DVD Teseo

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Nicola Francesco Haym, d’après Philippe Quinault

 

ORCHESTRE Lautten Compagney
CHOEUR Choeur de l’Université Martin Luther King de Halle
DIRECTION Wolfgang Katschner
MISE EN SCÈNE Axel Köhler
DÉCORS Stephan Dietrich
DRAMATURGIE Dörte Reisener

 

Teseo Jacek Laszczkowski
Agilea Sharon Rostorf-Zam
Medea Maria Riccarda Wesselin
Clizia Miriam Meyer
Arcane Thomas Diestler
Egeo Johnny Maldonado

 

DATE D’ENREGISTREMENT 8 au 11 juillet 2004
LIEU D’ENREGISTREMENT Schlosstheater « Neues Palais » Potsdam

 

EDITEUR Arthaus Musik
DISTRIBUTION Intégral
DATE DE PRODUCTION 20 septembre 2005
NOMBRE DE DISQUES 1
FORMAT 16:9 – son 5.0 / Stereo
DISPONIBILITE Toutes zones
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

 

Critique de cet enregistrement dans :

Classica / Répertoire – février 2006 – appréciation 7 / 10

« Teseo, crééen 1713, fait partie des premières réalisations de Haendei, mais pas des plus connues ; c’est pourtant un foisonnement d’arias magnifiques, composées sur une trame de jalousie classique, mais sans l’unité dramatique qui fait la splendeur du Rinaldo contemporain, Il n’empêche, le détour se justifie ici, car si la direction est assez sèche et sans lyrisme transcendant, la distribution est jeune, souvent étonnante de qualités, investie dans un théâtre certes sans grand vertige, mais qui passe bien l’écran. La caméra se concentre avant tout sur les acteurs, quand la mise en scène, signée de l’ex-contre ténor Axel Köhler, n’a certes guère d’action à illustrer, mais accumule pour palier ce défaut structurel à peu près toutes les idées à la mode sur ce répertoire sans faire de tri. Et si le jeu est classiquement expressif, on se prend à suivre ces visages, ces grimaces, ces folies avec intérêt, tant la musique y trouve aussi son compte. Remarquable Medea de la mezzo Maria Riccarda Wesseling, grande voix en devenir, superbe Agilea de Sharon Rostorf-Zamir, et Teseo de Jacek Laszczkowski, à la technique moins classique, mais à la présence incontestable. Certainement pas un monument, mais parmi trop de Haendel figés ou fades, un foisonnement vital sur près de trois heures, c’est heureux. »

Opéra Magazine – décembre 2005 – appréciation 2 / 5

« Quand nous avions vu cette production au Festival de Halle 2003, nous avions été déçus. La mise en scène tendait trop souvent à ridiculiser les personnages et les situations par le recours a des gags inutiles, et la distribution était très inégale. Le seul intérêt du DVD publié par Arthaus est de nous offrir un témoignage complémentaire de cet opéra passionnant, basé sur le livret que Quinault composa pour Lully et dont il conserve — fait unique dans la production opératique haendélienne — la structure en cinq actes. Il reste en effet très peu présent dans les théâtres et au disque. La captation a été réalisée en 2004 à Potsdam, avec une distribution partiellement remaniée (les trois contre-ténors, dont les prestations àHalle avaient été assez médiocres, ont été remplacés). Hélas, Egeo et Arcane sont à peine mieux servis, l’un par un Martin Wölfel sans séduction et parfois approximatif, l’autre par un Thomas Diestler à la voix gonflée et engorgée, aux aigus souvent difficilement supportables. Les prestations de Miriam Meyer et de Maria Riccarda Wesseling sont correctes, les éléments les plus satisfaisants du plateau restant Sharon Rostorf-Zamir (présence et joli chant), et le sopraniste polonais Jacek Laszczkowski, à la technique toujours peu orthodoxe mais qui sait émouvoir.
Nous retrouvons les faiblesses de la mise en scène qui, malgré quelques très bonnes idées, ne peut faire mouche. Le petit plus de cette vidéo est de permettre à l’émotion de sourdre par instants, malgré une réalisation assez plate abusant de gros plans parfois inopportuns. Notons, en complément des sous-titres en plusieurs langues, la possibilité d’afficher la partition en surimpression. »

Diapason – novembre 2005 – appréciation 3 / 5

« Farci de bonnes et de moins bonnes idées, ce spectacle réglé par l’ex-contre-ténor Axel Köhler navigue entre imagination et patronage avec une confiance qui lui assure notre sympathie. Il faut dire, même si nous n’en verrons à peu près rien, que le génie des lieux veille sur lui : née dans le charmant théâtre de Goethe à Bad Laüchstdt en 2003, la production a ensuite visité les scènes baroques de Hanovre, Bayreuth (la bonbonnière du Margrave), Schwetzingen et Winterthur avant de faire trembler le Schlosstheater de Sanssouci, à Potsdam, où un modeste réalisateur l’a saisie sur le vif. On y trouve pêle-mêle du baroque avec manière, du second degré universitaire, du Regietheater germanique, de la galéjade potache, des symboles à gogo, bien d’autres choses encore. Une direction sèche et dépourvue de toute poésie (« Dolce riposo » asséné à la hache, la tendresse d’Agiles cramponnée aux barres de mesure), inattendue de la part d’un luthiste la marche forcée d’un orchestre à la fois chétif et brutal : on se dit que la musique ne viendra guère éclairer cette savane dramaturgique.
Puis entrent les chanteurs. le falsettiste Martin Wölfel promet en Egeo ce que la magnifique soprano israélienne Sharon Rostorf-Zamir tient dans le le flatteur mais épineux d’Agiles. Quant au couple infernal, il a pour figures le sopraniste Jacek Laszczkowski (Teseo), irrésistible cabotin dont la technique de music-hall domine des pages aussi périlleuses que le grand air et le duo du IV et la mezzo suisse qui monte (qui monte si bien qu’on y pressent un vrai Falcon, une Valentine pour Les Huguenots, une Rachel pour La Juive…), Maria Riccarda Wesseling, Médée au verbe cru et à la technique d’acier. Plateau souvent erratique et contrarié mais plus souvent électrique et habité, dévolu corps et voix au seul opéra en cinq actes de Haendel. Tentative, peu après Rinaldo, d’unir en un seul genre le dramma per musica italien et la tragédie lyrique parisienne (en l’occurrence le Thésée de Quinault et Lully adapté par Nicola Haym), Teseo (1713) est plutôt une expérience qu’un accomplissement, drue, bancale, mais singulière de forme et semée de pages glorieuses. A connaître quoi qu’il en soit. »

Le Monde de la Musique – novembre 2005 – appréciation 2 / 5

« Troisième opéra composé pour Londres du jeune Haendel (1713), ce Thésée, qui évoque les relations du demi-dieu avec la jalouse Médée, puise dans le livret écrit par Quinault pour Lully. A l’origine du projet, de nouveaux décors, de somptueux costumes devaient permettre d’attirer le public et de renflouer les finances détériorées du théâtre Haymarket. Mais devant l’insuffisance des souscriptions recueillies, le directeur s’enfuit avec la caisse au bout de deux représentations. La troupe décida néanmoins de poursuivre les représentations et ce Teseo fut maintenu treize fois à l’affiche. Contrairement à ses habitudes, Haendel ne le reprit jamais. Cette production berlinoise ne parvient néanmoins pas à réhabiliter cette oeuvre bavarde et mal structurée. C’est que ses interprètes n’ont pas d’aura suffisante pour soutenir l’attention et les arias inspirées restent rares malgré le raffinement de l’écriture orchestrale. Trois contre-ténors se partagent les rôles masculins. La présence même du phénomène Jacek Laszcekowski, premier vrai soprano dans une catégorie qui compta tant de hurleurs, ne rachète pas l’ennui qui se dégage de ces pages qu’une direction d’orchestre conventionnelle contribue à plomber. Les dames sont fort médiocres : timbres lourds et banals, virtuosité limitée. Et la production, sobre dans l’ensemble, souffre de costumes caricaturaux qui n’embellissent guère ceux qui les portent. »

ResMusicaUn Haendel tout à fait honorable

« La représentation diffusée par Arthaus Musik est une coproduction du festival Haendel de Halle, Bad Lauchstädt et Hanovre, reprise dans maints autres lieux dont Bury St Edmunds et l’adorable petit théâtre de Potsdam où a eu lieu l’enregistrement.
La distribution réunie pour l’occasion n’évoquera pas grand chose à un mélomane vivant de ce coté-ci du Rhin, mis à part Jacek Laszczkowski, entendu l’an dernier à l’Opéra Garnier en Néron du Couronnement de Poppée, qui déclencha autant l’enthousiasme que les commentaires négatifs. Une voix à déchaîner les passions, assurément. Malgré leur manque de notoriété, les chanteurs retenus forment une troupe d’une belle homogénéité, connaissant tous leur bel canto sur le bout des ongles, et sachant ce qu’interpréter Haendel veut dire. L’intrigue fait la part belle aux femmes, au point qu’on se demande parfois pourquoi l’opéra ne s’est pas intitulé Medea (trop couru ?) ou Agilea (pas assez évocateur ?). Ce sont en effet les deux rivales, la démoniaque et la pure, qui conduisent l’action, et à qui sont dévolus les plus beaux airs. Ce sont également, dans le présent DVD, les voix les plus excitantes de la distribution. La mezzo-soprano Maria Riccarda Wesseling prête sa voix et son tempérament à la magicienne infanticide. Elle a récemment sorti un enregistrement qui semble confirmer qu’elle se spécialise dans les rôles haendéliens de mezzo non travestis, et Médée lui convient à merveille. Timbre égal sur toute la tessiture, parfaite correction de l’interprétation, il ne lui manque qu’un souffle de démesure, un grain de folie meurtrière, pour entrer dans la cour des grandes. Sharon Rostorf-Zamir interprète sa douce rivale, et nous tenons là la voix la mieux éduquée de la production. Joli timbre, à l’aise aussi bien dans les airs virtuoses que dans les airs élégiaques (son lamento de l’acte IV, accompagné au luth par Wolfgang Katschner, est une merveille), d’un goût sûr dans les ornementations, son Argilea est carrément adorable. Le trio est complété par la charmante Miriam Meyer, dessinant une craquante Clizia. Les choses se gâtent un peu plus du coté masculin, défendu par trois contre-ténors. Certes, tous trois connaissent les règles du beau chant haendélien et possèdent une solide virtuosité. Hélas, aucun d’eux ne possède la séduction d’un Andreas Scholl, la classe d’un David Daniels, le magnétisme d’un Bejun Mehta. Distribution sans star, a t’on écrit plus haut. Distribution masculine sans éclat n’en est pas une conséquence inévitable, serait-on tentée de dire. Ainsi Martin Wölfel est-il un Egeo pas franchement marquant, sans défauts patents, mais sans qualités vocales ou scéniques qui lui permettraient de rendre son personnage mémorable. Thomas Diestler a visiblement soigné ses arie virtuoses au détriment de ses arie languissantes, interprétées d’une façon bien scolaire. Le chanteur a de plus de gros problèmes de justesse, son intonation sur les aigus et les notes tenues étant invariablement trop basse. Reste la nouvelle coqueluche du monde lyrique, Jacek Laszczkowski. Certes, l’interprétation possède une certaine classe, la vélocité dans les vocalises est au rendez-vous, le timbre est sans problèmes très haut placé, mais tout ceci, probablement électrisant sur scène, est au prix d’un timbre piaillard et franchement désagréable, celui d’une petite fille qui chanterait dans le nez.
L’orchestre Lautten Compagney, dirigé par Wolfgang Katschner, est une formation baroque pure et dure, petit effectif, instruments anciens, avec tous les avantages et les inconvénients qui s’y rattachent : authenticité de l’interprétation, relative aigreur du son.
L’avantage de confier la mise en scène à un chanteur, en l’occurrence le contre-ténor Axel Köhler, est que, connaissant bien les règles du chant, il ne fera rien pour gêner les interprètes, et dans le cas présent, la sublime musique de Haendel peut se déployer tout à son aise. Le metteur en scène a compris qu’il n’est pas besoin d’agitation inutile pour illustrer les affects déployés dans une aria seria, et c’est déjà beaucoup. L’action se déroule dans la pénombre, parois noires, lumières basses, le principal élément de décor étant un lit couvert de poils noirs, aussi disgracieux qu’omniprésent. Les costumes sont assez seyants. La direction d’acteur est plutôt classique, ponctuée de pointes d’ironies plus ou moins bienvenues et dont on aurait fort bien pu se passer, avec des monstres plutôt grotesques, pour autant que l’on puisse en juger, le réalisateur masquant la vision d’ensemble par un abus de gros plans qui ne nous laissent rien ignorer de la dentition de Maria Riccarda Wesseling ou du jeu de langue de Sharon Rostorf-Zamir. »

Forum Opéra

« Sur la petite scène du Schlosstheater Neues Palais de Postdam, les chanteurs évoluent dans un décor très sobre, fait de murs gris pivotants. Les artistes sont tous rompus au chant baroque et l’on se réjouit de ne pas se voir infliger de vibrato trop large ou de da capo anachroniques. Dans l’ensemble, le plateau est excellent, avec des voix bien différenciées, et des cadences éblouissantes.
L’Aeglée de Sharon Rostorf-Zamir souffre d’un jeu moyennement convaincant et d’aigus un peu étroits. Le timbre est assez impersonnel, les vocalises bien exécutées mais sans inspiration, comme dans « M’adora l’idol mio ». L’air « Vieni, torna, idolo moi » de l’acte III où elle se languit de Thésée manque cruellement de passion, alors même que les bassons de la Lautten Compagney sont toute tendresse. Heureusement, au fur et à mesure de ses malheurs, cette beauté glacée se montre plus sensible. Le lamento nocturne de la prisonnière « Deh ! v’aprite, oh luci belle » s’avère touchant, en dépit d’une fâcheuse tendance à étirer le tempo à chaque fin de phrase. L’autre lamento « Amarti si vorrei, il ciel, il ciel lo sà », uniquement accompagné par le luth, représente l’un des points forts de l’oeuvre, tant dramatiquement que musicalement. La soprano n’y est certes pas techniquement parfaite – la voix est un peu trop acide, certains départs mal assurés – mais l’effet demeure quasi hypnotique.
Miriam Meyer, de son côté, campe une Cleone rafraîchissante, espiègle et mutine. Axel Köhler aurait d’ailleurs pu s’abstenir d’en faire l’objet de sous-entendus grivois, déclenchant les rires gras de la salle lorsqu’elle passe sensuellement sous la couverture d’Arcane durant un des airs de ce dernier. La voix est claire et légère, mais son manque de corps et de projection ne nuit pas à un personnage somme toute secondaire dans l’action. Son « ti credo, si ben moi » souffre peut-être de la battue trop rapide du chef, mais l’élan et la joie sont bien présents.
La grande prêtresse de cet enregistrement est sans conteste l’impériale Médée de Maria Riccarda Wesselin. Les mains tachées de sang, sanglée dans une chevelure qui lui sert de robe, atrocement maquillée, la sorcière ressemble presque à une de nos très contemporaines adolescentes « gothik ». Mais quelle voix ! Dès son apparition à l’acte II, l’on se demande pourquoi l’opéra n’a pas pour titre Medea. Avec un organe puissant, riche, enveloppant, tantôt caressant, la chanteuse, menaçante ou blessée, insuffle à la sorcière une souffrance et une complexité bien loin de la simple et redoutable « vilaine » incarnée par Della Jones chez Minkowski (Erato), vocalement plus corsée. Ecoutez ce « Quell’amor, ch’è nato forza » aux attaques incisives et dures, renforcées par des cordes qui écrasent leurs archets en produisant un son franchement désagréable ; tremblez devant ce maléfique « Sibillando, ululando atterate la rival » (malheureusement gâché par des sortes de gorilles qui dansent pesamment en faisant beaucoup de bruit sur scène). Enfin, au dernier acte, pendant un court instant, la magicienne se révèle éperdue, désarmée, pitoyable dans le souffle d’un « Morirò, ma vendicata » qu’elle expire douloureusement, allongée sur le sol.
Côté hommes, les amateurs de contre-ténors seront servis (n’oublions pas qu’Axel Köhler, le metteur en scène en est un). Commençons par le problématique Egée de Martin Wölfel : sa voix faiblarde, peu assurée, ses vocalises parfois heurtées et mal maîtrisées pourraient lui porter ombrage. Etrangement, ce n’est pas le cas. En effet, cette voix instable et timide convient tout à fait au roi Egée, dominé par Médée, forcé à abdiquer finalement au profit de Thésée. En outre, Johnny Maldonado est fort bon acteur, et son air de fureur « Voglio stragi, e voglio morte » est un génial contresens : le roi tente de prendre plusieurs poses triomphantes, sans y parvenir. Furieux, il tape du pied, s’agite comme un beau diable, demande sa cuirasse, s’aperçoit qu’il est toujours aussi peu convaincant, s’enveloppe dans sa cape, et brandit finalement son épée avec la dextérité d’un jardinier…
Thomas Diestler possède une belle présence et un instrument plutôt sonore, allié à une grande virtuosité dans les reprises. Le contre-ténor paraît d’ailleurs bien plus à l’aise dans les airs de bravoures que dans les galanteries amoureuses. Son « Benché tuoni e l’etra avvampi », joué à une allure incroyable, dépassant même allégrement toutes les excentricités d’un Minkowski, a soulevé, non sans raison, l’enthousiasme du public qui l’a applaudi à tout rompre. On regrettera cependant une certaine uniformité de ton, doublée d’aigus un peu « hululant », un peu comme chez René Jacobs.
Enfin, last but not least, le brave et héroïque Thésée ne laissera personne indifférent. Jacek Laszczkowski est confronté à une partition extrêmement difficile, à la tessiture haute et donc souvent confiée à une mezzo-soprano. La voix est forcée mais sûre, parfois proche du cri mais capable de projection, abattant les cadences avec facilité. Laszczkowski dévoile une musicalité discrète mais affirmée, sans oublier un soupçon d’agressivité. A l’auditeur de se forger un avis sur cette voix très particulière, moins éthérée et enfantine que celle de Jaroussky, plus virile que celle de David Daniels (on se souvient de son Rinaldo assez mou). Dès son deuxième air « non se più che bramar », la salle est conquise, subjuguée par cet timbre ambigu et extrême, quoique limité dans ses nuances.
Les rares choeurs sont insuffisants, manquant de corps et de cohésion : les parties restent mal espacées avec des pupitres intermédiaires transparents et des attaques aussi enthousiastes qu’imprécises. En revanche, l’orchestre baroque rutilant et précis de Katschner est un vrai régal : vive, souple, opulente, la Lautten Compagney jubile dans la fosse, en dépit d’effectifs qui semblent assez réduits. On louera les bois, en particulier, aux admirables sonorités grainées. La masse orchestrale est homogène, bien aérée avec de jolies couleurs instrumentales, et cette phalange fait avancer l’intrigue avec une conviction sans faille, menée d’une main de fer par un chef à la conduite aussi fougueuse – voire plus (!) – qu’un Minkowski, moins ciselée que Jacobs. On reprochera toutefois au chef l’urgence exaltée de certains tempi, qui transforme les airs de bravoures en pure démonstration de virtuosité.
En matière de spectacle, les costumes mêlent une antiquité de mauvais goût, un soupçon de siècle galant et surtout une modernité dénuée de classe. Heureusement, Axel Köhler, chanteur lui-même, a épargné aux artistes les postures trop ridicules : point de roulades effrénées ou de gadgets anachroniques à tout va dans ce décor triste et froid, où les panneaux coulissants gris rappellent vaguement les perspectives de carton-pâte baroques : où sont donc passés le temple de Minerve et ses belles colonnes doriques, les palais d’Egée ou de Médée ? Il vous faudra l’imaginer. L’essentiel est heureusement porté sur l’action et le chant, malgré l’apparition très inopportune des monstres de Médée sous la forme de créatures velues. On déplorera que l’incendie du dernier acte se réduise à ces quelques gorilles agitant des fanions jaunes, comme pour régler la circulation. En bref, la mise en scène est minimaliste, esthétiquement peu plaisante, mais elle conserve le mérite de ne pas entraver l’action.
Quant au support, Arthaus nous livre un produit soigné : boîtier avec fourreau, petit livret, excellent son malgré des basses un peu trop en avant, belle spatialisation. Même les sous-titres ont fait l’objet d’une grande attention : « Déjà dedans mon coeur coule un flot furieux » s’exclame, en alexandrin, le Roi Egée au début de l’acte IV. Un accès à chaque récitatif et à chaque air est possible, ainsi qu’une option qui affiche la partition sur l’écran (mais cette dernière reste assez peu utilisable, en raison de la petite taille des portées qui rend la lecture ardue). Enfin, l’éditeur a eu l’excellente idée de prévoir un lancement automatique du DVD, ce qui permet, si votre lecteur est relié à vos enceintes, d’utiliser le disque comme un CD classique sans avoir à allumer la télévision pour passer par le menu.
Pour ceux qui possèdent déjà le remarquable enregistrement des Musiciens du Louvre (Erato), Katschner apparaîtra paradoxalement à la fois plus direct et plus attentif au beau son. Cependant, la distribution n’est pas aussi parfaite avec un Egée insuffisant et un Thésée qui ne plaira pas à toutes les oreilles. Pour les autres, ce Teseo est fortement recommandé comme un des meilleurs remèdes aux atteintes grippales de l’hiver qui s’annonce, traitement à renouveler autant de fois qu’il vous plaira. «