CD Floridante (2005)

FLORIDANTE

 

COMPOSITEUR

Georg Friedrich HAENDEL

LIBRETTISTE

Paolo Antonio Rolli

 

ORCHESTRE Il Complesso Baroccco
CHOEUR
DIRECTION Alan Curtis

Rossane Sharon Rostorf-Zamir soprano
Floridante Marijana Mijanovic contralto
Elmira Joyce DiDonato mezzo-soprano
Oronte Vito Priante basse
Timante Roberta Invernizzi soprano
Coralbo Riccardo Novaro baryton

DATE D’ENREGISTREMENT 2005
LIEU D’ENREGISTREMENT
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

EDITEUR DG – Archiv
DISTRIBUTION Universal
DATE DE PRODUCTION février 2007
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

Diapason – mars 2007 – appréciation 5 / 5 – technique 8,5 / 10

   » Deuxième opéra destiné par Haendel à la Royal Academy of Music, Floridante sourit à Alan Curtis. Il y a seize ans, au Canada, une astucieuse anthologie publiée par CBC Records surclassait la première ‘ et, jusqu’à cette semaine, unique ‘ intégrale saisie quelques mois plus tôt à Göttingen par Nicholas McGegan et les ingénieurs d’Hungaroton. Aujourd’hui, ce Floridante bis enregistré en Toscane il y a un an et demi prend non seulement la tête d’une discographie la­conique, mais aussi celle de la collection Haendel-Curtis dont elle forme le neuviè­me volumé. Heureuse conséquence de non moins heureux choix.

Choix du titre d’abord. Moins héroïque que son prédécesseur Radamisto et son successeur Ottone, Floridante regarde comme la fleur d’hélianthe vers le soleil de Scarlatti et préfère la musique théâtrale au théâtre musical, spécificités auxquelles Alan Curtis s’est toujours montré sensible. Choix de l’édition : en retraçant la genèse de la composition, le musicologue Hans Dieter Clausen a réalisé ce qu’il appelle « un texte idéal » et qui nous semble le plus équilibré possible. Choix du plateau surtout. Si le prince captif Timante attend plus de chaleur que n’en peut donner la consciencieuse (et lumineuse) Roberta Invernizzi, pas une voix n’indiffère. La soprano israélienne Sharon Rostorf-Zamir confirme en Rossane l’espoir qu’avait fait naître son Agilea dans Teseo : maintien classique, mélodie naturelle, vocalises denses, jolie couleur rappelant parfois Yvonne Kenny, excellente recrue. Les deux basses rivalisent de noirceur ‘et on peut prévoir que, s’il ouvre un peu le registre aigu, Vito Priante (déjà Motezuma de Vivaldi pour Curtis, bientôt Idreno dans l’Armida de Haydn à Salzbourg) sera demain une basse mozartienne de premier ordre. Joyce DiDonato touche à la perfection dans le rôle si fiévreux et intense d’Elmira : verbe, ligne, agilité, tension, regard, tout lui réussit, et si sa «Notte cara », prodige entre les prodiges, manque un rien de mystère, on n’y a jamais mis tant d’humanité. Le cas Mijanovic est plus complexe : le timbre d’ébène, noble et absolument personnel qui la fait si précieuse dans les emplois du castrat Senesino, cède depuis quelque temps à un vibrato hors de contrôle qui altère également le soutien, la ligne et la justesse ‘ douloureux’ Se dolce et’ Questi ceppi’. Reste un personnage unique, à la fois touchant et princier, dont l’épreuve technique ne ruine certes pas les ardeurs.

Choix du style enfin. Renonçant à toute auscultation doctorale ‘ du moins jusqu’au troisième acte ‘, Alan Curtis anime la partition avec foi, verve et naturel. Bien capté, l’orchestre sonne plus charnu, plus large que d’habitude (et bien plus que dans le Fernando voisin). Peu d’abîme ou de rigueur dramatique (Floridante en exige-t-il ?), mais d’innombrables beautés, quelques moments de grâce et sans le moindre doute un accomplissement pour ce titre dont la preuve est ici faite que nous l’avions un peu vite négligé. »

 Opéra Magazine – mars 2007 – appréciation 2 / 5

« Floridante est l’un de ces opéras créés durant les premières saisons de la Royal Academy of Music, dont la notoriété a injustement souffert du succès de la triade Giulio Cesare-Tamerlano-Rodelinda, composés dans les années 1724-1725. On y trouve pourtant le sens profond du drame qui caractérise les contributions de Haendel à l’art lyrique, et une inspiration mélodique toujours associée à un sens du mot d’une grande finesse.

Une fois encore, il faut s’interroger sur h présence de Marijana Mijanovic dans le rôle du primo uomo. Son timbre caractéristique, son indéniable présence et son sens du théâtre sont des qualités appréciables dans les récitatifs. Mais cela suffit-il à la qualifier pour la circonstance? L’émission est serrée, les registres inégaux, les aigus tendus, les graves souvent écrasés, le vibrato appuyé et artificiel, le soutien irrégulier et la justesse très approximative.

Pourtant, même si les tempi semblent un peu trop uniformes et si les accents manquent parfois de relief, le Haendel sans excès d’Alan Curtis se tient et se défend. Le chant solide,juste, expressif et intelligent deJoyce DiDonato est sûrement moins spectaculaire que les errements de Marijana Mijanovic, mais il n’appelle que des louanges. Le reste de la distribution est à peine inférieur et, pourtant, on se surprend à revenir avec soulagement vers la gravure de Nicholas McGegan (Hungaroton, 1990), alors qu’il ne s’agit vraiment pas de sa plus belle réussite. L’ensemble sonne plus équilibré et agréable à l’oreille que ce nouveau coffret dont on ne sait trop que penser. »

 Classica – avril 2007 – appréciation 5 / 10

« Alan Curtis et son équipe poursuivent la redécouverte ‘ plus ou moins heureuse ‘ de tout un pan méconnu de la production lyrique de Haendel. Au début des années 1720, Floridante fait les frais d’un contexte assez défavorable au compositeur, en butte à la rivalité du clan Bononcini, et privé d’un de ses librettistes favoris et de la distribution sur laquelle il avait initialement compté. L’oeuvre a donc été plusieurs fois remaniée, ce qui occasionna notamment l’inversion des tessitures des deux principaux rôles féminins, Elmira et Rossane. Et Haendel tente ici de montrer qu’il est en mesure de battre Bononcini sur son propre terrain, une mélodie légère et sentimentale, plus facile d’accès, parfois au détriment de la caractérisation dramatique des personnages. Curtis, à rebours de tous ces compromis, essaie, dans toute la mesure du possible, de reprendre contact avec la partition d’origine, ce qui est sûr, en tous les cas, est qu’il n’en profite pas pour rejoindre par la même occasion ce foyer brûlant où se consument habituellement les grandes figures du théâtre haendélien. Malgré une distribution de premier plan, on s’ennuie ferme. A mi-chemin entre le mezzo et le soprano ample et corsé, Joyce Dïoonato (Elmira) se montre comme d’habitude absolument impeccable, d’une grande beauté de timbre et de style. A l’exception de « Natte cara », superbe prière arioso qu’interrompt un étonnant récitatif accompagné, l’une des plus belles séquences de la partition, ou, peut-être de « Vivere perpenare », ses différentes interventions sont fort belles, mais hélas assez peu caractérisées, ce qui ne lui permet guère de mettre en valeur toutes ses qualités. Sharon Rostorf-Zamir est une très jolie Rossane, de timbre et d’inflexions moins personnelles qu’une Simone Kermes, habituel soprano de l’équipe Curtis que, pour notre part, nous apprécions beaucoup. « Gode l’alma innamorata» manque un peu de ressources et d’abattage. Reste un chant délicat et sensible, qui pourrait être plus émouvant encore (« Se risolvi abbandonanni »). Nous sommes toujours aussi réfractaire au timbre de Marijana Mijanovic (Floridante), androgyne et sec, et à son vibrato instable, mais le chant se montre élégant et stylé (avec des pianos cependant poussés parfois jusqu’au maniérisme), et l’interprétation est personnelle ‘ ce qui, dans un tel contexte, est vraiment heureux. Très beau « Se dolce m’era già », sommet de ta partie, qui compte par ailleurs de fort beaux airs. Roberta Invernizzi (Timante) est comme toujours délicieuse : la voix s’est étoffée, mais le timbre a également un peu perdu de sa pureté. Très joli « Lascioti o bella, il volto ». Vito Priante (Oronte) possède toutes les qualités requises pour rendre justice à ses pages : du mordant, du grave, mais également de la souplesse. On a cependant parfois l’impression qu’il pourrait s’impliquer davantage (« Ma non s’aspetti no »). Il Complesso Barocco délivre le plus souvent des sonorités attrayantes, mais l’on ne décolle jamais de la partition pour rejoindre le drame. L’ensemble manque terriblement de vie, de théâtre, de passion. Dommage. Reste de la belle musique, un peu débitée au kilomètre, un peu désincarnée. »

 Crescendo – avril/mai 2007 – appéciation 9 / 10

  « Alan Curtis poursuit inlassablement ses lectures des partitions haendéliennes et, selon ce qui semble être un de ses leitmotive, essaie autant que possible de les restituer dans leur état originel. Il avait déjà consacré un CD à des extraits de Floridante en 1991 pour le label canadien SM5000 avec une distribution intéressante dans laquelle figuraient notamment Nancy Argenta et le Tafelmusuk Baroque Orchestra. La genèse de l’oeuvre (1721 1722) pourrait constituer elle même l’argument d’une oeuvre dramatique tant elle a connu des rebondissements : maladie de la Durastanti qui devait être la prima donna, concurrence de Bononcini, etc. Haendel dut donc s’adapter à ces éléments en modifiant ses premières intentions en conséquence. Alan Curts a essayé de retrouver ce qu’elles avaient pu être. ‘Sexe, violence, convoitise, inceste, jalousie, trahison : quel bonheur d’entrer dans le monde de l’art !’, C’est ainsi que commence le résumé du livret rédigé par l’écrivaine Donna Leon, celèbre pour ses polars vénitiens. Il est vrai que Floridante est certainement une des oeuvres de Haendel dans lesquelles le contenu dramatique est le plus dense, les exigences que cela impose à la distribution sont loin d’être minces. Deux grandes dames brillent ici, Marijana Mijanovic qui donne au rôle titre une superbe grandeur, et Joyce DiDonato qui chante une Elmira dont les accents dramatiques sont tout aussi convaincants. Le duo « Ah mia cara… » qui les réunit à la fin du premier acte est un sommet de l’émotion. A peine est-il terminé que l’on n’a qu’une envie, celte d’aborder le deuxième acte ! Dans le reste de la distribution on distinguera le Timante de Roberta Invernizzi. Les deux barytons Vito Priante et Riccardo Novaro assument bien les môles de Oronte et Coralbo, Sharon Rostorf-Zamir n’a cependant ni la force de conviction ni la séduction de ses collègues. Quelques cordes supplémentaires n’auraient pas èté superflues pour gonfler les rangs du Complesso Barocco et surtout souligner de manière plus présente le climat dramatique dans lequel baigne l’oeuvre. »

 Anaclase

« 1721, mauvaise passe pour Haendel. La Royal Academy of Music lui a trouvé un rival dangereux en la personne de Bononcini. L’Italien lui ravit un succès alors sans partage par son art plus mélodieux et moins dramatique. Affligé d’un livret maladroit, le com-positeur ayant dû se séparer de son librettiste habituel et reprendre un vieux canevas vénitien, Floridante est un échec, et jusqu’à aujourd’hui encore, dédaigné même des händéliens fervents (n’existait d’ailleurs en disque qu’une version dirigée par Nicholas McGegan). Pourtant, c’est peu dire que cette concurrence a été féconde. Abandonnant en partie ces manières habituelles, Händel a écrit ici quelques airs fort touchants, et il y a fort à parier qu’après l’audition de ces disques, vous vous souviendrez longtemps de l’arioso Notte cara, l’une de ses plus belles pages, tout simplement.

Ajoutez à cela qu’Alan Curtis, éminent spécialiste du compositeur qui avait rencontré des fortunes diverses lors de ses précédents enregistre-ments opératiques, signe là sa plus belle réussite. Quel orchestre ! On a rarement entendu instruments anciens sonner avec une si parfaite homogénéité, une telle beauté de son, un tel équilibre. Les tempi, dosés avec goût, toujours naturels, ne brusquent jamais la musique.

Et quel plateau ! La vocalise de Riccardo Novaro est étonnante de précision, Vito Priante, malgré un timbre assez étroit, est très prenant en Oronte, les récitatifs sont d’une grande présence dramatique sans pourtant s’abaisser à une quelconque agitation superficielle.

En deux mots : magnifique et indispensable ! »

 Le Monde de la Musique – mai 2007 – appréciation 4 / 5