Que veut-elle nous dire, Juditha Triumphans ?

juditha marchi

 

Que veut-elle nous dire, cette « Juditha Triumphans« , avec ses yeux mi-clos, sa rose jaune aux lèvres, et ses cheveux ondulés en longues vagues ?

Veut-elle nous séduire, comme Juditha séduisit le méchant Holopherne, général en chef des armées assyriennes ?

Elle fait un peu peur, cette belle veuve rusée, surtout quand on sait comment elle décapita ledit général, après l’avoir fait boire plus que de mesure, et se paya le luxe de rapporter sa tête dans la ville juive de Béthulie, assiégée ! Cette scène d’horreur a inspiré les peintres de la Renaissance, qui ont pris goût à opposer la froide impassibilité de Judith, illuminée de ferveur religieuse, et la grossière agonie du rustre enivré.

Nous voilà avertis. Mais saurons-nous pour autant lui résister ?

Pas sûr ! car ce premier enregistrement de l’intégrale lyrique de Vivaldi par le label Opus 111 est une véritable merveille. Dès les premières mesures, on sent, on sait qu’on est face à un enregistrement d’exception. Les trompettes flamboient, le violon baroque ensorcelle, le clavecin ruisselle, les voix – Magdalena Kozena, Maria Jose Trullu – envoûtent, l’orchestre de l’Academia Montis Regalis, sous la direction de Alessandro De Marchi, abreuve de sonorités et de couleurs inattendues, le chœur aérien résonne avec éclat.

Comment ne pas succomber ! D’autant que le prix est des plus raisonnables. A moins de 200 francs les 3 CD, nul doute que Juditha vole vers de nouveaux triomphes.

Gageons que cet enregistrement prendra place dans la discographie vivaldienne au même rang que l’Orlando furioso de Claudio Scimone, injustement absent des « 30 disques pour découvrir l’opéra baroque » (Diapason – mai 2001).

Mais…coïncidence ! le revoilà cet « Orlando furioso ». Et pas tout seul.

Merveilleuse nouvelle, en effet, que celle de la réédition de la série Musifrance d’Erato, un des piliers de l’opéra baroque en disques.

A nous les « Phaëton », « Tancrède », « David et Jonathas », « Titon et l’Aurore », « Platée », « Boréades », « Amadigi », « Scylla et Glaucus », « Alcyone », « Dardanus », « Teseo ». A 150 francs pièce (environ), on va pouvoir compléter nos discothèques lyrico-baroques, redécouvrir l’opéra baroque français, et revivre l’époque bénie où Minkowski, Christie, Malgoire, Gardiner, Corboz partaient à la découverte de nouveaux trésors, et réveillaient de belles endormies.

L’exemple d’Opus 111 donnera-t-il des idées à d’autres labels ? A quand une intégrale des opéras de Lully, à quand la découverte des petits maîtres de la période s’étendant entre la mort de Lully et la maturité de Rameau ?

Jean-Claude Brenac – Octobre 2001