Les Amours de Protée

COMPOSITEUR Charles-Hubert GERVAIS
LIBRETTISTE Joseph de La Font

 

Opéra-ballet « à intrigue suivie », en trois actes et un prologue, sur un livret de Joseph de La Font (1686 – 1725), inspiré des Métamorphoses d’Ovide.

Il fut représenté à l’Académie royale de musique, le 23 mai 1720 (et non le 16 mai, date initialement prévue), avec une distribution réunissant : Mlle Mignier (Vénus), Mlle Person (L’Amour constant), Mlle Castelnaud (L’Amour volage) pour le prologue, Marie Antier (Pomone), Le Mire (Vertumne), Madeleine Tulou (Thérone), Thévenard (Protée), Murayre (Triton, un Amant volage). Parmi les danseurs, figuraient Françoise Prévost, Pierre Dumoulin, François-Antoine Malter et Antoine Laval.

Le succès fut tel qu’il y eut trente-huit représentations, jusqu’en avril 1721. Dès les premières représentations, La Font remania le troisième acte ; de son côté, Gervais ajouta un duo à la fin du prologue et, le 30 juillet, une cantate, Pomone, chantée à la dernière scène. Celle-ci était conçue pour mettre en valeur les qualités de Marie Antier.

Une reprise eut lieu du 7 et 26 septembre 1728, avec Mlle Eremans (Vénus), Dun (L’Amour constant), Mlle Julie (L’Amour volage) pour le prologue, Marie Antier (Pomone), Jean Dun (Vertumne), Marie Pélissier (Thérone), Claude-Louis-Dominique Chassé (Protée), Denis-François Tribou (Triton). Parmi les danseurs, on comptait Marie Sallé, la Camargo, Antoine Laval et David Dumoulin.

Une parodie sous le même titre, de Le Sage et D’Orneval, fut représentée – sans grand succès – à l’Opéra Comique de la Foire St Laurent, du 24 au 30 septembre 1728.

L’œuvre fut chantée devant la Reine en février 1731. Elle fut donnée en version de concert en province, notamment à Lille entre décembre 1739 et août 1743, et à Lyon, dans la salle du Jeu de Paume de la Raquette Royale, en 1742.

La musique fit l’objet d’une partition réduite par Jean-Baptiste-Christophe Ballard, dédiée à Philippe d’Orléans.

 

98me Opéra. C’est un Ballet en trois Actes, avec un Prologue entre Venus, l’Amour constant & l’Amour volage : les vers sont de La Font, & la musique de Gervais. Cet Opéra, représenté le 16 Mai 1720 pour la premiere fois, fut goûté, & a été repris en Septembre 1728 : il est imprimé en musi. partition in-4°. (de Léris – Dictionnaire des Théâtres)

 

Synopsis

Prologue

Dans l’île de Paphos

L’Amour constant et l’Amour volage, tous deux fils de Vénus, se querellent au sujet de leurs pouvoirs respectifs. Ne pouvant se départager, ils sollicitent l’arbitrage de la déesse. Vénus descend de son char et les réconcilie en leur commandant de faire un partage. Puis elle propose un spectacle pompeux : l’histoire de Vertumne et Protée.

Acte I

Les confins des Jardins de Pomone, bornés par la mer

La nymphe Thérone se lamente sur l’inconstance de Protée qu’elle aime sincèrement. Elle s’en ouvre à Pomone, la déesse des Fruits et des Jardins, et l’envvie d’aimer et d’être aimée fidèlement par Vertumne, le dieu des saisons. Pomone et Vertumne sont en effet secrètement destinés l’un à l’autre ; Thérone est seule à connaître leur hymen futur. La déesse promet de vanter les charmes de la nymphe auprès du Protée, dont le retour est attendu le jour même. Le char de ce dernier paraît alors sur l’onde, environné d’une troupe de Tritons. Le dieu marin, tant par ruse que par hypocrisie, prétend que son retour n’est dû qu’à son amour pour Thérone. Quiproquos. Une fête s’organise. Tandis que Tritons et Néréïdes dansent, Triton révèle que son maître ne revient en fait que pour les attraits de Pomone. Celle-ci avoue brûler pour un autre, sans toutefois dévoiler l’identité de son amant. Elle espère ainsi repousser les avances du héros éponyme. Protée ne peut alors réprimer sa jalousie : pour qui Pomone, à l’Amour si longtemps inaccessible, a-t-elle pu succomber? Les soupçons de Triton se portent rapidement sur Vertumne, en raison de son assiduité auprès la déesse des Jardins et de son air rêveur qu’inspire la tendresse. Protée saura pénétrer la vérité.

Acte II

Un bois consacré à Pomone. On y voit un trône élevé pour recevoir les prémices des fruits que les habitants de l’île lui présentent.

Pour s’assurer de l’identité de son rival, Protée a pris l’apparence de Vertumne mais craint de découvrir la vérité. Pomone paraît. Protée est agité. Quiproquos. Le prenant pour Vertumne, la déesse s’imagine que son amant est jaloux des déclarations publiques que Protée a proférées à son encontre. Elle lui renouvelle son amour et lui jure qu’elle saura accabler Protée de rigueur et de haine. Le trouble du dieu marin redouble d’intensité ; Pomone se méprend et chante les charmes d’un amant jaloux, dont les soupçons et les vives alarmes sont les garants de sa fidélité. Pour se venger, Protée, toujours sous les traits de Vertumne, déclare alors avoir cédé aux appas de Thérone, et que Pomone ne doit s’en prendre qu’à l’Amour. La déesse s’effondre et se sent abandonnée. Elle se vengera, mais doit d’abord endurer une fête en son honneur. Cependant, lorsque bergers et bergères évoquent le nom de Vertumne, elle renvoie la foule et interrompt le divertissement. Thérone se présente alors à sa vue. Autre méprise. Pomone ne peut contenir sa fureur plus longtemps. La nymphe, qui veut prouver sa bonne foi, lui affirme que son coeur est à Protée et promet d’éclaircir ce mystère dès ce jour.

Acte III

Dans les jardins de Pomone que Vertumne a ornés : on y voit des cartouches où sont les chiffres de Vertumne et de Pomone. La mer dans l’éloignement

Vertumne pleure sur son amour perdu, puis se met à la recherche de Pomone pour tenter, à genoux, de désarmer son courroux. Dans le même temps, Protée, toujours sous les traits de Vertumne, n’a de cesse d’importuner Thérone. Elle lui répète que Pomone veut le haïr toujours, et réitère son attachement pour Protée, malgré qu’il outrage ses feux. À cette marque d’amour, le héros semble perdre de son assurance et hésiter sur ses sentiments : il continue de poursuivre Thérone, non plus pour compromettre Vertumne aux yeux de Pomone, mais par amour pour la nymphe. Protée ne songe pas pour antant à reprendre sa vraie figure pour regagner le coeur de sa belle. Pomone, ayant surpris Thérone avec Protée/Vertumne, se sent outragée, crie vengeance et veut immoler sa rivale. C’est alors que le véritable Vertumne l’aperçoit et s’approche d’elle. Quiproquos. L’amant ne comprend rien à la situation et ne demande qu’à se justifier. Il interpelle Thérone, qui malheureusement, confirme les avances de celui-ci (en fait, celles de Protée déguisé) à son égard. Protée, ayant repris son identité, met fin à la confusion générale et dévoile son stratagème : il avait pris l’apparence de Vertumne. Mais touché de la constance, il lui rend son cœur. Un divertissement vient mettre un comble à la fin heureuse, et répond au débat du prologue : Qu’il est doux pour un cœur constant, De fixer un Amant volage !

(d’après Jean-Paul C. Montagnier – Charles-Hubert Gervais – Un musicien au service du régent et de Louis XV)

 

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