CD Sémélé (direction Christian Curnyn)

SEMELE

COMPOSITEUR

Georg Friedrich HAENDEL

LIBRETTISTE

William Congreve

 

ORCHESTRE Early Opera Company
CHOEUR Early Opera Company
DIRECTION Christian Curnyn

Semele Rosemary Joshua soprano
Iris Gail Pearson soprano
Ino, Juno Hilary Summers contralto
Athamas Stephen Wallace contre-ténor
Jupiter, Apollo Richard Croft ténor
Cadmus, Somnus Brindley Sherratt basse

DATE D’ENREGISTREMENT 16 au 20 avril 2007
LIEU D’ENREGISTREMENT All Saints’ Church – East Finchley – Londres
ENREGISTREMENT EN CONCERT non

EDITEUR Chandos – Chaconne
DISTRIBUTION

Abeille Musique

DATE DE PRODUCTION 29 novembre 2007
NOMBRE DE DISQUES 3
CATEGORIE DDD

 Critique de cet enregistrement dans :

 Classica – février 2008 – appréciation 7 / 10

« La même équipe nous avait déja donné récemment une belle Partenope. Construite autour de la Semele du moment, Rosemary Joshua, et dotée d’une distribution plus que satisfaisante, cette gravure possède quelque chose de très british de ton et d’esprit. À ce qualificatif, nous associons avant tout les qualités de l’enregistrement ses accents, se musicalité, son naturel musico-linguistique si caractéristiques, qualités partagées tant par les solistes (on ne saurait, pour chaque rôle, trouver voix et inflexions plus typiques) que par le choeur. Faut-il aussi lui associer ses défauts ? Peut-être. Car, si cette gravure se montre de part en part suprêmement élégante, elle demeure toute de même un rien sage et pudique ‘ sans jamais devenir à proprement parler terne et ennuyeuse. En cause, principalement (en dehors de la prise de son, qui sonne un peu sec et prive l’oeuvre de toute sa féerie) la direction classique et carrée de Christian Curnyn qui, après les innovations iconoclastes d’un Stern (Opera Fuoco), nous replace certes dans une certaine forme de tradition d’interprétation haendélienne, fart musicale d’ailleurs, mais nous frustre également de toute une part latente de poésie, de démesure, de théâtralité. Voici de l’oratorio de concert, excellemment exécuté, mais qui sur le plan strictement musical et vocal n’est guère jouissif : « joliesse un peu compassée » est l’expression qui nous vient le plus immédiatement à l’esprit pour rendre compte de l’ensemble. L’oeuvre, d’ailleurs, malgré la tentative plus ou moins réussie de Gardiner, et au-delà de la version qui peut aujourd’hui à juste titre nous tenir lieu de référence (celle dirigée par Nelson, avec Baffle, Ramey, et autre Horne) ne possède toujours pas sa version « moderne » de référence (Minkowski? Jacobs?) et demande à être enfin « révélée ».

Cela dit, les voix réunies ici sont toutes fort belles, et les interprètes d’une intelligence stylistique confondante. Dans le rôle-titre, Rosemary Joshua est absolument charmante (on a rarement entendu le rôle aussi bien chanté, avec autant de naturel), mais sans avoir ce côté vaguement érotique et pervers d’une Battle. « O sleep » est néanmoins une splendeur. Dans un rôle moins complexe, Gail Pearson est une Iris également délicieuse. Avec son timbre capiteux et ses beaux graves, Hilary Summers chante superbement une Ino et une Juno qui resteront cependant debout on bout malgré tout bien placides (« Hence, Iris, Hence away » manque de ressert). Le Jupiter de Richard Croft, de très bonne tenue, assurément, n’a pourtant pas le charme surnaturel de Paul Agnew dans la récente version Stern. Brindley Sherratt est un Somnus et un Cadmus sonore et rocailleux à souhait, émouvant aussi. Et Stephen Wallace (Athamus) complète la distribution sans démériter, bien au contraire. Quant au choeur, il est impeccable : bien chantant et investi. Bref, de l’excellent ouvrage, mais cette oeuvre appelle tellement plus ! »

 Diapason – février 2008 – appréciation 4 / 5 – technique 7 / 10

« La Semele la plus complète avec celle de John Nelson (DG, 1990). Sans l’air de Junon « Behold in this mirror » retenu par ce dernier, ni le « Come, Zephyrs » de Cupidon entendu chez Gardiner (lequel coupe drastiquement par ailleurs), mais pour l’excellente raison que Haendel lui-même omit l’un et l’autre. Les deux tunnels de l’acte I ‘ prologue terrien de cette histoire divine qui commence au II sur le Mont Cithéron où Jupiter abrite la mortelle Sémélé ‘ comme la creuse conclusion d’Athamas sont bien là : à un roulement detimbales près, Urtext deA à Z. Et puis ? Est-ce servir Semele que d’en rétablir tout l’acte I sans chercher à en vaincre les faiblesses (« The morninglark », sept minutes de cocottes bavardes qui gâtent la surprise du fantastique « Myself I shall adore » ; « Hymen haste » qui, si l’on n’y prend garde, alourdit le rôle marginal d’Athamas…) ? La rigueur comptable ne fait-elle pas quelquefois écran à la rigueur artistique ?

Comme dans se récente Partenope, le consciencieux Christian Curnyn joue tout, dans l’ordre, à un tempo cohérent, sans faute, sans excès, sans violence, sans nombrilisme. Et voilà. Ni tension ni tragédie, ni humour ni poésie, ni coups ni caresses la chose, soignée, portée par un bon choeur et un petit orchestre discret. Dommage ! Car il y avait matière à moments forts. Certes la pudique Ino (splendide « Turn, hopeless lover ») convient mieux que la volubile Junon (fade « Hence, Iris ») à Hilary Summers, et le mezzo-soprano de Stephen Wallace butte sur le presque ténor d’Athamas, mais ces deux boutons ne demandaient qu’à s’ouvrir. Le couple central se tire mieux d’affaire, Richard Croft par son baryténor virtuose, viril et nuancé, Rosemary Joshua par sa fraîcheur et son agilité. Que l’un et l’autre, pourtant, guettent la minute d’inspiration ! Voilà deux titulaires, témoins essentiels de rôles qu’ils connaissent mieux que personne, traités en écoliers. Quel « Where’er you walk » ! quel « Myself I shall adore » ! Mais quel gâchis !

« Non pas oratorio opéra cochon »,ainsi que le notait le Révérend Jennens au XVIIIe siècle, Semele veut de la chair, du sexe, du feu. C’est à Bacchus et non àTony Blair qu’elle donne naissance. De si jolies voix, de si fameux interprètes, de si sublimes pages, de si grandes promesses, pour un album charmant. Plus vivace que Gardiner, plus plausible que Stern, moins spectaculaire que Nelson. Donc, sans regret mais sans ardeur, à prendre an considération. « 

Opéra Magazine – mars 2008 – appréciation 5 / 5

« La Semele de Haendel, parfois encore abusivement classée parmi les oratorios, n’est rien moins qu’un véritable opéra anglais. Créée en 1744, à une époque où le compositeur n’écrivait plus d’opere serie italiens, elle témoigne de la volonté de ce dernier d’explorer de nouvelles voies dramaturgiques. Ainsi, par exemple, du recours à une écriture plus développée pour les choeurs qui, combinée avec des récitatifs simples ou accompagnés et des airs, permet de conférer grandeur et profondeur à la longue première scène.

Cette superbe partition, aux personnages magnifiquement dessinés, a déjà été bien servie au disque, notamment avec les enregistrements de John Nelson (Deutsche Grammophon, avec une brochette de stars) et John Eliot Gardiner (Erato, avec une équipe de solistes plus idiomatique mais, hélas, des coupures). Christian Curnyn n’a pas hésité au moment d’affronter pareille concurrence et bien lui en a pris : son intégrale, gravée en studio en avril 2007, se caractérise à la fois par la rigueur, l’équilibre et l’intelligence de la démarche, avec le plus d’une très belle distribution.

Habituée du rôle-titre, qu’elle a notamment incarné au Festival d’Aix-en-Provence sous la baguette de William Christie, Rosemary Joshua est aussi charmante que bien chantante, séduisante et émouvante. Richard Croft est tout aussi familier de Jupiter et quel plaisir d’entendre un ténor capable de mélanger les registres dans l’aigu et de faire preuve d’héroïsme dans les vocalises haendéliennes ! Le timbre très particulier d’Hilary Summers, ainsi que son léger manque de souplesse, servent à la perfection l’épouse jalouse et colérique du maître des dieux. Stephen Wallace est une fois encore irréprochable en Athamas, la finesse de son chant convenant idéalement à ce personnage tout en vertus. Brindley Sherratt et Gail Pearson complètent plus que dignement l’équipe, avec un choeur et un orchestre excellents de bout en bout.

Une prise de son manquant un peu de chaleur et, surtout, le côté un peu trop poli (trop anglais?) de l’ensemble, nous empêchent de décerner la récompense maximale à cet enregistrement dans le contexte d’une discographie déjà relevée. Mais que cela ne décourage pas les amateurs de Haendel de courir l’acheter ! Il leur réservera de bien agréables surprises. »

 Le Monde de la Musique – mai 2008 – appréciation 4 / 5

En 1743, lorsqu’il compose Semele (un divertissement musico­théâtral), Haendel affiche son indépendance : il en produit la création et défie les Italiens ‘ Semele pale anglais. En un mois, il a écrit un ouvrage tonique et raffiné. S’appuyant sur un ancien livret de Congreve remanié à sa demande, il rassemble tous les aspects de la nature humaine : humour, tendresse, érotisme, désirs, frustration, jalousie, vulsérabilité, fatalisme, fatuité, douleur. Et tout cela en limitant quasiment son orchestre aux seules cordes ! Peut-être est-ce pour cela qu’en écoutant Semele, on pense souvent au Rake’s Progress de Stravinsky ‘ qui est, quoi qu’on en dise, néo-haendélien plutôt que néo-mozartien.

Rosemary Joshua et le ténor Richard Croft sont d’impeccables chanteurs dont le talent dépasse de loin les limites du répertoire baroque, et la comparaison d’Hillary Summers avec le contre-ténor Stephen Wallace ne fait que surexposer l’émission poussive de ce dernier. Christian Curnyn dirige avec bonheur un choeur efficace et un orchestre d’instruments anciens. »