À la fin du XIXe siècle, qui, en France, connaît Palestrina, Jannequin, Monteverdi, Carissimi, Bach, Lulli, Rameau, et tant d’autres ? Beethoven, Berlioz, Gounod, Wagner, l’opéra meyerbeerien et italien, quelques mélodies de Schubert et de Schumann, toujours les mêmes, quelques airs de Gluck et de Mozart, un peu de Haaydn, fort peu de Bach. Et c’était tout. Au delà commençait le vide. Il semblait que la musique, et la musique française en particulier, fût un art sans origines, sans continuité, dont tout le passé était négligeable, ou perdu dans le néant…
C’est dans ces ténèbres qu’un homme va entreprendre de ramener à la lumière les maîtres d’un passé ignoré, voire dédaigné, et de ressusciter tout un peuple de chefs d’oeuvre.
Né en 1863 à Rochecorbon, près de Vouvray et de Tours, Charles Bordes étudie le piano avec Marmontel et la composition avec César Franck. A vingt-quatre ans, il devint maître de chapelle à Nogent sur Marne, puis, trois ans après, à Paris, à l’église Saint-Gervais. Il met sur pied une chorale, les Chanteurs de Saint-Gervais, qui se fait connaître en ressuscitant le répertoire polyphonique sacré et profane des maîtres français et étrangers des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Ainsi vient-on écouter et découvrir à Saint-Gervais Palestrina, Roland de Lassus, Vittoria, Clément Jannequin, Guillaume Costeley.


Mais c’est surtout à Rameau que s’attachent les animateurs de la Schola, comme le compositeur le mieux à même de représenter le génie français du XVIIIe siècle : La Guirlande (*), Castor et Pollux et Zoroastre en 1903, Les Indes galantes en 1907, Hippolyte et Aricie en 1908, donné à l’Opéra sous la direction d’André Messager, dans une révision de Vincent d’Indy, avec Lucienne Bréval dans le rôle de Phèdre.

Charles Bordes mourut peu après, à Toulon le 8 novembre 1909.
Et aujourd’hui, cet homme qui ressuscita tant et tant de chefs d’oeuvre est – hélas – à son tour bien oublié. Il méritait bien ce modeste hommage.
Jean-Claude Brenac – Mars 2008
d’après « De Rameau à Ravel » – Pierre Lalo – 1947, d’où sont extraites toutes les citations
(*) C’est pendant cette représentation qu’un spectateur se leva et proclama « Vive Rameau, à bas Gluck ! », proclamation reprise par Debussy dans son Monsieur Croche, antidilettante.