COMPOSITEUR | Antoine DAUVERGNE |
LIBRETTISTE | Jean-François Marmontel |
ORCHESTRE | Les Talens lyriques |
CHOEUR | Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles |
DIRECTION | Christophe Rousset |
Hercule | Andrew Foster-Williams | |
Déjanire | Véronique Gens | |
Hilus | Emiliano Gonzalez-Toro | |
Philoctète | Edwin Crossley-Mercer | |
Dircé, une Thessalienne, une captive | Jaël Azzaretti | |
La Jalousie, Jupiter | Alain Buet | |
Le Grand-Prêtre de Jupiter | Jennifer Borghi | |
Un Thessalien | Romain Champion |
DATE D’ENREGISTREMENT | 19 novembre 2011 |
LIEU D’ENREGISTREMENT | Versailles – Opéra royal |
ENREGISTREMENT EN CONCERT | oui |
EDITEUR | Aparte |
DISTRIBUTION | |
DATE DE PRODUCTION | 23 octobre 2012 |
NOMBRE DE DISQUES | 2 |
CATEGORIE |
Critique de cet enregistrement dans :
Forum Opéra
« De Dauvergne l’on pourrait dire ce que Pie VII dit de Napoléon lorsqu’il eut compris combien l’empereur était bon acteur, dans tous les registres. Alors qu’on se souvient surtout aujourd’hui de son opéra-comique Les Troqueurs, Dauvergne n’en fut pas moins un très grand compositeur de tragédies lyriques, et c’est peut-être par ce versant-là de son œuvre qu’il convient aujourd’hui de l’aborder. Quand il fit jouer cet Hercule mourant en avril 1761, il avait déjà composé dans la même veine plusieurs drames très appréciés : Enée et Lavinie (1758), Canente (1760) et Polyxène (1763 ; des extraits furent donnés en octobre 2011 à Versailles) ; viendraient plus tard Linus (1769, jamais joué) et Callirhoé (1773). Son maître Rameau venait de donner Les Paladins l’année précédente, et il lui restait à composer Les Boréades en 1764 (œuvre mise en répétition, mais jamais représentée). Avec Hercule mourant, nous sommes encore pleinement dans le modèle ramiste, avec cette construction dramatique rigoureuse, ces airs où les personnages explorent leurs propres sentiments et cette musique fastueuse des grandes scènes avec chœurs et ballets. Ayant une solide connaissance du genre depuis ses débuts jusqu’à ses derniers soubresauts, de Lully (Roland, Persée, Bellérophon, Phaéton) à Sacchini (Renaud) en passant par Rameau (Zoroastre), Christophe Rousset sait conduire le discours de la tragédie lyrique vers son inexorable conclusion, non sans donner à entendre au passage quelques splendides pages orchestrales magnifiées par les Talens Lyriques (la foudre tombant sur le bûcher d’Hercule, par exemple, ou la chaconne belliqueuse qui conclut l’opéra).
Tel Tartuffe, Hercule n’apparaît qu’au troisième acte de la pièce, avec un superbe air d’introspection scandé par des accords qui font avancer le discours ; il disparaît ensuite durant tout le quatrième acte, pour revenir en force au cinquième, qu’il domine entièrement. Andrew Foster-Williams est un puissant Hercule, mais toujours avec cette petite tendance à en faire trop qui le pousse à émettre parfois des sonorités nasales, à aller un peu trop loin dans la volonté d’expressivité. Le baryton franco-irlandais Edwin Crossley-Mercer n’a pas de ces excès, son timbre a moins de noirceur, mais on attendra de l’entendre dans un rôle plus développé pour juger de ses talents. Emiliano Gonzalez Toro a exactement l’étoffe voulue pour les rôles de haute-contre à la française ; à Hilus revient le « récit de Théramène » par lequel nous est contée l’agonie du héros, avant même que celle-ci ne se termine en apothéose au dernier acte. On remarque dans les divertissements le timbre gracieux du ténor Romain Champion (il était Atys dans la version de l’opéra de Lully dirigée par Hugo Reyne), sans oublier Alain Buet dans les épisodiques apparitions de la Jalousie et de Jupiter.
A ces messieurs répond une belle palette de voix féminines : timbre virginal et pur de Julie Fuchs, qui n’exclut pas la dimension sombre du personnage de Iole ; agilité et diction incisive de Jaël Azzaretti ; noblesse et maturité de Véronique Gens, incomparable dans ces rôles qui n’ont plus de secret pour elle, comme l’ont assez montré les trois disques Tragédiennes, et qui les aborde désormais avec une liberté excluant toute raideur ; âpreté trémulante de Jennifer Borghi, mezzo américaine qui n’a ici qu’une scène à interpréter, mais qu’on risque de beaucoup entendre à l’avenir, tant dans le répertoire de la fin du XVIIIe siècle (Renaud de Sacchini, Thésée de Gossec) que dans les cantates du Prix de Rome, puisque sa voix a su plaire aux responsables du Palazzetto Bru Zane, qui lui confient aussi le soin de défendre les opéras de Catel ou de Spontini. «
Classica – février 2013 – appréciation 4 / 4
« Avec Hercule mourant, son cinquième et avant-dernier ouvrage lyrique composé pour l’Académie royale de musique, Dauvergne tente d’apporter un nouveau souffle à la tragédie lyrique guidé par le poème du jeune Marmontel. Cette volonté d’un « sublime tragique » tombe hélas trop souvent dans le pathétique en raison d’un livret peu habile qui juxtapose l’emphase aux intermèdes dansés. Cet adieu à Lully et à Rameau, quelques années avant que la réforme de Gluck ne vienne tout chambouler, exige des chanteurs capables de donner vie à ce « récitatif continuel », pour citer une critique de l’époque. Le plateau réuni autour de Christophe Rousset possède toutes les quaalités requises pour atténuer les petites faiblesses de l’ouvrage, lequel demeure autrement plus réussi que La Vénitienne. Véronique Gens dégage une aura stupéfiante dès son premier récitatif. Foster-Williams, la voix cuivrée, incarne un Hercule d’exception (l’autorité d’ « Arbitre des destins» !), et l’Hilus d’Emiliano Gonzalez Toro, habitué des productions des Taalens Lyriques, impose sans diffficulté sa présence et son français sans faille.
La mise en place irréprochable des nombreuses suites de danses, tout comme l’entrée trépidante des cordes au début du quatrième acte, sont à mettre à l’actif de Christophe Rousset qui dirige tout ce beau monde depuis le clavecin. Le compositeur ne pouvait espérer recréation aussi luxueusement défendue. »
Diapason – décembre 2012 – appréciation 4 / 5
« C’est à un exercice assez étrange que se livre Benoît Draatwicki dans le texte de présentation de cet Herrcule mourant : relatant sa création en 1761 à l’Académie royale de musique, l’auteur cite d’abondance les commentaires par lesquels celle-ci fut accueillie. Soit une démolition en règle où chacun y va sans vergogne de sa dose de fiel: » Les plaisants disent [ … ] qu’il faut jeter tout l’opéra dans le bûcher du cinquième acte », » Et le poème et la musique ne valent pas la peine qu’on en parle « , » En un mot, on convient assez unanimement qu’Hercule mourant est mort », etc. Du coup, il est permis de s’interroger : n’aurait-il pas mieux valu ressusciter Canente ou Enée et Lavinie, du même Dauvergne, dont les contemporains soulignaient la supériorité ? Si les erreurs de la critique sont légion tout au long de l’Histoire, dans le cas présent, ni le concert de novembre 2011, ni l’enregistrement qui en est l’écho, n’apparaissent comme la rééparation d’une injuste méprise.
Le musicien et son librettiste Marmonntel s’en tiennent, tardivement, aux codes de la tragédie lyrique, animés d’une inspiration brillant avec intermitttence. Les danses (nombreuses et convenues) alternent avec de longs récitatifs et des airs manquant souvent de relief, Ouelques instants flattent l’oreille: le joli duo Iole-Hilus au début du II, l’entrée d’Hercule au III et la » symphonie guerrière » qui suit, la prière de Déjanire au début du IV puis l' » Alcide expire » d’Hilus, Mais il faut vraiment attendre le dernier acte pour que les orages du drame tournent sur un texte sans génie.
Alors ne blâmons pas les interprètes, tout dévoués à une cause perdue d’avance. Bien que trop souvent cantonnée à la déclamation, la Déjanire de Véronique Gens est un monument de noblesse blessée. Sous un muscle impressionnant, l’Hercule d’Andrew Foster-Williams exhibe une vraie sensibilité, à défaut de posséder le grave abyssal qu’exige le rôle. Modèle de haute-contre, Emiliano Gonzalez Toro répond avec toutes les grâces requises à la Iole de Julie Fuchs, aussi adorable que Jaël Azzaretti dans une guirland e de chanrmantes silhouettes. Si le baryton à la plastique impeccable d’Edwin Crossley-Mercer triomphe en Philoctète, les personnages allégoriques et divins appeleraient des incarnations un peu mieux caractérisées et chantées.
Bien que la couleur des Talens Lyriques nous semble un peu claire lorsqu’il s’agit de faire souffler le grand vent de la targédie, Christophe Rousset dirige son monde avec une foi qui impose le respeect, un vrai sens de l’animation et de la danse – et il en faut ! Mais rien à faire : le marbre ne se transforme pas en chair. »