Ballet des Amours déguisés

COMPOSITEUR Jean-Baptiste LULLY
LIBRETTISTE Isaac de Bensérade / Octave de Périgny

 

Ballet à quatorze entrées, mêlées de récits et de danses, et un prologue (LWV 21) , sur un texte d’Isaac de Bensérade et Octave de Périgny (1625 – 1670).

Musique de Jean-Baptiste Lully et de Michel Lambert (notamment le dialogue de Marc-Antoine et Cléopâtre dans la seconde entrée).

Il fut dansé par le roi, le 13 février 1664, au Palais Royal, puis repris les 16, 18 février, 23, 25 mars 1664.

Le prologue fut récité par trois comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, alors Grand Comédiens du Roi, et rivaux directs de la troupe de Molière : Floridor (Mercure), Mlle des Oeillets (Pallas), Mlle de Montfleury (Vénus).

La reine Marie-Thérèse y fit une brève apparition en Proserpine, la comtesse de Soissons, Mademoiselle de Nemours, la duchesse de Sully, la duchesse de Créquy, la duchesse de Luynes, Madame de Foix y tinrent le rôle des Amours déguisés en compagnes de Proserpine, le duc de Sully, le marquis de Villequier, le marquis de Villeroy les Amours déguisés en Jardiniers, le Roi Renaud, héros du Tasse, le comte d’Armagnac Pluton, Monsieur un Dieu marin, Mmes de Montespan une Nymphe maritime, le duc de Guise Agamemnon, Lully un Goujat.

Ce fut la seule fois où la reine, peu douée pour la danse, participa à un ballet.

Mlle de La Vallière, qui relevait de sa première grossesse, ne put y participer.

Selon les Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie-Rabutin, marquise de Sévigné, sa fille Françoise-Marguerite, future comtesse de Grignan, alors âgée de dix-sept ans, était au nombre des Amours déguisés en Nymphes maritimes, avec mademoiselle d’Elbœuf, madame de Montespan et madame de Vibraye : Benserade termine les vers qu’il fit pour elle, à cette occasion, par un compliment à sa mère :

 

Pour mademoiselle de Sévigny, Amour déguisé en Nymphe maritime.

Vous travestir ainsi, c’est bien être ingénu ,

Amour ! c’est comme si, pour n’être pas connu ,

Avec une innocence extrême,

Vous vous déguisiez en vous-même.

Elle a vos traits, vos feux, et votre air engageant,

Et, de même que vous, sourit en égorgeant.

Enfin, qui fit l’une a fait l’autre,

Et, jusques à sa mère, elle est comme la vôtre.

Loret, dans sa Gazette, a fait une description pompeuse de la première représentation de ce ballet, qui eut lieu dans le milieu de février 1664. On voit, par son récit, que les grands de la cour y figuraient avec les acteurs et les actrices les plus renommés, avec

L’excellent acteur Floridor,

Qui vaut mieux que son pesant d’or,

La célèbre Desœillets

Et du sieur Monfleury la Fille (*)

(*) c’est-à-dire Mlle Dennebaut ou d’Ennebaut (Françoise Jacob, épouse d’Ennebaut). Floridor jouait Mercure, Mlle Desoeillets Pallas et Mlle Dennebaut Vénus

Après avoir, selon son usage, commencé par l’éloge du roi, de Monsieur, des reines, des princesses, Loret en vient aux filles d’honneur, et termine tous ces éloges par celui de mademoiselle de Sévigné.

J’ai pensé faire une folie

En oubliant cette jolie,

Cette pucelle Sévigny,

Objet de mérite infini.

Certes, moi qui l’ai deux fois vue

De divers agréments pourvue,

Et d’une très-rare beauté ,

Aux ballets de Sa Majesté,

Si quelqu’un s’en venait me dire,

Et fût-ce le roi notre sire :

As-tu rien vu de plus mignon?

Je lui dirais hardiment : Non.

 

On apprécia les changements de théâtre surprenants préparés par Carlo Vigarani, notamment la destruction du palais d’Armide et l’apparition de « la ville de Troye toute en feu ».

En 1702, Danchet et Campra utilisèrent des extraits dans les Fragments de Lully, pour la deuxième entrée Les Guerriers, et la quatrième Les Bohémiens.

 

Ball. composé d’un Prologue en vers, & de quatorze entrées mêlées de récits & de danses ; des Auteurs l’attribuent à Benserade, & d’autres au Président de Perigny ; la musique étoit de Lully. Il fut dansé par le feu Roi le 13 Février 1664. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

 

 Synopsis

Un combat entre les Arts et les Vertus qui suivent Pallas, et les Grâces et les Plaisirs qui suivent Vénus. Mecure leur propose de prendre le Roi comme arbitre. Pallas fait valoir à vénus que le Roi, par toutes ses actions, est de son côté. Vénus réplique en chargeant Mercure de réunir tous les amours du monde. Mais craignant qu’il ne puisse les reconnaître tous, lui montre les déguisements qu’ils peuvent prendre.

Dialogue de Pallas, Vénus et Mercure

Entrée 1 – de la grotte de Vulcain sortent huit Amours déguisés en Forgerons

Entrée 2 – la mer avec un combat naval – les Rameurs de Marc Antoine, qui suit Cléopâtre, sont des Amours déguisés. Le Gouveneur d’Egypte s’apprête à accueillir sa Reine. Récit de Marc Antoine (chanté par Blondel) et Cléopâtre (chanté par Mlle Hilaire)

Entrée 3 – danse des Amours déguisés en Rameurs

Entrée 4 – Vénus fait paraître aux yeux de Mercure les jardins de Cérès, et lui fait voir une troupe d’Amours qui, pour livrer plus aisément Proserpine (joué par la Reine) à la passion de Pluton, ont pris l’habit et le visage de ses compagnes

Entrée 5 – d’autres Amours déguisés en Jardiniers, présentent à Proserpine des bouquets qui endorment celle-ci sur un lit de gazon

Entrée 6 – Pluton, se servant d’une occasion si favorable, sort des Enfers et vient enlever la Nymphe endormie. Mais Vénus fait remarquer à Mercure que ce dieu souterrain, craignant que les démons qui l’accompagnent d’ordinaire ne sûssent pas garder en cette occasion tous le respect dû aux beautés de Proserpine, avait emprunté le secours de six Amours qu’il avait fait vêtir de sa livrée pour le suivre en cette expédition – Concert de Bergers – Récit champêtre

Entrée 7 – dans l’avenue du Palais enchanté d’Armide, des Amours déguisés en bergers tâchent par leur chant et le ton de leurs instruments, à retenir Renaud (joué par le Roi) auprès de la beauté dont il est aimé. Mais ce Guerrier détrompé, n’écoute que la Gloire qui l’appelle et suit constamment les deux bons Chevaliers qui sont venus le délivrer de cette agréable prison

Entrée 8 – une autre bande d’Amours sous l’habit des Nymphes de Flore se présentent dans la même intention et n’ont pas un meilleur succès quoi qu’elles étalent à l’envi les beautés de leu visage et l’agrément de leur danse

Récit italien d’Armide (chanté par la signora Anna Bergerotti) qui se plaint et s’emporte contre les Amours qui l’ont si mal servie et les chasse de son Palais, qu’elle détruit en un moment

Entrée 9 – une troupe de petits Amours sortent en hâte du palais détruit, encore vêtus de leurs déguisements

Entrée 10 – des Sauvages de la Colchide, surpris de la beauté d’une Machine qu’ils voient descendre le long de leur fleuve, témoignent leur joie par une danse

Entrée 11 – Vénus fait venir Isiphile, qui fut chèrement aimée de Jason, mais qui, abandonnée par lui, s’est résolue de quitter sa couronne pour venir le chercher. Les Dieux marins et les Nymphes maritimes qui l’accompagnent sont autant d’Amours déguisés qui ont pris ce déguisement pour lui faire traverser les mers avec plus d’assurance

Entrée 12 – Vénus fait paraître à Mercure la ville de Troie toute en feu, avec des Guerriers tenant un dard d’une main et de l’autre un flambeau. On apprend que ce ne sont pas des Grecs qui ont embrasé la ville mais des Amours mutinés à la sollicitation de Ménélas qui se sont engagés à le remettre en possession d’Hélène. Combat des Grecs, dont Agamemnon, et des Troyens. Junon triomphante qui hait les Troyens et et est bien aise de leur ruine, chante un Récit (chanté par Mademoiselle de Cercamanan)

Entrée 13 – quatre Soldats et quatre Goujats (dont un joué par Lully), sortis des maisons voisines de la place, se querellent sur le partage de leur butin et forment un combat ridicule

Entrée 14 – les Amours déguisés en Grecs, après avoir exterminé le reste des Troyens et pris le château de Priam, viennent danser la dernière entrée.

 

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  Partition : édition de James P. Cassaro, James R. Anthony et Rebecca Harris-Warrick et Albert Cohen chez Georg Olms Verlag