Ballet des Saisons

COMPOSITEUR Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Isaac de Bensérade

 

Ballet à neuf entrées (LWV 15), sur un texte d’Isaac de Bensérade, dansé par le roi, à Fontainebleau, le 23 juillet 1661, ainsi que les 26 et 30 juillet, 3, 11, 16 et 23 août 1661.

Il avait été préparé par le comte de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la Chambre du roi, qui avait fait appel pour les décors à Carlo Vigarani. Il se dansa en plein air, à la tombée de la nuit, au bord d’un étang, dans un théâtre mobile qui s’avança de façon invisible jusqu’au spectateurs.

Selon Castil-Blaze, le nombre de costumes nécessaires au ballet aurait atteint neuf cents.

Le Roi incarna Cérès et le Beau Printemps, Henriette d’Angleterre – dite Madame, épouse de Monsieur, frère du roi, depuis le 30 mars – Diane, Mlle de La Vallière (*), nouvelle favorite, une Nymphe, le comte de Guiche et Monsieur des Vendangeurs.

(*) Louise Françoise de La Baume Le Blanc de La Vallière, alors âgée de dix-sept ans, fille d’honneur d’Henriette d’Angleterre

Hilaire Le Puis, dite Mlle Hilaire, fille d’un cabaretier du Bel-Air, tenait le principal rôle récitant, celui de la Nymphe de Fontainebleau. Elle ne percevait que trois cents livres par an, ce qui ne l’empêcha pas de s’enrichir et de provoquer la jalousie de Mlle de Sacarmanan l’aînée, auteur du quatrain suivant :

 

Trois cents livres, c’est une somme.

Voyez Hilaire, elle paya

Laquais, carrosses avec cela…

Il est vrai qu’elle est économe !

 

C’est dans ce ballet que le danseur Pierre Deschars aurait fait ses débuts, lors d’une reprise au début des années 1680.

Le livret fut imprimé par Robert Ballard.

  La Bibliothèque nationale de France conserve une copie de la partition recueillie par Philidor l’Aîné en 1689.

 

Castil-Blaze commente dans L’Opéra Italien de 1546 à 1856 :

« Neuf cents habits neufs avaient été faits pour le Ballet des Saisons.

Quoique Louis XIV affectionnât particulièrement le rôle du Soleil, il faisait de légères excursions dans l’emploi des comiques, et même dans celui des jeunes premières. Il représenta la blonde Cérès dans le Ballet des Saisons. Les moissonneurs qui figuraient avec elle étaient messeigneurs de Saint-Aignan, de Vertpré; MM. Lulli, Bruneau ; les sieurs Beauchamps, Raynal, Lecomte el Lapierre.

C’est à la première représentation de ce ballet que la blonde Cérès devint amoureuse de La Vallière, une de ses nymphes. Cette moissonneuse n’avait à dire qu’un seul couplet : mais quatre vers forment un rôle important lorsque l’actrice en sait tirer parti.

« Cette beauté depuis peu née, Ce teint et ces vives couleurs, C’est le printemps avec ses fleurs Qui promet une bonne année.

Ce printemps si frais, si joli, tint beaucoup plus qu’il ne semblait promettre.

Mlle Hilaire Le Puis chantait le rôle principal du Ballet des Saisons : celui de la nymphe de Fontainebleau. »
« Le Roi y dansa avec cette grâce qui accompagnait toutes ses actions, et cet air de maître qui, même sous le masque, le faisait remarquer entre les courtisans les mieux faits. Le comte d’Armagnac (*) et le marquis de Villeroy (**), et Rassan, ne lui faisaient pas de tort. » (Abbé de Choisy – Mémoires)

(*) Louis de Lorraine, comte d’Armagnac, grand écuyer, grand sénéchal de Bourgogne

(**) Nicolas de Neufville, marquis, puis duc et maréchal de Villeroy, gouverneur de Louis XIV

 

Touchard-Lafosse, dans ses Chroniques secrètes et galantes de l’Opéra raconte :

En 1661, ce poète (Bensérade) fit jouer les Saisons à la cour, tandis que Corneille faisait représenter, par les comédiens du Marais, sa très médiocre comédie de la Toison d’Or. Un jour Benserade et mademoiselle Scudery, les beaux esprits de l’époque, devisaient malicieusement de cette pièce, devant Lafontaine, le bon esprit du temps.

– L’auteur baisse, dit avec fatuité le poète courtisan ; il serait fort à plaindre s’il n’avait que sa toison pour vêtir sa réputation.

– Charmant ! charmant ! s’écria la maîtresse de Pelisson en éclatant de rire… Mais riez donc aussi, ajouta-t-elle en voyant que l’illustre conteur gardait son sérieux.

– Je ne ris jamais de Corneille, répondit-il.

– Parlons de vos Saisons, reprit mademoiselle Scudéry en s’adressant àBensérade… Je ne connais rien de plus aimable, de plus gracieux… Qu’en pensez-vous, Lafontaine ?

– Ce que je pense du ballet des Saisons?… On y grelotte : c’est un hiver en quatre personnes ; et monsieur serait bien heureux s’il avait seulement la Toison de Corneille pour réchauffer ses saisons.

L’observation du fablier était juste ; mais Benserade avait pour lui la faveur, qui n’a jamais tort.

Il poursuit à propos de Marie Mancini :

Mademoiselle de Mancini, nièce du cardinal Mazarin, avait représenté une muse dans le ballet des Saisons; voilà quel fut son lot rémunérateur :

Celte petite muse, en charmes, en attraits.

N’est à pas une inférieure ;

Aussi pas une jamais

N’eut l’esprit et le sein formés de si bonne heure.

La future duchesse de Colonne trouva le compliment très délicat, surtout en considérant que mademoiselle de La Vallière, que l’infidèle Louis lui préférait, n’était pas à beaucoup près aussi favorisée qu’elle quant à l’objet le plus substantiel du panégyrique de Benserade.

 

 Synopsis détaillé

Ouverture des Bergers

Entrée 1 – six Faunes apparaissent suivis de concertants qui dansent, puis font place à la Nymphe de Fontainebleau (joué par Mlle Hilaire) qui chante un Récit

Entrée 2 – Diane (jouée par Madame) et les Nymphes (dont une jouée par Mlle de La Vallière)

Entrée 3 – le Printemps représenté par un jardin orné de fleurs et de parterres d’où Flore sort suivie de quatre Jardiniers

Entrée 4 – l’Eté représenté par un champ semé d’épis de blé. Cérès (joué par le Roi) suivie de huit Moissonneurs (dont un joué par Lully), après un concert champêtre

Entrée 5 – un vignoble couvert de grappes de raisin et de fruits d’automne. Quatre Vendangeurs (dont Monsieur) et quatre Vendangeuses

Entrée 6 – l’Hiver, tout couvert de glaces et de neiges. Six Galants impatients de quitter la campagne et retrouver la Ville

Entrée 7 – sept Masques apportent un Momon. Récit des masques (chanté par Le Gros).

Entrée 8 – un Jardin o&ugrve; le Printemps (joué par le Roi), suivi du Jeu (joué par Lully), du Ris, de la Joie et de l’Abondance, règne à jamais

Entrée 9 – les neuf Muses (dont une jouée par Mlle de Mancini), guidées par Apollon et par l’Amour, viennent s’établir à Fontainebleau, accompagnées des sept Arts libéraux, de la Prospérité, de la Santé, du Repos, de la Paix et des Plaisirs.
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Partition : édition de James P. Cassaro, James R. Anthony et Rebecca Harris-Warrick et Albert Cohen chez Georg Olms Verlag