Sallustia

COMPOSITEUR Giovanni Battista PERGOLESI
LIBRETTISTE S. Morelli d’après Apostolo Zeno

DVD

ENREGISTREMENT ÉDITION DIRECTION ÉDITEUR FICHE DÉTAILLÉE
2011 2013 Corrado Rovaris Arthaus

 

Premier opéra composé par Pergolèse, entre 1731 et 1732, sur un livret en trois actes de S. Morelli, d’après Alessandro Severo d’Apostolo Zeno. Il fut créé, sans beaucoup de succès, au teatro San Bartolomeo de Naples, en janvier 1732.
Le castrat soprano Nicoli Grimaldi, dit Nicolino, avait été pressenti mais mourut de maladie pendant les répétitions, le 1er décembre 1732. Il fut remplacé par Gioacchino Conti, dit Giziello.


Argument
Sallustia, épouse d’Alexandre Sévère, est calomniée par sa belle-mère, la jalouse Julie. Celle-ci cherche à convaincre son fils de la répudier. Adrien, père de Sallustia, tente de tuer Julie. Il est condamné à être jeté aux fauves, mais parvient à tuer le léopard qui s’apprêtait à le dévorer. Julie lui pardonne et les époux se réunissent. (Dictionnaire chronologique de l’Opéra – Le Livre de Poche)

Pour en savoir plus :


Alma opressa


Représentations :

Jesi – Teatro GB Pergolesi – 2, 4 septembre 2011 – Accademia Barocca de I Virtuosi Italiani – dir. Corrado Rovaris – mise en scène Juliette Deschamps – décors Benito Leonori – costumes Vanessa Sannino – lumières Alessandro Carletti – avec Serena Malfi (Salustia), Florin Cezar Ouatu (Alessandro), Vittorio Prato (Marziano), Laura Polverelli (Giulia, Giacinta Nicotra (Albina) – nouvelle production – édition critique Dale Monson


Forum Opera – Miracle à Jesi

« Créée tant bien que mal après des modifications rendues nécessaires par la mort du castrat vedette, La Salustiadans sa version originale avait disparu des scènes jusqu’à sa résurrection partielle – des coupes nombreuses – à Montpellier en 2008. En différé sur le calendrier du tricentenaire de la naissance de Pergolesi, perturbé en 2010 par la brutale diminution des subventions du ministère, la voici proposée à nouveau à Jesi en intégralité et dans une production nouvelle qui rend pleinement justice au premier opera seria d’un jeune homme de vingt et un ans.
L’intrigue repose sur les menées de l’impérieuse Giulia, qui n’admet pas d’avoir perdu son rang d’impératrice au profit de sa belle-fille Salustia et n’a de cesse d’obtenir que son fils, l’empereur Sévère, la répudie, au grand dam du père de Salustia qui dès lors complote pour l’assassiner. Informée de ces projets Salustia fera échouer les deux attentats, sauvant ainsi la vie de son ennemie et obtenant par là que son père puisse trouver dans l’arène la chance d’être gracié. Désarmée par cette magnanimité, Giulia s’effacera devant la jeune impératrice, exemple d’amour et de vertu.
On aura noté que l’empereur mari de Salustia ne semble pas intervenir. En fait, il aime son épouse mais il doit son trône à sa mère et face à celle-ci il ne fait pas le poids. La gaucherie de ses attitudes ou son lien étroit avec une poule apprivoisée expriment directement le mal-être de ce velléitaire aux prises avec un statut trop grand pour lui. Chacun des chanteurs, du reste, donne à son personnage autant de relief que possible, même en ce qui concerne Albina et Claudio, les seconds rôles. Ils jouent ainsi le jeu que leur suggère une Juliette Deschamps particulièrement inspirée. L’ambitieux Marziano a beau bomber le torse il n’en tombe pas moins à genoux pour un cunnilingus à son ennemie Giulia, avec laquelle il entretient un rapport de trouble sensualité et qui unit les chatteries et la violence d’Agrippine à la luxure de Messaline. La metteuse en scène s’est-elle inspirée du feuilleton télévisé Rome ou de La vie des douze Césars ? En tout cas le résultat est patent : la succession des récitatifs et des airs n’est pas, comme trop souvent, un morne pensum, mais un flux ininterrompu où circule la sève des passions, si bien que dans cette version longue on ne sent pas le temps passer. Depuis Era la notte, le talent et la personnalité de Juliette Deschamps ne cessent de s’affirmer, et cette production révèle une maitrise qui laisse béat.
Ce travail s’appuie sur le décor unique de Benito Leonori, qui érige en fond de scène un monument dont le sommet porte la trace des outrages du temps ou des vicissitudes de l’histoire, sans que l’on puisse en décider, et dont la base sert d’appui aux graffiti qui vont se succéder avec les péripéties. Entre les deux, des galeries bordées d’arcades tiennent des déambulatoires d’un Colisée dont les ouvertures forment autant de loges d’ où l’on peut voir et être vu, et même épier à la dérobée. Cette atmosphère de théâtre dans le théâtre n’a rien de pesant ni de convenu : références et réminiscences sont au service d’une approche contemporaine de l’œuvre, aussi éloignée de la reconstitution pseudo-historique que d’un esthétisme complaisant. Des galeries, on peut observer l’espace en plan incliné au pied du monument, abords d’un palais ou place publique où un grand lustre baroque git en face de laissés pour compte endormis dans la rue. Les costumes de Vanessa Sannino contribuent eux aussi à l’atmosphère d’indécision temporelle et de théâtralité, des vêtements modernes aux paniers de Giulia, des habits XVIII° siècle de Sévère à ses baskets, du turban d’un Claudio sorti du cadre d’une miniature indienne, sans que jamais ces associations risquées induisent de cacophonie. Ce n’est pas le moindre charme du spectacle que ces écarts dosés et gérés magistralement.
Dans cet univers reconnaissable et indéfinissable, l’opéra de Pergolesi s’insère et s’épanouit. Dès l’ouverture, Corrado Rovaris entraine les musiciens de l’Accademia de I Virtuosi Italiani, qu’il dirige depuis le clavecin, avec une détermination qui ne faiblira pas, sans rien sacrifier de la veine sentimentale et en soulignant fermement les audaces de l’écriture du jeune compositeur, en particulier son usage des dissonances. Les instrumentistes répondent comme un seul homme ; l’éloquence et la cohésion des cordes vont de pair avec la maitrise des vents, cors, bassons et trompettes. Ce plaisir musical accompagne fort heureusement un plateau à la hauteur des enjeux.
Respectivement Claudio et Albina, Maria Hinojosa Montenegro et Giacinta Nicotraont de la présence et des voix agréables, suffisantes pour leur emploi. Vittorio Prato, jeune baryton à la voix étendue, a été préféré au ténor prescrit ; il se tire haut la main des difficultés vocales du rôle de Marziano, en particulier de l’air du troisième acte. Entendu il y a quelques années à La Fenice, Cesar Florin Ouatu a beaucoup progressé et son Sévère le situe à un rang très élevé dans la hiérarchie des contre-ténors, par la fermeté de la projection, l’homogénéité du timbre, l’étendue, la clarté et la rapidité. Dans le rôle de Giulia, mère abusive et femme frustrée prête à tout pour parvenir à ses fins, Laura Polverelli est féline et brutale à souhait ; vocalement très en forme elle brule les planches et donne à son personnage une force qui subjugue. La malheureuse Salustia, l’innocente en butte aux avanies de sa belle-mère, trouve en Serena Malfi la plus séduisantes des interprètes. Travesti délicieux en 2010, elle prête à l’héroïne une dignité modeste et une sensibilité vibrante dont sa voix est le vecteur, toujours aussi souple, caressante et délicatement ambrée. Elle n’est pas le moindre des atouts d’une production dont la conception raffinée nous a conquis et où la symbiose entre théâtre et musique est une éclatante réussite. »

Opéra Magazine – décembre 2011

« La ville natale de Pergolesi, dans les Marches, inaugure l’édition 2011 de son «Festival Pergolesi Spontini» avec La Salustia, son tout premier opéra, écrit à l’âge de 21 ans et créé au Teatro San Bartolomeo de Naples, en 1732. En 2008, Jesi l’avait déjà proposé, en coproduction avec le Festival de Radio France et Montpellier, avec deux mezzos en traavesti : Marina De Liso (Marziano) et José Maria Lo Monaco (Alessandro). Il s’agissait de la version initiale de l’ouvrage, jamais représentée suite au retrait, puis à la disparition brutale du castrat vedette Nicola Grimaldi, dit «Nicolino », annoncé en Marziano. Cette année, le choix s’est porté sur l’édition révisée à la hâte par Pergolesi, au lendemain de ces événements tragiques. En toute logique, Marziano aurait dû revenir à l’autre castrat de la compagnie, Gioacchino Conti, dit «Gizziello». Jugé trop jeune et trop tendre pour ce personnage de général et de père, taillé sur mesure pour un Nicolino en fin de carrière, qui compensait par le jeu son usure vocale, il dut laisser la place au primo tenore de la troupe et se contenter du rôle plus secondaire de Claudio (initialement confié à un ténor !).
Le décor de Benito Leonori est imposant : surgisssant d’un socle de pierre, une façade monumentale, percée de trois rangées de loges. On pense à la Felsenreitschule de Salzbourg, tout en admirant la manière dont ce dispositif, à la fois, identifie l’époque de l’action (le IIIe siècle après Jésus-Christ) et la revisite au prisme de l’esthétique baroque. Les costumes de Vanessa Sannino s’y intègrent avec cohérence, les éclairages d’Alessandro Carletti contribuant à la réussite de l’ensemble. Quant à la mise en scène de Juliette Deschamps, elle joue la carte de la crédibilité et de l’engagement.
La rivalité entre Salustia et Giulia, respectivement épouse et mère de l’empereur Alessandro, est au cœur de l’intrigue. Serena Malfi et Laura Polverelli s’y montrent sous leur meilleur jour. La première surrprend par sa densité de timbre, ainsi que par sa caapacité à épouser les moindres variations dans la ligne et la psychologie de son personnage. La seconde fait, une fois encore, valoir la solidité de sa technique, confirmant qu’elle est bien l’une des meilleures ambassadrices actuelles de l’opera seria italien du XVIIIe siècle.
Dans un emploi de baritenore typique de l’époque, Vittorio Prato déçoit. Son chant, correct pourtant, manque de personnalité et d’intensité dramatique. Déception également pour le contre-ténor Florin Cezar Ouatu, trop pâle et sans vraie qualité vocale. Giacinta Nicotra et Maria Hinojosa Montenegro complètent dignement.
À la tête de l’Accademia Barocca de I Virtuosi Italiani, Corrado Rovaris impose une lecture très équilibrée de la partition. Doit-on lui attribuer des récitatifs secs manquant d’incisivité et d’efficacité dans la diction ? Vif succès, en tout cas, au rideau final, pour un spectacle pourtant très long (quatre heures), joué par une chaleur accablante. »

extrait vidéo

http://www.youtube.com/watch?v=sIbpPfY9yv8

Jesi – Teatro Pergolesi – 14, 16 jan 2011 – Cappella della Pietà dei Turchini – dir. Antonio Florio – mise en scène Jean-Paul Scarpitta

 

Montpellier, Opéra Comédie – 27, 28 juillet 2008 – Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon – Jesi, Teatro Pergolesi – 5, 7 septembre 2008 – La Cappella della Pietà de’ Turchini – dir. Antonio Florio – mise en scène Jean-Paul Scarpitta – avec Maria Ercolano (Salustia), José Maria Lo Monaco (Alessandro), Marina de Liso (Marziano), Raffaella Milanesi (Giulia), Cyril Auvity (Claudio), Valentina Varriale (Albina) – coproduction Festival Radio France et Montpellier Languedoc Roussillon – Fondazione Pergolesi Spontini – Opéra National de Montpellier Languedoc Roussillon




« Salustia aime sans mesure. Elle semble solliciter toute sa mémoire, sa finesse et son imagination devant la destinée et en particulier devant son rôle au côté de son époux, l’empereur Alessandro. Jamais elle ne juge, toujours comprend, parfois s’émerveille. Elle est en quelque sorte la clairvoyance, l’égalité d’âme, le don des larmes, la générosité, le dévouement, le sacrifice, le silence, le courage jusqu’à la mort. Sa détermination est d’empoigner tout ensemble ces regrets, ces remords et ces questions.
Une mise en scène qui s’inspire des manifestations du cœur, une mise en scène qui doit le réjouir afin de restituer la lumière d’une présence que l’on rencontre si rarement dans la vie et en rendre grâce. Connaître quelqu’un est une tâche infinie, si limitée. Les actes, les paroles, les silences peuvent être racontés, interprétés… les pensées sont inaccessibles. Ce qui est le plus important n’est pas ce que pense Salustia mais ce qu’elle donne à penser. La connaître c’est l’aimer bien sûr, mais aussi s’aimer soi-même d’une humanité capable de tant de bonté. Une bonté souvent mise à l’épreuve tout au long de l’opéra dans une Rome, presque énigmatique, remplie de vanité, de pouvoir, de duplicité.
L’Histoire, les femmes le savent toutes, reste l’apanage officiel des hommes ; pour se glisser dans ses rouages sans être broyée il faut feindre, ruser, se créer des alliés puissants, distribuer des faveurs, séduire, corrompre, punir et savoir, quand il le faut, sortir de scène. En cela, Salustia est une femme d’aujourd’hui. De nos jours, l’ignorance n’est-elle pas grandissante ? La vulgarité n’est-elle pas envahissante ? Tout présuppose le vide, la faiblesse masculine… les mâles sont au plus bas, leur bassesse animale remonte. Salustia est-elle une victoire ? Oui, car il n’y a pas de calcul en elle. Seule la pensée compte. Elle nous dit de ne pas nier ni rejeter ce que nous sommes : des êtres pensants…
Autour d’elle les personnages s’animent et se confrontent : l’impératrice Giulia, Albina, Claudio et son père Marziano. Ils ont tous des caractères forts, et sont tantôt esclaves de l’apparence, du conformisme et de leur ego… Ils ne sont pas inanimés. L’intrigue se crée sous nos yeux et nous révèle l’ambiguïté de ce que nous sommes. C’est le premier opéra que Pergolese a composé. Sa musique d’une grande force d’expression, annonciatrice de beaux moments, nous guide : la musique d’un tout jeune homme qui exprime la poésie qui pense et se déploie… une manière de tenir en éveil sa pensée et sa réflexion. » (Présentation du metteur en scène)

Classique.news

« Giovanni Battista Pergolesi compose son premier opéra Salustia en 1731. Le castrat Nicolino, star du chant napolitain d’alors qui devait créer le rôle-titre décéda peu de temps avant la création et l’ouvrage ne fut probablement jamais joué du vivant du compositeur italien. Première et résurrection annoncée comme un événement par le Festival de Montpellier, l’œuvre dans sa forme dépouillée scénographiée par Jean-Paul Scarpita, bien peu inspiré par l’opéra baroque du Settecento, se révèle néanmoins, malgré des coupes maladroites qui affectent surtout les superbes arias, moins le tunnel des récitatifs souvent longs et ennuyeux (faute aux interprètes qui manquent souvent d’intelligence théâtrale et d’articulation ciselée) ?). Caprice du metteur en scène, en décalage avec l’action originelle et sa pureté tragique, la pluie qui corrompt la lisibilité du troisième acte (voix et orchestre couverts par le crépitement de la matière liquide) ; mais l’aspect visuel ne manque pas de piquant, en permettant aux danseurs, en second plan, de dévoiler leur nudité antique, rappelant la poésie des peintres classiques dont les corps peints, sculptés dans la lumière, réactivent le canon de l’idéal de la Renaissance. Antonio Florio et sa Cappella de’Turchini savent exprimer la rhétorique expressive du premier théâtre musical de Pergolèse, avec une attention aux mots, à la puissance invocatoire du texte, ce que n’offre pas l’opéra suivant du compositeur, Adriano in Siria, qui s’inscrit davantage dans le moule des opéras napolitains, où la performance vocale concurrence Haendel à Londres et Vivaldi à Venise. Déjà mise en avant dans la Statira de Cavalli, Maria Ercolano égratigne en permanence la pure vocalità du rôle-titre en particulier à cause de son vibrato envahissant et une ligne musicale en déséquilibre. A suivre, les sopranos Valentina Variale (Albina) et Raffaella Milanesi (Giulia), surtout la mezzo Marina De Liso (Marziano) : tempérament, ardeur, fougue musicale et solidité technique. Tout n’est guère convaincant dans cette production défricheuse mais en faisant son tri, le spectateur amateur d’opéra baroque, y détectera quelques perles qui rendent le spectacle finalement captivant. »

Opéra Magazine – 28 juillet 2008

« Pergolèse a 21 ans lorsqu’en 1731, il compose Salustia pour le Teatro di San Bartolomeo de Naples. Un oratorio, La Fevice sul rogo, et un drame sacré en trois actes ont déjà attiré l’attention sur son jeune talent. Pour son premier opera seria, il dispose d’un sujet adapté d’un drame d’Apostolo Zeno. Alessandro Severo, qui, aux temps agités de la décadence romaine, relate la rivalité entre Giulia, la mère de l’empereur, et Salustia. son épouse. Rien de très original dans cette histoire de complots autour du pouvoir mais l’opportunité, pour le musicien, de démontrer l’originalité de son talent et l’orientation de ses recherches. La distribution vocale qui, à l’origine, devait reposer surtout sur le célèbre castrat Nicolino (Nicola Grimaldi), réserve une place de choix à la redoutable Giulia. Mais c’est à Salustia, héroïne exemplaire, parée de toutes les vertus de dignité et de sacrifice, que Pergolèse destine ses plus belles pages. Des airs tels que « Sento un acerbo duolo » ou « Per queste amare lagrime » annoncent ainsi les moments les plus pathétiques du Stabat Mater.
Antonio Florio et on Cappella della Pietà de’ Turchini sont suffisamment familiers de ce type de répertoire pour dégager immédiatement ce qui en fait la séduction. A ce qui pourrait apparaître comme une architecture trop pompeuse et sans grande fantaisie, ils savent apporter une vie de tous les instants, un frémissement et une passion qui, aussitôt, illuminent le marbre d’une construction monumentale. On ne s’ennuie pas, bien au contraire, et cela tient également à la qualité des interprètes, formés eux aussi à une telle discipline. On remarque en particulier Maria Ercolano qui réussit à traduire la grandeur touchante de Salustia grâce à un chant d’une tenue exemplaire, où l’émotion la plus pure vient teinter agréablement la rigueur des lignes.
A un même niveau d’excellence, José Maria Lo Monaco et Marina De Liso apportent leurs sombres couleurs et leur invention belcantiste aux rôles travestis d’Alessandro et de Marziano. Raffaella Milanesi n’a pas tout à fait l’ampleur et les éclats terribles que l’on pourrait attendre pour Giulia mais, scéniquement autant que vocalement, son personnage n en existe pas moins avec force. Valentina Varriale traduit avec justesse le dépit amoureux d’Albina. Au sein de cette distribution entièrement italienne, il n’y a guère que Cyril Auvity pour nous décevoir quelque peu, avec une émission sans souplesse et un registre aigu plutôt terne.
La mise en scène deJean-Paul Scarpitta s’en tient à un prudent classicisme, en évitant avec raison tout ce qui pourrait couper trop nettement la Salustia de Pergolèse de l’époque qui l’a vue naître. C’est à peine si quelques allusions laissent deviner une lecture plus libre de ce que pouvaient être certaines affinités sexuelles dans la Rome antique. De beaux jeunes hommes en jupette complètent ainsi la décoration de ces tableaux vaguement inspirés de Poussin, qui se succèdent sur fond de collines doucement mamelonnées ou de mer démontée. Il pleut beaucoup sur le plateau, en particulier pendant toute la seconde partie de l’ouvrage. Le troisième acte s’ouvre d’ailleurs dans une ambiance visuelle évoquant les thermes de Rome. Hommes entre eux et femmes entre elles, à peine vêtus de maillots couleur chair, se frôlent ou se caressent sous une douche commune. La décadence romaine se résume ainsi à des images bien sages et l’on ne s’offusque guère de voir Claudio abandonner son amante au bénéfice d’un solide giton. »