas d’Alexis. Se glorifiant des oeuvres de celui qui, maintenant, touche à la récompense mérité, elle invite le monde à suivre la Vertu. (10) Tandis qu’Euphémien se lamente sur ses infortunes en compagnie d’Adraste, il apprend par un Messager que, dans la cathédrale une voix céleste s’est fait entendre, qui appelle au Ciel les âmes souffrantes du monde. Réconforté, il conclut que lui aussi pourrait un jour être consolé par le retour de son fils, et qu’il ne doit pas renoncer à l’espérance. Choeur. Décor du Bernin - scène finale

(livret Erato)

Livret disponible sur livretsbaroques.fr
Livret (en italien) : http://www.librettidopera.it/alessio/alessio.html
Les neveux du pape vont à l’opéra éditorial – octobre 2005
Un Parisien à Rome et à Naples en 1632, d’après un manuscrit inédit de J.-J. Bouchard, Lucien Marcheix – 1897 – E. Leroux

    Représentations : 

Théâtre de Caen – 16, 18, 20 octobre 2007 – Londres – Barbican Centre – 24 octobre 2007 – version de concert – New York – Lincoln Center – 29, 30 octobre 2007 – version de concert – Théâtre des Champs Élysées – 21, 24, 24 novembre 2007 – Opéra de Nancy – 23, 25, 27, 29, 30 janvier 2008 – Luxembourg – Grand Théâtre – 14, 16 février 2008 – Les Arts Florissants – Maîtrise de Caen – dir. William Christie – mise en scène Benjamin Lazar – décors Adeline Caron – costumes Alain Blanchot – lumières Christophe Naillet – chorégraphie Françoise Denieau – avec Philippe Jaroussky (Sant’Alessio), Max Emanuel Cencic (Sposa), Alain Buet (Eufemiano), Xavier Sabata (Madre), Damien Guillon (Curtio), Pascal Bertin (Nuntio), José Lemos (Martio), Luigi De Donato (Demonio), Jean-Paul Bonnevalle (Nutrice), Terry Wey (Roma, Religione), Ryland Angel (Adrasto) – coproduction Théâtre de Caen – Grand Théâtre de Genève – Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg – Opéra national de Lorraine, Nancy – Théâtre des Champs-Élysées, Paris

   Londres - Barbican Centre - 24 octobre 2007

Concertclassic – 24 novembre 2007

« Entre Il Sant’Alessio et William Christie s’est tissée une longue histoire d’amour, concrétisée voici douze ans par un enregistrement qui fit date mais que ce spectacle démode : la distribution féminine d’alors, avec l’Alessio de Patricia Petibon, refusait l’une des données primordiales le l’œuvre. L’Eglise de la Contre-Réforme avait interdit aux femmes de paraître sur les scènes des théâtres, toutes les parties vocales d’Il Sant’Alessio étaient donc tenues par les castrats tant aimés du librettiste Giulio Rospigliosi, qui allait revêtir la mitre papale en 1667 sous le patronyme de Clément IX. Signe des temps, les auteurs du spectacle n’ont pas peiné pour trouver les neuf contre-ténors que l’ouvrage exige. Le parlar cantando de Landi, qui peine parfois ici au contraire de celui plus orné qu’il employa dans son vrai chef d’œuvre, La morte d’Orfeo, est intrinsèquement lié à ce type de timbre et à la vocalité qu’il produit. On avait en fait le sentiment de découvrir l’œuvre. Cast flamboyant, des valets comiques – formidable Damien Guillon jusque dans sa repentance – aux grands emplois tragiques où tous excellaient, Jaroussky, Alessio esseulé et tendre dans son martyr d’abnégation distillait ses aigus de pur argent qui semblent peser le poids d’une plume, invoquant la vocalita stratosphérique des grands castrats et la capturant avec une grâce que l’on est pas près d’oublier, Bertin, beau Nuntio, Jean-Pierre Bonnevalle toujours formidable dans les emplois de composition et qui donne à la Nourrice une tendresse bienvenue, Xavier Sabata, maternelle en diable et tirant un peu sur la corde piétiste – les tentations de le faire parsèment l’ouvrage, sont une part de sa vraie nature – , Terry Wey qu’on a connu un temps soliste des Wiener Sängerknaben, parfait de sérénité en Religione, et au-dessus de tous l’Epouse de Max Cencic, dont le timbre est celui d’un vrai mezzo féminin.  Benjamin Lazar a encore raffiné son langage gestuel en le pliant à de fortes réminiscences picturales : Pierre de Cortone n’est jamais très loin. Il parvient à animer ce théâtre des sentiments avec une justesse infaillible, mais, bémol notoire, il ne maîtrise pas l’espace pour les scènes de foule : son Carnaval paraissait tassé, dans son style le nombre fait masse, même chorégraphié. Paye-t-il là un tribut au concept du jeu frontal ? C’est probable. Seule réserve pour un spectacle majeur, baigné dans l’irréelle lueur des bougies qui distillait autant de tableaux vivant. Discrète, tout au service du chant mais peut-être pas assez engagée dans les mots ou dans l’enthousiasme de la laudation finale, la maîtrise de Caen faisait aussi bien qu’elle pouvait, tout comme Alain Buet, souffrant avec dignité ou Luigi de Donato, se mesurant à la partie inchantable du Démon, aux graves insaisissables. Soirée historique, qui semble augurer d’une collaboration suivie entre William Christie et Benjamin Lazar. »

Diapason – décembre 2007

« Le début est fascinant : devant une façade de palais Renaissance, un groupe de choristes figés face au public est progressivement éclairé par une rampe de bougies. Quelques années après le triomphe du Bourgeois gentilhomme, Benjamin Lazar jouait gros avec cette nouvelle reconstitution : nous faire revivre une représentation de l’opéra sacré IlSant’Alessio de Stefano Landi, com­mandé par le cardinal Barberini pour Rome en 1631. Un sujet pieux, voire aride (le futur saint Alexis, devenu mendiant, se réfugie sous un escalier de la maison paternelle sans être identifié jusqu’à sa mort) qui donna pourtant, paraît-il, un spectacle somptueux avec force participants et machineries. Lazar et ses scénographes Louise Moaty et Adeline Caron ont travaillé sur documents d’époque, aidés par William Christie. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer : le dispositif astucieux du décor (les ailes du palais pivotent ou s’écartent), la splendeur des costumes d’Alain Blanchot, d’une variété à couper le souffle, le travail sur les attitudes des interprètes, bras tendus, tournés vers le spectateur, les images qui se succèdent sous cette lumière apaisante et tremblotante, ces fenêtres d’étage dévoilant des scènes sorties d’un tableau de Bellini ou l’apparition fantastique des démons dans une débauche de flammes. Avec un tel sujet (Alexis est proclamé « santo subito » par la Religion ici vêtue en sainte Vierge), Benjamin Lazar frôle le kitsch sulpicien sans jamais y tomber. Même la chorégraphie discrète de Françoise Denieau se révèle efficace. Et la musique Christie avait déjà joué (au Châtelet avec mise en espace) et enregistré (pour Erato) voici dix ans Sant’Alessio avec Patricia Petibon dans le rôle-titre. Cette fois encore, il donne à cette musique très monteverdienne d’esprit, où la face côtoie le drame et l’affliction, une légèreté et une grâce que renforcent la flûte de Sébastien Marq et un continuo foisonnant. Mais le plus audacieux, et ce qui inquiétait le plus, est le choix d’une distribution exclusivement masculine, comme l’imposaient les règles romaines. Huit contre-ténors sur scène dans des rôles masculins mais aussi féminins : quel pari ! Il est tenu avec un brio inattendu. Aucune monotonie dans cet ensemble de timbres voisins au contraire, tous sont différents, bien caractérisés et se projettent parfaitement. Philippe Jaroussky aux aigus lumineux dans le rôle d’Alessio, Max Emanuel Cencic radieux et poignant en épouse éplorée, Terry Wey, Roma altière et Religion consolante. Il faudrait tous les citer. Et rien de ridicule chez ceux qui interprètent des per­sonnages féminins. On redoutait un style « drag queen ». Ecueil évité et l’on finit par croire que ce sont vraiment des femmes qui jouent. Ténors (l’Adraste de Ryland Angel) et basses (le père bouleversant d’Alain Buet) méritent les mêmes louanges, tout comme les choristes des Arts Florissants et les enfants de la Maîtrise de Caen. Seule la diction semble perfectible (un seul Italien dans la distribution) et les raideurs d’attitude devraient s’atténuer au fil des représentations. Ce spectacle magique convaincra ceux qui se demandaient comment il était possible au XVIIe siècle de jouer de telles oeuvres sans femmes. Après Paris, une tournée conduira cette merveille à Nancy et au Luxembourg. Il ne faudra pas la rater. »

Le Monde de la Musique – décembre 2007 – La Cité sans femmes

« En voulant recréer sur scène, Il SantAlessio, l’opéra sacré et méconnu de Stefano Landi, William Christie et son complice Benjamin Lazar n’ont pas choisi la facilité : privée de femmes, comme l’ordonnait alors la papauté, l’oeuvre fut confiée à des castrats et à de jeunes hommes qui en incarnaient les rôles principaux, masculins et féminins. Difficiles aussi, le rôle-titre mourant à mi-parcours dans une contemplation divine voulue, le récit plaidant pour le renoncement aux paradis terrestres et, subséquemment, la musique réservant ses élans. Le plateau aux neuf contre-ténors, une vraie curiosité, tient dans l’ensemble ses promesses. William Christie et son équipe l’ont en effet judicieusement organisé. A sa création à Rorne, en 1632 (ou 1631), l’assistance privilégiée du palais Barberini avait pu s’étourdir du luxe scénique que pouvait dispenser la riche famille. Les subventions républicaines de 2007 peuvent-elles rivaliser avec une fortune pontificale du XVIIe siècle ? Evidemment non Si l’incontestable talent du metteur en scène ne peut pas toujours faire oublier cette différence fondamentale, le travail sur la gestuelle, la beauté des costumes et l’éclairage à la bougie offrent des images mémorables. On retient en priorité Philippe Jaroussky, parfait de voix comme d’attitude dans le rôle-titre, et Max Emanuel Cencic, bouleversant d’expression dans le rôle de l’épouse abandonnée d’Alexis. »

Opéra Magazine – décembre 2007 – Stimulante ambiguïté

« En 1995,William Christie avait une première fois abordé Il Sant’Alessio de Stefano Landi au Théâtre de Caen, dans une mise en espace de Jean-Pierre Darmon (un enregistrement, aujourd’hui réédité par Warner, avait été gravé dans la foulée). Douze ans plus tard, il revient vers le chef-d’oeuvre du compositeur romain (également auteur d’une Morte d’Orfeo), deux modifications de taille venant apporter du sang neuf à son approche : une mise en scène, d’abord, signée Benjamin Lazar, ainsi qu’une distribution réunissant exdusivement des voix masculines. Créé à Rome, lors du carnaval de l’année 1632,11 Sant’Alessio est un magnifique aboutissement de l’esprit de la Contre-Réforme. Commandé par la famille Barberini, qui se chargea de le représenter dans son propre palais, l’ouvrage fut composé sur un livret du futur pape Clément IX. Il raconte l’histoire édifiante d’Alessio qui, après s’être enfui le jour de ses noces, revient, déguisé en mendiant, habiter sous l’escalier de la demeure de son père Eufèmiano, qui ne le reconnaît pas. Détaché des tentations terrestres, il meurt et monte au ciel. À partir de cette trame, le librettiste a imaginé des épisodes extrêmement variés mettant en scène, outre le saint, les membres de sa famille et son ami Adrasto, les deux pages de la maison (Curtio et Martio) et les deux personnages allégoriques de Rama et Religione, grands vainqueurs de cette histoire. Relativement animés, les deux premiers actes précèdent un troisième et dernier qui, lui, confine à l’oratorio. On est là en présence d’un magnifique exemple d’opéra sacré, plus dramatique que ne pouvait l’être par exemple la Rappresentazione di Anima e di Corpo de Cavalieri, créée trois décennies plus tôt dans la même ville. La musique de Landi n’est pas sublime en elle-même, et elle ne contient pas de pages ineffables comme le duo final de L’incoronazione di Poppea. Elle tend toutefois vers l’expression du sublime (le refus d’Alessio, la douleur transcendée qu’il éprouve), en restant d’une égale tenue de bout en bout et en pratiquant avec beaucoup de bonheur le mélange des genres. Au petit jeu des comparaisons, on se sent ici plus près d’Il ritorno d’Ulisse, ne fit-ce que par la présence d’un héros habillé en mendiant se faisant le révélateur du sens profond de l’ouvrage. Nobles déchirements d’Alessio, bouffonneries des deux pages, sinfonie et airs de danse, la musique des deux premiers actes est d’une richesse et d’une variété que l’alternance des choeurs et des longues pages de recitar cantando renforce encore. Celle du dernier, en forme de vaste lamento, prend une dimension nouvelle avec des « Ohimè ! » lancés autour du tombeau par la fiancée (Sposa), la mère (Madre) et le père d’Alessio, sur un mode vraiment poignant. À Caen, on l’a dit, la distribution est uniquement masculine. Elle est d’autant plus remarquable qu’elle réunit trois basses, un ténor, mais surtout huit contre-ténors, chacun des solistes apportant sa couleur, son volume, son tempérament, et concourant à l’incroyable diversité du plateau. Il serait vain de prétendre analyser ici le timbre ou le style de ces huit voix si proches et si dissemblables à la fois, mais on soulignera la verdeur de Xavier Sabata, qui campe une Madre à la fois gironde et désespérée, et forme un duo plein d’intentions musicales cachées avec le magnifique Max Emanuel Cencic (Sposa) ; les deux pages burlesques interprétées par Damien Guillon et Jasé Lemos, qui font ce qu’ils veulent de leur corps et de leur voix, le sonore Nuntio de Pascal Bertin ; et bien sûr PhilippeJaroussky, l’ascèse et la contrition mêmes, dont chaque phrase, portée par une étrange lumière, résonne comme une prière. Du côté des basses, Main Buet exprime avec chaleur toute l’humanité d’Eufemiano, mais Luigi de Donato manque des graves caverneux auxquels Landi a confié beaucoup des effets qui font la saveur du personnage de Demonio (le Démon). Réunir pareil ensemble provoque une émotion étrange due au fait qu’on est au comble de l’artifice (on se rappelle que les pièces de Shakespeare étaient toutes jouées par des comédiens masculins et que, plus près de nous, Peter Eötvös avait confié à quatre contre-ténors les rôles principaux de ses Trois Soeurs). La mise en scène de Benjamin Lazar est de la même étoffe, saturée d’une stimulante ambiguïté : entièrement édairé à la bougie, le spectacle se déroule au devant de la scène, dont il n’utilise pas la profondeur. Un décor amovible, représentant la maison d’Eufemiano, cerne l’espace et permet de figurer l’escalier sous lequel se blottit Alessio, la fenêtre où apparaît sa promise, les balcons où chantent les démons ou les anges, etc. Les costumes, les masques, les maquillages, soignés à l’extrême, soulignent et stylisent le délicieux malaise né du travestissement, qui est, avec le geste, l’un des ressorts principaux de la production. Le geste, précisément, Benjamin Lazar a choisi d’en faire le prolongement du chant, comme si le théâtre était déjà tout entier dans la musique. Quand Adrasto, au premier acte, effleure de la main sa paupière en prononçant le mot « lagrime », on est dans un tout autre registre que celui de la redondance. Les choeurs et les voix d’enfants apportent fraîcheur et candeur en provoquant un contraste bienvenu avec l’ensemble des solistes, et William Christie, à la tête d’un ensemble composé de cordes, de claviers et d’une seule flûte à bec, impose une énergie majestueuse à la soirée, dont les moments facétieux distraient sans l’altérer l’atmosphère de splendide déploration. » 

Rome – Teatro Nazionale – 11 décembre 1999 – Ensemble Athmos – Choeur Luca Marenzio – dir. Damiano Giuranna – mise en scène Paolo Giuranna – avec Caterina Trogu (Alessio), Carlo Lepore (Demonio), Rosita Frisani (Roma, Angelo, Madre), Filippo Bertoschi (Eufemanio), Gian Paolo Fagotto (Adrasto), Bernadette Lucarini (Curzio), Caterina Calvi (Marzio), Patrizia Bicciré (Sposa), Damiana Pinti (Nutrice, Nunzio)

Il Sant'Alessio à Rome  » Il Sant’Alessio est un dramma musicale d’inspiration sacrée, mis en vers par le Cardinal Giulio Rospigliosi et en musique par Stefano Landi, en 1632. A l’époque, peut-être, ce type de spectacle était réalisé avec peu de moyens, comme l’a été, en décembre dernier, la nouvelle production du Teatro Nazionale. Mais nos conceptions de l’univers baroque sont aujourd’hui différentes : nous attendons des décors somptueux, de riches étoffes et des machineries grandioses. Toutefois, reconnaissons-le, un ancien cinéma (ce qu’est aujourd’hui le Teatro Nazionale) n’est pas le cadre idéal pour ressusciter les splendeurs de la Rome baroque, surtout avec un budget limité comme celui de l’association « Musica Europa », à l’origine de ce spectacle monté dans le cadre du Jubilé… Le spectacle est, dans son ensemble, plaisant. Damiano Giuranna, à la tête de l’Ensemble Arthmos qui comprend des intruments anciens, possède un sens aigu de la sonorité baroque et de la théâtralité du XVIIe siècle, même si, comme cela arrive trop souvent dans ce répertoire, il a accepté des solistes qui, faute d’une technique leur permettant de chanter, se réfugient dans le parlando. Par rapport à l’édition de 1981, plusieurs coupures ont d’ailleurs été pratiquées. De la distribution, on retient d’abord Carlo Lepore, Demonio sonore, Rosita Frisani, élégante dans ses trois incarnations, et Bernadette Lucanini, Curzio maléfique à souhait. Dommage que Catenina Calvi, il y a dix ans encore, un authentique espoir chez les contraltos, ait aujourd’hui perdu l’essentiel de ses moyens. Le Choeur Luca Marenzio de l’Académie Sainte-Cécile exécute avec style les morceaux d’ensemble, malgré une chorégraphie encombrante dont le programme ne mentionne pas l’auteur. Les deux représentations ont été accueillies avec faveur par le public romain, comme toujours affamé d’opéra. » (Opéra International – février 2000) 

Festival d’Ambronay – 24 septembre 1995 – Arsenal de Metz – 7 octobre 1995 – Théâtre du Châtelet – 9 octobre 1995 – Théâtre de Caen – 10 octobre 1995 – Les Arts Florissants – dir. William Christie – mise en espace Jean-Pierre Darmon – avec Katalin Karolyi (Nutrice), Mark Padmore, Patricia Petibon (Alessio), Mhairi Lawson (Curtio), Steve Dugardin (Martio), Sophie Marin-Degor (Sposa)

« Derrière un argument pieux et quelques poncifs rattachés à la Contre-Réforme catholique, le livret -d’un futur pape – et la musique de Stefano Landi pour Il Sant ‘Alessio ne sont qu’un prétexte pour une succession de numéros pour choeurs et ensembles reliés par des récitatifs anodins. Créée à Rome en 1632, cette partition permettait aussi d’exhiber les belles machineries chères au goût baroque. En scène, le caractère de remplissage d’une partie de la partition peut passer inaperçu, mais en version de concert on a largement le temps de penser à autre chose entre un arioso et un choeur, ces derniers étant d’une beauté captivante. Si le concert suivi attentivement deux heures durant fut un total succès, la mise en espace de Jean-Pierre Darmon, qui parvient de façon simple et efficace à suggérer les fastes du théâtre baroque, y a été pour beaucoup. Le triomphe vient aussi de William Christie, qui a su tirer profit d’une partition problématique pour l’auditeur moderne sans tomber dans la répétition. D’une distribution homogène, on distingue dans le rôle-titre Patricia Petibon, mais le vrai protagoniste est le formidable choeur des Arts florissants. Une démonstration de musicologie en action. » 

Los Angeles – Festival baroque – 1988

Teatro Valle de RomeLandestheater d’Innsbruck – 1981 – mise en scène Sandro Sequi – dir. Alan Curtis

Paris – Théâtre du Rond-Point – 1980 – version abrégée – les Arts Florissants – William Christie

Paris – avril 1979 – version de concert – Nouvel orchestre philarmonique – dir. Ludwig Hirsch – avec Sheila Armstrong, Anne-Marie Rodde

Salzbourg – Felsenreitschule – 24 juillet 1977 – Chor der Wiener Staatsoper – Members of the State Chamber Orchestra Zilina – Brass Ensemble of the Berliner Philharmoniker – Members of the Camerata Academica Salzburg – version revue par Hans-Ludwig Hirsch – dir. Peter Maag – avec Eric Tappy (Alessio), Edita Gruberova (Roma Prologo / Religione), Claudio Nicolai (Eufemiano), Rüdiger Wohlers (Adrasto), Norbert Orth (Curzio), Claudio Desderi (Marzio), Jutta-Renate Ihloff (Sposa), Ortrun Wenkel (Madre), Jocelyne Taillon (Nutrice), Raffaela Arié (Demonio), Olga Warla (Angelo), Franz Wilhelm (Danze della Morte e del Demonio), Heinz Marecek (Argumentatori), Ferrucio Soleri (Argumentatori)