Beau temps pour l’opéra baroque !

Alors que les nouvelles provenant des grands éditeurs de disques classiques, les fameuses  » majors « , ne sont pas des plus encourageantes, les enregistrements d’opéra baroque – récents ou annoncés – n’ont jamais été aussi nombreux. Et, pour autant que l’on puisse en juger, la qualité ne cède en rien à la quantité.

Depuis le début de l’année, la moisson est riche en CD – « Persée », la « Senna festeggiante » et « Farnace », « Hercules », et même une rareté, « Memet » de Sammartini. En DVD, le catalogue d’opéra baroque commence à se constituer, avec une reprise à San Francisco de l' »Orlando furioso » mis en scène par Pizzi – avec Marilyn Horne dans un de ses rôles-culte -, « Alcina » et le tout récent « Tamerlano » dirigé par Trevor Pinnock.

Les CD et DVD ne doivent pas faire oublier deux évènements bibliographiques : le dernier Beaussant – un commentaire passionnant de l’Orfeo – et le Lully – une somme de 800 pages ! – de Jérôme de La Gorce.

Revenons aux CD où les annonces se multiplient. Haendel et Vivaldi seraient-elles les valeurs sûres du moment ? Au premier un « Aci, Galatea et Polifemo » très attendu, chez Virgin Veritas. Dommage que cet enregistrement qui devait marquer l’entrée de Natalie Dessay dans la discographie de l’opéra baroque, et la consécration pour Emmanuelle Haïm, ait été tellement retardé, Natalie Dessay laissant finalement la place à Sandrine Piau.

Farao Classics prévoit un « Giulio Cesare » bavarois, dans la lignée de Xerxes. De son côté le label Avie – ex Avante – nous proposera bientôt le « Tamerlano » de Trevor Pinnock, qui n’avait pas complètement convaincu lors de son passage à Paris en juin 2001. Mais c’est surtout le « Rinaldo » de René Jacobs qui suscite l’intérêt, avec une distribution alléchante, notamment la nouvelle  » star « , Vivica Genaux. La comparaison avec la version récente – et unanimement applaudie – de Christopher Hogwood devrait être passionnante.

Haendel, dit-on, n’a pas fait que des chefs d’œuvre. Mais il est réconfortant de constater que, délaissant les valeurs sûres, certains chefs – et certains éditeurs – n’hésitent pas à redonner leur chance à des opéras délaissés. Même si son « Admeto » récent n’a pas vraiment fait l’unanimité, espérons qu’Alan Curtis réussira à réveiller « Deidamia », le dernier opéra italien de Haendel, qui s’était endormi après seulement trois représentations, ainsi que « Tolomeo ». De leur côté, les Anglais de l’Early Opera Company ressusciteront « Atalanta ».

Côté Prêtre Roux, après le retentissant « Juditha Triomphans », à peine avait-on repris notre souffle en nous laissant bercer aux sons de la serenata la « Senna festeggiante », que Jordi Savall est venu créer la sensation avec « Farnace ». Cette incursion dans un répertoire inhabituel au grand gambiste aura-t-elle des lendemains ? On le souhaite !

Mais d’autres annonces nous tiennent en éveil : le « Catone in Utica » de Malgoire qui avait enthousiasmé l’Opéra comique, et le fameux cycle d’Opus 111, avec dans un premier temps, « La Verita in Cimento » dirigé par le bouillant Jean-Christophe Spinosi, et « Olimpiade », dirigé par Rinaldo Alessandrini, qui sera enregistré au Festival de Beaune. Vivaldi encore avec Alan Curtis, toujours défricheur de terra incognita, avec un projet de « Giustino ».

La liste n’est pas close. Il faut mentionner aussi Rameau, avec le « Zoroastre » de William Christie, qui viendra enfin rajeunir une discographie au point mort depuis 1983, Scarlatti, avec – enfin ! – l’enregistrement de la « Griselda » dont on n’avait pu entendre, en France, que la version de concert.

Bien sûr, les esprits chagrins se plaindront du sommeil pesant dans lequel sont laissés de nombreux compositeurs de grand talent. Rien à l’horizon pour les quatre cents ans de la naissance de Cavalli, ni pour ceux de l' »Euridice » de Caccini. L’opera seria est toujours tenu dans le mépris : Porpora, Hasse et d’autres figureront encore longtemps aux abonnés absents de la discographie.

Mais ne boudons pas notre plaisir. L’opéra baroque semble devenir une valeur sûre, et nul doute que d’autres béatitudes nous attendent.

Jean-Claude Brenac – Juin 2002