COMPOSITEUR | Filippo PICCININI (?) |
LIBRETTISTE | Félix Lope de Vega |
Églogue pastorale, écrite par Lope de Vega, représentée le 18 décembre 1627, au Coliseo del Buen Retiro, théâtre du palais royal de Madrid, avec des machines du florentin Cosme Lotti.
Elle passe pour le premier opéra écrit en espagnol.
Le texte de Lope de Vega, en un acte, est divisé en sept scènes.
La musique, non conservée, aurait été écrite par le luthiste bolonais Filippo Piccinini, avec l’aide du secrétaire d’ambassade Bernardo Monanni pour les deux scènes les plus longues.
En 1621, Philippe IV était monté sur le trône d’Espagne, à l’âge de seize ans, et voulait favoriser l’art dramatique, ce qui le conduisit à commander un spectacle inspiré par la monodie florentine;
« Cependant, ceci ne semble avoir été qu’une tentative artificielle, par le jeune roi Philippe IV, de donner une démonstration publique des penchants artistiques progressistes et cosmopolites de sa cour, très probablement sous l’influence du Nonce apostolique Giulo Rospigliosi, qui avait été le librettiste de certains des opéras de Stefano Landi, quand il évoluait dans le cercle de la famille Barberini, à Rome. La musique (aujourd’hui perdue) et la scène étaient de deux italiens – le compositeur Filippo Piccinini et le scénographe Cosimo Lotti, respectivement – et quoique Lope de Vega lui-même ait loué le spectacle avec enthousiasme dans la préface de la dernière édition de sa pièce, cette première expérience lyrique n’eut pas de conséquences directes avant au moins trente ans. La cour espagnole dût attendre 1660 pour la production de deux nouveaux opéras, tous deux cette fois sur des textes de Pedro Calderón de la Barca (La púrpura de la rosa et Celos aún del ayre matan), et le succès final de cette autre tentative pour voir s’établir le genre nouveau en Espagne, fut certainement dû au fait, que cette fois là, la musique était profondément ancrée dans la tradition de la scène spécifiquement ibérique plutôt que marquée par le goût lointain et un peu «exotique» des cercles intellectuels florentins et romains. » (Alia Vox)
Un compte-rendu de la représentation fut consigné par le cardinal Giovanni Battista Pamphili, futur pape Innocent X, alors nonce papal en Espagne. Il raconte ainsi que la comédie en musique était depuis longtemps en préparation, et qu’elle fut donnée devant le Roi et la famille royale, à l’exception de l’infant Ferdinando, malade, et de la quasi totalité de la noblesse. L’argument du prologue est celui de Vénus, qui va à la recherche de son fils Amour dans un char tiré par deux cygnes. Le trouvant en mer, folâtrant avec des monstres marins, elle se lamente et lui enjoint d’aller à Madrid, où les femmes sont d’une beauté singulière. Il arrive à la rivière Manzanares et se querelle avec elle, dérangeant son cours et la faisant déborder sur ses rives. Vénus réapparaît du ciel pour calmer la Manzanares, indiquant que l’arrivée de son fils incitera beaucoup plus de nymphes énamourées d’aller se baigner dans ses eaux ; puis elle se retire dans le ciel, sur son nuage.
Le décor de la pièce elle-même est une forêt imaginaire de Madrid, consacrée à la nymphe Daphné dont le coeur restait froid aux avances d’Apollon. Elle fait intervenir des bergers et bergères, Silvio, Jacinto, Filis, Flora, et se termine par un choeur final.
Les scènes à machines de Lotti furent particulièrement appréciées, notamment la mer avec des navires et des monstres marins, la descente de Vénus et Amour s’envolant en l’air. Lotti se vit gratifier d’un salaire annuel de 500 ducats, ce qui le conduisit à s’établir à Madrid jusqu’à sa mort, en 1643. A cette date, le Buon Retiro fur fermé, et ne rouvrit qu’en 1651, lorsque un nouvel ingegnere florentin, Baccio del Bianco reprit la place de Lotti.
Lope de Vega, dans la préface de l’oeuvre imprimée, a lui-même décrit sson émerveillement des effets de machines : La première vue qu’offrit le théâtre, dès qu’on eût tiré le rideau qui le cachait, fut une mer en pesrpective, qui découvrait aux yeux, tel est le pouvoir de l’art, des lieues et des leiues d’eau jusqu’à la rive opposée avec un port où l’on voyait la ville, le phare et quelques vaisseaux tirant des salves d’honneur, auxquelles répondaient les châteaux. L’on voyait également quelques poissons qui fluctuaient au mouvement des vagues… tout en lumière artificielle mais toutes invisibles bien qu’elles fussent plus de trois cents. Là, Vénus sur un char tiré par des cygnes au dessus duquel volait l’Amour, son fils.
Lope de Vega, toutefois, déclarait que la beauté de l’appareil faisait que l’ouïe succombât à la vue, regrettant que l’attention n’ait pas été portée à ses vers.