DVD Arataserse

COMPOSITEUR Leonardo VINCI
LIBRETTISTE Pietro Metastasio

 

ORCHESTRE Concerto Köln
CHOEUR
DIRECTION Diego Fasolis
MISE EN SCÈNE Silviu Purcarete
DÉCORS Helmut Stürmer
COSTUMES Helmut Stürmer
LUMIÈRES Thomas Skelton

 

Artaserse Philippe Jaroussky contre-ténor
Mandane Max Emmanuel Cencic contre-ténor
Arsace Franco Faggioli contre-ténor
Semira Valer Baena-Sabadus contre-ténor
Artabano Juan Sanchez contre-ténor
Megabise Yuriy Mynenko contre-ténor

 

DATE D’ENREGISTREMENT novembre 2012
LIEU D’ENREGISTREMENT Opéra de Nancy

 

EDITEUR Erato
DISTRIBUTION
DATE DE PRODUCTION 8 avril 2014
NOMBRE DE DISQUES 2
FORMAT NTSC – Audio Stereo + DTS 5.0 / 16:9
DISPONIBILITE Région 2
SOUS-TITRES EN FRANCAIS oui

 

Critique de cet enregistrement dans :

Fnac

« … On pourrait craindre la monotonie à cause d’une uniformité de timbres et de tessitures. Il n’en est rien car les cinq chanteurs ont des voix très différentes. Max Emmanuel Cencic déclarait l’an passé dans une interview sur Diapason : « Quand nous serons plus nombreux, on pourra distinguer le contre-ténor drammatico, le spinto sopraniste coloratura… ». La terminologie n’est peut-être plus (ou pas encore) définie, mais les voix sont là avec des possibilités, des personnalités et des qualités très variées qui servent chacune merveilleusement leur rôle.
Si nos deux stars confirmées (Jaroussky dans Artaserse et Cencic dans Mandane, sœur d’Artaserse) comblent nos espérances, ceux qui ne connaissaient pas encore l’argentin Franco Fagioli ont dû avoir un choc. Il interprète Albace (un rôle écrit pour le célèbre castrat Carestini), meilleur ami d’Artasere et amant de Mandane. Franco Fagioli a déjà conquis les scènes allemandes et je faisais partie de ses fans français qui attendaient avec impatience que son talent soit enfin reconnu dans l’hexagone. Il ne m’a pas déçue bien au contraire. Aussi bien à l’enregistrement que sur scène il est tout bonnement époustouflant : une technique parfaite, une voix très large au timbre chaud, une implication, un talent d’acteur, une grande présence. Son aria, Vo socando un mar crudel, est un morceau de bravoure dont je ne me lasse pas.
Le maestro italien Diego Fasolis dirige avec élégance et dynamisme un Concerto Köln en tous points parfait. Le seul ténor de l’équipe, Daniel Behle, campe un traitre cruel et inquiétant. Quant aux deux contre-ténors que je n’ai pas encore cités : Valer Barna-Sabadus au timbre clair et délicat est une merveilleuse Semira (sœur d’Albace, amante d’Artaserse), et le nouveau venu, l’ukrainien Yuriy Mynenko, est une découverte pleine de promesses.
Impossible pour ma part de trouver le moindre défaut à cette production hormis deux gros points de frustration auxquels il sera peut-être possible de remédier : la version magnifiquement mise en scène par Silviu Purcarete n’a pour le moment été donnée qu’à Nancy avec une diffusion sur la chaine Mezzo (les autres étaient des versions de concert).

Classiquenews.com

« Rome, 1730. Leonardo Vinci (1690-1730) fait créer son dernier opéra seria Artaserse, livret de Métastase (plutôt conventionnel et… prévisible dans ses successions de récitatifs, aria da capo, sorties traditionnelles…), dans une distribution exclusivement masculine car les femmes étaient interdites de scène lyrique selon les lois papales. Place donc aux scènes héroïques, aux effusions sensuelles avec un nombre impressionnant d’emplois travestis.
Honneurs aux contres ténors (5 au total aux côtés du seul ténor Juan Sancho) à défaut de castrats dans cette récréation moderne (costumes à l’appui, style extravangaza ou Cage aux folles mais avec un accent « baroque » contemporain : la fashion week n’a qu’à se rhabiller!). Sans réelle direction d’acteurs, cette succession de costumes à paillettes et plumes colorées aurait fini par singer un mauvais carnaval carioca (c’est de saison), sauf que la tenue des chanteurs force, elle, l’admiration. La caractérisation de chaque personnalité montre l’essor du chant masculin travesti : jamais les théâtres n’ont pu disposer d’autant de contre ténors aux timbres et techniques aussi diverses que finement trempées. Du pain béni pour les recréations baroques de ce type. Confusion des sexes, vertiges baroques, labyrinthes des identités troubles et fascinantes, l’opéra recréé est autant un festival de voix sublimes que de personnages délirants, déjantés, cocasses. Même s’il paraît peu probable qu’à l’origine, l’ouvrage de Vinci partage cette couleur Drag Queen résolument moderne, la réussite du spectacle ainsi produit s’appuie aussi sur elle : on ne peut en masquer l’impact. L’opéra devenant alors une implosion en kaléidoscope où dans les décors et références scénographiques, l’apparition de perspectives et architectures à l’infini soulignent un spectacle où règne le dérèglement, le mouvement, la transformation continue ; image vivante d’une machinerie qui se dévoile à vue et exprime l’essence du théâtre baroque : la métamorphose. Au centre, tourne la scène de l’action, cependant que les loges dans les côtés restent visibles, dévoilant aux spectateurs, les mutations qui s’opèrent. Hommes devenues femmes, jeu amoureux où le désir est seul moteur, tout est renforcé évidemment par la séduction des voix réunies.
Serviteurs d’une partition virtuose qui redouble et surenchérit les performances vocalisantes, les acteurs du plateau relèvent le défi.
En Perse antique, dans un déballage de costumes et maquillage qui emprunte au film culte « 300 » (d’ailleurs l’action se passe aussi en Perse mais à l’époque du père d’Artaserse, Xersès, quand le grec Leonidas ose défier le souverain oriental…), les intrigues en tout genre vont bon train : trahisons et réconciliations, révélation et secrets, surtout apothéose finale de la vertu (dans un monde en dégénérescence… c’est toujours d’actualité). Ici les collants et les plumes remplacent les armures et les épées… Les « frères » éprouvés et éloignés Artaserse/Arbace que l’action à épisodes fait rivaux pour le pouvoir, se retrouvent enfin, après moult avatars : chacun épouse sa promise : Artaserse, Semira; Arbace, Mandane.
Cencic/Fagioli en vedette… Max Emanuel Cencic, l’un des contre ténors vedette du plateau et instigateur de la production incarne justement une femme trouble et coquette, idéalement féminine et avisée : Mandane, soeur d’Artaserse, et amante de son ennemi politique, Arbace. Ce dernier, magistralement défendu par celui que l’on nomme à présent « il Bartolo », en référence à la diva romaine vivaldienne, devenue tragédienne chez Rossini ou Bellini, – Cecilia Bartoli-, s’impose au sommet de l’affiche : trempé certes, acidulé aussi et magnifiquement virtuose là encore, doué d’une facilité expressive d’une musicalité toujours préservée : Franco Fagioli est notre modèle actuel. Sur les traces des castrats qui l’ont précédé dans le rôle (Carestini et Farinelli), le divino argentin excelle dans une vocalità flexible et acrobatique, d’une sincérité souvent inouïe (magnifique air à la fin du I : Vo solcando un mar cruel).
Aux côtés de Cencic et Fagioli, saluons aussi le piquant (bien que plus neutre) de Philippe Jaroussky (Artaserse) qui étrangement paraît nettement moins abouti et surtout moins nuancé que ses partenaires (à part l’élégie langoureuse en pâmoison : que lui reste-t-il?), le tranchant Yuriy Mynenko (Mégabise) s’illustre remarquablement, et surtout Valer Barna Sabadus (Semira) -à la féminité avouons-le envoûtante, enrichissent une galerie de hautes personnalités vocalement totalement fascinante.
Dans la fosse, Diego Fasolis et les instrumentistes du Concerto Köln redoublent eux aussi d’élégance nerveuse, de mille séductions de timbres et d’accents : un défilé acrobatiques et chamarré qui s’inscrit durablement dans notre imaginaire. L’esthétique vocale et instrumentale de cette production plus que cohérente parvient à sublimer l’écriture rien que démonstrative de Leonardo Vinci, champion de l’opéra napolitain. Superbe production dont le DVD restitue la réussite, l’éclat, la tension. »