Giulio Cesare in Egitto (Craig Smith)

COMPOSITEUR Georg Friedrich HAENDEL
LIBRETTISTE Nicolas Haym

 

ORCHESTRE Staats Kappelle Dresden
CHOEUR
DIRECTION Craig Smith
MISE EN SCENE Peter Sellars
DECORS Elaine Spatz-Rabinowitz
COSTUMES Dunya Ramicova
Giulio Cesare Jeffrey Gall
Curio Hermann Hidebrand
Cornelia Mary Westbrook-Geha
Sesto Lorraine Hunt
Achilla James Maddalena
Cleopatra Susan Larson
Nirena Cheryl Cobb
Tolomeo Drew Minter
DATE D’ENREGISTREMENT 1990
LIEU D’ENREGISTREMENT Bruxelles – Théâtre de la Monnaie
EDITEUR Decca
COLLECTION
DATE DE PRODUCTION 1992
NOMBRE 3 CDV – 5 faces

Critique de cet enregistrement

  • L’Avant-Scène Opéra – n° 154 – appréciation Révérence

« Vous aimez l’opéra propre, en ordre ? Attention, danger ! L’Egypte, certes, mais actuelle. Celle d’un grand hôtel avec bar et piscine, plates-bandes et parasols. Le héros césarien parti à la conquête du monde,bien sûr. Mais vu dans son équivalent contemporain un Mister President dûment médiatisé et solidement encadré par des services de presse et de sécurité, venant offrir à un Proche-Orient troublé la couverture de son protectionnisme. Cléopàtre, évidemment aussi occidentalisée que la reine d’Egypte pouvait être hellénisée. Et Ptolémée tout autant, gamin boudeur et pervers, coiffure punk, perfecto et baskets, walkman sur les oreilles, sirotant son Coke avec une paille.A partir de quoi l’histoire rejoint l’Histoire avec un parfait scrupule. Plausible, comme l’est rarement une production traditionnelle. Car enfin, cette cour d’Egypte où règne la décadence autant que la dépravation, ce couple de pharaons incestueux et ennemis, cette présence constante de t’intrigue et de la conjuration, ce jeu difficile des alliances toujours renversées, cet état de guerre latente et de terrorisme menaçant, c’est bien ce que nous montre le livret de Nicola Haym. Ce kirsch où se mêlent la citation archéologique et le mauvais goût moderniste, cette Cléopâtre qui juxtapose perruque pharaonique et bikini sexy, c’est bien la surprenante mixture de prétexte antique et de goût baroque que réalise l’opéra haendélien l’opéra haendélien. Avec ici un respect du texte – chanté intégralement – et d’étonnants retours aux données du li-vret que n’ont pas toujours les réalisations se prétendant fidèles. Cornelia, par exemple, condamnée au jardinage par ses geôliers, et qu’on retrouve ici avec rateau et binette. Et ces images de la rhétorique baroque que le figuralisme de Sellars s’amuse à visualiser : le serpent dont parle Sextus dans l’air n° 23 est parfaitement représenté par un tuyau d’arrosage.Car l’humour est au rendez-vous. A qui s’en offusquerait dans le canlre d’un opéra seria, on répondra que Haendeh n’a pas manqué de faire donner les musiques les plus guillerettes dans les contextes les plus tragiques. Et que, de toute façon, ce César castrat multipliant les roulades est en soi d’une exactitude historique toute relative. Les gags désopilants sont donc en place : ainsi, cette scène de séductioin culminant sur une partie de chatouilles, au moment précis où le divin Jules redouble de vocalises. Ou cette cadence de l’air d’entrée du dictateur qui se perd dans ses papiers an beau milieu de son discours télévisé. Ou encore cette lutte pour le pouvoir parfaitement illustrée par Cléopâtre et Ptolémée couchés côte à côte sur la même chaise-longue, l’une finissant par éjecter l’autre. On s’amuse donc. Mais comme toujours chez Sellars, la caractérisation des personnages et le dévoilement progressif de leur être profond est de loin plus important que le plaisir du gag. Ainsi l’étonnant portrait de ce Sextus que sa mère ne fait vivre que dans l’obsession de la vengeance et qui, avec une émouvante ferveur adolescente. accomplit d’étranges et fascinants rituels du sang.Jamais non plus le comique potache de Sellars n’outrepasse certaines limites. On joue à fond le jeu de la transposition et on s’en amuse. Grossissement parodique, certes, kitsch envahissant. Mais qui ne visent jamais à détruire l’oeuvre. Car la mise en scène est constamment à l’écoute de la musique et ne se permet jamais d’aller contre les pages où prime l’émotion. Le deuil de Cornélia, la solitude de CIéopâtre, les désarrois de Sextus sont traduits dans un langage scénique parfois déroutant, loin des clichés du pathos opératique, mais qui réinvente une gestuelle du tragique. Ainsi le duo final du I propose à la veuve et à son fils une véritable chorégraphie de jeu des bras et des mains, qui est comme la signature de Sellars, recrée de manière bouleversante l’entrelacs des voix et la détresse de la déploration.Même si l’intérêt de la production est essentiellement visuel, la qualité musicale ne démérite pas trop. Les airs sont tous donnés avec le da capo orné. Sinon, Craig Smith ne cherche pas à plier les belles cordes de Dresde au phrasé baroque ; il dirige avec peu d’imagination mais sans empâtement. La distribution réunit les fidèles de Sellars et des Haendéliens reconvertis à son particularisme. En tête des premiers, Susan Larson vocalise avec aisance et dans les positions les plus extravagantes, mais son joli timbre s’aigrit souvent et la voix tremblote. Les seconds, ce sont deux contre-ténors aux voix ingrates mais rompues au bel canto virtuose : Jeffrey Gall et Drew Minter réussissent d’inénarrables figures de tyrans amoureux ou sadiques ; vous n’oublierez pas de sitôt César en survêtement et Ptolémée en slip de bain. Et vous retiendrez aussi l’émouvant mezzo de Lorraine Hunt et sa juvénilité garçonnière. »

  • Présentation Mezzo – septembre 2002

« Peter Sellars a situé l’action au Proche-Orient, mais dans le contexte particulier — et toujours dramatique — du Proche-Orient de la fin du second millénaire. Ainsi, Jules César a les allures d’un chef d’état américain dans un décor d’hôtel qui porte les marques d’un récent attentat. César vient de battre Pompée à Pharsale ; Cornelia, la femme de Pompée, et son fils Sextus, sont venus demander grâce à César. Mais Pompée s’est entre-temps fait décapiter par Ptolémée, frère et mari de Cléopâtre, roi d’Egypte, chez qui il avait cherché de l’aide. César juge cette preuve de conciliation cruelle et gratuite…« Pour ma part, je déteste la méthode de l’actualisation. C’est un procédé bon marché et un “truc”, et j’espère qu’il sera clair que nous l’utilisons comme un point de départ qui nous permet d’accéder à un niveau supérieur […] Notre production tente de dépasser le fatras matériel afin d’atteindre l’essence spirituelle de l’œuvre en créant un système de gestes qui honore celui de Haendel. » (Peter Sellars) »