Le Devin du Village

Le Devin du Village - partition 1753

COMPOSITEUR Jean-Jacques ROUSSEAU
LIBRETTISTE Jean-Jacques Rousseau
ENREGISTREMENT EDITION DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DETAILLEE
1958 1998 Louis de Froment CPO/Concord 1 français
1958 2002 Louis de Froment EMI Classics 2 français
1958 Louis de Froment Columbia 1 français
1972 Roger Cotte Arion 1 français
CBS français
1991 1992 René Clemencic Nuova Era 2 français
1991 2004 René Clemencic Nuova Era 1 français
1991 René Clemencic Nuova Era 2 français
2006 2007 Andreas Reize CPO 1 français

 

Opéra pastoral, composé de mélodies et d’une musique instrumentale à l’italienne, annonçant l’opéra-comique. Composé en trois semaines au printemps 1752, représenté avec succès les 18 et 24 octobre 1752, à Fontainebleau, devant le Roi et la Cour, avec Jélyotte (Colin), Marie Fel (Colette) et Cuvilier (le Devin). Jélyotte, peu content des récitatifs de Rousseau, les avait remplacé par les siens.Parmi les danseurs (la Jeunesse, Pastourelles, Villageois, Pantomime) figuraient Mlle et M. Vestris et Mlle Puvigné.Un programme de festivités avait été prévu à l’occasion de la visite de Louise-Élisabeth de France, duchesse de Parme. On joua ainsi un divertissement de J.-B. Chrétien, Iris, pour fêter la guérison récente du dauphin, atteint par la variole, et plusieurs pièces dont L’Inconnu de Corneille, reçurent des intermèdes musicaux somptueux.Jean-Jacques Rousseau a raconté dans le VIIIe Livre de ses Confessions la genèse de l’œuvre. Il était alors en cure aux eaux de Passy, près de la colline de Chaillot, et logé chez un vieil ami genevois, nommé Mussard, compatriote, parent et ami, joueur de violoncelle, passionné de musique italienne, qu’il avait connu en Italie. Après une soirée consacrée à parler d’opere buffe , Rousseau ne put trouver le sommeil, et fit quelques manières de vers très à la hâte, et y adapta des airs qui lui revinrent en les faisant. Le lendemain, il ne put s’empêcher de montrer ces airs à son ami et à sa gouvernante, Mlle Duvernois. Devant leurs « applaudissements », il se mit sérieusement à la tâche, et, en six jours, le livret fut écrit et la musique esquissée. Rentré à Paris, il n’eut plus qu’à faire un peu de récitatif et tout le remplissage.Compte tenu de l’insuccès des Muses galantes, qui faisait craindre un nouvel échec, Charles Pinot Duclos, secrétaire perpétuel de l’Académie française, protecteur de Rousseau et dédicataire du Devin du village, se chargea de la faire jouer à l’Opéra de façon anonyme. Elle fut ainsi exécutée par l’orchestre de l’Opéra sous la direction de Rebel et Francoeur, sans que le nom de l’auteur soit connu. Tous ceux qui l’entendirent en étaient enchantés, au point que dès le lendemain, dans toutes les sociétés, on ne parlait d’autre chose. M. de Cury, intendant des Menus plaisirs, qui avait assisté à la répétition, demanda l’ouvrage pour être donné a la cour.Rousseau alla ainsi à Fontainebleau assister à la dernière répétition. L’orchestre était nombreux, composé de ceux de l’opéra et de la musique du roi, et Jélyotte avait tout dirigé.Lors de la première représentation, devant le Roi et Mme de Pompadour, Rousseau, par provocation, se présenta dans le même équipage négligé qui lui était ordinaire : grande barbe, et perruque mal peignée. La pièce fut très mal jouée quant aux acteurs, mais bien chantée & bien exécutée quant à la musique. Selon lui, dès les premiers accords, l’assistance fut conquise, et l’audition n’était qu’à peine troublée par un chuchotement de femmes…belles comme des anges, s’entredisant à mi-voix : Cela est charmant, cela est ravissant, il n’y a pas un son là qui ne parle au coeur… A la scène des deux petites bonnes gens, cet effet fut à son comble.Rousseau, dans une lettre du 22 octobre raconte : On représente actuellement à la Cour le petit opera que j’achevois à vôtre départ. Le succès en est prodigieux et m’étonne moi même. J’ai été à Fontainebleau pour la première représentation. Le lendemain on vouloit me présenter au Roy et je m’en revins copier. Mon obscurité me plaît trop pour me resoudre à en sortir quand même je perdrois les infirmités qui me la rendent necessaires. Le lendemain, alors qu’il devait être présenté au Roi, et se voir attribuer une pension, Rousseau préféra quitter Fontainebleau dès le matin, alléguant sa santé. Jélyotte le lui reprocha : Vous avez eu tort, Monsieur, de partir au milieu de vos triomphes. Vous auriez joui du plus grand succès que l’on connaisse en ce pays. Toute la Cour est enchantée de votre ouvrage ; le Roy, qui, comme vous le savez, n’aime pas la musique, chante vos airs (*) toute la journée avec la voix la plus fausse de son royaume, et il demande une seconde représentation pour la huitaine.(*) notamment l’air : J’ai perdu mon serviteur.

Selon le Mercure de France (décembre 1752) : Cet ouvrage eut un succès aussi brillant que complet. Le sieur Rousseau comme poëte en mettant sur la scène un raccomodement entre deux amants de village, ne s’est pas attaché seulement à employer leur grammaire, il a parlé leur langage, et comme musicien, il a essayé un genre de musique nouveau, simple et naïf, & d’une expression convenable à son sujet. Les gens de l’Art ont sur tout remarqué le goût et les agréments qu’il a trouvé le secret de répandre dans les accompagnements faits d’une manière très neuve pour ce pays-ci. Ils n’ont pas moins admiré la perfection avec laquelle cet acte a été exécuté par la Dlle Fel & le sieur Jeliotte.Edition 1753Le Devin du village fut repris à l’Académie royale de musique, le 1er mars 1753, avec Delatour, Mlle Fel, complété par un divertissement et une ariette de Philidor.L’intention de Rousseau avait été de composer un intermède à l’italienne, exécuté entre les actes d’une oeuvre plus sérieuse. L’Académie royale s’y opposa et pria Rousseau de composer une Ouverture (*) et un divertissement dansé pour un faire un spectacle complet.(*) celle-ci pourrait être d’un remaniement d’un Symphonie avec cors de chasse composée par Rousseau et jouée au Concert Spirituel en mai 1751.

Caricatures exécutées par les musiciens de l'orchestre lors d'une représentation

 

Le Mercure de France (avril 1753) indique que l’ouvrage fut bien reçu à Paris, et que La Multitude a trouvé les chants de cet intermède très agréable, & les gens d’esprit ont remarqué de plus dans la Musique une finesse, une vérité, une naïveté d’expression fort rares Dans le Divertissement on a surtout goûté la Pantomime, dont la Musique a paru pleine de caractère…L’édition de 1753 est dédiée à Charles Pinot Duclos, écrivain et historien, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, protégé de Madame de Pompadour (1704 – 1772).Selon le Mercure de France : Cet intermède qui avait été joué à Fontainebleau au mois d’octobre dernier avec un succès presque inouï, a été bien reçu à Paris. La multitude a trouvé les chants de cet intermède très agréables, & les gens d’esprit ont remarqué de plus dans sa musique une finesse, une vérité, une naïveté d’expression fort rares.Les représentations se poursuivirent les mardi et jeudi depuis mars 1753 jusqu’à janvier 1754, avec Delatour et Mlle Jacquet.Une reprise eut lieu au château de Bellevue, pour la clôture des spectacles, les 4 et 6 mars 1753, avec Mme de Pompadour dans le rôle – travesti – de Colin, Mme de Marchais (*) (Colette), M. de la Salle (le Devin). La soirée avait commencé par la représentation de Zélindor, roi des Sylphes. Elle se termina par un feu d’artifice tiré sur le théâtre-même, et coûta, dit-on, cinq mille écus. (*) Madame de Marchais était née Elisabeth-Jeanne de Laborde, en 1725, fille de Jean-François de Laborde et d’Élisabeth Levasseur. Elle était la cousine, par un premier mariage de sa mère, de Jeanne-Antoinette Poisson, devenue, en 1745, marquise de Pompadour. Jean-Benjamin de Laborde, quqi devint premier valet de chambre de Louis XV, était son frère. En 1750, elle avait épousé Gérard Binet, baron de Marchais, premier valet de chambre du Roi. Elle avait débuté dans les spectacles privés de la marquise le 27 février 1748 dans la comédie « Les Dehors trompeurs ou l’Homme du jour ».

Le marquis d’Argenson nota dans ses Mémoires : Les deux divertissements qui terminaient les spectacles de Bellevue furent exécutés aussi bien qu’on pouvait le désirer, surtout la seconde fois. Ce soir-là le spectacle finit par un brillant feu d’artifice tiré sur le théâtre. La réussite du Devin du village et le succès qu’elle obtint elle-même dans le rôle de Colin décidèrent la marquise (de Pompadour) à envoyer à l’auteur une somme de cinquante louis an témoignage de se satisfaction.Le 2 octobre 1759, on intercala le Devin du village à la place de l’acte de l’Amour Saltimbanque, des Fêtes Vénitiennes, avec Sophie Arnould dans le rôle de Colette. Le Mercure de France écrivait : On peut regarder l’acte du Devin de Village comme le modèle d’un genre de pastorale française, plus vrai que tout ce qu’on a vu sur ce même théâtre, & plus noble que tout ce qu’on a donné sur le Théâtre Italien & sur celui de l’Opéra Comique. C’est ce choix de la belle nature dans les moeurs & dans le langage des bergers; ce milieu entre Séladon et Lucas qu’il fallait saisir, & qui rend l’acte du Devin de Village original & nouveau dans un genre qui semblait épuisé. En novembre 1759, l’acte du Devin du village fut inséré entre l’acte de la Devineresse, qui seul fut gardé des Fêtes vénitiennes, et celui d’Isménée.Le 23 octobre 1762, l’oeuvre fut interprétée par Besche, Mlle du Bois l’aînée et Gelin dans le cadre d’un Concert de la Reine, au cours du long séjour de la Cour à Fontainebleau, du 5 octobre au 16 novembre. Le 7 mars 1763, le Devin du village fut joué à la Cour, avec Jélyotte et des acteurs de la Comédie italienne, notamment Caillaud (ou Caillot) qui, nota Bachaumont, a le bonheur de plaire au Roi. Sa Majesté a les plus grandes bontés pour lui. Une nouvelle reprise eut lieu le 9 mars 1763, à la suite du Barbier paralytique, avec Jélyotte, Mlle Villette et Caillaud, acteur de la Comédie italienne, ainsi que douze danseurs, huit voix de femmes, treize voix d’hommes, plus un nombre indéfini de villageois et villageoises. Selon Bachaumont, Mlle Lemierre, aujourd’hui Mme Larrivée (*), ayant voulu chanter à ce divertissement, a trouvé sa voix en défaut. On attribue cet évènement à un accident survenu dans le voyage : elle est grosse d’ailleurs.(*) Marie Jeanne Le Mière ou Le Mierre, née à Sedan, le 29 novembre 1733, épousa Henri Larrivée, également chanteur à l’Académie royale. Elle commença à l’Opéra en 1750, et chanta jusqu’en 1773. Elle mourut à Paris en octobre 1786. Bachaumont disait d’elle : Qui ne serait enchanté de la méthode, du goût, du prestige, avec lequel mademoiselle Le Mierre nous peint tous les objets sensibles de la nature! Sa voix est une magie continuelle. C’est tour à tour un rossignol qui chante, un ruisseau qui murmure, un zéphyr qui folâtre.

Le 16 mars 1763, le Mercure de France remarqua le divertissement un pas de quatre villageois et villageoises, exécuté par le sieur Lani, la Dlle Allard, le sieur Dauberval et la Dlle Peslin.En septembre 1765, le Devin du village fut inclus dans des Fragments composés du Prologue des Fêtes de Thalie, de l’acte du Bal, et du Devin. Le Mercure de France jugea ainsi leur prestation de Le Gros (Colin), Mlle Durancy (*) (Colette), et Gelin (le Devin) : Le mérite de la voix de M. Le Gros est actuellement assez répandu pour laisser présumer l’effet qu’elle produit dans le rôle de Colin; cet acteur, surtout, ayant acquis, pour ainsi dire, à chaque représentation, de nouveaux moyens pour le rendre du côté du jeu avec l’agrément dont il est susceptible. Mlle Duranci, habituellement bonne comédienne dans plusieurs genres, remplit parfaitement le rôle de Colette. Toutes les grâces de la naïveté pastorale sont exprimées par elles dans un point de précision qui ne laisse rien désirer, sans donner lieu aux reproches de la moindre caricature. Le rôle du Devin est rendu avec la même perfection par M. Gelin, qui a fait voir avec quelque surprise qu’une belle et grande voix et l’habitude journalière du genre héroïque, ne font pas toujours un obstacle à la finesse d’une force comique, peut-être difficile à saisir aussi bien, par ceux qui sont le plus fréquemment exercés dans le genre. Bachaumont commente aussi : Le Devin du Village a fait la plus grande sensation. Mlle Durancy joue Colette avec intelligence et une grande naïveté qui doivent la faire mettre au rang des premières actrices. (*) Madeleine-Céleste Durancy, née le 21 mai 1746 à Paris, fille de comédiens. Protégée par Voltaire et formée par Lekain, elle débute à la Comédie Française en juillet 1759, puis à l’Opéra en juin 1762, et revient à la Comédie Française en 1766, qu’elle quitte à la suite d’une querelle avec Mlle Dubois. Elle revient à l’Opéra en octobre 1767, mais meurt le 28 décembre 1780. Voltaire disait d’elle : « Mlle Durancy joue, dit-on (et c’est la voix publique), avec toute l’intelligence et tout l’art imaginable; elle est faitte pour remplacer Mlle Duménil, mais elle ne sçait point pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes ».

Lors d’une reprise le 18 août 1767, Sophie Arnould, voulant imiter Mme de Pompadour, décida de se travestir pour jouer le rôle de Colin. Ce fut un désastre, et elle dut quitter la scène sous les sifflets. Elle fut remplacée par Mlle Allard qui eut à l’inverse plusieurs rappels.Cette même année 1767, Le Devin du village fut exécuté à Chantilly, chez le prince de Condé, sur une petite scène dite la Ménagerie. Anne-Victoire Dervieux, alors âgée de quinze ans, chanta le rôle de Colette avec succès. On ne saurait s’étonner de ses succès dans le Devin du village. Cette jeune personne qui n’a que quinze ans est très distinguée dans le genre de la danse, mais n’avait pas encore paru comme chanteuse, avant Chantilly, chez M. le prince de Condé. Elle n’a qu’un filet de voix, mais le ménage avec tout le goût et l’art possible. Même Grimm y alla de ses compliments : Mlle Dervieux joua et chanta le rôle de Colette avec beaucoup de gentillesse, et personne ne dansa mieux à sa noce qu’elle-même.L’oeuvre fut exécutée à Lyon, en représentation privée à l’Hôtel de Ville de Lyon, le 19 avril 1770, lors d’une soirée offerte par le prévôt des marchands, La Verpillière, à l’intendant Trudaine et à son épouse en visite à Lyon, qui comportait aussi Pygmalion, principalement de Horace Coignet. Ce dernier tenait lui-même le rôle du Devin. Rousseau composa une musique nouvelle pour six airs, qui furent chantés à l’Opéra le 20 avril 1779, et furent édités à titre posthume.Le Devin du village fut joué à Trianon, le 19 septembre 1780, clôturant une série de représentations, essentiellement de comédies, depuis le 1er août. La reine Marie-Antoinette tenait le rôle de Colette, le comte de Vaudreuil celui du Devin, et le comte d’Adhémar celui de Colin. Mercy notait à destination de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche : « La Reine a une voix très agréable et fort juste, sa manière de jouer est noble et remplie de grâce. »En 1782, Mlle Maillard fit ses débuts dans le rôle de Colette à l’Opéra. Elle y déploya beaucoup d’intelligence et de sensibilité, et se fit remarquer dès-lors, par l’étendue et la pureté de sa voix. (Annales dramatiques)L’oeuvre fut reprise sans interruption à Paris, jusqu’en 1829, parvenant à plus de 540 représentations. Elle fut jouée souvent au Grand-Théâtre de Lyon, notamment le 9 mai 1782, avec le Barbier de Séville, lors d’une visite du grand-duc Paul de Russie, futur tsar Paul Ier.Le Devin du village fut exécuté à New York le 21 octobre 1790, et à Québec en 1846 sous la direction de Napoléon Aubin, journaliste, musicien et lithographe québécois d’origine suisse.En 1814, le Mercure de France ne tarissait encore pas d’éloges, opposant la fraîcheur du Devin du village à la musique germanique : Que de grâce, de fraîcheur, de naturel et de sentiment dans cette charntante musique du Devin du village, composé il y a plus de soixante ans !… Les partisans de la musique bruyante et scientifique, c’est-à dire de l’école allemande, dédaignent le Devin du village… Le Devin du village n’en est pas moins un chef d’oeuvre… qu’on chantera encore dans mille ans… Edition à Genève en 1760Le livret manuscrit autographe est conservé à Lyon. La partition autographe, annotée par le musicien (Le présent manuscrit, paroles et musique, est de la main de J.J. Rousseau), est conservée à la Bibliothèque de la Chambre des Députés. Un exemplaire de l’édition par la Veuve Boivin, dédicacé par Rousseau à la marquise de Pompadour, est conservé à la BNF, ainsi qu’un exmplaire de l’édition de 1753 par Vve Delormel et fils, dédicacée à M. Duclos, historiographe et académicien. Inter. en un Ac. représenté pour la Cour à Fontainebleau, au mois d’Octo. 1752, & donné ensuite avec beaucoup de succès sur le Thé. de l’Opéra le premier Mars l753. Les paroles & la musique de ce joli & naturel morceau, sont de M. Rousseau, de Geneve ; il est gravé partition in-folio, & peut être compté pour le 167me de nos Opéra. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres) Le Devin du village - Beauvarlet, graveur du RoiUne parodie intitulée Les Amours de Bastien et Bastienne, en un acte, par Mme Favart & M. Harny, fut donnée au Théâtre Italien le 4 août 1753, reprise en novembre 1753 à Fontainebleau. Il y eut plus de cinquante représentations de cette oeuvre qui connut un grand succès.

Synopsis détaillé

D’un côté la maison du Devin ; de l’autre, des arbres et des fontaines, et dans le fond, un hameauSc. 1 – Colette, soupirant et s’essuyant les yeux de son tablier, délaissée par Colin, pleure et se lamente. Air : J’ai perdu tout mon bonheur. Mais il y a, dans le village, un devin, et elle décide d’aller le voir pour savoir si elle pourra regagner le coeur de son amoureux. Sc. 2 – Tandis que le Devin s’avance gravement, Colette compte dans sa main de la monnaie, puis elle la plie dans un papier et la présente au Devin, après avoir un peu hésité à l’aborder. Elle lui demande si elle peut garder espoir. Air : Si des galants de la ville. Il lui répond que Colin l’a quittée pour une autre femme, mais qu’au fond, il l’aime toujours : il se fait fort de ramener l’infidèle aux pieds de Colette. Le devin conseille donc à la jeune fille de feindre l’indifférence à l’égard de Colin. Air : L’amour croît s’il s’inquiète.Sc. 3 – Seul, le Devin attendri, est décidé à réunir les deux amants.Sc. 4 – Colin annonce au Devin qu’il veut revenir vers Colette. Mais le Devin lui affirme qu’il est trop tard : Colette est tombée amoureuse d’un monsieur de la ville. Colin, au désespoir, demande au devin de l’aider par quelque sortilège. Air : Non, non, Colette n’est point trompeuse. Le Devin tire de sa poche un livre de grimoire et un petit bâton de jacaob, avec lesquels il fait un charme. De jeunes paysannes, qui venaient le consulter, laissent tomber leur présents, et se sauvent tout effrayées en voyant ses contorsions. Le Devin annonce à Colin la venue de Colette.Sc. 5 – Colin se réjouit de retrouver Colette, qui est son seul bonheur. Air : Je vais revoir ma charmante maîtresse.Sc. 6 – Colette arrive, Colin ne sait comment l’aborder. Colette fait sa coquette et annonce à Colin qu’elle ne l’aime plus. Celui-ci annonce son départ du hameau. Colette le rappelle et tous les deux se réconcilient. Duo : Tant qu’à mon Colin j’ai su plaire.Colin se jette aux prids de Colette. Celle-ci lui fait remarquer à son chapeau un ruban fort riche qu’il a reçu de la dame. Colin le jette avec dédain. Colette lui en donne un, plus simple, dont elle était parée, et qu’il reçoit ave transport. Duo : A jamais Colin, Qu’un doux mariage m’unisse à toi.Sc. 7 – Le Devin se réjouit et convie les jeunes villageois à chanter le bonheur des amants. Choeur de la jeunesse du village : Du Devin de notre village.Sc. 8 – Le Devin et les paysans participent à l’allégresse des deux jeunes gens.Pantomime : Une villageoise entre, puis un courtisan. Il la regarder danser. Il lui offre une bourse, qu’elle refuse avec dédain. Il lui présente un collier fort orné. Un villageois survient; La villageoise, voyant sa douleur, rend le collier. Le courtisan se fâche. Les deux villageois se jettent à ses peids. Il se laisse toucher et les unit. Tous trois se réjouissent. Le devin tire un chanson de sa poche et commence à la chanter : L’art à l’amour est favorable. Colette enchaîne : Quand on sait bien aimer. Vaudeville Colette et les choeurs : Allons danser sous les ormeaux. « L’influence de l’opéra bouffe italien, et notamment de « La Serva padrona » de Pergolèse, jouée à Paris au début de 1752, est très sensible dans « Le Devin du village ». Le chef-d’oeuvre de Pergolèse avait déchaîné la fameuse « Querelle des bouffons » entre les partisans de l’opéra à la française (Lully, Rameau) et ceux de la musique italienne. Rousseau se rangea parmi ces derniers. Il écrivit, à l’appui de ses thèses, une Lettre sur la musique française, et ce petit opéra, Le devin du village. Il composa cet élégant et gracieux intermède musical sur des vers écrits chez son ami Moussard, dont il était l’hôte à Passy. Il acheva l’opéra à Paris. L’orchestration ne lui prit que trois semaines. Il n’osa pas, cependant, faire jouer Le devin du village à l’opéra, après l’échec de son opéra-ballet « Les Muses galantes », présenté en 1745 chez La Pouplinière. Il chargea donc l’académicien Duclos d’être son intermédiaire : l’opéra fut accepté, mais seulement pour la Cour de Fontainebleau. Il fut repris à l’Opéra le 1er mars 1753, avec un grand succès. « Le Devin du village » marque pourtant la fin de l’activité musicale de Rousseau. » (Dictionnaire chronologique de l’Opéra – Le Livre de Poche) « Même quand on sait que Jean-Jacques Rousseau a composé un opéra, on ne reconnaît pas toujours toute l’importance de cette oeuvre qui a transformé la sensibilité de l’époque et amené l’éclosion d’un genre musical nouveau — l’opéra-comique — genre auquel, paradoxalement, elle n’appartient pas elle-même. Le Devin du Village n’est pas un opéra-comique à proprement parler, car il comporte des récitatifs au lieu de dialogues parlés. Pour le reste, il présente les deux autres caractéristiques essentielles du genre, soit une musique marquée au sceau d’une élégante simplicité et une intrigue sentimentale (la réconciliation amoureuse d’un couple paysan) propre à plaire aux classes moyennes. La simplicité même du Devin l’a parfois fait taxer de niaiserie, mais le jugement ne pourrait être plus injuste. L’oeuvre remporta un énorme succès dès sa première, en 1752, et ce fut un succès durable, car elle est demeurée au répertoire pendant près de 70 ans. Même son livret a été beaucoup imité : l’argument de Bastien und Bastienne de Mozart en dérive directement, de même que celui de Colas et Colinette de Quesnel, le tout premier opéra composé au Canada, et créé à Montréal en 1790. » (La Scena musicale) « Le style de Rousseau musicien est débile, inanimé, superficiel, factice, faussement naïf et puérilement gracieux… Le Devin du village est une partition d’une insignifiance parfaite, aux idées petites, faibles et fades, harmonisées et instrumentées avec une rare pauvreté, un ouvrage d’amateur médiocre…  » (Pierre Lalo – De Rameau à Ravel – 1947)

Représentations :

  • Logis de la Chabotterie – 7 août 2012 – Simphonie et Choeur du Marais – dir. Hugo Reyne

  • Genève, Grand Théâtre – 27, 29, 31 janvier 2012 – dir. Jean-Marie Curti – mise en scène Ivo Guerra – costumes Marina Harrington – lumières Simon Trottet – avec Mark Milhofer (Colin), Daniel Djambazian (Devin), Norma Nahoun (Colette)

 

  • Genève – Théâtre Cité-Bleue – 31 décembre 2010, 1er, 2 janvier 2011 – Opéra Studio Genève – dir. Jean-Marie Curti – avec F. Biamonte (Devin), Magali Arnault Stanczak (Colette), Dominique Tille (Colin)

  • Tribune de Genève

« Cela fait partie des paradoxes propres à Rousseau. Peu de temps avant la création du Devin du village \96 le seul de ses sept opéras qui soit devenu populaire \96 il déplore l’incapacité de la France à produire de véritables \9Cuvres musicales. Dans un essai, il va jusqu’à écrire qu’«il n’y a ni mesure ni mélodie dans la musique française, parce que la langue n’en est pas susceptible; que le chant français n’est qu’un aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue (\85) D’où je conclus que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir; ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux.» Cette contradiction s’inscrit également dans le contexte de l’époque, où la Querelle des bouffons oppose radicalement le style musical italien à son équivalent français. «Cette \9Cuvre en est le résultat, explique Jean-Marie Curti, directeur de l’Opéra-Studio de Genève et metteur en scène du Devin du village qui sera présenté ce week-end. En même temps qu’il déclare la France incapable de musique, il veut prouver le contraire, en s’inspirant notamment du goût italien.»L’opéra, créé au Château de Fontainebleau en 1752, tient en trois personnages principaux: Colette, Colin et un devin. La jeune femme se plaint de l’infidélité du jeune homme. Elle fait appel au devin \96 charlatan? \96 du village, qui lui dit de ne point douter de son amour. Il lui promet que si elle parvient à faire croire à Colin qu’elle ne l’aime plus, il reviendra aussitôt. Une histoire d’amour universelle et atemporelle que le metteur en scène transpose et réactualise, «en lui enlevant son côté trop innocent, qui rendait les personnages peu vraisemblables». Des personnages justement qu’il a plantés dans un décor très 2011. Le devin prend ainsi les traits d’une espèce de psychiatre un peu fou. Colette et Colin, attirés par l’émulation de la ville, deviennent de jeunes ruraux qui se pètent aux champignons.Les deux amants, interprétés par Magali Arnault Stanczak et Dominique Tille, sont accompagnés sur scène par trois danseuses contemporaines qui gravitent autour de l’histoire comme dans un rêve. Et qui terminent l’opéra sur une danse des champignons plutôt fantasque. «La musique de Rousseau a la particularité d’être simple. J’ai tenu à en faire de même dans la mise en scène. Et j’ai choisi de traiter cette histoire de manière légère, amusante et poétique. Ce qui n’empêche pas d’être sérieux. Rousseau ne rigolait pas avec ce genre de thèmes!» La production intervient un an avant le tricentenaire de la naissance du philosophe. Chargé de composer Tic Tac Rousseau, un opéra sur ses jeunes années passées à Genève, Jean-Marie Curti a souhaité commencer par lui donner la parole. «Le Rousseau musicien est souvent décrié. Il a pourtant innové, notamment en ouvrant la voie à l’expression des sentiments personnels. Et il est le premier à avoir écrit aussi bien les paroles que la musique d’un opéra, pour permettre à la trame musicale de suivre complètement le texte.» »

  • Graz – Schloss Eggenberg – Festival de musique estival de Styrie – 26 juillet 2009 – Le Tendre Amour

 

  • Théâtre de Poissy – 9 mars 2007 – Ensemble Café Zimmermann – Choeur Arsys Bourgogne (dir. Pierre Cao) – dir. Attilio Cremonesi – avec Paul Agnew, Cassandre Berthon, Arnaud Marzorati, Mayuko Karasawa

 

  • Schloss Waldegg – 9 au 13 août 2006 – Cantus Firmus – dir. Andreas Reize – mise en scène Georg Rootering – avec Gabriela Bürgler (Colette), Michael Feyfar (Colin), Dominik Wörmer (le Devin)

  • Metz – Opéra Théâtre – 7, 9, 11 avril 2006 – en intermède des Liaisons dangereuses de Claude Prey

 

  • Théâtre de Poissy – 9 mars 2007 – Café Zimmermann – Choeur Arsys – version de concert – dir. Attilio Cremonesi – avec Paul Agnew, Eva Mei, Arnaud Marzorati

 

  • La Chabotterie – Eglise de l’Hébergement – 24 août 2004 – La Simphonie du Marais – dir. Hugo Reyne – avec Françoise Masset, soprano, Renaud Tripathi, haute-contre, Jean-Louis Georgel, baryton

 

  • Zürich – Kuratorium – septembre 2001

  • Château de Fontainebleau – 1er octobre 2000 – dir. Hugo Reyne – mise en scène Vaude – avec Françoise Masset (Colette), Éric Vignau (Colin), Jean-Louis Georgel (le Devin)

 

  • Avignon – 8 décembre 1989 – dir. Hervé Niquet – avec Véronique Gens, Hervé Lamy, Hacquard

 

  • Grenoble – Cour du Vieux Temple – 1er, 2 juillet 1983 – St Hilaire du Touvet – 6, 7 juillet 1983 – Ensemble Instrumental de Grenoble – dir. Stéphane Cardon – mise en scène Jean-Christophe Benoit – avec Jean-Pierre Chevalier (Colin), Anne Fondeville (Colette), Jean-Christophe Benoit (le Devin)

« Avec finesse, esprit et une grande économie de moyens, Jean-Christophe Benoit avait réalisé un dispositif scénique sobre, léger, bien dans l’esprit de la délicate partition de Rousseau. Vocalement, le trio défend avec brio la partition, alors qu’à la tête d el’Ensemble instrumental de Grenoble plein de chaudes sonorités, Stéphane Cardon mène l’affaire avec la saveur, l’humour et le souci du détail qui conviennent. » (Opéra International – septembre 1983)

  • Opéra de Nantes – 3, 5, 7, 9, 11 novembre 1978 – dir. Jacques Blanc – mise en scène René Terrasson – décors et costumes Georges Wakhévitch – chorégraphie Vicenté Abad – avec Christiane Château (Colette), Stanislas Staskiewicz (le Devin), Gérard Garino (Colin)

« Les interprètes étaient gentils, aimables et doux. Rousseauistes et excellents » (L’Année de la Musique)