Fête donnée par Louis XIV à Versailles, le soir du 18 juillet 1668, pour fêter le traité d’Aix-la-Chapelle.Contrairement à celle des Plaisirs de l’île enchantée, en mai 1664, qui s’était étendue sur une semaine, le Grand divertissement royal ne dura qu’une soirée. Il fut en revanche largement ouvert au public qui put ainsi admirer les nouvelles merveilles des jardins de Le Nôtre.Le duc de Créquy, premier Gentilhomme de la Chambre, avait été chargé de la Comédie, le maréchal de Bellefond, premier Maître-d’hôtel, de la collation et du souper, Colbert des décorations et du feu d’artifice. Vigarani fut chargé du théâtre pour la comédie, Gissey d’accommoder un endroit pour le souper, et Le Vau un endroit pour le bal.André Félibien (*) a laissé une description dans Relation de la feste de Versailles du 18e juillet 1668(*) André Félibien, né à Chartres en 1619, mort à Paris en 1695, nommé historiographe du Roi en 1666, puis secrétaire de l’Académie royale d’architecture en 1671.
Les portes furent ouvertes à six heures, et le Roi partit en promenade avec la Reine et toute la Cour. Ils firent le tour du grand parterre, admirèrent la fontaine du Dragon, entourés de quatre Amours sur des cygnes, puis arrivèrent au Bosquet de l’Étoile, carrefour de cinq allées, avec une fontaine au centre d’un bassin bordé de verdure. Cinq tables y étaient dressées pour une collation (viandes froides, massepains et pâtes sucrées, confitures, liqueurs, caramels). Du milieu des tables, s’élevait un jet d’eau de dix mètres de haut.Dans les allées étaient disposés des sièges de verdure permettant d’admirer les arbres fruitiers : orangers du Portugal, cerisiers et bigarrotiers, abricotiers, pêchers, groseillers de Hollande, poiriers.Le Roi abandonna ensuite les tables au pillage, puis la Cour se rendit jusqu’au bassin de la Fontaine des Cygnes, et traversa l’Allée royale pour remonter à l’emplacement du futur bassin de Saturne, où Vigarani avait aménagé un théâtre pouvant accueillir douze cents personnes en amphithéâtre, et plus encore au parterre. La scène était caché par une toile qui ne fut levée que lorsque le Roi se fût installé sur un haut dais au milieu du parterre, découvrant un jardin d’une beauté extraordinaire.
À l’entrée, des Satyres portaient sur leurs têtes des corbeilles pleines de fleurs. Plus loins, deux terrasses de marbre blanc environnaient un canal. dans lequel des masques dorés et des vases de bronze doré déversaient de l’eau. A une extrémité du canal, douze jets d’eau et formaient autant de chandeliers, et à l’autre, on voyait un superbe édifice en forme de dôme.A l’ouverture, quatre Bergers (Beauchamp, Saint-André, La Pierre, Favier), accompagnés de quatre autres Bergers jouant de la flûte (Descouteaux, Philbert, Jean et Martin Hotteterre), entraînent dans leur danse un riche paysan préoccupé par son mariage dont il est mal-satisfait. Deux Bergères, Climène (Mlle Hilaire) et Cloris (Mlle Desfronteaux) se joignent à eux. Elles sont abordées par leurs amants Tircis (Blondel) et Philène (Gaye), et ils font tous les quatre une scène en musique. Les deux Bergers sont repoussés, et se retirent l’âme pleine de peine, laissant la place à la comédie proprement dite.
Le sujet est celui d’un riche paysan, qui s’est marié à la fille d’un gentilhomme de campagne, et ne reçoit que du mépris de son épouse, et de son beau-père et de sa belle-mère, qui ne l’avaient pris pour leur gendre qu’à cause de ses grands biens. A la fin du premier acte, une Bergère tente sans succès d’intéresser le paysan au sort des deux Bergers éconduits. Cloris vient faire une plainte sur la mort de son amant. A la fin du deuxième acte, la Bergère lui annonce que Tircis et Philène ont été sauvés par six bateliers (Jouan, Beauchamp, Chicanneau, Favier, Noblet, Mayeu). Ces derniers dansent pour fêter la récompense qu’ils ont reçue.Au troisième acte, le paysan est au comble de la douleur du fait des mauvais traitements de sa femme. Un de ses amis l’entraîne dans uen fête des Bergers. La scène change et on ne voit plus que de grandes roches entremêlées d’arbres. Cloris, puis Climène chantent, pendant que les Bergers dansent. Elles sont rejointes par leurs amants, et tous chantent le pouvoir de l’amour. On voit s’approcher un rocher depuis le fond, sur lequel est assise la troupe de Bacchus, composée de quarante Satyres, dont un (d’Estival) revendique les droits de Bacchus. Un combat s’ensuit entre les Bergers, qui cantent l’Amour, et les Satyres, qui chantent la boisson. Un Berger (Le Gros) s’interpose et fait valoir que l’Amour et le Vin peuvent faire bon ménage. Les Bergers se mêlent aux Satyres pour un ballet final, réunissant plus de cent personnes, jouant, dansant et chantant.
La musique Lully suscita des louanges : le sieur Lully a trouvé le secret de satisfaire et de charmer tout le monde ; car il n’y a rien de si beau ni de mieux inventé.
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Après le spectacle, le Roi et la Cour traversèrent l’Allée royale pour gagner le futur emplacement du Bassin de Flore, où Gissey avait élevé un édifice octogonal de cinquante pieds de haut, surmonté d’un dôme, tout couvert de feuillage et rempli d’une infinité de lumières. A l’intérieur, un grand rocher surmonté du cheval Pégase, était entouré d’une table de soixante couverts, pour le service des dames. Le Roi prit place, ainsi que Monsieur, et les dames qui avaient eu l’honneur d’être choisies. A proximité, sous une tente, se tenait la table de la Reine, et huit autres tables de vingt (ou plus) couverts, présidées par la comtesse de Soissons, la princesse de Bade, la duchesse de Créquy, la maréchale de la Motte, Madame de Montausier, la maréchale de Bellefonds, la maréchale d’Humières, et madame de Béthune. Il y avait bien d’autres tables, dont trois pour les Ambassadeurs, près de la Grotte de Thétis. Après le dîner, la Roi emmena la Cour à deux cents pas, et passa sous le portique qui donnait sur le salon de verdure illuminé, et aménagé en salle de Bal.
À la sortie du bal, Gissey avait prévu une illumination du château, puis un feu d’artifice tiré depuis la Tour de la pompe près de l’étang de Clagny.
Le Roi et la Reine, ainsi que la Cour quittèrent Versailles pour St Germain en Laye, et seul le Dauphin resta à Versailles.