COMPOSITEUR | Étienne MOULINIÉ |
LIBRETTISTE | anonyme |
Ballet donné par Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII, le 21 février 1638 en son hôtel à Tours, pour l’amour d’une fille appelée Louise Roger.
Selon Michel de Marolles, dans ses Mémoires, il y eut les meilleurs danseurs de France avec des gens de qualité.
Il eut tant de succès qu’il fut représenté à nouveau à Tours, dans le grande salle du palais.
On en parla à la cour, ce qui fit que le cardinal de Richelieu voulut le voir représenter. Selon le manuscrit Philidor (source de la musique instrumentale), ce ballet fut donné en présence du roi à Saint-Germain, et réimprimé en 1638, chez Robert Quinet, sous le titre : Le Grand ballet de Monsieur, frère unique du Roy, dansé devant Sa Majesté et devant monseigneur l’éminentissime duc de Richelieu.
Il compte trente-et-une entrées retraçant l’histoire de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne : Pierre de Provence est parti accomplir de hauts faits d’arme, pour se rendre plus digne des bonnes grâces de la belle Maguelonne, sa maistresse, la laisse dans le château de Handolialy, proche de Monstamoulice, ville capitale du royaume des Andoüilles. Comme elle n’avait là que de fort mauvais diverstissements, ayant été conviée par Niflezest, la reine du Royaume des Andoüilles, à passer queluyes mois dans sa cour, elle y alla, et y fut reçue avec des magnificences ordinaires à cette grande Reine. Elle décide de l’accompagner dans un voyage qu’elle entreprend pour se désennuyer : le but en est la ville de Tours, réputée une des plus belles qui soit sous le soleil. La première bouffonnerie montre l’arrivée à Tours des deux héroïnes avec leur suite. La seconde montre l’arrivée inopinée de Pierre de Provence, auréolé de la gloire de ses combats. Maguelonne décide alors de lui offrir un ballet ; c’est à l’issue de ce divertissement que la reine Niflezest les mariera. (CMBV)
Son Altesse Royale Gaston d’Orléans dansait ce ballet entouré d’autres gentilshommes. Il y était tour à tour un proclameur (première entrée) et un capitaine des gardes. Le comte de Brion (*) représentait d’abord un afficheur, puis, avec le marquis de Maulevrier, deux cuisiniers. On y voyait la Divine bouteille, des esclaves, deux femmes de chambre, un fol et une folle, un baladin, deux muletiers ivres, le gouverneur ses singes. Le Juif errant s’exprimait en ces termes : Salamalec, ô rocoha Jatau y a Tihilaco amaté lieb its on bogh gros… Pour le confort des spectateurs, le Juif errant avait un interprète en la personne du sieur Tristan (le poète Tristan l’Hermite, familier de la cour de Gaston). Des musiciens professionnels interprétaient des rôles chantés mais on n’a pas trace de leurs noms. Quantité de valets du duc représentaient chacun successivement au moins deux rôles dont celui de Pierre de Provence, dévolu à un certain sieur Henaut. Les rôles féminins étaient, selon la coutume du temps, interprétés par des hommes : les sieurs de la Tour et Picot jouaient deux femmes de chambre, le sieur de l’Ardenay une folle, le sieur Sauvage Niflezest, reine des Andouilles. (CMBV)
(*) François-Christophe de Levy, ou Levis-Ventadour (mort en 1661), avait été d’abord désigné sous le nom de Brion, ou comte de Brion ; il était alors premier écuyer de Gaston d’Orléans, avec qui il conserva d’étroites relations. Il fut créé duc de Damville, ou d’Amville, après la mort de son oncle maternel, Henri II, duc de Montmorency.
Marolles raconte dans ses Mémoires : S.A.R. dansa ce ballet à Tours, où elle étoit arrêtée pour l’amour d’une fille nommée Louise Roger, d’une famille honorable, et dont le bruit a couru qu’il eut depuis un fils naturel, lequel il n’a pas encore légitimé : il y eut les meilleurs danseurs de Franc, avec des gens de qualiuté, tels le comte de Brion, le marquis de Maulevrier, & les sieurs de Chabot, depuis duc de Rohan, Craf Anglois, Langeron, Souville & qulques autres.
On a conservé quatre airs de Moulinié, contenus dans le Cinquième livre d’Airs de cour à quatre et cinq parties, édité chez Ballard en 1639, ainsi que trente-et-une entrées orchestrales anonymes.
Récit de la divine Bouteille : Mortelz je suis cette bouteille Qu’une liqueur vermeille A mis au rang de vos divinitez : Veillez prester un peu l’oreille Je vous diray de belles veritez. Depuis que par des sacrifices Tous saulpouldrez despices, A ma bonté Nyflezest a recours : Les andouilles & les saulcisses En ses estats prosperent tous les jours. Sa cour ne verse plus de larmes Comme au temps des alarmes, Ou l’on rompoit ses sujéts aux genoux : Des chevaliers y sont en armes Pour luy donner des passe-temps plus doux. Récit d’un Juif errant : Salamalec o rocoha, Ia ta fia tihilaca : Amate liebitz on boch gros, Car volust & fata vor os. Vor no caba a casana Et etentas qui piachera, No quiero bor tangro & qui tab Sed drinquen sempré gou serab. Air de la Ridicule : Rompez les charmes du sommeil, O beautez qui brillez comme fait le Soleil, Quand le jour est encore a naistre ! Il faut qu’a ce doux bruit Vous paroissiez a la fenestre Pour aveugler la nuict. Que vos appas sont ravissants ! Ils charment les humains qui sont privez de sens, Leur pouvoir n’eust jamais d’exemple : Vous attaignez au coeur, Et tout mortel qui vous contemple S’en va mourant de peur.
Cet air est appelé « Sérénade grotesque » dans le livret imprimé en 1638 ; il prenait vraisemblablement place, dans le ballet, au moment de l’arrivée à Tours de Pierre de Provence et accompagnait sa première déclaration d’amour à la belle Maguelonne.
Recit de la grande musique (la Musique du Roi), pour l’Amour accompagné des Grâces, d’Hymen et des Muses : Amants qui m’accusez au plus fort de vos peines De rigueurs inhumaines, Cessez de plaindre vos malheurs Ma clemence est divine, Je donne mile fleurs Pour une espine. Il faut benir l’Amour au fort de la torture, Et languir sans murmure, Ce dieu fera tarir vos pleurs : Sa clemence est divine, Il donne mile fleurs Pour une espine.
Les entrées instrumentales étaient en principe des danses figurées ; la première entrée était intitulée Son Altesse ; la Pavane ridicule avait peut-être un rapport avec la sérénade Rompez les charmes, encore que sa place en 26e entrée l’éloigne beaucoup de la pièce vocale. Les 22ème, 23ème et 24ème entrées, combats de piques, de rondache et combat à cheval s’inscrivent dans la tradition ancienne des tournois. L’entrée d’un avocat et deux notaires (27ème entrée) séparait la Pavane ridicule de la 28ème entrée, Les vieux gaulois. La belle Maguelonne apparaissait avec son écuyer dans la 29ème, avec sa suite dans la 30ème et la dermière entrée était consacrée à la grande chaîne finale.
Les trois premières entrées étaient consacrées à l’exposition du ballet, les entrées 4 à 15 à la suite de la reine Niflezest, ls entrées 16 à 24 à l’arrivée de la belle Maguelonne, les entrées 25 à 30 à la rencontre des fiancés Pierre et Maguelonne, la dernière à la conclusion du mariage.
Représentations
Galerie basse du château de Versailles – 18 novembre 2000 – Le Poème Harmonique – dir. Vincent Dumestre – sept entrées orchestrales