COMPOSITEUR | Louis de MOLLIER |
LIBRETTISTE | Charles de Beys |
Mascarade à deux parties, inventée, dirigée et financée par le Grand Chambellan, le duc Henri II de Lorraine, duc de Guise (*).
(*) Henri II de Guise, né et mort à Paris (1614 – 1664), archevêque de Reims à quinze ans. Il dirigea la république royale de Naples, puis fut prisonnier des Espagnols jusqu’en 1652. Revenu à Paris, il devint Grand chambellan de Louis XIV.
Une représentation privée eut lieu entre le 6 et le 9 février 1657, avant une représentation devant le roi dans la grande salle du Louvre, le 11 (selon Loret) ou le 12 (selon la Gazette) février 1657, avec le duc de Guise parmi les danseurs.
Seuls quelques gentilhommes subalternes participèrent à l’exécution, les danseurs professionnels étant en majorité.
Les vers sont de Charles de Beys (*), la chorégraphie de Pierre Beauchamps, l’orchestre de la Bande des Vingt-Quatre Violons.
(*) Charles de Beys, auteur dramatique et poète français, ami de Scarron, né à Paris en 1610 et mort le 26 septembre 1659, auteur de pièces dont L’Hospital des fous (1637)
La Gazette relate : Le 12, le ballet du duc de Guise, appelé les Plaisirs interrompus, fut dans é au mêe lieu (la Grande salle du Louvre), avec cet éclat que ce prince sait donner à tout ce qu’il entreprend.
Loret de son côté, dans la Muze historique du 17 février 1657, écrit :
Ce ballet assez éclatant Dont dans Paris on parle tant, Et dansé par monsieur de Guise, De ce mois l’onzième jour Fut le spectacle de la cour.
Les deux Majestés l’admirèrent, Et de grand cœur considérèrent Tout ce que contenait de beau Ce ballet pompeux et nouveau.
Le prince, chef de cette danse, Où l’or brillait en abondance, Faisant en cette occasion Une grande profusion, Exigea, de la voix publique, Que vraiment il est magnifique.
La plus grande part des habits Étaient de gaze et de tabis, Et brodés jusqu’aux aiguillettes De diamants et de paillettes.
Le récit de Gros et de Donc Était charmant s’il en fut onc ; Tous les airs étaient de Molière, Qui d’une si belle manière Prit plaisir à les composer Qu’on ne les saurait trop priser.
D’Olivet, avec des figures, Pas, naïvetés et postures, Montra son talent peu commun, Et fit avouer à chacun Que, depuis Paris jusqu’à Rome, Il n’est point de si plaisant homme.
Enfin, ce ballet est un champ Où l’incomparable Beauchamp Par de merveilleuses souplesses, Élévations et justesses, Si hautement capriola Qu’il fut proclamé ce jour-là Par toute la noble assistance Pour le meilleur danseur de France.
L’oeuvre est considérée comme une riposte au succès de Lully, renouant avec la tradition du ballet de cour à la française ; elle coûta très cher (12 000 écus) et fit l’objet d’avis partagés.
On dispose du texte manuscrit copié par Philidor l’aîné, en 1705.
Synopsis
Une troupe des plus habiles musiciens, revenant ensemble du Ballet du Roy, proposent de se divertir entre eux, et pour surprendre plus agréablement leur voisinage, se rendent chez Fortier et Bourgeois (1), qui leur prêtent des habits de masques, dont, afin d’être moins connus, le sieur Le Gros (2) se déguise sous l’habit du Plaisir, le sieur Donc l’aîné sous celui de Bontemps, les sieurs de Mollier, Tissu, Vincent (3), Itier (4), Couprain (5), Garnier, Martin, Beauchamps (6), et Donc le cadet (7), sous les habits du Jeu et autres ses suivants, et en ce plaisant équipage, vont donner une sérénade aux belles du quartier.
(1) marchands et fournisseurs à la mode
(2) célèbre chanteur dans les ballets du Roi
(3) chanteur et théorbiste – voir Vincent
(4) Itier (ou Ytier), gendre de Mollier
(5) un des frères Couperin, Louis, François ou Charles
(6) Pierre Beauchamp, né à Versailles le 30 octobre 1631 et mort à Paris en février 1705. D’une famille de maîtres de danse, il avait débuté en 1648, dans le Ballet du dérèglement des passions.
(7) famille de chanteurs, dont le nom connaît de nombreuses variantes (Don, Dom, Dun)
Entrée 1 – A peine ont-ils commencé ce divertissement qu’ils sont interrompus par quatre Laquais (Raynal, du Pron, La Marre, Dejan) qui leur font une querelle et les font fuir à coups de pelotes de neige.
Entrée 2 – Mais pendant que les fripons se réjouissent entre eux d’voir troublé le plaisir des autres, ils sont payés de la même monnaie par leur Maître (Beauchamp) qui, outré de colère de se voir abandonné ainsi par ses valets, leur apprend à se rendre un peu plus assidus à leur service.
Entrée 3 – Quatre écoliers (Bonart, Brouart, Chaudron, Varin), au retour de l’école, se mettent à jouer, au lieu d’employer leur temps à l’étude.
Entrée 4 – Ils sont surpris par leur Pédant (Dolivet) dont la mine leur glace le coeur, et change ce moment de joie en pleurs.
Entrée 5 – Trois servantes (Février, La Pierre, Sibert) se réjouissent d’avoir fait ferré la mule (8), et faisant ensemble leur mardi-gras, s’entretiennent des moyens d’augmenter les profits d’un si doux métier.
(8) ferrer la mule : acheter une chose pour quelqu’un, et la lui compter plus cher qu’elle n’a coûté.
Entrée 6 – Elles aperçoivent leur vieille Dagorne, leur maîtresse (De Lorge), qui leur demande compte, et leur fait rendre ce qu’elles pensaient avoir si bien et si dignement gagné.
Entrée 7 – Trois Galants et trois Coquettes (D’Heureux, La Valée, Le Fèvre, Boncour, Mongé, Thoury) se croisent à l’abri des importuns, et goûtent paisiblement les douceurs de leur amoureuse intelligence. Ils sont découverts par leurs trois vieux maris jaloux (Beauchamp, Dunc le cadet, Chandoure) qui les contraignent de se séparer.
Entrée 8 – Le Bassa de Natolie (marquis de Séguier) qui célèbre au milieu de son harem (de Mollier, Degan, Saint-Fré, De Lorge, La Marre, Saint-André) sa nomination au poste de Bassa d’Égypte, est épouvanté de vir arriver un Aga (duc de Guise), suivi de quatre Janissaires (chevalier de la Marthe, chevalier de Fourbin, M. de Fercour, Raynal) et de quatre eunuques noirs et muets (M. de Novion, chevalier de Haute-Feuille, chevalier de Requissan, Verbec), qui vient, de la part du Grand Seigneur, lui demander sa tête, en raison de ses excessives richesses ; ce qui convertit en pleurs et en désespoirs la joie que ses femmes avaient de le voir arriver à cette nouvelle dignité (9).
(9) allusion au roman de Mlle de Scudéry, « Ibrahim ou l’illustre bassa », où Ibrahim, bassa de Natolie est étranglé sur l’ordre de Soliman, après avoir joui de sa faveur.
Seconde partie
Récit
Quelques Bourgeois, avertis du mariage d’une vieille avec un adolescent, s’assemblent, et leur font, le soir de leur noce, un charivari (10), dont la douceur touche agréablement les oreilles des mariés et de leurs voisins.
(10) charivari composé par De Lorge et joué par une dizaine de musiciens
Entrée 1 – Quatre Filous (chevalier de la Marthe, chevalier de Fourbin, M. de Fercour, Raynal) profitent d’une si belle occasion, et vengent les mariés de cette interruption de leur aise, et ôtent aux railleurs jusqu’à leur chemise.
Entrée 2 – Les filous se partagent leur butin, mais leur joie finit par l’épouvante que leur donne l’arrivée imprévue d’un Prévôt (Février) et de quatre Archers (Beauchamp, De Lorge, Degan, Chandoure). A peine ont-ils le temps de favoriser leur fuite par leur résistance contre les coups et la force des dignes représentants de la force publique.
Entrée 3 – Un marchand du Palais (Dolivet) se présente à sa boutique et s’en va en ville porter la monstrueuse quantité de galants (11) dont il fait un considérable débit.
(11) nœuds de rubans
Entrée 4 – A peine sorti de chez lui, il tombe das une mortelle affliction par la douloureuse nouvelle que lui annoncent deux Colporteurs (Donc et La Marre) qui, criant l’édit de réformation des habits, le contraignent de fermer boutique.
Entrée 5 – Deux Païsans (Beauchamp, Raynal) et deux Païsannes (Anse, Vaignac) pleinement satisfaits de l’abondance de l’année dernière, goûtent innocemment le plaisir d’une bonne récolte.
Entrée 6 – A peine ont-ils commencé de sentir la douceur de leur petite fortune qu’ils voient leur joie troublée par la terrible arrivée d’un maréchal des logis et de quelques cavaliers (Verbec, Saint-Pré, Dupron, Mongé, Saint-André) venus là faire le logement et l’étape de trois fois autant de gens de guerre qu’il en peut contenir dans le village et les maisons de ces malheureux.
Entrée 7 – Quelques demoiselles du Marais, jouissant ensemble, avec leurs plus fidèles confidens, du fruit de la dernière journée, sont contraintes de quitter cette plaisante société par l’alarme et la terreur que leur donne l’importante recherche de deux Commissaires (Pétigny, Février) accompagnés de deux Clercs (Donc le Cadet, Chandoure), qui, pour faire cesser les plaintes du voisinage, se transportent dans cette honnête maison, qu’ils trouvent abandonnée au bruit de leur venue. Et après en avoir dressé procès-verbal, s’emparent soigneusement de tout ce qui s’y rencontre de plus précieux et de plus facile transport.
Entrée 8 – Atabalipa, roy du Pérou (duc de Guise), se réjouissant d’avoir succédé son frère, au milieu des Indiens (chevalier de la Marthe, chevalier de Fourbin, M. de Fercour, Raynal) et des Indiennes (Mollier, de Lorge, Degan, La Marre), n’a pas encore achevé les cérémonies de son couronnement, est surpris de la descente des Espagnols sur ses terres, dont il apprend la nouvelle par trois espions (Beauchamp, Dolivet, de Lorge) détachés de l’armée qui, pour mieux connaître le pays et l’état de sa cour, y paraissent comme des amis et se mêlent agréablement à son divertissement.
Sarabande
Livret disponible sur livretsbaroques.fr