La Félicité

La Félicité

COMPOSITEUR François FRANCOEUR / François REBEL
LIBRETTISTE Pierre-Charles Roy

 

Ballet héroïque, sur un livret de Pierre-Charles Roy, dansé au Château de Versailles, les 16 (ou 17) et 24 mars 1745, puis à Paris.

L’Abondance, source du Bonheur, la Jeunesse, tems d’en jouir, le lieu on l’on voit ce que l’on aime, hors duquel il est si peu de beaux jours, voilà ce qui fait le tableau de la Félicité ».

Musique de François Francoeur et François Rebel, chorégraphie de Laval, compositeur des ballets de Sa Majesté.

 

Personnages et distribution :

Prologue : Le Page (le Chef des Saliens), Mlle Chevalier (Première Vestale), Mlle Coupé (la Félicité), Choeurs des Saliens, de Vestales & de Romains. Ballets : Saliens (Monservin, F. Dumoulin, P. Dumoulin, Pelletier, Caillez, Daangeville, Hamoche), Vestales (Mlle Carville, Mlles Rabon, Rozalie, Beaufort, Petit, Duchateau, Thiery).

Première entrée – Le Séjour de la Félicité : Mlle Le Maure (Philonide, Princesse Grecque), Jéliote (Mercure, sous le nom d’Idamante), Mlle Bourbonnois (Cyllenie, confidente de Philonide), Mlle Fel (la Prêtresse de la Fortune), Poirier (un Berger), Choeur de Prêtresses de la Fortune, Choeurs de Plaisirs, de Bergers, de Faunes & de Dryades. Ballets : Prêtresses de la Fortune (Mlle Camargo, Mlles Rabon, Rozalie, Erny, Petit, Carville, Lyonnois), Plaisirs (Dumay, Dupré, Javilliers-L., Javilliers-C., Levoir, Feuillade), Bergers et Bergères héroïques (Abraham : une Musette, Brunel : un Basson, Despreaux : un Hautbois, Matignon, Malter-C., Malter-L, Hamoche, Mlles Courcelle, S. Germain, Thiery, Beaufort), Faunes (Pitro, Gherardy, Device, Caillez, Pelletier, Dangeville, P-Dumoulin).

Deuxième entrée – Les Sources de la Félicité : Mlle Chevalier (Amaltée, Reine d’Etolie), Chassé (Aristée, Berger, fils du Soleil & de Cyrené), Mlle Coupé (Cérès), Mlle Bourbonnois (une Etolienne), Poirier (un Etolien). Ballets : Etoliens et Etoliennes (Dupré, Matignon et Mlle Lyonnois, Caillez, Feuillade, F-Dumoulin, Dangeville, Mlles Rabon, Rozalie, Erny, Petit), Moissonneurs (Gherardy, Laval et Mlle Puvignée, Levoir, Hamoche, P-Dumoulin, Malter-C., Mlles St Germain, Courcelle, Thery, Beaufort.

Troisième entrée – L’Âge de la Félicité : Mlle Le Maure (Hébé, fille de Protée, Roi d’Egypte), Le Page (Protée), Jélyote (l’Amour), Mlle Coupée (une Nymphe, compagne d’Hébé). Ballets : Nymphes compagnes d’Hébé (Mlle Camargo, Mlle Sallé, Mlle Le Breton, Mlles Rabon, Carville, St Germain, Courcelle, Erny, Rozalie, Thiery, Petit), L’Amour (D-Dumoulin), Suivants de Protée (Pitro, Malter-troisième, Monservin, Gherardi, Javillier-L., Javillier-C., Dumay, Dupré, Maatignon, Malter-C.).
Le Mercure de France d’avril 1746 consacra un long article à cet ouvrage : On a donné sur le Théâtre de Versailles le 16 & le 24 Mars dernier le Ballet de la Félicité, les paroles sont de M. Roy, Chevalier de l’Ordre de Saint Michel, la Musique de Messieur- Rebel & Francoeur Sur-Intendans de la Musique de sa Majesté.

La Cour atttendait que l’Auteur des Elément faits pour elle en 1711 , reparut dans une carrierre où il a des droits acquis par les succès. Ce dernier ouvrage est marqué au même coin de génie que Philomèle, Callhiroë, les Sens, les Grâces , le Ballet de la Paix etc. Le sujet est aussî bien rempli qu’heureusement choisi.

La Félicité paroît le plus digne objet à présenter au Monarque occupé de celle des peuples. L’Auteur sans proposer audacieusement ses idées comme les seules propres aux fêtes de la Cour, en tire l’avantage d’un éloge pour S. M. également neuf & naturel : éloge qui signale le Citoyen & le Poëte. Voici le projet du Ballet.

L’Abondance, source du bonheur, la jeunesse, tems d’en jouir, le lieu où l’on voit ce qu’on aime, hors duquel il est si peu de beaux jours. Voilà les trois parties qui achèvent le tableau de la Félicité ; l’Auteur a trouvé le secret d’y assortir trois sujets de Fable, inconnus au Théâtre Lyrique qui semble avoir épuisé la Mythologie. Ces fictions variées, soutenues de sentimens, dévelopent des caractères neufs & interessans. Chacune amène deux divertissemens. C’est une adresse singuliere pour épargner au spectateur l’ennui , d’entendre trop de scénes de fuite , ou de voir danser trop long-tems. C’est une adresse que M. Roy a marquée dans tous ses Ballets et qui pourroit servir de ressource & de règle.

Prologue

La victoire de Fontenoy tant de fois chantée a fourni encore de nouveaux tons à M. Roy ; il adapte à ce grand événement les jeux consacrés à l’Empereur Augufse, vainqueur d’une Reine puissante dans la journée d’Actium.

Première Entrée

Une Princesse éloignée de la Cour de Mycène, impatiente d’y retourner, irritée d’en perdre l’espérance, est guérie de l’ambition par la tendresse. Les délices du Tempé ne la consolaient pas. Le seul retour d’un amant la dédommage de ce qu’elle regrettait ; cet amant est le Dieu qui sous le nom d’Idamante avait conduit Paris chez Hélène. Le courtisan a toute la délicatesse et l’insinuation du Dieu de l’éloquence.

Le premier divertissement de cette entrée est une fête à la Fortune, fête qui n’est pas déplacée à la Cour.

La scéne de dénouement, où Idamante amène par degrés Philonide à renoncer aux plaisirs, aux grandeurs ; & à convenir

Qu’où l’on voit ce qu’on aime,

Ç’est le séjour de la Félicité.

Est maniée avec toute la dextérité que donne la connaissance du coeur humain. Mercure content de la victoire qu’il ne doit qu’à ses sentimens, et nullement à la divinitése découvre. Philonide sent tout le prix de sa conquête. Le Dieu appelle les Faunes et les Driades, ses premiers élèves en musique. Leur hommage forme le second divertissement.

Seconde Entrée

Cette entrée est une fiction de convenance, et appuyée sur des noms et des traits consacrés par la Fable. Amaltée, fille du Roy d’Etolie, et dépositaire de la corne d’abondance, c’est-à-dire, instrument de la Félicité publique, Aristée fils du Soleil et reconnu pour tel après le secours donné à sa Patrie, sont des partis dignes l’un de l’autre. Ce sujet n’est pas choisi au hasard, l’allusion est sensible.

L’action est tissue avec vraisemblance et simplicité ; Aristée ignore sa naissance. Elevé par les Nymphes de Cerès dans l’état pastoral, état qui n’était pas indigne de premiers Souverains, amoureux d’Amaltée, il la préfère à la Sirène fille d’Achelous, à l’Empire des pays qu’il a fertilisés, et que ce fleuve arrose.

On élève Amaltée au trône par le choix de Cerès qui lui impose de s’unir au fils du Soleil. L’attente de ce nouveau maître , flatteuse pour les peuples, accabl les deux amans sans les dégager. Leur constance augmente le péril. Achelous venge l’outrage fait à fa fille. Il soulève les flots et inonde les campagnes. Spectacle qui a été rendu d’une manière surprenante. Aristée se dévoue en victime à la fureur du Fleuve et court se précipiter.

Cette situation pathétique est fuivie d’une peripétie agréable, de l’apparition de Zéphirs, qui sur des globes de nuées chantent ces paroles.

Digne fils du Soleil, exercez sa puissance

Aristée il soumet les Zéphirs à vos lois.

Aristée use des droits de sa naissance ; il répare le ravage, relève les arbres, chasse les flots, toutes les richesses reparaissent. Amaltée le couronne ; les moissonneurs revenus de leur crainte viennent rendre grâce à leur bienfaiteur. Leur reconnaissance forme le second divertissement.

Troisième Entrée

Voici une Fable nouvelle, mais tracée d’après les métamorphoses. L’invention est heureuse et fondée, aussi a-t-elle paru supérieure encore à celles des deux premiers actes.

L’amour chargé par les Dieux de choisir une mortelle pour leur servir de nectar se détermine en faveur d’Hebé, fille de Prothée. Rien de plus raisonnable que l’inclination de l’amour pour la jeunesse. Il la doit conduire au Ciel. Suivant le langage des Poètes, la Cour des Rois est le Ciel. L’allégorie et délicate.

Hébé plus jeune que son âge,

S’amuse à tout & ne s’occupe à rien ;

La jeunesse pour elle est le suprême bien ;

Les troupeaux de Neptune errants sur ce rivage,

Une fleur ; un beau jour, l’aspect d’un vert feuillage.

Des danses, des chansons sont tout son entretien!

Tout est égal à son âme légère ;

Tout devant ses regards passe rapidement ;

Pour l’ennuyer, pour lui plaire,

Chaque objet n’a qu’un moment.

Ce font les paroles de Prothée dans la scène avec l’Amour, scène très riante qui met vis-à-vis l’un de l’autre les deux auteurs de tout prestige.

Hebé parle et agit conséquemment à l’idée qu’on a donnée d’elle. La vivacité, l’impatience dans les plaisirs, la distraction font un jeu charmant aux yeux du spectateur.

L’Amour, personnage inconnu à Hebé et aux Nymphes se mêle à leurs danses, excite la curiosité d’Hebé, danse à plufieurs reprifes en augmentant toujours de vivacité. Il la fixe, et la réduit à penser ; changement dont elle est étonnée : la Fête se retire ; à la déclaration muette, l’Amour fait succéder le détail des sentimens qu’Hébé ignore elle- même ; il lui rend raison de l’ennui qu’elle éprouve partout, du vide de tous les plaisirs, qui ne peut être rempli que par celui qui lui manque, Hébé qui a entendu chez son père des amantes se plaindre de leur sort, craint des chagrins nuisibles à ses charmes.

Que leur perte aujourd’hui me semblerait cruelle ;

Non je n’ai jamais tant souhaité d’être belle.

Aimez, vous le serez toujours, lui répondit Dieu ; ainsi du fond même du caractère d’Hebé part son consentement d’aimer. L’art imperceptible avec lequel cette scène est filée, la Métaphysique galante , et naïvement exprimée ont eu l’applaudissement universel.

Enfin l’aigle de Jupiter apporte le vase de nectar ; l’Amour le donne à la tendre Hébé ; Prothée qui survient , surpris de voir sa fille devenue sensible.

Ma fille, ô Ciel ? quel changement !

Toi qui fuyais l’Amour avec un soin extrême.

Il reçoit d’elle cette réponse sans réplique,

Il n’avait pas parlé lui même.

Le divertissement est la fête du Mariage. Tout ce qui est soumis à l’Amour célèbre son triomphe & les maximes d’Opéra si usées, prennent ici une nouvelle couleur.

 

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On sait que la Félicité avait un Temple à Rome, que les Saliens et les Vestales présidaient aux jeux. On sait aussi que les pièces de théâtre se représentoient dans les jeux Romains, témoin les Comédies de Térence : M. Roy emploie ce trait historique pour annonçer son Ballet.

Ainsi tout Poète imbu de l’antiquitésait enrichir sa Muse ; le nôtre avoit trouvé pour la convalescence du Roi les Augustales dans Suétone. Le public sent le prix de ces bonnes rencontres qui font aujourd’hui assez peu communes.

L’exécution de ce Ballet a fait honneur au goût de M. le Duc d’Aumont, Premier Gentilhomme de la Chambre. La protection des vrais talents est héréditaire à son illustre nom.

La magnificence des habits & des décorations est le fruit des soins de M de Cindré, Intendant des Menus, qui préfère à tout les occupations de sa charge & la remplit si dignement. (Mercure de France)