Le Triomphe de l’Amour

Le Triomphe de l'Amour

COMPOSITEUR Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Isaac de Bensérade et Philippe Quinault
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE LANGUE FICHE DÉTAILLÉE
2003 Hugo Reyne Accord 2 français

 

Opéra-ballet (LWV 59) en cinq actes et vingt entrées, sur un livret écrit par Philippe Quinault pour la pièce, et par Isaac de Bensérade pour les parties dansées. La première représentation eut lieu à St Germain en Laye, le 21 janvier 1681, en l’honneur de l’arrivée à la cour de France de Marie-Anne-Christine-Victoire de Bavière, qui avait épousé le Grand Dauphin, en mars 1680. Il fut repris deux fois, mais en version réduite à quatre entrée set un prologue.Le ballet est évoqué par madame de Sévigné dans une lettre du 29 septembre 1680 à sa fille : Je ne sais quand on dansera ce ballet ; vraiment ce sera une belle pièce.

Le Mercure galant d’octobre l’annonce comme devant être dansé avant Noël. Dans celui de décembre, Donneau de Visé écrit : Je vous ai déjà mandé qu’on faisait de grands apprêts pour un ballet magnifique, qui a pour sujet le Triomphe de l’amour. Ce n’est ni un Opéra ni un Ballet en machines, mais seulement une mascarade, qui devait être dansée à Versailles le jour de la Saint-Hubert. La maladie de monseigneur le Dauphin ayant obligé de la reculer, on l’a remise jusqu’au douzième de janvier. Je puis vous assurer par avance qu’on n’aura rien vu de plus somptueux que les habits. Les dialogues qui séparent les entrées en plusieurs endroits, et que M. de Lully a mis en musique, sont d’une beauté qui passe tout ce qu’on a vu de cette nature, et comme il n’y aura pas de changement de théâtre, la décoration qui règnera pendant ce ballet sera d’une invention toute singulière. Il est composé de vingt entrées, dont je vais ici ajouter l’ordre, avec les noms des seigneurs et des dames qui doivent avoir l’honneur de danser avec monseigneur le Dauphin et madame la Dauphine. Divers accidents, ou de maladie, ou de mort dans les familles ont été cause qu’il y a eu plusieurs changements dans ce ballet depuis qu’il a été résolu, et même je ne voudrais pas répondre qu’il n’y en eût encore quelques-uns jusqu’au jour où il sera dansé.

De nombreux personnages de la Cour semblent ne pas avoir eu grand désir d’y participer : Il me semble que tout le monde s’excuse de ce ballet : la duchesse de Sully soutiendra l’honneur de la danse, mais non de la cadence ; il y a eu bien des affaires dans sa famille ; madame de Verneuil parlait du baptistère, Mme de Sully des affaires et des procès qu’elle a à solliciter ; enfin madame la Dauphine a si bien commandé qu’il a fallu obéir. Plusieurs d’entre eux réussirent à obtenir la permission de se retirer, pour question de bienséance.Le Mercure galant rendit compte de la représentation : Enfin, madame, le ballet intitulé le Triomphe d’amour a été dansé. La musique de M. de Lully a été trouvé très belle, aussi bien que les habits. La galanterie y a paru à l’envie avec la magnificence, le tout varié d’une manière si agréable, qu’on est demeuré d’accord que le génie de M. Berrin ne peut s’épuiser quand il s’est mêlé de quelque chose. Je crois vous avoir déjà mandé que le sujet du ballet et les vers que l’on y chante étaient de M. Quinaut. Vous connaissez sa manière. Tous ses ouvrages , surtout quand l’amour y entre, ont un caractère qui lui est particulier. Si M. de Bensérade, qui faisait toujours les vers qui se chantoient aux ballets, n’y a pas travaillé celte fois-ci, ceux qui regardent tous les personnages, et que vous trouverez dans l’imprimé du ballet, sont de sa façon. Il faut entendre la cour pour cela, et il la sait mieux qu’homme du monde, ayant fait depuis plus de trente ans tous les vers de cette nature qui sont dans les ballets imprimés. Ce travail demande un esprit d’autant plus vif, qu’il faut faire des portraits délicats et en raccourci des personnes dont on parle, par rapport aux personnages qu’elles représentent. Monseigneur le Dauphin ne dansa point le premier jour du ballet, mais on fut agréablement surpris quand on le dansa la seconde fois. Ce prince eut paru à peine aves ceux de son entrée, qu’il fut reconnu de tout le monde. Il s’éleva aussitôt un bruit d’applaudissement et de joie, qui occupa quelque temps toute l’assemblée. Vous jugez bien avec quel plaisir on le vit danser, puisque c’étoit une preuve de l’entier rétablissement de sa santé. Il a résolu de se donner le divertissement de son entrée une fois chaque semaine. Madame la Dauphine, qui s’étoit fait admirer dans toutes les siennes par sa justesse à la danse , s’attira de nouvelles acclamations le second jour qu’elle parut. Aussi fit-elle une chose assez extraordinaire. Madame la princesse de Conty, étant malade, et n’ayant pu danser ses entrées, le Roi dit, deux heures avant le ballet, qu’il fallait que madame la Dauphine en dansât quelqu’une. Son dessein n’était pas que ce fût dès ce jour-même. Cependant cette princesse apprit sur l’heure une grande entrée toute remplie de figures, et dans laquelle il y a plus de douze reprises. Ainsi toute la cour fut fort étonnée de lui avoir vu fait, en moins de deux heures, ce qu’une personne moins intelligente n’aurait pas appris en quinze jours. Je ne saurais finir cet article sans vous parler de l’entrée où mademoiselle de Nantes dansa seule. Elle s’en acquitte avec tant de légèreté et de justesse qu’elle enchante tout le monde. Aussi n’a-t-on jamais vu personne qui eût l’oreille plus fine, ni plus d’agrément pour toute sorte de danses. Quelqu’un ayant dit au Roi, dans une répétition générale où Sa Majesté se trouva, que parmi le nombre d’instruments on n’entendroit pas assez les castagnettes, que cette princesse bat admirablement bien, le Roi répondit que ceux qui devaient se mêler avec elle à la fin de l’entrée, les battaient aussi. M. le duc de Saint-Aignan prit la parole, et dit : « On ne les entendra pas : le battement des mains de toute l’assemblée empêchera d’ouïr celui-là. » Il serait fort difficile de bien louer mademoiselle de Nantes, quoiqu’elle soit dans un âge où les autres ne sont encore qu’enfants ; et c’est avec beaucoup de justice que M. de Benserade a dit d’elle : « Que de naissantes fleurs ! » etc.Synopsis et distribution :

Prologue : Vénus (Mlle Ferdinand l’aînée) fait entendre que la Paix est le temps destiné pour faire éclater la gloire de son Fils, et invite tout le Monde à rendre hommage à ce Dieu vainqueur des Hommes & des Dieux.
Première entrée Les Grâces : Mademoiselle (1), Mlle de Commercy (2), Mlle de Pienne (3) ; les Dryades : Mme la Princesse Marianne (4), Mlle de Tonnerre, Mlle de Clisson et Mlle de Poitiers (5).
Deuxième entrée Les Naïades : Mlle de Rambures (6), Mlle de Châteautiers (7), Mlle de Biron, Mlle de Brouilly.

(1) Anne-Marie d’Orléans, fille de Monsieur et d’Henriette d’Angleterre

(2) Thérèse de Lorraine, soeur du prince de Commercy

(3) Olympe de Brouilly, fille du marquis de Piennes

(4) on pense qu’il s’agit de Marie-Anne-Ignace, princesse de Wurtemberg

(5) fille de Ferdinand François de Poitiers

(6) Marie Armande de Rambures, fille d’honneur de la Dauphine

(7) fille d’honneur de Madame

Troisième entrée Les Plaisirs : Monseigneur (le Dauphin) ou Lestang l’aîné, les comtes de Brionne, de Fiesque, de Tonnerre, le marquis de la Troche, M. de Mimurre, les sieurs Faure et Boutteville. Vénus et les Plaisirs assurent que c’est pour l’Amour que tous les coeurs sont faits.
Quatrième entrée Mars : Beauchamp, et les Guerriers : les marquis d’Humières (8), de la Roque, de Saint-Afrique et de Nangis (9), les comtes de Bouligneux le cadet, de Roussillon, M. d’Husse de Valentine, M. de Francines. Mars, furieux, assure ne pouvoir aimer que les combats, mais est désarmé par une troupe d’Amours.

(8) Henri-Louis de Crevant, fils du maréchal duc d’Humières

(9) Louis-Fauste de Brichanteau, marquis de Nangis

Cinquième entrée Les Amours : le comte de Vermandois (10), le marquis d’Alincourt (11), le comte de Guiche (12), le comte de Verue, le marquis de Haraucourt-Longueval (13), les sieurs Huet, Courcelles, Chalons. Amphitrite (Mlle Rebel), après avoir beaucoup résisté, se rend à l’amour de Neptune (Guillegaut).
Sixième entréeLes Dieux marins : le prince de la Roche sur Yon, le comte de Brionne, le marquis de Mouy ; les Néréides : la princesse de Conti (14), la duchesse de Mortemart (15), Mlles de Laval (16) et de Pienne (17).
Septième entrée – Borée : Pécourt, et sa Suite : les sieurs Dumirail, Germain, Favier l’aîné, Lestang le cadet.

(10) comte de Vermandois, fils de Louis XIV et de Mlle de la Vallière, amiral de France

(11) Louis-Nicolas de Neufville, fils du duc de Villeroy

(12) Antoine de Gramont, fils du duc de Gramont

(13) gentilhomme lorrain

(14) Marie-Anne de Bourbon, première mademoiselle de Blois, fille de Louis XIV et de Mlle de la Vallière

(15) Marie-Anne, fille du marquis de Seignelay, épouse du duc de Mortemart

(16)Marie-Louise de Laval, fille d’honneur de la Dauphine

(17) fille d’Antoine de Brouilly, marquis de Piennes

Huitième entréeOrithie : le sieur Faure ; Filles athéniennes : les sieurs Boutteville, Magny, Joubert, Favier le cadet. Diane en habit de chasse, fait connaître qu’elle méprise la puissance de l’Amour.
Neuvième entrée Nymphes de Diane : madame la Dauphine (Première nymphe), la duchesse de Sully (18), la princesse de Guimenée (19), Mlles de Gontaut (20), de Biron (21), de Clisson (22), de Brouilly (23).

(18) Marie-Antoinette Servien, épouse de Maxime-Pierre-François de Béthune, duc de Sully

(19) Charlotte-Elisabeth de Cochefitel, épouse de Charles III de Rohan, prince de Guéméné

(20) Marie-Madeleine-Agnès de Gontaut, fille du marquis de Biron

(21) Henriette-Marie de Biron, soeur de Mlle de Gontaut

(22) fille d’honneur de Madame

(23) deuxième fille d’Antoine de Brouilly, marquis de Piennes

Dixième entréeEndymion : Favier l’aîné.
Onzième entrée Les Songes: les marquis de Mirepoix, d’Humières et de Richelieu, le comte d’Autelle, le marquis de Mouy, monsieur de Francines. Les peuples de Carie rappellent Diane par des cris et des sons d’instruments.
Douzième entrée – les Peuples de Carie : les sieurs Boutteville, Faure, Magny, Lestang le cadet, Germain, Dumirail, Barazé, Favier le cadet.
Treizième entréeAriadne : la princesse de Conti – ex-Mlle de Blois, fille de Mlle de La Vallière et du roi, et Bacchus : le comte de Brionne (24).

(24) Henri de Lorraine, grand écuyer de France, excellent danseur

Quatorzième entréeIndiens de la Suite de Bacchus : Monseigneur (le Dauphin) ou Lestang le cadet, le comte de Fiesque, le marquis de la Troche, M. de Mimurre, les sieurs Pecourt et Favier l’aîné ; Filles grecques de la Suite d’Ariadne : les duchesses de Sully et de Mortemart, la marquise de Seignelay, Mlles de Lislebonne (25), de Laval et de Piennes.

(25) soeur aînée de Mlle de Commercy

Quinzième entréeApollon : Lestang le cadet.
Seizième entréeBergers suivans d’Apollon : ls sieurs Boutteville, Faure, Barazé, Germain.
Dix-septième entréePan : Lestang l’aîné.
Dix-huitième entréeFaunes de la suite de Pan : Pécourt, Dumirail, Favier l’aîné, Favier le cadet.
Dix-neuvième entréeZéphyr : Monseigneur (le Dauphin) ou M. de Mimurre ; Zéphyrs : le prince de la Roche sur Yon (26), le comte de Vermandois, les marquis d’Alincourt, de Mouy et de Richelieu (27), le comte d’Hamilton (28); Flore : madame la Dauphine, Nymphes de Flore : les duchesses de Sully et de la Ferté (29), la princesse de Guimené, la marquise de Seignelay (30), Mlles de Clisson et de Brouilly.

(26) François-Louis de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon avant d’être prince de Conti à la mort de son frère, Louis-Armand de Bourbon

(27) Louis-Armand Vignerot du Plessis, marquis de Richelieu

(28) Antoine Hamilton, auteur irlandais, qui écrivait en français, auteur des « Mémoires du chevalier de Gramont »

(29) Marie-Isabelle-Gabrielle-Angélique de la Motte Houdancourt, épouse du duc de la Ferté

(30) Catherine-Thérèse de Matignon, seconde épouse du marquis de Seignelay

Vingtième entréela Jeunesse : Mlle de Nantes (31); les Jeux : le comte de Guiche, les sieurs Huet, Jobelet, Courcelles et Chalons. Les Divinités assemblées dans le ciel : Jupiter (Gaye), Junon (Mlle Bony), Cybèle (Mlle Puvigny), Neptune (Guillegaut), Anphitrite (Mlle Rebel), Pluton (Puvigny), Proserpine (Mlle Piesche), Cérès (Mlle Doremius), Diane (Mlle Ferdinand la cadette), Mars (Clédière), Vénus (Mlle Ferdinand l’aînée), Mercure (Arnoux), Hercule (Morel), Hyménée (Fernon le cadet), Comus (Leroy).

(31) Louise Françoise de Bourbon, mademoiselle de Nantes, fille de Louis XIV et Madame de Montespan, alors âgée de sept ans et demi

Costume indien de BérainHabit de l'Indien - Jacques Le Pautre d'après BerainHabit d'Andimion - Jean Dolivar d'après BerainHabit de l'Indien - Jean Dolivar d'après BerainHabit représentant le Mistere - Jacques Le Pautre d'après BerainHabit de Baccantes - Jean Dolivar d'après Berain

Le ballet fut repris à l’Académie royale de musique à Paris, le 10 mai 1681. Pour la première fois, des danseuses – parmi lesquelles Mlle La Fontaine (*), alors âgée de seize ans, très-belle et très-noble danseuse, se distingua – se produisirent à l’Académie royale de musique, remplaçant les dames de la Cour. Elle était accompagnée de Mlle Rolland, Lepeintre, Fernon, Beauchamp, Saint-André, Favier l’aîné, Lapierre. Lully s’était séparé de Vigarani et avait fait appel à l’ingénieur bolonais Antonio Rivani, venu tout exprès de Bologne.(*) Mademoiselle La Fontaine ou de Lafontaine (1655 – 1738), considérée comme la première danseuse professionnelle en France. Elle dansa avec succès de 1681 à 1693, puis se retira comme penssionnaire chez les Religieuses de l’Assomption, rue Saint-Honoré, à Paris.

Georges Touchard-Lafosse, dans ses Chroniques secrètes et galantes, écrit à propos de ce ballet :Lully, fit composer en toute hàle, un ballet intitulé : le Triomphe de l’Amour, dans lequel des danseuses devaient paraître; ce fut une amélioration importante. Les perruquiers de l’Opéra s’en réjouirent : comme ils avaient entrepris à forfait tout ce qui concernait leur état dans ce théâtre, ils virent leur besogne singulièrement diminuée, lorsqu’ils furent dispensés de faire la barbe aux grâces et à Vénus. L’effet immédiat que produisit cette innovation fut de doubler le débit des lunettes d’approche ; mais ce ne put être que dans l’intérêt d’une admiration galante; car la danse des dames ou demoiselles gagées ne fut ni plus savante , ni plus animée que celle précédemment exécutée par les nymphes que l’on rasait. La partie chorégraphique, sur la scène de l’Opéra, se borna longtemps à des danses sans grâce, sans légèreté, sans dessin : espèce de meli-melo, où des jambes inhabiles s’enchevêtraient lourdement; tandis que les bras s’arrondissaient avec affectation; de telle manière que c’était encore un spectacle fort monotone que les ballets, quand Panard disait :Dans des chacones et gavottes,J’ai vu des fleuves sautillants ;J’ai vu danser deux matelottes,Trois jeux, six plaisirs et deux vents.Les décorations et la danse étaient donc, comme je viens de le dire, d’une candeur toute primitive en 1681 ; mais au moins pouvait-on comprendre ce que les décorateurs avaient voulu faire et ce que les danseurs prétendaient exécuter. Mais les costumes ne donnaient l’idée d’aucune intention. Les Dieux et les héros étaient habillés de drap d’or, de taffetas ou de satin rose, bleu, vert, couleur feu, bouillonné comme une fraise de veau, et d’où s’échappaient mille flocons de rubans. De la partie inférieure du magasin de nouveautés que j’essaie de faire entrevoir à mes lecteurs, sortaient deux jambes plus ou moins pourvues de mollets, souvent postiches, chaussées de soie, et se terminant par des pieds couverts d’amples bouffettes. Avec cela, Jupiter, Hercule, Apollon, les Grecs, les Romains, les héros du Tasse, portaient l’énorme perruque du temps; et rien ne manquait à l’ensemble grotesque de l’accoutrement , lorsqu’un casque était posé sur ce buisson de cheveux. L’habillement des femmes, fatras encore plus bizarre, présentait une macédoine de tout ce qui leur tombait sous la main. […] Le début des danseuses à l’Académie royale de Musique, dans le Triomphe de l’Amour, ne fit triompher que quelques jeunes seigneurs après certains combats où la victoire leur fut disputée bien faiblement par ces dames ; car plus d’un spectateur avait pu dire : J’ai vu, derrière la coulisse.Le gibier courir le chasseur. Le ballet eut un « succès prodigieux » et fut repris à la fin de janvier 1682 ; le 8 novembre 1696.

Frontispice - Amsterdam - A. Wolfgang - 1684

 

Louis Ladvocat l’évoque dans une lettre à l’abbé Dubos, datée du 18 octobre : On espère, jeudi prochain (soit le 25), donner le ballet du Triomphe de l’Amour. Les habits que j’ai vus me paraissent assez bien imaginés pour la pièce, des plus flatteurs.

Le 11 septembre 1705, dans un arrangement de Danchet et André Campra, avec un prologue et seulement quatre entrées, avec Mlle Desmatins (Vénus), Boutelou fils (L’Amour), Mantienne et Fournier, Mlles Loignon et Aubert (Habitants et Habitantes de Cythère) dans le prologue, Thévenard (Mars), Mlle Desmatins (Vénus), Boutelou fils (L’Amour), Cochereau (Un Guerrier), Chopelet (Un Plaisir) dans la première entrée, Mlle Journet (Amphitrite), Dun (Neptune), Mlle Poussin (Aglaure) dans la deuxième entrée, Mlle Poussin (Diane), Boutelou (Endymion), Du Peyré (La Nuit), Chopelet (Le Mystère), Hardouin (Le Silence) dans la troisième entrée, Mlle Journet (Ariane), Thévenard (Bacchus), Hardouin (Suivant de Bacchus), Mlles Loignon et Vincent (Indiennes) dans la quatrième entrée ;

Livret de 1705C’est peu après cette reprise que Mlle Subligny (*), qui passait pour la meilleur danseuse de son temps, quoique on lui reprochât d’avoir les genoux et les pieds en dedans, prit sa retraite. Elle était petite, des yeux beaux, la taille de même et beaucoup de sagesse et de modestie.Mlle Subligny - estampe de H. Bonnart(*) Marie-Thérèse Perdou de Subligny, née en 1666, entra à l’Opéra en 1688, se retira en 1707, et mourut en 1736. Peu avant sa mort, elle aurait renversé un pot d’urine sur la tête du violon Francoeur.

le 26 novembre 1705, dans une version retouchée par Antoine Danchet et André Campra, avec un nouveau prologue et une quatrième entrée, la première entrée de septembre 1705 ayant été supprimée. Distribution : Mlle Poussin (Vénus) dans le prologue, Mlle Journet (Amphitrite), Dun (Neptune), Mlle Loignon (Aglaure) dans la première entrée, Mlle Poussin (Diane), Boutelou (Endymion), Du Peyré (La Nuit), Chopelet (Le Mystère), Perere (Le Silence) dans la deuxième entrée, Mlle Journet (Ariane), Hardouin (Bacchus), Fournier (Suivant de Bacchus), Mlles Loignon et Vincent (Indiennes) dans la troisième entrée, Thévenard (Apollon), Mlle Poussin (Daphné), mantienne (Mercure), Fournier (Le Coriphée), Boutelou fils (L’Amour), Mlle Vincent (La Jeunesse), Mlle Aubert (Suivante de Flore) dans la quatrième entrée.

Le Triomphe de l’Amour fut repris à Paris, au Palais Garnier, le 6 janvier 1925, à l’initiative de Jacques Rouché. 13me Opé. C’est un Ball. composé de vingt petites entrées. Les vers de la piece sont de Quinault, ceux pour les personnes de la Cour qui danserent dans ce Ball. sont de Benserade ; la musiq. du tout est de Lully, & les machines furent conduites par Vigarani à la Cour, & par Rivani à Paris. Dans ce Ball. représenté pour la premiere fois à S. Germain-en-Laye, devant Sa Majesté, le 21 Janvier 1681, dansèrent Monseigneur, & Mme la Dauphine, Mademoiselle, le Prince & la Princesse de Conti, le Duc de Vermandois, Mlle de Nantes, avec ce qu’il y avoit de jeunes personnes distinguées à la Cour dans les deux sexes ; & ce mélange fut si goûté, que lorsque l’on représenta le même Opéra à Paris, sur le Thé. du Palais Royal le 16 Mai suivant, on y introduisit des Danseuses, dont la Dlle Fontaine fut une des premieres, ce qui n’avoit pas encore été vu sur ce Thé. Ces Danseuses ont composé depuis une des portions la plus brillante de l’Opéra. Ce Ballet a été repris deux fois, mais composé seulement de quatre entrées & d’un Prologue. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

Livret disponible sur livretsbaroques.fr
Livret de la version de 1705 disponible sur livretsbaroques.fr

« Le Triomphe de l’Amour se devait d’être le plus somptueux ballet du règne : il le fut. On put y voir danser la fine fleur de la jeune génération des courtisans. Puis, autour d’eux et avec eux, comme autrefois, les plus brillants danseurs du temps. Vigarani avait fait les décors et les machines ; Berain les costumes, Beauchamp réglait les ballets.Quinault et Lully allaient faire du Triomphe de l’Amour une réussite. Leur expérience de l’opéra leur permettait d’étoffer l’œuvre, de lui faire dépasser le cadre depuis longtemps oublié du ballet de cour : elle continue pour ainsi dire l’évolution interrompue avec le Ballet Royal de Flore. Toujours plus de musique, plus de chant, des chœurs plus nombreux, et même quelques passages en récitatif accompagné et en même temps une œuvre moins ambitieuse qu’un opéra.Après une sorte de prologue où paraît Vénus, entourée de Dryades, des Naïades, des Plaisirs et des Grâces, du chœur des peuples de la Terre et des Divinités, une série de tableaux se succèdent où les dieux témoignent des hauts faits de l’Amour enfant qui les a tous vaincus. Mars et ses guerriers, vite désarmés ; Neptune et Amphitrite, Borée et Orythie, Bacchus et Ariane. Mais le cœur de l’œuvre est la longue séquence consacrée à Diane.Pour la première fois, Lully utilise le récitatif accompagné et mesuré. L’hiatus qui sépare le récitatif et l’air tend à se résoudre. L’œuvre acquiert plus d’unité : le long passage de la Nuit avec son merveilleux Prélude pour la Nuit, longue page symbolique où les airs et les récits s’enchaînent sans rupture de ton, semble s’ordonner en un tout organique et homogène.La musique de Lully présente au cours de certains passages quelque chose de tout à fait neuf, et qui va transformer la structure même de ses opéras à venir : en ce sens, Le Triomphe de l’Amour, qui devait n’être qu’une parenthèse dans l’histoire de l’opéra, est en réalité un tournant.Le Triomphe de l’Amour n’est pas un opéra ; mais c’est beaucoup plus qu’un ballet. C’est en fait le premier opéra-ballet : il en a la structure – une suite d’actions séparées, unies par un thème commun, comme le seront Les Saisons, Les Eléments, L’Europe galante, Les Indes galantes… – la matière et la forme. Lully n’ira pas plus loin dans cette voie. Ces successeurs retiendront les leçons de cet essai unique, auquel il n’a pas choisi de donner suite, mais qui reste par ses proportions, son équilibre, l’équilibre entre le dessein et son accomplissement, et aussi par son charme, l’une des créations les plus heureuses de Lully. » (Philippe Beaussant, extrait de Lully ou le Musicien du Soleil) « …

Voici venu le tour du ballet royal, et le plus célèbre encore, représenté le 21 janvier 1681 à Saint-Germain-en-Laye, pour illustrer le mariage du Dauphin avec Marie-Anne de Bavière. Le Dauphin lui-même honora l’oeuvre de ses prestations, dans trois rôles différents, ses deux soeurs et son frère ayant également endossé des costumes. Une nouvelle version de l’ouvrage fut ensuite jouée à l’Académie, le 10 mai, avec un faste supplémentaire en décors et machines, mais surtout avec quelques danseuses professionnelles, les premieres femmes à y avoir été admises. A cette époque, Lully et Quinault ont d’ores et déjà huit tragédies lyriques à leur actif, et l’ampleur de l’ouvrage s’en ressent (le choeur, divisé en deux groupes, joue un rôle de premier plan), même si l’argument, ordonné en vingt entrées mettant en scène divinités et princesses, ainsi que des personnages allégoriques, n’est qu’un fastueux prétexte à une sublime « revue baroque ». C’est la séquence centrale qui retient l’attention, depuis le célèbre Prélude à la Nuit, à travers l’air de la Nuit, celui du Mystère, jusqu’à la scène où le Silence murmure l’envoûtant « Que tout soit tranquille ». (Diapason – décembre 2003)

Représentations :

La Chabotterie, cour d’honneur – St Sulpice-le-Verdon (85) – 15 et 16 août 2002 – Festival d’Ambronay Théâtre de Bourg-en-Bresse – 17 et 18 août 2002 – Versailles – Opéra Royal du Château – 13 novembre 2002 – St Germain en Laye – Théâtre Alexandre Dumas – 15 novembre 2002 – Choeur du Marais – La Simphonie du Marais – dir. Hugo Reyne – chorégraphie Françoise Denieau – mise en espace Françoise Masset – lumière Daniel Brochier – Compagnie « Le Ballet des Arts » – avec Françoise Masset, soprano (Vénus, Diane, Seconde Indienne), Julie Hassler, soprano (Amphitrite, La Nuit, 1ère Indienne, La Jeunesse), Sophie Landy, soprano (Nymphe de Flore), Clara Georgel-Delunsch, soprano enfant (L’Amour), Renaud Tripathi, ténor (haute-contre) (Premier Plaisir, Le Mystère, Premier Carien, Arcas), Jean-Louis Georgel, baryton (Le Silence, Second Carien, Mercure), Philippe Roche, basse (Second Plaisir, Neptune, Chef des Cariens, Un Indien, Jupiter)

Palais Garnier – 6 janvier 1925 – à l’initiative de Jacques Rouché.