CD Il Combattimento di Tancredi e di Clorinda (direction Françoise Lasserre)

IL COMBATTIMENTO DI TANCREDI E DI CLORINDA

COMPOSITEUR

Claudio MONTEVERDI

LIBRETTISTE

Torquato Tasso dit Le Tasse

 

ORCHESTRE Akadêmia
CHOEUR
DIRECTION Françoise Lasserre

Testo Jan Van Elsacker
Clorinda Guillemette Laurens
Tancredi Hervé Lamy

DATE D’ENREGISTREMENT

2004

LIEU D’ENREGISTREMENT
ENREGISTREMENT EN CONCERT

EDITEUR Zig-Zag Territoires
DISTRIBUTION Harmonia Mundi
DATE DE PRODUCTION 27 octobre 2005
NOMBRE DE DISQUES 1 ( madrigaux des VIIe et VIIIe Livres :  Interrote speranze, Altri canti d’amor, Lamento della ninfa, Hor che ‘l ciel e la terra, Altri canti di Marte, Con che soavità)
CATEGORIE DDD

Critique de cet enregistrement dans :

Goldberg – avril 2006 – appréciation 4 / 5

« Disque fascinant que cette première incursion de Française Lasserre dans le répertoire profane, du moins dans sa première partie. Suivant l’indication de Monteverdi, la fondatrice d’Akadêmia fait précéder le Combattimento di Tancredi e Clorinda de quelques madrigaux des Septième et Huitième Livres, les plus célèbres sans doute, les plus beaux surtout, et en donne une lecture simplement évidente. Ainsi, Interrotte speranze émane du silence au son du lirone en un crescendo bouleversant l’âme dénudée, l’auditeur n’a plus que ses yeux pour pleurer. Et Française Lasserre le place au centre meme de la musique en train de se faire, presque de naître, pour mieux suivre le geste vocal, instrumental. D’une respiration ample, la chef crée un rapport charnel, fusionnel entre des voix singulières, les enveloppant dans une langue commune. Ce ne sont donc que réussites absolues : Altri canti d’Amor ne cesse de captiver par la luxuriance des timbres, sans une intention, un accent qui ne soit le fruit de l’instant, Hor che’l ciel e la terra imprime une ineffable blessure, et Guillemette Laurens, timbre perlé de larmes, transcende le Lamento della Ninfa dans un murmure, avant de se réinventer un velours inépuisable dans un Con che soavità à fleur de lèvres. Découlant du même geste, Le Combat de Tancrède n’atteint malheureusement pas les mêmes sommets. Car, aussi concerné soit-il, le Testo de Jan Van Elsacker bute non sans affectation sur la fluidité de la langue, et doit rendre les armes par défaut. »

Diapason – janvier 2006 – appréciation 4 / 5

« Pour sa première incartade discographique du côté de la musique profane, Françoise Lasserre a choisi un ami de longue date, Monteverdi. Au programme, après sept madrigaux parmi les plus célèbres (et les plus séduisants) des Septième et Huitième Livres, le Combat de Tancrède. Le grand savoir-faire de la chef de choeur était aussi appréciable dans la Selva morale qu’aujourd’hui dans « Hor, che’l ciel e la terra », les deux « Altri Canti » ou la « Ninfa » : parfait équilibre chant/instruments (prolongé par la prise de son), polyphonie fondue dans un geste toujours expressif et souple, épicée par un continuo étincelant, éclairée de l’intérieur par des voix délicatement contrastées. Et surtout, un refus du maniérisme qui paye toujours : la musique va de soi, simple, épanouie.

Cette grande qualité de l’album est aussi sa limite. Car sans tomber dans l’excès inverse, façon Haïm réécrit Orfeo, ou le Huitième Livre pour les nuls, décortiqué note par note par Jacobs, il doit être possible de faire bon usage de l’artifice, de le mettre à profit sans risquer le narcissisme. A la fin de « Hor ch’el ciel e la terra », par exemple : indolence et volupté, l’ambiance est parfaite, mais il lui manque la tendre emphase que mettait Christie sur les dernières mesures, en 1981 (avec la toute jeune. . .Guillemette Laurens, de nouveau Ninfa en 2005, peut-être plus Junon que nymphe ambiguë mais suprême musicienne).

Le défaut se précise quand arrivent les contrastes. Leur impulsion ne semble jamais venir naturellement du geste enveloppant de Lasserre. S’ils semblent souvent maladroits, c’est aussi que le discours est porté par l’intention, non par l’immédiate énergie du mot italien. Défaut frustrant dans les assauts rythmiques des « joutes d’amour », sans ivresse, et rédhibitoire dans le Combattimento, avec un narrateur stylé mais sans charisme, trop ému pour tenir le récit à bout de bras, prêt à tourner de l’oeil à la première goutte de sang. »

Classica / Répertoire – décembre 2005 – appréciation Recommandé

« Voici un disque quasi parfait. Françoise Lasserre ne se contente pas d’y insuffler son humanisme dans une interprétation exceptionnelle, ce qui serait déjà beaucoup. Sa réalisation veille aussi à fournir tous les éléments qui mèneront l’auditeur à une compréhension fusionnelle des intentions du compositeur. Tout y est : citation in extenso de la préface de Monteverdi au Huitième Livre ; reproduction, dans le corps des textes, de ses notes d’exécution ; choix de traductions anciennes de la Jérusalem délivrée en regard des textes italiens (1595 pour le français, dans une langue magnifique qui vaut à elle seule l’attention, 1600 pour l’anglais ; texte intéressant et accessible de Philippe Beaussant ‘ comment Monteverdl résume un monde et en crée un autre; et texte de Françoise Lasserre enfin, sur la stratégie dramaturgique de Monteverdi.

Au-delà, Française Lasserre a à coeur de respecter fidèlement ces fameuses indications du compositeur, notamment quand il recommande de n’entamer la représentation du « Combat de Tancrède et Clorinde » qu’ « après que l’on a chanté sans mouvement quelques madrigaux ». Ces madrigaux, elle les choisit dans le Septième et le Huitième Livres, un choix raisonné pour faire mieux saisir cette poussée irrésistible du style « rappresentativo »au sein du madrigal, jusqu’à ce Combat contenant tous les «mouvements de l’âme », tous les registres d’émotion recensés dans la préface « molle, concitato, temperato ». Le choix de son équipe obéit à ce même souci de plénitude: timbres vocaux très caractérisés (l’alliance d’une aérienne Céline Vieslet et du tempérament de Guillemette Laurens est idéal) chez des interprètes choisis pour leur personnalité et leur aptitude à bousculer le « beau chant » au profit du « bien dire ». Qu’on les cite tous ! Jean-Michel Fumas, Matthew Backer, Jean­Claude Sarragosse, Hervé Lamy. Mais évidemment c’est le Testo hallucinant de Jan van Elsacker qui remporte la palme, solaire dans le chant passagiatto de la strophe «Notte», démiurge prenant littéralement l’auditeur par le coeur et lui donnant à voir, au sens premier du terme, ce combat acharné, l’irradiation mystique de Clorinde – (idéale Guillemette Laurens, déjà titulaire du rôle dans la belle version de Skip Sempé chez OHM), la stupeur de Tancrède quand il la reconnaît. Citons enfin dans cette réussite totale l’ensemble instrumental, lui aussi composé avec soin, et amoureux des voix. Nous l’avions déjà dit lors de la paru­tion de la Se/va Morale : la force de I Françoise Lasserre, dans Monteverdi comme dans Schütz, est d’ancrer ses interprétations dans une certitude humaniste qui lui fait aimer non seulement le matériau musical qu’elle travaille longuement et sans concessions, mais aimer aussi le don qu’elle on fera à l’auditeur, sans la moindre idée de séduction factice ou de racolage, simplement marquer une empreinte, et accomplir une métamorphose. Un chemin d’artiste qui inspire le respect. L’interprétation de Françoise Lasserre prend donc naturellement sa place au premier rang d’une discographie abondante. Elle rejoint à notre sens l’excellence, dans la même option de sobriété et de noblesse que Rinaldo Alessandrini (Opus 111, Testo exceptionnel lui aussi de Roberto Abbondanza), et aux côtés de Gabriel Gar rido (K 617, d’une grande inventivité instrumentale, Testo âpre de Furio Zanasi), et en édition désormais économique de Roberto Gini (Brilliant, Testa de CarIa Gaïfa). »

 Le Monde de la Musique – décembre 2005 – appréciation 3 / 5

« François Lasserre compose un programme où, à l’exception de deux madrigaux du SeptièmeLivre, on trouve les morceaux emblématiques du Huitième : Le Combat de Tancrède et Clorinde, Hor ch’el ciel, le Lamento della Ninfa… Comparée aux subtils éclairages de Claudio Cavina (La Venexiana), la lumière projetée par son ensemble paraît plus crue et les effets trop appuyés. Si les chanteurs d’Akadêmia se montrent moins expressifs que leurs collègues italiens, ce n’est pas seulement parce qu’ils maîtrisent moins bien la langue (l’italien de Jan van Elsacker dans le Testo ne saurait se comparer à celui de Mario Cechetti), mais surtout l’intention dramatique n’est pas aussi juste chez eux. Dans le Combat, Françoise Lasserre souligne avec trop de véhémence l’effet concitato (agité) et elle manque de grâce dans le Lamento della ninfa, où Guillemette Laurens ne retrouve pas la même expressivité que dans son ancienne version avec William Christie. »

 Télérama – appéciation ffff

  « Dans le Combat, le récit du Testo ‘ ici magnifiquement déclamé par le ténor néerlandais Jan Van Elsacker ‘ réactive les violentes émotions des protagonistes, qu’empourprent les instrumentistes de l’ensemble Akadêmia ».