Il Tigrane (overo L’Egual impegno d’Amore e di Fede)

COMPOSITEUR Alessandro SCARLATTI
LIBRETTISTE Domenico Lalli
DATE DIRECTION EDITEUR NOMBRE FICHE DÉTAILLÉE
1970 Franco Caracciolo Voce 2 (LP)

Dramma per musica en trois actes sur un livret de Domenico Lalli (*). Première représentation à Naples, au théâtre San Bartolomeo, le 16 février 1715.(*) Niccolò Bastiano Biancardi alias Benedetto Domenico Lalli, né à Naples le 27 mars 1679, mort à Venise le 9 octobre 1741. Accusé d’avoir volé la Confraternità dell’Annunziata, il dut fuir Naples en 1706, et se fixa à Venise en 1709. Il écrivit des livrets pour le San Cassiano de 1710 à 1718. En 1719, il devint impresario des théâtres des Grimani, le San Samuele et la San Giovanni Grisostomo. Dans les années 1720, il fut attaché au comte Franz Anton von Harrach, archevêque de Salzbourg, puis à partir de 1727 à l’empereur Charles VII à Vienne.

La distribution réunissait : la soprano Margherita Zani, dite Marucina (Tomiri), la soprano Anna d’Ambreville (Meroe, Eco), le sopraniste Francesco De Grandis (*) (Tigrane), Giovanni Carlo Bernardi (Policare), le ténor Gaetano Mossi (Doraspe), la basse Giovanni Maria Morosi (Orcone). (*) Francesco De Grandis, dit Checchino, né vers 1670 à Vérone, mort en 1738

Personnages : Tomiri, reine des Messagètes, amante en secret de Tigrane, qu’ell découvrira être son fils (soprano) ; Tigrane, prince d’Arménie, général de l’armée de Tomiri (soprano) ; Meroe, fille de Ciro, roi de Perse, décédé, sous les habits d’une devineresse égyptienne, amante de Tigrane, ennemie de Tomiri (soprano) ; Policare, roi de Lydie, allié de Tomiri (contralto) ; Doraspe, roi de Damas, allié de Tomiri (ténor) ; Oronte, capitaine des gardes de Tomiri, ami de Tigrane (soprano) ; Dorilla, demoiselle de Tomiri (contralto) ; Orcone, esclave, confident de Meroe (basse)

Synopsis (*)

Acte I

La reine des Scythes célèbre le premier anniversaire de sa victoire sur le roi perse Cyrus. En ce jour, Tomiri est également censée choisir son mari entre les deux rois qui ont guerroyés avec elle – Policare, le roi de Lydie et Doraspe, le roi de Damas. Mais la reine est secrètement attirée par Tigrane, le prince d’Arménie. Policare aime Tomiri et Doraspe désire ardemment le trône. Mais puisque Tomiri ne peut se marier qu’avec un seul d’entre eux, Policare propose que le perdant prenne en mariage la sœur de l’autre. Resté seul, Tigrane pense lui aussi à sa princesse bien-aimée – Meroe, la fille du roi Cyrus – qu’il croit morte. Attirée par les fêtes de victoire, une troupe de comédiens italiens, dirigée par Orcone, arrive pour des représentations en ville. Parmi eux, déguisée en diseuse de bonne aventure, se trouve Meroe qui reconnaît immédiatement Tigrane. Elle cache cependant son identité à ce dernier et lui demande d’être présentée à la Reine. En retour, la fausse devineresse offre à Tigrane les services d’Orcone, qu’elle présente comme un magicien capable de faire apparaître l’âme de Meroe. Restée seul devant le crâne de son père, la Princesse perse jure d’en venger la mort en tuant Tomiri. Toujours hésitante, la reine demande à Oronte, son chambellan, de convoquer Policare et Doraspe pour leur communiquer sa décision. Tigrane présente Orcone et la diseuse de bonne aventure à la reine. Tomiri demande à l’Egyptienne lequel des deux rois elle doit choisir. Meroe devine que la reine aime Tigrane mais au moment où tout semble devoir être révélé, Tomiri arrête la prévision et demande à Meroe de revenir la voir à l’heure du bain. Après l’arrivée de Policare et de Doraspe, Tonùri demande à Tigrane de s’asseoir à côté d’elle. Les rois soupçonneux des implications possibles d’un tel geste public ne veulent pas avoir Tigrane sur le même plan qu’eux et une question de protocole enflamme la réuunion. Tomiri donne une bague à Tigrane pour montrer sa confiance en lui et lui demande de choisir pour elle. Ce subterfuge inquiète les deux rois qui comprennnent qu’ils ont un vrai rival. Policare et Doraspe accusent Tigrane, mais il leur offre un combat singulier. Aidée d’Orcone, Meroe se prépare à paraître comme son propre fantôme devant Tigrane et dès que le prince témoigne sa fidèle affection, elle lui offre de revivre, s’il obéit aveuglément à sa volonté. Lorsque Tigrane jure, Meroe se révèle et exige que Tigrane l’aide à renverser Tomiri pour venger la mort de son père le roi Cyrus. Tigrane promet d’écrire un sauf-conduit pour le général perse Milciade, afin qu’il puisse entrer en toute sécurité avec son armée dans la ville. Tigrane resté seul comprend qu’il a besoin de trouver un moyen pour rester en même temps fidèle à Meroe et à Tomiri. Dorilla cherche Orcone dont la présence l’intrigue. Les deux Italiens tentent de s’impressionner l’un l’autre mais, se découvrant compatriotes, commencent à révéler leurs sympathies l’un à l’autre et promettent de se revoir.

Acte II

Après une autre célébration en l’anniversaire de la victoire, Policare et Doraspe informent la Reine du combat à venir avec Tigrane. Soucieuse de la vie de Tomiri reprend sa bague et déclare qu’elle choisira son époux elle-même.Tigrane apporte la lettre promise à Meroe et elle la confie à Orcone pour la livrer. Tomiri insiste auprès de Meroe pour lui faire révéler le nom de celui qui afflige son âme. Quand il est clair que c’est Tigrane, Meroe découvre que son ennemie est aussi sa rivale et qu’elle a un motif supplémentaire de se venger. Cependant Tigrane a écrit une autre lettre à la frontière pour annuler conduit envoyé aux Perses, et c’est à Oronte qu’il la confie. Pendant la cérémonie du Bain, Tomiri demande à Tigrane d’appeler Meroe. Policare révèle à son affection pour Tomiri et demande son amitié. Après que Tomiri ait quitté le bain, elle renvoie tout le monde pour rester seule. Meroe découvre assoupie et veut la tuer, mais elle est désarmée par Tigrane. Comme Tomiri se réveille, elle surprend Tigrane le poignard à la main. Le prince ne peut pas s’expliquer sans compromettre Meroe et ne se disculpe pas tout en clamant son innocence : il est envoyé en prison. Tentant d’essayer de trouver une certaine consolation, Tomiri demande à Meroe si cette dernière a déjà parlé avec Tigrane de son amour. Rendue confuse par la tournure des événements, Meroe n’a rien à dire pour la défense du prince. Tomiri envoie Meroe parler à Tigrane pour connaître la raison pour laquelle ce dernier a tenté de l’assassiner. Policare, soupçonneux, demande à Meroe de prédire l’avenir : Meroe s’esquive. Orcone arrive pour son rendez-vous avec Dorilla. Tout deux se sont costumés pour se plaire et Dorilla aide le charlatan Orcone à vendre des produits de maquillage.

Acte III

Le procès de Tigrane commence : Meroe est citée comme témoin mais c’est Doraspe qui apporte une nouvelle preuve à charge quand il présente la lettre qu’il a interceptée, lettre par laquelle Tigrane invite l’armée perse à entrer dans la ville. Tomiri se sent trahie deux fois. Tigrane est amené par les gardes, avoue qu’il a écrit la lettre, accepte la culpabilité, veut mourir, mais dit qu’il n’est pas coupable. Policare et Doraspe demandent l’arrêt de mort de Tigrane. La Reine envoie Meroe pour interroger Tigrane et le pousser à demander sa grâce. Dans sa prison, Tigrane attend la mort qu’il doit à son amour pour Meroe et à sa fidélité pour Tomiri. Quand la princesse survient, il la supplie de retourner dans son royaume : seul son départ et sa propre mort feront connaître au monde son innocence. Tomiri est témoin quand Tigrane demande à Meroe d’aller dire à la reine qu’il est coupable et qu’il attend la mort. Tomiri se révèle et encourage Tigrane à s’échapper. Par honneur, Tigrane refuse. Meroe annonce à Orcone qu’elle n’a pas d’autre choix honorable que de révéler sa culpabilité et de mourir pour sauver Tigrane. La Reine signe l’arrêt de mort de Tigrane. Policare montre sa compassion à Tomiri et, resté seul, invoque la force de l’espoir. Orcone et Dorilla sont préparés pour une mascarade et poursuivent leurs jeux amoureux. Le peuple veut la mort de Tigrane, qui explique que tout sera éclairci après elle. Survient Meroe qui révèle sa véritable identité et avoue que c’est elle qui a voulu tuer Tomiri. Mais Oronte apporte la deuxième lettre de Tigrane – celle qui annuulait le sauf-conduit et qui l’innocente. Policare a aussi reçu des nouvelles au sujet de l’origine de Tigrane : le prince est en fait Archinto, le fils perdu de Tomiri. Comprenant enfin la nature du sentiment qui la poussait vers Tigrane, la Reine donne sa bénédiction à son union avec Meroe. Eperdue de joie, Tomiri décide de se marier avec Policare, parce qu’il lui a redonné son fils perdu. Doraspe honore sa promesse à Policare et s’unit à la sœur de ce dernier. (*) texte de Gilbert Blin et Lubor Cukr

 

Livret (en italien), détenu à la Biblioteca del Conservatorio « S. Pietro a Majella » de Naples

Représentations :

Opéra de Nice – 1er, 3, 5 juin 2012 – Ensemble Baroque de Nice – Choeur et choeur d’enfants de l’Opéra de Nice – dir. Gilbert Bezzina – mise en scène, décors, costumes et éclairages Gilbert Blin – avec Olga Pasichnyk (Tamiri), Flavio Ferri-Benedetti (Tigrane), Yulia van Doren( Meroe), José Lemnos (Policare), Anicio Zorzi Giustianini (Doraspe), Thierry Di Méo (Oronte), Mireille Lebel (Dorilla), Douglas Williams (Orcone)

Concertclassic

« Le spectateur d’aujourd’hui est si accoutumé à l’actualisation dans les mises en scène du corpus baroque que les initiatives de « reconstitution historique » en sont devenues presque exotiques. Certes, le public français connaît bien désormais le travail réalisé dans le répertoire du dix-septième siècle par Benjamin Lazar, qui a placé ses pas dans ceux d’Eugène Green. Mais rares sont ceux qui, à l’instar de Gilbert Blin, également directeur de l’Académie Desprez associée au festival de Drottningholm – laquelle a soutenu les recherches préparatoires à la production – assument l’artificialité des opéras à machine, dont les ouvrages du settecento offrent sans doute un des plus éclatants avatars.Jalonnée d’apartés, Il Tigrane condense à merveille un subtil nuancier de relations courtisanes entre les personnages, miroir en cela des différentes strates de la société de l’époque, qui se retrouve dans les poses calculées des interprètes, fardés selon l’usage. L’artifice, historiquement informé, se fige cependant au fil de la soirée, faute peut-être de renouveler la dramaturgie somme toute assez conventionnelle de l’ouvrage. La prudence quant aux coupures opérées, plus proche de la cosmétique – avouée – n’y est sans doute pas non plus étrangère. Une fois l’œil rassasié par la perspective des décors en carton-pâte, l’intelligence théâtrale reste un peu sur sa faim.Ce travail sur la caractérisation des rôles présente au moins l’avantage de mettre en valeur l’intéressante distribution réunie. Flavio Ferri-Benedetti, Tigrane vigoureux et incisif, représente l’exemple même du contre-ténor héroïque, tandis que José Lemos, délicat Policare, incarne le versant plus élégiaque de la tessiture. Son rival, Doraspe, plus en retrait dans l’œuvre, se vêt de l’énergie que lui confère Ancio Zorzi Giustiniani. Du côté des héroïnes, Olga Pasichnyk, avec une émission remarquablement concentrée, se révèle brillante Tomiri, même si l’on peut lui préférer le naturel de Yulia van Doren, irrésistible de féminité en Meroe, qui réussit une parfaite synthèse entre les conventions d’un chant très codifié et la sincérité de l’expression. Mireille Lebel, Dorilla piquante et sémillante, Thierry di Méo, Oronte et Douglas Williams, Orcone, complètent le plateau. A la tête de l’Ensemble Baroque de Nice, qui célèbre cette année son trentième anniversaire, Gilbert Bezzina défend la partition de Scarlatti avec un attachement sincère, même s’il ne peut faire oublier une mise en place parfois perfectible, et une instabilité dans les sonorités que l’on ne connaît plus guère désormais. Mentionnons enfin le chœur de l’Opéra de Nice, sous la direction de Giulio Magnanini, auxquels se joint celui des enfants préparé par Philippe Négrel. »

Musicologie

« Sous une excellente direction musicale de Gilbert Bezzina que l’on est heureux de retrouver en bien meilleure forme après un passage à vide qui a failli menacer jusqu’à l’existence de l’Ensemble Baroque de Nice, la mise en scène, les décors, les costumes et les éclairages de Gilbert Blin ne peuvent que susciter l’enthousiasme : c’est un époustouflant déluge de vêtements chamarrés, de fantaisies scéniques et de décors raffinés qui correspondent aux traditions de l’époque et aux souhaits exprimés par le compositeur. Ajouté aux objets décoratifs spécifiques à l’histoire de Tigrane, le mouvement mobilier emballe une dynamique qui déploie tous ses facétieux atours devant les yeux du spectateur. Une qualité opératique qui n’est pas sans rappeler celle du Teseo de George Frederich Haendel, donné à Nice en mars 2007 dans le cadre du XXVe anniversaire de l’Ensemble Baroque de Nice. Les très nombreuses collaborations (Lubor Cukr à la mise en scène, Rémy-Michel Trotier à la scénographie, Mickaël Bouffard aux costumes, Bernard Barbero aux éclairages, Caroline Constantin aux peintures et Sylvie Lopez assistée de Solenne Parietti, Véronique Begali et Michel Sambo pour la coordination des costumes) montrent l’intense travail des coulisses pour la réussite de cette performance. Sans oublier la belle contribution des figurants : Arlequin (Marie-Nathalie Lacoursière), Pierrot (Sophie Payan), Scapina (Meriem Bahri) et des serviteurs muets (David Carle, Nicolas Payan, Riccado Attilio Pibiri et Rudolphe Pignon).Mises à part quelques rares exceptions, la distribution des voix suit le niveau d’excellence de la mise en scène : dans le rôle principal de Tomiri, la reine des Massagètes, Olga Pasichnyk s’affirme aisément comme la colonne vertébrale de l’œuvre et emporte la conviction du public. Pourtant, la soprano ukrainienne donne parfois le sentiment de se restreindre et de ne pas offrir toute la finesse vocale dont elle est capable. La fatigue peut-être pour une partition qui dure plus de trois heures. Elle démontre malgré tout son talent : en témoignent son « Non star dubbioso » de l’acte I, son magnifique « Je te demande silence et fidélité » de l’acte ii ou ses duos tout aussi exigeants et réussis à l’acte iii avec Policare « Quanto fiero » ou avec Meroe en présence de Tigrane « Révèle ton innocence ». L’autre grand caractère féminin ne déçoit pas non plus : incarnée par Yulia van Doren, Meroe, fille du feu Cyrus, joue et chante à merveille cette douloureuse ambivalence d’être tiraillée entre son désir de vengeance et son amour pour Tigrane. Son air solo à l’acte II « Vanne, nemica mia, vanne, ed aspetta » ou celui de l’acte III « è bello il morire per amor » lui valent des applaudissements nourris de la salle.Dans le personnage de Policare, l’un des rois prétendants au mariage avec la reine Tomiri, le contre-ténor brésilien José Lemos émeut l’assistance par un subtil vibrato et des vocalises justes, souples et sensibles. Sa lamentation à l’acte ii « Se mai… ti punse il cor » ou sa déclaration amoureuse de l’acte iii « Sfoga pur tuo giusto sdegno, poi ricordati del mio amor » suscitent une ovation légitime. L’autre grand rôle-titre masculin appelle davantage de réserve. La voix de Flavio Ferri-Benedetti est marquée par l’instabilité. Au point de rendre ses vocalises sèches, sinon désagréables. Malgré de nombreux airs en solo ou en duo, le contre-ténor italien ne semble pas complètement à l’aise dans le personnage principal de Tigrane.Enfin, et puisque le livret de Domenico Lalli les charge de « divertir » la salle et d’alléger un peu l’intrigue, on félicitera vivement le jeu scénique et vocal de Dorilla et d’Orcone, respectivement incarnés par la mezzo-soprano canadienne Mireille Lebel — une prise de rôle — et par le baryton-basse américain Douglas Williams. Des acteurs et chanteurs à la carrière tout à fait prometteuse. On l’aura compris : ce Il Tigrane niçois place haut la barre en attendant l’annonce de la nouvelle saison lyrique de l’Opéra de Nice vers la fin de ce mois. »

Diapason – juillet/août 2012 – Tigre placide

« Après Rosmira fedele de Vivaldi en 2003 et Teseo de Handel en 2007, l’Opéra de Nice confie une nouvelle production baroque aux deux Gilbert, Bezzina et Blin. Leur choix s’est porté sur un opéra des plus rares, l’un des derniers écrits pour Naples par le génial Alessandro Scarlatti : Tigrane (1715). Œuvre foisonnante, enchaînant une grosse quarantaine d’arias, duos, sinfonie. ballets, et multipliant les effets «orchestraux». D’une grande complexité rythmique et harmonique, la partition met hélas à rude épreuve un Ensemble baroque de Nice trop peu aguerri, dirigé avec sensibilité mais placidité par Bezzina. Guère sécurisés, les huit jeunes chanteurs, stylés et flexibles, affichent leurs limites techniques. Si les deux sopranos (Olga Pasichnyk en Tomiri, Yulia Van Doren en Meroe) vocalisent délicieusement, on ne comprend pas un mot à ce qu’elles chantent ; et si la diction des deux contre-ténors est plus probante, c’est le soutien qui pèche chez José Lemos (Policare) et le timbre qui grince chez Flavio Ferri-Benedetti (Tigrane). Bon Doraspe du ténor Anicio Zorzi Giustiniani, et excellente prestation comique de la basse Douglas Williams. Gilbert Blin a conçu de merveilleux décors inspirés de Bibiena, toiles peintes, portants et trompe-l’œil se métamorphosant à l’envi, et des costumes chamarrés propices aux nobles poses. Sa direction d’acteurs, en dépit de bonnes idées (le poids conféré au regard de l’assistance sur les héros) reste, hélas, des plus frustes, et ne fait rien pour dissimuler les clichés accumulés par le livret de Domenico Lalli. »

Opéra Magazine – juillet/août 2012

« Très actif à Nice, le duo Gilbert Bezzina/ Gilbert Blin poursuit son exploration des raretés lyriques du baroque. Créé en 1715 à Naples, sur un livret de Domenico Lalli (également mis en musique à Venise, la même année, par Tomaso Albinoni, mais sous un autre titre), Il Tigrane, bel exemple de l’art coloré de Scarlatti père, est vite tombé dans l’oubli, avant d’être rejoué deux fois à l’époque moderne – notamment à Sarrebruck, en 2009. L’intrigue est typique des embrouillaminis de l’opera seria. En quelques mots : reine d’une peuplade scythe, Tomiri triomphe du Perse Cyrus avec l’appui de deux rois alliés, Policare – très épris d’elle et Doraspe, surtout attiré par le trône. Veuve, elle doit s’engager à épouser l’un d’eux alors que, secrètement, son coeur penche pour Tigrane, prince arménien qu’elle a nommé chef de son armée. Or, celui-ci est l’amant de Meroe, la fille de Cyrus que l’on croit morte, mais qui réapparaît dissimulée en devineresse égyptienne. Assortie de divers rebondissements, de trahisons, de quiproquos, et d’un couple cocasse de suivants, Dorilla et Orcone, l’histoire insiste sur le dilemme de Tigrane, déchiré entre sa fidélité à la reine et sa passion pour Meroe. Tout se résout par la découuerte que Tigrane est, en fait, le fils de … Tomiri, enlevé tout jeune par des pirates, coup de théâtre à la Beaumarchais. Alessandro Scarlatti enchaîne avec bonheur choeurs, airs et duos, soutenus par une instrumennation raffinée, comme ces arie avec viole d’amour, ou avec deux violoncelles solos, sans oublier les chants d’oiseaux des flûtes. Blin et Bezzina ont eu raison de couper dans les récitatifs et de supprimer plusieurs da capo, mais il reste encore près de quatre heures de musique et le deuxième acte surtout, baaard et longuet, aurait pu être plus raccourci. Réutilisant une partie des décors de productions préécédentes, dont le Teseo de 2007, Gilbert Blin déploie une jolie machinerie baroque avec trompe-l’œil et changements à vue, de superbes costumes inspirés l’Orient fantasmé par le siècle de Louis XIV et une mise en scène venue en droite ligne du théâtre classique, avec des insertions de commedia dell’arte. Le résultat est probant, un peu maniéré mais efficace. Gilbert Bezzina anime avec enthousiasme cette partition chatoyante, attentif à la variété rythmique et à l’ornementation des da capo préservés. Reste que l’Ensemble Baroque de Nice est un peu brouillon, avec des dérapages (les trompettes dans l’Ouverture), quelques petits décalages et des cordes grêles. La soprano ukrainienne Olga Pasichnyk est une Tomiri au chant très pur, aux affects bien dominés, au risque d’une neutralité accrue par une voix sans ampleur. Les autres interprètes sont jeunes, mais bons connaisseurs des exigences de l’opéra baroque. Révélé voici quelques années par William Christie, le Brésilien José Lemos débite de magniifiques vocalises mais son expression est bien molle, trop languide, et son registre de quasi-sopraniste guère viril. Le contre-ténor italien Flavio Ferri-Benedetti surmonte aisément les pièges du rôle-titre mais, acteur médiocre et raide, il manque de charisme. Plus convaincants sont la mezzo canadienne Mireille Lebel, pétillante Dorilla, et son compère, le baryton-basse américain Douglas Williams, Orcone irrésistible. On applaudit surtout Yulia Van Doren, soprano russo-américaine active depuis trois ans, et qui accumule les qualités en Meroe : tenue de chant exemplaire, aigus limpides, techhnique déjà solide, beauté physique et abattage draamatique. C’est elle la révélation de ce Tigrane. » »

Saarbrück – Saarländisches Staatstheater – 25 avril, 3, 16, 20, 24, 30 mai, 11, 28 juin, 3, 9 juillet 2009 – dir. George Petrou – mise en scène Sandra Leupold – décors Sandra Leupold – costumes Julia Burde – dramaturgie Christoph Gaiser – avec Sylvia Koke (Tomiri), Tove Dahlberg (Tigrane), Elizabeth Wiles (Meroe), Judith Braun (Policare), Algirdas Drevinskas (Doraspe), David Cordier (Oronte), Sofia Fomina (Dorilla), Jiri Sulzenko (Orcone) – nouvelle production

Naples – RAI – 1970 – dir. Caracciolo – avec Paul Esswood, Geszty, Cioni, Lilowa, Bonisolli, Casula, Tadeo