COMPOSITEUR | Jean-Baptiste LULLY |
LIBRETTISTE | Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière |
Comédie-mascarade (LWV 20) de Molière en trois actes, représentée au Louvre, dans l’appartement bas de la reine-mère, le 29 janvier 1664, accompagnée d’un ballet de Lully dans lequel le roi dansa un rôle d’Égyptien. Il y eut deux représentations au Louvre, suivies de deux chez Madame, au Palais Royal.
Selon une légende apparue au XVIIIe siècle, dans une recueil d’anecdotes, la pièce fut inspirée à Molière par l’histoire du comte de Grammont qui avait séduit une lady Hamilton en lui promettant le mariage, mais qui oublia sa promesse une fois son objectif atteint. Au moment de s’embarquer pour revenir en France, les frères de la lady abandonnée le rattrapèrent à Douvres et lui crièrent : Comte de Grammont ! n’avez-vous rien oublié à Londres ? Ce à quoi le comte répondit : Pardonnez-moi, j’ai oublié d’épouser votre soeur, et j’y retourne avec vous, pour finir cette affaire.
Elle fut reprise au Théâtre du Palais royal, à partir du 15 février, « avec le ballet et les ornements ». La musique était de Lully, la chorégraphie de Beauchamp et les costumes réalisés par le tailleur Baraillon. Le Ballet comportait trois actes.
Une reprise eut lieu au Théâtre du Palais royal en février 1668, sans le ballet ni la musique, afin de servir de complément de programme à Amphitryon. C’est sous cette forme qu’elle fut publiée par Molière la même année.
Parmi les danseurs figuraient le Roi et M. de Villeroi, costumés en Égyptiens, M. de Saint-Aignan. Molière était Sganarelle, La Thorillière Géronimo, Brécourt et du Croisy, masqués, les docteurs Pancrace et Marphurius, Louis Béjart Alcantor, La Grange Alcidas, la Du Parc Dorimène, Madeleine Béjart et Catherine de Brie deux Egyptiennes.
Chaque acte se terminait par un ballet qui était un prolongement de l’action. Le chant, la danse et la musique instrumentale y avait une importance à peu près égale à celle de la pièce proprement dite.
Mlle Hilaire chanta le Récit de la Beauté dans la deuxième scène (*), Destival chanta le Récit d’un Magicien dans la troisième entrée, Anna Bergerotti, Giuseppe Chiarini, Bordigoni, Jon. Agustin, Taillavaca et Angelo Michaël chantèrent le Concert espagnol dans la quatrième scène de l’acte III. Jean-Baptiste Lully figura dans la septième entrée Le Charivari grotesque.
(*) Sganarelle, reste seul… Il se plaint, après le discours de sa maîtresse, d’une pesanteur de tête épouvantable, et se mettant dans un coin pour dormir, voit une femme représentée par Mademoiselle Hylaire qui chante ce récit : Si l’Amour vous soumet à des lois inhumaines…
Jean Loret, dans La Muze historique, décrivit ainsi la représentation :
Sur le soir, une Comédie/Très abondante en mélodie/Sujet parfaitement joly/Où les sieurs Molière et Lully/Deux rares Hommes, ce me semble/Ont joint leur talent ensemble/Lully payant d’accord divers/L’autre d’intrigues et de Vers/Cette pièce (dis-je) galante/Qui me parut toute charmante/Et de laquelle à mon avis/Les Spectateurs furent ravis/Fut joüée avec excélence/Devant cette noble Eminence./Ces deux Filles qui par leurs voix/Ont charmé la cour tant de fois/Sçavoir Mademoizelle Hilaire/Qui ne sçaurait chanter sans plaire/Et La-Barre qui plainement/Dompte les coeurs à tout moment/Par le rare et double avantage/De son chant et de son vizage/Joüérent si bien leur rolet/Dans la Pièce et le Balet/Remeplis d’agréables mélanges/Que , certainement leurs voix d’anges/Furent dans ces contentemens/Un des plus doux ravissemens.
Chaque acte se terminait par des entrées de ballet :
Acte I
Première entrée : la Jalousie, les Chagrins et les Soupçons, avec Dolivet et Desbrosses
Seconde entrée : Quatre Plaisants ou Goguenards, avec le comte d’Armagnac, Beauchamp
Acte II
Troisième entrée : Deux Egyptiens et quatre Egyptiennes, avec le Roi et le marquis de Villeroy,
Quatrième entrée : Un magicien fait sortir quatre démons, avec Beauchamp
Acte III
Cinquième entrée : Un maître à danser vient enseigner une courante à Sganarelle, avec Dolivet,
Sixième entrée : deux Espagnols et deux Espagnoles,
Septième entrée : un Charivari grotesque, avec Jean-Baptiste Lully,
Huitième entrée : Quatre Galants cajolant la Femme de Sganarelle, avec M. le Duc, le duc de Saint-Aignan, Beauchamp
Elle fut reprise deux fois au Louvre, puis deux fois chez Monsieur, frère du Roi, puis au Palais Royal le 15 février 1664, pour douze représentations. Les recettes couvraient difficilement les frais liés aux nombreux danseurs et musiciens.
Elle fut reprise à Versailles, le 13 mai 1664, le dernier jour de la fête des Plaisirs de l’île enchantée.
Le texte est en majeure partie perdu ; on ne dispose que la réduction en un acte, et sans ballets, réalisée par Molière pour une nouvelle reprise en 1668, pour accompagner Amphytrion.
La pièce fut toutefois mise en vers par un anonyme, en 1674.
En 1672, elle reparut sous la forme d’une comédie-ballet en trois actes, mais Molière ayant rompu avec Lully, Charpentier composa une nouvelle musique et Beauchamp dressa une nouvelle chorégraphie.
La BNF conserve la partition de 1664 copiée par l’atelier de Philidor.
Com. de Moliere, en un Ac. en pro. On remarque dans cette piece plus de bouffonneries que d’art & d’agrément ; la scene en est irréguliere, & les personnages y viennent presque tous au hazard. Elle fut représentée la premiere fois au Louvre le 29 Janv. 1664, & étoit accompagnée d’un Ball. du même titre, où Louis XIV. dansa. Elle parut ensuite sans Divert. sur le Thé. du Palais Royal, le 15 Fév. suivant. Cette piece se trouve dans le troisieme vol. des OEuv. de Moliere : on a prétendu qu’il en avoit pris l’idée du fameux Comte de Grammont, qui fut presque forcé d’épouser Mlle Hamilton. Elle a été mise en vers par un anonyme en 1674. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)
Synopsis
La comédie raconte l’histoire de Sganarelle, vieux célibataire qui a décidé de se marier avec une jeune fille. Il n’écoute pas les conseils de son ami Géronimo qui tente de l’en dissuader. Mais après avoir découvert que la jeune fille est une coquette qui veut se marier pour avoir pleine liberté d’agir à sa guise, il craint d’être cocu s’il se marie et se met en quête de conseils (acte I). Il consulte successivement deux philosophes, dont il ne peut rien tirer, deux Egyptiennes (bohémiennes) qui se rient de lui lorsqu’il leur demande s’il sera cocu, et un magicien qui, plutôt que de lui répondre clairement, fait surgir des démons qui lui font les cornes (acte II). Décidé à renoncer au mariage, il annonce à son futur beau-père qu’il retire sa parole, mais celui-ci envoie son fils qui, fort poliment, donne à Sganarelle le choix entre se battre en duel, recevoir des coups de bâton ou se marier: les coups de bâton le forcent bien vite à accepter le mariage (acte III)
Le Site Lully de Marie-Pierre Blanchardie : présentation, synopsis
Représentations :
Comédie Française – 9, 10, 11, 13, 14, 16, 17, 18, 20, 22, 24, 25, 28, 30 avril, 5, 6, 7, 8, 10, 12, 14, 15, 16, 17, 19, 22, 25, 28, 29 mai, 1er, 6, 8, 11, 14, 17, 19, 22, 26 juin, 1er, 6, 10, 12 juillet 2005 – Théâtre de Caen – 9 au 12 novembre 2005 – Les Arts Florissants – dir. William Christie, Kenneth Weiss ou Béatrice Martin – mise en scène Jean-Marie Villégier et Jonathan Duverger – chorégraphie Wilfride-Piolle, Jean Guizerix – scénographie Jean-Marie Abplanalp – costumes Patrice Cauchetier, Jean-François Gobert – lumières Frank Thévenon
Classica – juin 2005 – 6 mai 2005
« Jean-Marie Villégier et William Christie ne veulent plus parler d’Atys ou de Médée, jalons d’une dramaturgie baroque qui leur doit tant. Ils n’ont pas tort : le talent souffle dans les cases où les paresseux du jugement aiment à le circonscrire. Il ne faut donc pas attendre de ces deux comédies de Molière et Lully une resucée du Malade imaginaire ou de Rodelinda. Villégier et Jonathan Duverger jouent avec des sources d’inspiration contemporaines et c’est avec une jubilation contagieuse que L’Amour Médecin, comédie des deux Baptiste, distribue ses clins d’oeil au baroquisme avant de lorgner vers Jarry et Ubu, dans un comique – parfois inquiétant – de conte de fée lysergique.
La deuxième partie du spectacle, Le Sicilien, est entièrement d’obédience cinématographique: comédie musicale des fifties, Cage aux Folles, Iznogood ou Rita Hayworth, les références s’accumulent, mais avec tant de malice et de finesse qu’on est ébloui par la patte de l’homme de théâtre supérieur. Villégier fait mouche là où on ne l’attend guère, et s’affirme autrement efficace que bien des quarantenaires aux lourds tics postmodernes ou déconstructivistes. Ici chaque mimique, regard et attitude, scintille de sens divers, au grand bonheur d’une salle qui rit souvent à ces comédies pourtant posées sur des canevas classiques.
Proprement inouï s’avère le travail de l’ensemble des comédiens du Français qui chantent, dansent et jouent la comédie avec un art digne de ce que devait être celui des comédiens de l’Illustre théâtre. Puisqu’on ne peut tous les citer, choisissons le médecin de Guillaume Galienne, la vamp d’Elsa Le poivre et le Français façon Michel serrault de Laurent Stocke. Après le sublime travail de B. lazar et Vincent Dumestre sur le Bourgeois Gentilhomme, ce mariage des deux Baptiste entrant au répertoire du Français est une réussite que les Arts Flo, subtilement placés sur une estrade en fond de scène, ne font que magnifier après tant de décennies de musique de scène souvent laborieuses. Ce serait être inutilement snob que de faire la fine bouche devant la qualité et un tel plaisir, surtout pour le prix, bien raisonnable, qu’il vous en coûtera. »
ConcertoNet
« A la Renaissance, Le Pogge posait déjà la question : un vieux doit-il se marier ? Dans la comédie-ballet de janvier 1664, donnée dans l’appartement bas de la Reine Mère, au Louvre, Molière explore le côté burlesque de la question. Un » vieux « , Sganarelle, croit conclure une bonne affaire en se mariant. Le parti est joli, et lui-même se trouve pas mal du tout. Mais les remords l’envahissent quand il s’aperçoit, du fond de sa niaiserie, que la jeune demoiselle n’a pas trouvé d’autre moyen pour sortir du carcan familial. D’autant plus que sa petite cassette tintinnabulante pourra toujours servir : elle est autant visée par la future épouse que la fragilité de cette vieille carcasse. Entre élan et frilosité, le vieux ne sait que faire. Certains cauchemars ‘ joués réellement sur la scène ‘ s’ajoutent à ses craintes : » Les songes sont comme des miroirs « . Il consulte alors trois personnages ridicules, un scolastique, un sceptique, et un magicien. Aucun n’esquisse l’ombre d’une réponse malgré la prolixe rhétorique dont ils font preuve. Il doit lui-même se rendre à l’évidence : c’est lui le dindon de la farce. Malgré toutes ses protestations, il sera bien obligé de se marier.
Dans un espace réduit, Nicolas Vaude met très habilement en scène cette petite farce, où les deux personnages principaux, Nicolas Marié (le bien nommé) et Dominique Daguier font merveille. Toutefois le reste du spectacle n’est pas toujours à la hauteur. Les danses paraissent décalées, de même que certains autres comédiens. Dans de courtes et rares interventions les musiciens réunis par Olivier Baumont font preuve d’engagement et apportent un heureux complément à la pièce. »
Berne – septembre 2000 – Erato Ensemble Fribourg
Festival d’Ambronay – Chapelle de Jujurieux – 25 septembre 1999 – Versailles – Théâtre Montansier – Automne Musical du Château – 18 septembre 1999 – Ensemble Instrumental – dir. et clavecin Olivier Baumont – mise en scène Nicolas Vaude – chorégraphie Véronique Elouard – costumes Pascale Bordet – lumières Christian Drillon – avec Nicolas Marié (Sganarelle), Dominique Daguier (Geronimo, le Magicien, Alcantor), Stéphane Höhn (Marphurius, Alcidas, Lycaste), Laurent Collard (Pancrace), Anne Malraux (Dorimène, une Egyptienne), Delphine Collot (La Beauté, une Egyptienne), Véronique Elouard, Luis Gomez (danseurs)
« A la Renaissance, Le Pogge posait déjà la question : un vieux doit-il se marier ? Dans la comédie-ballet de janvier 1664, donnée dans l’appartement bas de la Reine Mère, au Louvre, Molière explore le côté burlesque de la question. Un » vieux « , Sganarelle, croit conclure une bonne affaire en se mariant. Le parti est joli, et lui-même se trouve pas mal du tout. Mais les remords l’envahissent quand il s’aperçoit, du fond de sa niaiserie, que la jeune demoiselle n’a pas trouvé d’autre moyen pour sortir du carcan familial. D’autant plus que sa petite cassette tintinnabulante pourra toujours servir : elle est autant visée par la future épouse que la fragilité de cette vieille carcasse. Entre élan et frilosité, le vieux ne sait que faire. Certains cauchemars – joués réellement sur la scène – s’ajoutent à ses craintes : » Les songes sont comme des miroirs « . Il consulte alors trois personnages ridicules, un scolastique, un sceptique, et un magicien. Aucun n’esquisse l’ombre d’une réponse malgré la prolixe rhétorique dont ils font preuve. Il doit lui-même se rendre à l’évidence : c’est lui le dindon de la farce. Malgré toutes ses protestations, il sera bien obligé de se marier.
Dans un espace réduit, Nicolas Vaude met très habilement en scène cette petite farce, où les deux personnages principaux, Nicolas Marié (le bien nommé) et Dominique Daguier font merveille. Toutefois le reste du spectacle n’est pas toujours à la hauteur. Les danses paraissent décalées, de même que certains autres comédiens. Dans de courtes et rares interventions les musiciens réunis par Olivier Baumont font preuve d’engagement et apportent un heureux complément à la pièce. » (ConcertoNet)