COMPOSITEUR | Jean-Benjamin de LABORDE |
LIBRETTISTE | Pierre Laujon |
Tragédie lyrique, sur un livret en trois actes de Pierre Laujon, représentée le 13 juin 1763 au château de Choisy, devant le Roi et la Reine.Un ballet-pantomime, Médée et Jason, sans lien avec la tragédie, avait été inséré dans le second acte, que Gaëtan Vestris avait rapporté de Vienne, et dont il avait arrangé la chorégraphie originale de Noverre, avec une nouvelle musique de Laborde.L’ouvrage fut jugé trop chargé de musique et sans un grand intérêt, mais le ballet fut très apprécié. Papillon de La Ferté nota : On a aussi été fort satisfait des décorations. Quant aux habits, tout le monde est convenu qu’on n’en avait jamais vu de plus beaux et de meilleur goût. Le roi se déclara enchanté, et demanda une nouvelle exécution pour le 16 juin, pour laquelle il fit venir la famille royale de Versailles. Mais elle n’eut pas lieu, Sophie Arnould s’étant déclarée incapable de chanter après le décès de son fils, âgé de onze ans.L’ouvrage fut repris à l’Académie royale, le 11 décembre 1770, toujours avec le ballet pantomime Médée et Jason.Distribution : Gelin (Azaris, roi d’Euricôme), Legros (Isménias, envoyé des Dieux), Larrivée (Thémisthée, père d’Isménias, grand Sacrificateur), Mlle Beaumesnil (Ismène), Mlle Rosalie (la Prêtresse du temple de l’Indifférence, l’Amour), Mlle Vincent (une Bergère), Ombres d’amants malheureux, de Médée, de Jason, de Créuse, la Jalousie, la VengeanceLouis-René Boquet avait dessiné les costumes, dont on serve vingt dessins :
On jugea la musique triste et presque toujours vers le bas, manquant de chaleur ; les artistes mauvais : Legros chantait faux, Mlle Beaumesnil avait une voix de chat. Le ballet Jason et Médée sauva toutefois le spectacle. Le baron Grimm, dans sa Correspondance littéraire, philosophique et critique, relate : On donna le 11 décembre dernier, sur le théâtre de l’Opéra, la première représentation d’Ismène et Isménias, tragédie lyrique en trois actes, tirée en partie du roman grec de ce nom par M. Laujon, secrétaire des commandemens de monseigneur le comte de Clermont, prince du sang. Je conviens que je n’ai rien compris au poëme de M. Laujon , et que je n’ai eu nulle envie d’y rien comprendre. Il a été musiqué par M. de La Borde, premier valet de chambre du roi, amateur et garde-magasin de doubles croches suivant la cour. Cet opéra a fait fortune par le ballet de Jason et Médéc qu’on y a cousu, non tel qu’il a été donné à Vienne par les soins de Noverre, mais tel qu’il a pu être imité par Vestris qui a dansé à Vienne dans ce ballet de Noverre. Il fallait en conserver au moins la musique qu’on dit superbe ; mais M. de La Borde a mieux aimé y substituer la sienne sans génie et sans goût. Vestris n’a pas observé une autre chose aussi essentielle que la musique : c’est que dans les ballets de Noverre la danse et la marche cadencée sont très-distinctes ; on ne danse que dans les grands mouvemens de passion, dans les momens décisifs ; dans les scènes on marche en mesure à la vérité, mais sans danser. Ce passage de la marche mesurée à la danse et de la danse à la marche mesurée, est aussi nécessaire dans ce spectacle que, dans celui de l’Opéra, le passage du récitatif à l’air et de l’air au récitatif ; mais danser pour danser ne peut avoir lieu que lorsque la pièce en danse est finie. Voilà les élémens de ce spectacle qui fit de si grands prodiges chez les anciens, et dont M. Noverre a ressuscité l’idée dans les cours d’Allemagne. Son imitateur Vestris, n’ayant pas pris garde à ces élémens, m’a paru avoir fait un ballet sans aucun effet. Malgré cela, la nouveauté du spectacle l’a fait réussir et a attiré beaucoup de monde à l’Opéra. Les uns ont dit que c’était beau, les autres que les contorsions de Vestris-Jason étaient ridicules, et celles de Médée-Allard effroyables. Créuse-Guimard, après avoir été empoisonnée dans ce ballet par sa rivale, a dansé dans le troisième acte comme simple bergère, en robe si élégante que nos dames ont quitté le domino de carnaval pour danser en robes à la Guimard. Ce n’est pourtant autre chose qu’une robe retroussée avec élégance sur un jupon d’une autre couleur. La première invention en est due aux actrices de la Comédie Italienne qui ont joué les rôles de l’opéra comique avec ces habits; mademoiselle Guimard, ou son décorateur, n’a fait qu’y ajouter beaucoup de pompons, d’agrémens et de guirlandes. La Revue de Paris (1836) se fit aussi l’écho de cette reprise : Le 10 décembre 1770, on représente Ismène et Isménias, de Laujon et Laborde ; plusieurs scènes de Médée et Jason, ballet pantomime, sont intercalées dans cette tragédie lyrique. Cet intermède, que l’on peut regarder comme une imitation de celui d’Hamlet, devait faire connaître à Ismène tous les malheurs que l’amour peut causer. Laujon se fit honneur de cette idée dramatique et nouvelle pour la France; Laval père et fils, maîtres des ballets de l’Opéra, recevaient les complimens qu’on leur adressait pour avoir mis en scène une composition qui s’éloignait de la route battue, quand on apprit que l’intermède si remarquable était un fragment pris à Médée et Jason, ballet d’action de Noverre, qu’on représentait à Stuttgard et à Vienne depuis six mois. Ismene et Isménias avaient complètement ennuyé le public ; mais la pantomime de Noverre fut applaudie avec fureur. Les rôles de Jason, de Médée, de Creuse, étaient remplis par Vestris, Mlles Allard et Guimard. Vestris parut sans masque et cela ne pouvait être autrement : jouer la pantomime avec un visage de carton eût été par trop ridicule. Vestris étonna tout le monde par l’énergie de son exécution, non-seulement comme danseur, mais comme acteur. On le trouva parfait de vérité, d’expression, de variété dramatiques. On eût désiré voir Mlle Heinel dans un des deux rôles de femmes ; la majesté de sa taille, la belle nature de son jeu, eussent mieux convenu à l’un et à l’autre que la taille épaisse et courte de la première danseuse, ou la danse coquette et maniérée de la seconde. Mlle Allard avait pourtant une vigueur de jarret, un œil dur et enflammé, qui caractérisaient assez bien les fureurs d’une femme jalouse. Ismène et Isménias avait été joué pour la première fois à Choisy, sept ans auparavant, et sans aucun succès. Vestris quitta le masque pour jouer la pantomime, et le reprit ensuite dans les opéras, quand il figurait comme danseur. De même Bachaumont, dans ses Mémoires secrets : Mardi on a donné sur le théâtre de l’Opéra la première représentation d’Ismène et Isménias, tragédie lyrique, exécutée pour la première fois à Paris, mais jouée en 1763 à Choisy, devant le roi, avec un médiocre succès. Le poëme, du sieur Laujon , est dénué de tout intérêt, fort embarrassé dans sa marche, et prête peu à l’appareil du spectacle que doit fournir un ouvrage de ce genre. La musique, du sieur La Borde, est excellente comme production d’un amateur, mais n’a pas de même cette chaleur qu’on admire et qu’on ressent dans les compositions des grands maîtres. Elle est triste, presque toujours dans le bas, peu d’airs chantans ou de symphonie ; quelques morceaux assez agréables, mais plus propres pour la Comédie Italienne, et qui, par leur disparate avec l’ensemble, font une dissonance qui révolte les moins connaisseurs. Selon les Mémoires et correspondance littéraires, dramatiques et anecdotiques de Charles Favart : « Ismène et Isménias » a paru faire plaisir à la cour, mais principalement le ballet, qui est de la composition du sieur l’Any. C’est la « Catastrophe de Médée et Jason », mise en action : le même sujet a été traité par le sieur Noverre, mais avec beaucoup de supériorité, au rapport de tous ceux qui en ont été spectateurs. Édition chez Delormel en 1770.Ismène et Isménias inspira une parodie intitulée Minon Minette. SynopsisThémistée, père d’Isménias et grand-sacrificateur, félicite son fils d’avoir été choisi pour annoncer la fête de Jupiter. Il l’avertit de fuir l’amour, et que, si son cœur se livre aux attraits de ce sentiment, un châtiment sévère l’attend à son retour. Cependant, le jeune homme n’a pu voir Ismène, princesse d’Euriôme, sans l’aimer. Elle éprouve pour lui les mêmes sentimens; mais ils implorent l’un et l’autre les secours de la déesse de l’Indifférence, pour vaincre une passion qui doit leur être fatale. La déesse retrace à leurs yeux les funestes effets de l’amour dans les malheurs de Médée, de Jason et de Créuse. Malgré le sort de ces amans malheureux, Ismène et Isménias ne peuvent retenir l’aveu mutuel de leur amour, et leurs efforts sont inutiles pour combattre cette passion. Cependant le Roi d’Euriôme, qui doit épouser Ismène, vient l’enlever dans le temple de Diane, et la conduit aux pieds de l’autel où doit se célébrer leur himen. Lorsqu’ils sont prêts à s’unir, Isménias déclare hautement son amour pour la princesse. Le roi, transporté de fureur et de jalousie, fait enchaîner cet amant téméraire, et ordonne qu’il périsse ; mais les prêtres étant près de l’immoler, sont arrêtés par l’Amour ; et le tout se termine à la satisfaction des deux amans.
(Annales dramatiques, ou dictionnaire général des théâtres)
Synopsis détaillé
La scène est à Euricôme
Acte I
Sc. 1 – Dans le temple de Jupiter, Thémisthée annonce à Isménias qu’il a été choisi pour annoncer la fête solennelle de Jupiter. Isménias promet d’être fidèle à son serment de triompher de l’Amour.Sc. 2 – Isménias, seul, se demande s’il pourra vaincre son amour pour Ismène.Sc. 3 – Ismène vient, à la tête de la jeunesse d’Euricôme, rendre hommage à Isménias. Puis, la suite d’Ismène se retire.Sc. 4 – Ismène s’interroge sur l’attitude d’isménias. Celui-ci répond qu’il a vu en songe l’Amour affirmer sa puissance face à Jupiter, et qu’il craint de lui céder. On entend une symphonie, annonçant l’arrivée du peuple.Sc. 5 – Thémisthée annonce à Ismène qu’elle a été choisie comme reine. Ismène réserve sa réponse au roi. Elle souhaite éprouver le coeur d’Isménias. Premier divertissement : Jeunes filles d’Euricôme – avec Mlles Dupérey, Dervieux, NielSecond divertissement : Peuples d’Euricôme – avec GardelPendant le divertissement, Ismène et Isménias paraissent plongés dans une rêverie, dont ils ne sortent que pour s’observer mutuellement. Azaris, le roi d’Euricôme survient et confirme la décision du peuple, ainsi que son amour pour Ismène. Il demande au peuple de célébrer sa beauté. Ismène refuse le trône, et sort. Azaris la suit.Sc. 6 – Thémisthée annonce à Isménias qu’il lui revient de célébrer les noces d’Azaris et Ismène. Isménias ne peut cacher sa douleur. Thémisthée le presse de serment, et annonce la vengeance des dieux. Thémistée finit par convaincre Isménias de voler où la gloire l’appelle.
Acte II
Des bois consacrés à Diane, sous le titre de Déesse de l’Indifférence, avec dans le fond, un temple qui lui est consacréSc. 1 – La prêtresse de l’Indifférence et le choeur se félicitent de vivre sous le règne de l’Indifférence.Sc. 2 – Ismène vient pour briser ses fers et se délivrer de l’Amour. Il lui faut être admise par la Déesse. Ils rentrent dans le temple.Sc. 3 – Isménias survient à son tour, mettant ses espoirs dans la déesse, et tentant de rentrer dans le temple.Sc. 4 – Dans le temple, Ismène est prête à prononcer ses voeux, au milieu des Prêtresses qui tiennent le voile qu’elles lui destinent. Isménias, de son côté, voit le temple s’ouvrir. Ismène et Isménias s’aperçoivent et s’interrogent mutuellement. La Prêtresse et le choeur les pressent de persister dans leur intention, et, pour les convaincre, le Prêtresse retrace à leurs yeux les malheurs de Médée, Jason et Créuse. Sc. 5 – Une place publique de la ville de Corinthe, avec d’un côté le palais de CréonBallet de Médée et Jason : Mlle Allard (Médée), Vestris (Jason), Mlle Guimard (Créuse), Mlle Peslin (la Jalousie), Mlle Asselin (la Vengeance), Dupré (le Désespoir), Delaistre, Leger, Rosgier (trois Divinités infernales), Peuples de Corinthe, Suivants de Jason, Suite de Créuse, Mongaultier, Mlle Granier (les deux enfants de Médée), Suite de la JalousieLa Prêtresse annonce que la Déesse va parler par sa bouche. A Isménias elle annonce que seule Ismène pourra apaiser son coeur. A Ismène, elle annonce qu’elle doit combattre son amour. Sc. 6 – Isménias et Ismène s’avouent leur amour mutuel. Mais Ismène lui rappelle que ses voeux à la Déesse ont été acceptés. Elle s’apprête à renouveler ses voeux, lorsque survient le Roi. Sc. 7 – Azaris se plaint à Ismène et tente de s’opposer à ses voeux. Il décide d’aller dans le temple fléchir la Déesse. Sc. 8 – Le temple s’ouvre. La Prêtresse met Azaris en garde contre la colère de la Déesse. Puis conseille à Ismène de céder à l’amour d’Azaris. Sc. 9 – Ismène pénètre dans le temple et retrouve Azaris. Celui-ci demande à Isménias de préparer leurs noces.
Acte III
Le temple de Jupiter. Un autel préparé pour l’hymen d’Azeris et IsmèneSc. 1 – Ismène se lamente. Sc. 2 – Thémisthée est satisfait, mais Isménias a peine à croire à la décision d’Ismène. Une symphonie annonce la fête de Jupiter. Sc. 3 – Azaris et Ismène arrivent ensemble, et se rendent au temple. Des Bergers et Bergères apportent leurs offrandes sur l’autel.Premier divertissement : Bergers et Bergères – avec Gardel, Mlle Guimard, Simonin, Mlle Duperey ; Pastres et Pastourelles – avec Delaistre, Mlle Allard, Mlle Peslin, Malter, Mlle Pitrot ; Peuples – avec Mlle Asselin Isménias invite à rendre hommage à Jupiter. Il montre le tableau de Jupiter dans la cabane de Philémon et Baucis. Azaris s’impatiente. Ismène invite Isménias à d’implorer les bienfaits du Dieu pour elle. Isménias, mal assuré, les yeux baissés, appelle Ismène. Mais celle-ci sent ses forces l’abandonner. Azaris la conduit à l’autel. Azaris et Ismène commencent à échanger des serments. Isménias interrompt Ismène et tombe dans les bras de Thémisthée. Ismène lui avoue qu’elle a cédé à Azaris uniquement pour le protéger. Azaris accuse Isménias de trahison et le menace de mort. Il ordonne d’enchaîner Isménias à l’autel et de le tuer. Ismène les supplie. On entend gronder le tonnerre. Azaris et les Sacrificateurs l’interprètent comme la colère de Jupiter. Les sacrificateurs confient la hache sacrée à Thémisthée, mais il est sans force. Au moment où ils vont immoler Isménias, la suite de l’Amour apparaît dans un nuage. L’Amour ordonne aux sacrificateurs d’arrêter. Il annonce à Ismène et Isménias qu’ils pourront goûter les plaisirs de l’hymen, et à Azaris qu’il étaient les feux qui le portaient vers Ismène. Second divertissement : Plaisirs et Jeux, qui se joignent aux Peuples et aux Bergère qui rendent hommage à l’Amour.
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Représentations :
Choisy-le-Roi – Auditorium du Conservatoire – 1er, 2, 3 avril 2011 – VIème Festival d’Opéra de Chambre de Choisy-le-Roi – dir. Jocelyne Dovillez – mise en scène Laurent Austry et Pierre Kuzor – chorégraphie Guillaume Jablonka – costumes Françoise Ollivier et Didier Robert – décors Frank Mercky – lumières Rémy Dimnet – chef de chant des choeurs Javier Toyas et Patricia Joly – avec François-Nicolas Geslot (Isménias), Sophie Albert (Ismène), Laurent Herbaut (Thémistée), Philippe Scagni (Azaris), Jenny Navarro (La Prêtresse de l’Indifférence et Amour), Guillaume Jablonka (danseur)