CD Il piu bel nome

IL PIU BEL NOME

COMPOSITEUR

Antonio CALDARA

LIBRETTISTE

Pietro Pariati

 

ORCHESTRE

El Concierto Español

CHOEUR

Cor de Cambra d’Antiga de l’Escola Superior de Música de Catalunya

DIRECTION

Emilio Moreno

Venere

Maria Espada

soprano

Giunone

Raquel Andueza

soprano

Ercole

Marianne Beate Kielland

mezzo-soprano

Paride

Robin Blaze

contre-ténor 

Il Fato

Agustín Prunell-Friend

ténor

DATE D’ENREGISTREMENT

Novembre 2009

LIEU D’ENREGISTREMENT

Lleida – Auditori Enric Granados – Espagne

ENREGISTREMENT EN CONCERT

non

EDITEUR

Glossa

DISTRIBUTION

Harmonia Mundi

DATE DE PRODUCTION

9 juillet 2010

NOMBRE DE DISQUES

2

CATEGORIE

DDD

Critique de cet enregistrement dans :

 Muse baroque

« … Composé dans un style purement baroque, on y entend l’influence du style romain qui fleurissait dans la cour du marquis Ruspoli, protecteur de Händel et patron de Caldara avant son voyage à Barcelone. Le livret qui réunit les divinités mythologiques Vénus, Junon, Hercule, Pâris et le Destin outre la louange courtisane pour l’archiduchesse Elisabeth, semble comporter un message moral d’une teneur particulière, qui rend la beauté de Vénus aussi friable et volage qu’elle doit céder au Destin et à la ‘beauté’ d’Elisabeth. En le dépouillant de toute la cérémonie, le livret de Pietro Pariati se compose d’une poésie délicate et raffinée, très proche du style arcadien des salons de Rome. Pour Il più bel nome, Caldara emploie un instrumentarium riche qui inclut un choeur, une trompette et des cuivres, de plus il multiplie les allusions au style pastoral, martial et à l’évocation dépouillée des sentiments les plus simples, surtout dans l’air de Vénus ‘Il bel nome d’amante fedele’ qui clôt la première partie et est le c’ur de l’opéra. Caldara déploie tout son talent et sa diversité, il inclut des ritournelles, des interventions chorales, un air avec trompette obligée et même un air à 5.

Cette merveille d’orfèvrerie musicale a été servie par une équipe artistique impliquée et très talentueuse qui ont su explorer et rendre ses nuances à la musique de Caldara et au livret de Pariati. Nous l’avons dit souvent ici, les risques entrepris pour la recréation d’une oeuvre oubliée est la preuve d’un réel professionnalisme et de l’excellence d’un ensemble artistique. Emilio Moreno, El Cocierto Español et ses chanteurs nous démontrent leur passion, leur envie de persévérer dans la découverte du baroque et leur générosité en enregistrant ce petit bijou enterré sous la mémoire. Par ailleurs, Emilio Moreno réunit avec équilibre et diversité une distribution magnifique, composée de voix brillantes et nuancées, fidèles à l’orfèvrerie délicate de la musique de Caldara.

Dans le rôle quasi protagonique de Venere, nous retrouvons la splendide soprano Maria Espada qui nous avait déjà enthousiasmé avec ses vocalises stratosphériques dans un disque consacré à Juan Francés de Iribarren. Ici elle étale devant nous une palette vocale sensuelle, légère et délicate notamment dans son premier air ‘S’egl’è ver che amasti un dì’ pour atteindre avec beaucoup de finesse, comme on gravit le Parnasse, le sommet de l’oeuvre ‘Il bel nome d’amante fedele’. Les airs plus courtisans ‘Più non sono la più bella’ et l’apostrophant ‘Te’l confesso, o bella Elisa’ sont presque roucoulés pas Maria Espada dont le grain de voix apporte délicatesse et enjouement dans l’aigu et velours dans le grave. La métamorphose lépidoptère de Maria Espada ouvre le coffre de merveilles de la musique de Caldara et fait ressortir ses plus belle couleurs.

Incarnant une Giunone plus conciliante que de coutume, Raquel Andueza au soprano charnu et chaleureux cisèle avec des vocalises brillantes des airs suaves et touchants tels que ‘Cari Elisi, stanzi amate’ ou le superbe ‘Quella lira innammorata’. Par ailleurs l’évocateur ‘Quando a lei sarà vicino’ nous transporte dans la profondeur sentimentale, avec ses allusions florales au jasmin parfumé et à la rose qui font tourner les gammes telles des papillons sur de si belles fleurs.

Avec sa voix agile et nuancée, Marianne Beate Kielland campe un Ercole puissant. Elle nous démontre son agilité dans l’air ‘Cosi fai’ uniquement accompagné du continuo. Puis avec le même accompagnement, elle est résolue dans ‘Dimmi dov’è quel Nume’.

Dans le rôle pastoral de Paride, le contreténor Robin Blaze nous offre une voix aux tonalités ineffables et aériennes et non sans malice dans ‘Chi ben ama un solo instante’. Autrement, il devient plus persuasif et déclamatoire avec ‘Guarda la palma’ et contemplatif avec ‘Amor risponderà’. Robin Blaze nous charme par sa simplicité et son talent d’ornementation, il compose un très beau bouquet à chaque air.

Nous avons déjà loué la voix puissante et vibrante de Agustín Prunell Friend dans l’Artaserse de Terradellas. Dans Il più bel nome, il est il Fato, le Destin, qui apparaît avec sa suite de gloires pour accompagner l’heureux hymen archiducal. Malgré quelques problèmes dans l’aigu dans l’air moral ‘La Beltà ch’è troppo vana’, sa voix totalement protéiforme nous ravit avec un brillantissime ‘Al grande onor di sposa’ avec trompette obligée.

En outre les très belles voix du Cor de Cambra d’Antiga de l’Escola de Música de Catalunya ont participé avec un talent indéniable dans les choeurs de début de l’opéra et accompagnant l’arrivée de Junon dans l’air ‘Cari Elisi’.

À la tête d’un Concierto Español aux accents bien posés, enthousiaste et débordant de couleurs et d’inventivité, Emilio Moreno investit cette partition inédite avec toute la poésie et la diversité de ses timbres. Nous encourageons et louons l’initiative du maestro Moreno et de ses musiciens qui réussissent à rendre palpables des émotions, déclamer avec soin et panache les récitatifs et soutenir avec créativité les airs.

À l’heure où le répertoire d’opéra baroque se réduit à quelques ‘musts’, l’heureuse équipée d’Il più bel nome, menée par l’engagement d’Emilio Moreno et ses artistes, nous prouve que la prise de risques et la poursuite de la redécouverte peuvent nous ouvrir la porte de jardins oubliés où papillonnent les plus beaux trésors de la musique. »

 Diapason – septembre 2010 – appréciation 5 / 5

« Créé à Barcelone en 1708, Il piu bel nome est un opéra de circonsstance, commandé par l’archiduc Charles d’Autriche pour la fête de sa jeune épouse, la princesse Elisabeth (Isabel) de Brunswick-Wolfenbüttel. Etabli dans la cité catalane depuis 1705, en pleine tourmente des guerres de successsion d’Espagne, l’héritier des Habsbourg fit de sa cour l’un des hauts lieux de l’opéra en Europe, confiant la création de plusieurs ouvrages aux plus fameux artistes italiens. Celle d’II piu bel nome (1708) en associe trois parmi les plus en vogue de son temps. Le scénographe Galli Bibiena conçut des décors spectaculaires et le poète Pietro Pariati trama un livret mêlant mythologie, allégorie et actualité, détournant la fable du Jugement de Pâris pour célébrer la beauté et la vertu de la princesse Elisa(beth). Enfin, le Romain Antonio Caldara élabora une partition à la construction traditionnelle, alternant récitatifs secs et arias, à l’écriture raffinée et souvent originale. Ainsi, dans « Quella Lira innamorata », une partie de théorbe obligé évoque la lyre tandis que les violons s’adonnent à un dialogue serré. On peut également être ébloui par la hardiesse du traitement de  » Quel core, quel viso », qui réunit tous les solistes et l’orchestre dans des dispositifs vocaux et instrumentaux sans cesse renouvelés.

Cette élégante sérénade de cour connaît ici une première interprétation moderne des plus convaincantes. La distribution est dominée par la voix cristalline, agile et éloquente, de Maria Espada dans le rôle de Vénus. Raquel Andueza incarne une Junon au caractère inhabituellement aimable et tendre, parfois presque fragile. Robin Blaze est un Paride au charme élégiaque tandis qu’Agustin Prunell-Friend manque parfois d’aisance et de fluidité dans ses airs d’agilité. Il convient enfin de saluer l’ensemble instrumental brillant et coloré, à la cohésion et à la justesse impeccables, mené de main de maître par Emilio Moreno, véritable maestro dei concerto assurant avec énergie et conviction la direction et la partie de violon solo. Cette belle réalisation vient harmonieusement compléter la discographie d’Antonio Caldara, jusqu’alors essentiellement constituée d’enregistrement d’oratorios et de musique sacrée. »

 Classica – octobre 2010 – appréciation 3 / 4

« Quelle fut la première oeuvre lyrique créée à Barcelone ? Sans doute cette sérénade de Caldara, commande de l’archiduc Charrles d’Autriche venu en 1705 y établir une cour rivale de la madrilène, laquelle s’était choisie comme pr&eacte;tendant à la couuronne des Espagne Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV. En 1708 Charles épouse Isabelle Christine de Brunswick-Wolfenbüttel. Il importe à cette occcasion l’opéra italien. Le genre s’installait à Barcelone où il était promis à la ferveur que l’on sait. Ici rien n’est catalan dans le geste : ni le librettiste (Pariati), ni le scénographe (Galli-Bibiena), encore moins le commpositeur, vénitien. Plus oeuvre palatine qu’opera seria, cette sérénade relève du genre courtisan par excellence. Il développe à profusion la métaphore politico-érotique, poésie et révérence ne faisant qu’un. Trois siècles plus tard, conséquence inhérente d’un genre si codé, les tonalités et les sensibilités peinent à se mettre en place. Ce n’est que dans la seconde partie que la musique décorative cède la place à l’émotion et au coup de génie. On sait Caldara ne pas en être dépourvu. Comme ses collègues Albinoni et Porpora, il sort du moule par d’extraordinaires inventions. Ainsi « Qella Liria innamorata » où ses c<antates pour voix et psaltérion rappellent à notre souvenir, et encore le couple dansant des flûtes dans « Quel pastorello ». Les solistes sont d’un niveau honnête, plutôt seconds couteaux que solistes étincelants et l’orchestre peine à donner du relief aux longueurs décoratives, sauf dans les airs suscités. »

 Opéra Magazine – janvier 2011 – appréciation 3 / 5

« Pour futile qu’elle soit, cette oeuvre lyrique, que le disque a l’heureuse idée de révéler, n’est pas à prendre à la légère. Dans une Catalogne prenant sa part des querelles de la guerre de Succession d’Espagne – entre 1705 et 1713, l’archiduc Charles d’Autriche (futur empereur Charles VI) est reconnu roi à Barcelone, alors que Philippe d’Anjou (Philippe V) s’est installé à Madrid – Antonio Caldara compose, en 1708, Il più bel nome qu’il qualifie de « componimento da camera per musica ».

Cette façon d’opéra de chambre offre bien des ressemblances avec les opéras-ballets de Campra puis de Rameau, comme avec les ultérieures serenate lyriques de Vivaldi, autre Vénitien. Tous partagent des caractéristiques identiques : sujet évanescent et a-dramatique, mélodies brèves, usage clair de la tonalité, unique couleur nimbant toute l’aria, vocalité abstraite dont l’origine instrumentale ne fait pas de doute.

Dans une Barcelone alors en pleine léthargie artistique, Il più bel nome (dédié à la reine Élisabeth Christine de Brunswick Wolfenbüttel) fit sensation, tant son esthétique faisait songer aux ouvrages vocaux romains contemporains, oratorios (La Resurrezione de Haendel) ou opéras (ceux d’Alessandro Scarlatti). En ce sens, cet ouvrage, avec sa musique séduisante, est un jalon important.

À la tête de son ductile ensemble El Concierto Espanol, Emilio Moreno en a bien cerné l’identité artistique et l’écriture orchestrale. Ses choix de distribution sont plus contestables, car les trois sopranos ne sont pas assez individualisées, tandis que le rôle de Paride serait bien plus confortable pour un alto féminin que pour un contre-ténor. Alliant timbre diamantin et densité vocale, Maria Espada est le socle de cette équipe. À Marianne Beate Kielland comme à Raquel Andueza, il manque un engagement dramatique suffisant. Quant aux deux voix masculines, elles sont trop légères (Robin Blaze) ou hors de situation (Agustin Prunell-Friend). »