CD Thésée

THÉSÉE

COMPOSITEUR

Jean-Baptiste LULLY

LIBRETTISTE

Philippe Quinault

 

ORCHESTRE Orchestre et Choeur du Boston Early Music Festival
CHOEUR
DIRECTION Paul O’Dette et Stephen Stubbs (théorbes et direction)

Thésée Howard Crook ténor
Médée Laura Pudwell soprano
Égée Harry Van der Kamp basse
Aeglé Ellen Hargis soprano
Cléone Suzie LeBlanc soprano
Dorine Mireille Lebel mezzo-soprano
La Grande prêtresse Amanda Forsythe soprano
Arcas Olivier Laquerre basse
Mars Marek Rzepka basse
Bacchus Marc Molomot ténor
Un Plaisir Aaron Sheehan ténor
Un Jeu Aaron Engebreth baryton
Une Bergère Teresa Wakim soprano

DATE D’ENREGISTREMENT 8 au 12 septembre 2006
LIEU D’ENREGISTREMENT Broadcast Hall – Bremen Radio – RFA
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

EDITEUR CPO
DISTRIBUTION Codaex
DATE DE PRODUCTION 26 juin 2007 (Etats Unis) – 23 août 2007 (France)
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Coproduction Boston Early Music festival – Radio Bremen – CPO

 Critique de cet enregistrement dans :

Diapason – septembre 2007 – appréciation 3 / 5 – technique 6,5 / 10

« Nous avons tant souhaité le retour des nations dans le concert français : il nous coûte de révoquer ce premier opéra de Lully enregistré par une troupe étrangère. La proposition d’ailleurs n’avait rien d’insolite. Outre que le Festival de musique ancienne de Boston compte aujourd’hui parmi les institutions les plus fiables en ce domaine, deux artisans majeurs du projet, le ténor Howard Crook et le chef luthiste Stephen Stubbs, contribuèrent tous deux au succès d’Atys il y a vingt ans. D’ailleurs le petit orchestre américain joue convenablement, le style d’exécution inspiré d’ouvrages savants ne laisse rien à désirer, et la pièce, inédite au disque hormis une vingtaine de pages gravées jadis par Willard Straight (avec Hugues Cuénod, Dynaflex/RCA), perce un chemin de la bâtarde Alceste encore semée de comédie vers le grave Atys. Thésée mérite sans conteste la louange de Lecerf de La Viéville, selon qui ‘le second acte surpasse le premier, et ainsi du reste, jusqu’au cinquième, qui surpasse les quatre qui l’ont précédé.’

Hélas ! La tragédie lulliste ne saurait survivre loin du théâtre et de la poésie. Pour la poésie, on en cherche sur un plateau majoritairement non francophone dont le soin à prononcer cache mal un défaut continu de raison et de sentiment. Débit ne vaut pas déclamation : seul Howard Crook et par moments la douce Suzie LeBlanc semblent en avoir conscience. Dès le (long) prologue, une Vénus glaciale, un Mars bâillant, une Cérés stérile et un Bacchus craintif font commettre aux vives images de Quinault ce que le Grand Siècle tenait pour un péché mortel : la froideur. Pour le théâtre, cela bavarde, cela traîne, cela languit. Même la flamboyante Médée, pourtant tenue par Laura Pudwell dont nous connaissons le tempérament, se morfond. A poème muet, drame muet. Ce ne sont pas quelques blagues de potache dans la scène des vieillards athéniens et le finale du III qui nous sortiront d’une torpeur fatale.

Réalisé avec les belles intentions dont est pavé l’enfer, ce document s’adresse donc d’abord aux discothèques professionnelles. En attendant des jours moins gris, l’amateur cherchera la bande radio réalisée en 1998 par l’Académie baroque d’Ambronay. William Christie y découvrait quelques talents (Stéphanie d’Oustrac, Aurélia Legay, Sophie Karthaüser, Jean-François Novelli, Bertrand Chuberre…) dans des conditions artistiques autrement probantes. »

 Le Monde de la Musique – octobre 2007 – appréciation 2 / 5

« La perspective de disposer d’une discographie complète des tragédies en musique de Lully fait que l’on accueille chaque nouvel enregistrement avec un a priori bienveillant. L’affiche de cette unique intégrale de Théséeréunit d’ailleurs des artistes reconnus pou r leur activité dans le répertoire baroque. Le rôle-titre incombe à Howard Cook, un chanteur admiré pour sa connaissance du style français, et la présente équipe se produisit sur scène à Boston cinq ans avant de prendre le chemin des studios de la Radio de Brême.

Le premier contact révèle une interprétation stylée de la musique et une prononciation soignée du texte de Quinaut. Le récit possède pourtant tous les éléments propres à captiver le public : une magicienne jalouse (Médée) prête à sacrifier l’objet de ses feux (Thésée) pour le plaisir de triompher de sa rivale (Aeglé). Des esprits infernaux, des apparitions magiques, des amours contrariés, une île enchantée, etc. Dans cet opéra, le compositeur et son librettiste abandonnent peu à peu les éléments comiques pour se concentrer sur le drame.

Rien de cela n’apparaît dans cette lecture appliquée (exception notable de Howard Crook) et très vite ennuyeuse : la science ne saurait se substituer à l’inspiration, Cette version ne peut donc rester qu’un document que les passionnés ne manqueront pas de consulter. »

 Classica – octobre 2007 – appréciation 8 / 10

« La discographie des opéras de Lully se trouve complétée par ce Thésée inouï, sauf pour qui eut la chance de l’entendre il y a dix ans par les Arts Florissants, à l’origine de l’édition utilisée par le Boston Early Music Festival. Ce coffret présentant l’opéra donné en 1675 au chàteau de Saint-Germain-en­Laye fait suite à la production de Gilbert Blin effectuée pour le festival américain. Blin, spécialiste des opéras machines, est un metteur en scène sous-exploité en France. L’enregistrement vient donc à point, Thésée s’annonçant comme la production-phare de la saison 2008 au Théâtre des Champs-Élysées avec JeanLouis Martinoty aux images et Emmanuelle Haïm à la musique. Le livret de Quinault réutilisé en 1713 par Haendel sous le nom de Teseo, privilégie les amours de Médée et Thésée mis à mal par la passion de ce dernier pour la jeune Aeglé qu’aime le roi d’Athènes Égée incidemment père de Thésée… La magicienne du Caucase n’a guère de chance avec ses amants, Jason ou Thésée, et c’est bien sûr sa jalousie qui fait le sel de l’intrigue. L’oeuvre en miroir qu’est l’opéra louis-quatorzien suscite chez Lully moult divertissements dans le divertissement, qui sont autant d’enchantements musicaux. Le sacrifice du premier acte, très « grand motet », le choeur des démons ricanants de l’acte III (Atys n’est pas loin) ou les rêveuses bergeries de l’acte IV. Les seconds rôles offrent des prestations remarquables, soutenues par un choeur excellemment préparé. Howard Crook, vétéran lullyste a vieilli, mais reste estimable. Intéressants, aussi, le roi pervers d’Harry van der Kamp et la princesse fragile d’Ellen Hargis. Paul O’Dette dispense un riche continuo caractérisant avec science chaque personnage. Si l’on peut aimer la direction foudroyante d’Hervé Niquet dont le discours habille avec densité le déroulé de la tragédie lullyste, Stubbs s’avère plus attentif aux incessants changements d’humeurs, notamment dans ces ballets que trop de chefs élaquent quand ils ne savent qu’en faire. Hélas l’opéra pèche gravement par la molle Médée de Laura Pudwell au français « porridge ». Le personnage de l’enchanteresse, complexe comme toujours chez Quinault, réclame une mezzo incisive et hantée, façon Guillemette Laurens. Mais l’importance d’une telle nouveauté en fait l’un des évènements incontestables de la rentrée. Ne manquent plus au catalogue que Psyché, Cadmus et Hermione et Bellérophon… »

 ClassiqueInfo.com

« L’enregistrement paru en 2007, qui fait suite à des représentations scéniques données dans le cadre du Early Music Festival de Boston en 2001, a bénéficié d’une préparation soignée. La partition utilisée est celle de l’édition « officielle » de Ballard (1688) déjà employée par William Christie dans les années 1990 [1]. L’orchestre et les choeurs du festival de Boston sont placés sous la direction attentive de Paul O’Dette et Stephen Stubbs qui trouvent un juste équilibre entre scènes infernales et pastorales, mettant en exergue la pompe officielle (cérémonie de l’acte I, interventions du roi) et faisant ressortir les beautés de l’orchestration de Lully.

La préparation due aux représentations, puis à l’enregistrement studio, explique l’effort qui a été porté sur les accents des chanteurs, issus d’horizons très différents. Toutefois, s’ils sont tous parfaitement intelligibles, on décèle ici ou là des « an » trop ouverts, des « r » roulés à l’italienne ou tout simplement gommés et l’effet global reste très artificiel. On peut aussi s’interroger sur certains choix de prononciation : les choeurs accueillant Thésée à l’acte II adoptent tout d’un cop une parodie de prononciation « restituée » du français du XVIIe siècle, tout comme les vieillards, sans doute pour renforcer l’ironie de la scène mais d’un effet douteux. De même, pourquoi prononcer systématiquement Pallas « palla » et Arcas « arca » ?

La distribution, très homogène, reste hélas insuffisante. La plupart des chanteurs disposent de petites voix et sont sans doute d’excellents comprimari, mais ils sont souvent dépassés par les exigences des rôles principaux car si les tessitures sont peu étendues, les difficultés sont nombreuses, et il faut une autorité, une fermeté qui font défaut à presque tous. Des divinités du prologue, seule la jolie Cérès de Yulia Van Doren peut faire illusion. Le Mars à l’accent impossible et fâché avec la justesse de Marek Rzepka, le Bacchus de Marc Molomot sont trop « légers », tout comme la Vénus au petit pied de Mireille Lebel qui est en revanche à sa place en Dorine, confidente de Médée. Suzie LeBlanc campe une charmante Cléone (confidente de Aeglé) à laquelle il manque peut-être un certain piquant, notamment lors de sa dispute avec Arcas (acte I), incarné très correctement par Olivier Laquerre. Amanda Forsythe est une prêtresse de Minerve tout à fait convaincante.

Parmi les rôles principaux se détache très nettement le Thésée de Howard Crook, plus à l’aise en héros amoureux qu’en prince victorieux : la voix est belle, les aigus faciles et le français parfait. La princesse Aeglé de Ellen Hargis est en revanche insuffisante : la voix grisâtre est avare de couleurs et semble s’étrangler dès les premiers aigus. Harry van der Kamp ne peut faire illusion que dans les passages calmes et piano, la voix se durcissant dès que le texte et la partition exigent la moindre autorité, le chanteur perdant alors tout sens du phrasé. La prononciation est parfois exotique et les « a » sont systématiquement trop bas. Il reste la Médée de Laura Pudwell dont on sent qu’elle essaye de traduire les combats intérieurs de la magicienne. La chanteuse est attachante dans les passages élégiaques (acte II), la voix belle, un peu sombre. Les accès de fureur de Médée la prennent au dépourvu : l’écriture est assez basse et Laura Pudwell peine à soutenir cette tessiture et malmène sa voix pour lui arracher des accents véhéments, mais cette Médée est trop douce pour convaincre.

Cet unique enregistrement de Thésée est indispensable à tout amateur de tragédie lyrique qui y trouvera l’oeuvre complète interprétée avec un grand soin. Les réserves, réelles, émises quant à la distribution n’invalident pas la démarche éditoriale de CPO, connu pour diffuser dans les meilleures conditions possibles des oeuvres rares, et encore moins celle de l’équipe du Boston Early Music Festival à qui revient le mérite de présenter cette oeuvre extraordinaire intégralement pour la première fois. »